Ils sont traités comme des criminels.
La RDC fait taire des voix discordantes pendant la période préélectorale
Index: AFR 62/2917/2015 Amnesty International novembre 2015
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« C’EST LA JUSTICE INSTRUMENTALISÉE. NOUS
AVONS PERDU TOUS NOS REPÈRES… »
Épouse d’un prisonnier d’opinion, Kinshasa
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SYNTHÈSE
À l’approche des élections présidentielles en République démocratique du Congo (RDC), des
membres de la majorité présidentielle ainsi que de l’opposition, des chefs religieux et des
militants demandent à ce que le président Joseph Kabila se retire en novembre 2016 à la fin
de ses deux mandats constitutionnels. Parallèlement, le gouvernement a intensifié la
répression contre ceux qui expriment ces opinions.
Le président Kabila reste ambigu sur ses intentions pour 2016. Il n’a confirmé ni son projet
de se retirer, ni celui de se représenter. Les élections présidentielles et législatives sont les
dernières d’une série de six jours de scrutins qui doivent se tenir avant le mois de novembre
2016. Les retards pris dans la préparation des élections ont renforcé les craintes que le
président Kabila ou ses proches puissent reporter les élections afin d’obtenir un
« glissement » du calendrier électoral qui pourrait déclencher une crise constitutionnelle.
Ce rapport fait état de la répression exercée par le gouvernement de la RDC sur les
responsables politiques et les militants qui s’expriment publiquement ou qui se mobilisent
de façon pacifique face à ces évolutions. Ce rapport met en lumière la politique
d’arrestations arbitraires, de détentions au secret prolongées menées par l’Agence nationale
de renseignements (ANR) et de procès basés sur des accusations falsifiées ou illégales qui
violent les droits à la liberté, à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique.
Amnesty International a conduit des recherches approfondies à Kinshasa, capitale de la RDC,
en juin et septembre 2015 afin d’élaborer ce rapport. Celui-ci s’appuie sur des entretiens
menés auprès des membres de la famille et des avocats de huit détenus politiques dont les
cas sont décrits dans le rapport, auprès également de victimes d’arrestations arbitraires, de
responsables du gouvernement, de représentants d’organisations nationales et internationales
de défense des droits humains, de responsables des Nations unies et de diplomates
étrangers. Amnesty International a recueilli des informations supplémentaires lors
d’entretiens téléphoniques et à partir de recherche documentaire menée entre janvier et
octobre 2015.
Trois responsables politiques, dont les cas sont présentés dans ce rapport, ont été arrêtés
après qu’ils se soient prononcés publiquement contre un éventuel troisième mandat du
président Kabila. Parmi eux, le député de l’opposition Jean-Bertrand Ewanga, qui est aussi
secrétaire général du parti l’Union pour la nation congolaise (UNC), a été condamné à un an
de prison pour offense au chef de l’État, aux présidents du Sénat et du Parlement et au
Premier ministre. Deux autres responsables politiques, Jean-Claude Muyambo et Vano
Kiboko, se sont également prononcés contre un troisième mandat alors qu’ils étaient encore