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Introduction
omme la plupart des jeunes économistes en devenir au début des années 1960,
j’ai été confronté à un régime drastique d’économie néoclassique lorsque j’étais
étudiant à l’université en Allemagne, en Angleterre et en France. Cette forme
d’analyse économique apportait de nombreux instants de satisfaction. Un peu de
mathématiques et de déduction géométrique à partir d’hypothèses établies rapidement
m’apportait des réponses satisfaisantes. Le croisement des courbes d’offre et de
demande pouvait être utilisé pour examiner les innombrables marchés et situations du
monde réel. L’équilibre macroéconomique des marchés du capital, des facteurs et des
produits se rétablissait de manière fascinante dans les modèles lorsqu’un changement
externe venait « perturber » cet équilibre.
Certains de mes professeurs universitaires – je sais seulement avec le recul qu’ils étaient
« Autrichiens » – ont semé des graines presque imperceptibles dans mon esprit à propos
de l’orthodoxie néoclassique, qui était superficielle mais fascinante. À quel point était-il
réaliste de supposer la « connaissance parfaite », alors que les économistes qui faisaient
cette hypothèse ne connaissaient même pas la date de leur propre mort ? Nous
débattions de tout cela sur le campus autour d’une bière et nous essayions d’imaginer
ce qui se produirait si tout le monde était ignorant dans une certaine mesure. Une
véritable révélation s’est imposée à moi lorsque je suis tombé sur une conférence de
l’économiste Américano-Autrichien-Britannique Friedrich A. Hayek, qui disait à une
audience d’étudiants en 1968 à l’Université de Kiel en Allemagne, où j’avais entrepris
certaines de mes études, que la concurrence entre les marchés était en réalité un
processus de découverte (sa conférence a été publiée plus tard en anglais : Hayek, 1978).
Au cours de mes derniers semestres de premier cycle, les écrits d’un autre ex-
Autrichien, Joseph A. Schumpeter, sur l’innovation et la recherche de l’information,
m’ont définitivement sevré de mon enchantement initial béat devant l’orthodoxie
néoclassique (Schumpeter, 1961). Avoir grandi au sein d’un foyer qui vivait d’une petite
entreprise m’avait sans doute rendu réceptif à de telles idées.
Ma carrière, d’abord comme assistant de recherche avec le nouveau Conseil allemand
des experts économiques et bientôt comme apprenti-chercheur sur les questions de
développement économique, m’a vite appris que l’approche néoclassique de l’économie
était parfois utile, mais qu’elle était généralement très limitée, irréaliste voire
trompeuse. La théorie dominante du développement économique alors en vigueur