L Kyste hydatique primitif de la cuisse : une tumeur inhabituelle

CAS CLINIQUE
30 | La Lettre du Rhumatologue No 401 - avril 2014
Kyste hydatique primitif de la cuisse :
une tumeur inhabituelle
des parties molles
Primary hydatid cyst of the thigh: an unusual tumor of soft tissues
H. Zejjari, T. Cherrad, H. Kasmaoui, M. Chakoura, J. Louaste, K. Rachid*
* Service de chirurgie orthopédique et traumatologique de l’hôpital militaire
Moulay-Ismail, Meknès, Maroc.
L
es kystes hydatiques (KH) des parties molles restent rares,
même dans les pays endémiques, où leur fréquence est
estimée à près de 3 %. Leur caractère souvent asymptoma-
tique et leur évolution lente rendent leur diagnostic tardif. Ce
dernier repose sur les données de l’interrogatoire, de la clinique
et de l’imagerie. Le traitement est essentiellement chirurgical.
Nous rapportons un cas rare de localisation primitive et isolée
d’un volumineux kyste hydatique sous-cutané de la cuisse.
Observation
Une patiente âgée de 38 ans, d’origine rurale, n’ayant aucun
antécédent, consulte pour une tuméfaction de la face postéro-
externe de la cuisse gauche apparue depuis 1 an et demi et aug-
mentant progressivement de volume. La patiente est apyrétique,
son état général est parfaitement conservé. Il est possible de
palper une volumineuse masse (10 × 5 cm) de la face postéro-
externe de la cuisse gauche sous-cutanée, indolore, rénitente
et peu mobile, avec une peau normale en regard. Il n’y a pas de
signes de compression nerveuse ou vasculaire. Le reste de l’examen
est normal. Les radiographies standard de la cuisse sont sans
anomalie. Léchographie évoque fortement un KH car il s’agit
d’une formation sous-cutanée, bien délimitée, kystique multi-
cloisonnée, anéchogène, refoulant les masses musculaires de la
loge postérieure de la cuisse. La TDM confi rme le diagnostic en
montrant une masse kystique multicloisonnée en contact avec le
plan musculaire qu’elle refoule et comprime (fi gure 1).
Une radiographie pulmonaire, une échographie hépatique et
un hémogramme n’ont pas montré d’anomalie, d’hyper éosino-
philie notamment. La sérologie hydatique est négative. La
patiente bénéfi cie d’une exérèse chirurgicale “monobloc” du
kyste (figures 2 et 3). Lexamen anatomopathologique confi rme
le diagnostic de KH. La surveillance clinique et radiologique n’a
pas mis en évidence de récidive locale ou d’apparition d’autres
localisations.
Discussion
Léchinococcose est une parasitose touchant aussi bien l’homme
que de nombreux mammifères. Le chien est l’hôte définitif.
L’infestation de ce dernier se fait par ingestion de viscères conta-
minés (foie, poumon) de mouton, qui est l’hôte intermédiaire.
Celui-ci, principal réservoir du ténia Echinococcus granulosus,
se contamine en broutant l’herbe souillée par les déjections
du chien contenant les œufs du parasite. L’homme n’est qu’un
hôte intermédiaire accidentel qui s’infecte soit directement au
contact du chien, soit indirectement par ingestion d’aliments
souillés. Il constitue une impasse épidémiologique.
La localisation solitaire du KH dans le tissu sous-cutané est
exceptionnelle. La fréquence de la localisation sous-cutanée pri-
maire du KH est de 2,3 % des échinococcoses en zone d’endémie.
Il est difficile d’expliquer comment la larve peut traverser les
2 filtres hépatique et pulmonaire pour former un kyste solitaire
sans localisation viscérale associée. La voie portale est la seule
voie de dissémination de la larve prouvée chez l’homme. Une
dissémination par voie lymphatique serait possible.
Le patient est souvent asymptomatique mais présente une
tuméfaction des parties molles augmentant progressivement de
volume, sans altération de l’état général. Le KH des parties molles
peut simuler un lipome, un hématome calcifié, une tumeur
bénigne ou maligne ou encore un abcès en cas de fissuration
ou de surinfection. La sérologie hydatique est peu sensible pour
les localisations des tissus mous, avec de nombreux faux négatifs.
Cependant, cette sérologie peut être utile pour la surveillance du
CAS CLINIQUE
Figure 2. Pièce d’exérèse intacte d’un volumineux kyste hydatique
sous-cutané.
Figure 3. Pièce d’exérèse d’un volumineux kyste hydatique avec
de multiples vésicules filles à l’ouverture du kyste.
Figure 1. Coupe scanographique transversale de la cuisse montrant
l’aspect patho gnomonique du kyste hydatique (multicloisonné).
La Lettre du Rhumatologue No 401 - avril 2014 | 31
traitement lorsqu’elle est positive. La radiographie standard
peut mettre en évidence une calcification intrakystique en
cas de kyste “vieilli”. Léchographie est l’examen de choix
pour le diagnostic, avec une fiabilité estimée à 95 %, mais
la tomodensitométrie permet une analyse plus fine, surtout
pour les kystes “profonds”. L’IRM est utile pour évaluer la
vitalité du kyste en montrant l’hypersignal des vésicules
“filles” en séquences pondérées T2. Le rehaussement périkys-
tique, après injection de gadolinium, permet le diagnostic
de l’hydatidose des tissus mous.
Le traitement du KH solitaire sous-cutané est chirurgical.
La chirurgie doit être prudente, car il faut éviter l’ouver-
ture du kyste pendant la dissection. Il est nécessaire de
protéger le champ opératoire par une solution de sérum
salé hyper tonique et/ou d’eau oxygénée dès l’abord chirur-
gical. Lexérèse en monobloc avec périkystectomie totale
est le procédé idéal, mais pas toujours réalisable, surtout si
le kyste est volumineux, profond, en contact avec les élé-
ments vasculo nerveux. Le traitement médical par des dérivés
imidazolés, contrairement à l’hydatidose osseuse, a peu de
place dans le traitement du KH des parties molles. Il est
prescrit comme adjuvant à la chirurgie, notamment dans les
KH fissurés ou récidivants après chirurgie. Certains auteurs
le réservent aux cas inopérables. Dans notre observation, le
traitement chirurgical a été suffisant.
Conclusion
Le KH solitaire sous-cutané est exceptionnel. Le kyste
peut atteindre un volume très important. Le traitement
est chirurgical, mais le meilleur moyen pour lutter contre
la maladie hydatique, quelle que soit sa localisation, reste
la prévention.
Mseddi M, Mtaoumi M, Dahmene J et al. Kyste hydatique musculaire.
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