La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 4 - avril 2007
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Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy)
et C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris)
Le panel de lignées du NCI
est de retour !
Venez lui rendre visite
dans Nature Medicine
et autres lieux…
Établi vers la fin des années 1980
et opérationnel depuis 1990, le
panel du National Cancer Institute
(NCI) est une collection de 60 lignées
tumorales humaines mises en place
pour servir de crible primaire à l’éva-
luation de molécules anticancéreuses.
Force a été de constater, dix ans après,
que cet espoir était vain. Alors que
les approches ciblant l’oncogenèse,
que développent les laboratoires
pharmaceutiques industriels et les
équipes académiques, parvenaient
à renouveler tant les concepts que
l’arsenal thérapeutique, le criblage in
vitro se révélait incapable de fournir
des molécules nouvelles. Une masse
impressionnante de résultats, d’accès
public tant que ne s’y oppose pas la
propriété industrielle, semblait donc
destinée à végéter sur le site du NCI.
Mais rien nétait perdu ! Dès 1995,
certains groupes recherchaient dans
le panel telle ou telle caractéristique
moléculaire susceptible de jouer un
rôle déterminant dans la chimiosensi-
bilité : expression du gène MDR1 et de
la glycoprotéine P, mutations de p53,
et bien d’autres. La mise à la dispo-
sition des chercheurs des systèmes
d’analyse de l’expression génique
à haut débit (microarrays) permet-
tait d’alimenter le site en données
nouvelles dans lesquelles pouvaient
puiser tous les groupes intéressés par
les relations entre gènes et chimiosen-
sibilité. Nous nous essayâmes d’ailleurs
à ce jeu de la recherche in silico pour
comparer les déterminants de la
cytotoxicité des sels de platine (1).
Une série d’approches bio-informati-
ques furent tentées avec succès sur le
plan méthodologique, mais livrèrent
peu d’informations nouvelles. Le jeu
semblait quelque peu trop théorique
jusqu’à ce que soient publiées de
nouvelles données, concernant non
seulement l’expression des gènes,
mais aussi leur structure et leur état
mutationnel et polymorphique (2, 3),
et jusqu’à une approche courageuse
reprenant les données d’expression
génique déjà disponibles mais béné-
ficiant de nouveaux outils et de possi-
bilités nouvelles de stricte validation :
c’est cette approche que je voudrais
présenter ici.
Ce résultat, publié en novembre
2006, est exemplaire : à partir des
données puisées dans la base du
NCI, les auteurs définissent une
signature de réponse” au docétaxel,
faite de 50 gènes, puis valident cette
signature grâce à d’autres bases de
données in vitro disponibles, ainsi
qu’en situation clinique en utilisant
des données publiées. Dans tous les
cas, la signature est validée et permet
de distinguer patients répondeurs et
non répondeurs dans 85 à 92 % des
cas. Réciproquement, ils identifient
une signature de réponse clinique
au docétaxel qu’ils valident avec les
données in vitro de la base du NCI,
les deux signatures montrant dailleurs
un chevauchement important. Cest
presque trop beau !
Généralisant cette approche, les
auteurs mettent ensuite en place des
signatures de réponse à divers médi-
caments (topotécan, doxorubicine,
étoposide, 5-fluorouracile, paclitaxel,
cyclophosphamide), signatures qu’ils
valident sur des bases de données in
vitro publiquement accessibles. Mieux,
à partir de données cliniques (cancers
du sein traités par paclitaxel/FEC), les
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et C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris)
répondeurs peuvent être identifiés à
partir d’une combinaison de signatures
de réponse pour chaque médicament
séparément. Il semble donc possible
d’utiliser les signatures de réponse
in vitro à des agents anticancéreux
pour prédire la réponse individuelle
à la mono- ou à la polychimiothérapie.
Cest là une avancée considérable et
un ensemble de résultats réellement
inespérés. La prescription moléculaire
des traitements anticancéreux est pour
demain… si une étude prospective
vient valider ce travail !
J. Robert,
Institut Bergonié, Bordeaux
Références bibliographiques
1. Vekris A, Meynard D, Haaz MC et al.
Molecular determinants of the cytotoxicity of
platinum compounds: the contribution of in
silico research. Cancer Res 2004;64:356-62.
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the NCI-60 cell line set. Mol Cancer  er 2006;
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3. Le Morvan V, Bellott R, Moisan F et al. Rela-
tionships between genetic polymorphisms and
anticancer drug cytotoxicity vis-à-vis the NCI-
60 panel. Pharmacogenomics 2006;7:843-52.
>
Potti A, Dressman HK, Bild A et al. Genomic
signatures to guide the use of chemotherapeu-
tics. Nat Med 2006;12(1):294-300.
Une étude de phase II
du cétuximab dans
des cancers colorectaux
métastatiques réfractaires
à l’irinotécan, à l’oxaliplatine
et aux  uoropyrimidines
L
a sélection du récepteur à l’EGF
(EGFR) comme cible dans la
thérapie des cancers colorectaux
reflète son expression ubiquitaire et
son association avec différentes carac-
téristiques biologiques contraires. Le
cétuximab est un anticorps mono-
clonal dirigé contre le domaine
de fixation du ligand de l’EGFR. Il
empêche ainsi la fixation du ligand
et inhibe l’activation du récepteur.
En bloquant cette voie de signalisa-
tion, le cétuximab inhibe la prolifé-
ration cellulaire, langiogenèse et le
processus métastatique, et active
l’apoptose. Lactivité du cétuximab
a été évaluée essentiellement en
combinaison avec différents agents
cytotoxiques. Cette étude multicen-
trique évalue l’activité du cétuximab
en monothérapie (dose de charge de
400 mg/m
2
, puis dose hebdomadaire
de 250 mg/m2), et non pas en combi-
naison, dans des cancers colorectaux
(CRC) métastatiques réfractaires à
l’irinotécan, à l’oxaliplatine et aux
fluoropyrimidines. Elle est valorisée
par une étude pharmacocinétique
et par la recherche de déterminants
biologiques de l’activité : séquençage
du domaine tyrosine kinase (TK) du
gène de l’EGFR et détermination du
nombre de copies du gène.
Sur un total de 516 patients initiale-
ment proposés, 346 patients répon-
dant aux critères d’éligibilité ont été
inclus. Le taux de réponse a été de
12 %, avec une durée médiane de
réponse de 4,2 mois ; 30 % des patients
ont été stabilisés. La survie médiane
sans progression a été de 1,4 mois et
la survie globale de 6,6 mois. La survie
globale était étroitement corrélée à la
présence et à la sévérité des éruptions
cutanées, avec une survie médiane
de 1,7 mois lorsque aucune toxicité
cutanée nétait présente, de 4,9 mois
lorsque les éruptions avaient été
de grade 1 et de 9,4 mois pour les
grades 2 et 3. Les concentrations
sériques maximales et minimales
de cétuximab ont été relativement
constantes au cours du traitement,
et la variabilité individuelle modérée.
Les exons 18, 19 et 21 du gène de
l’EGFR tumoral ont été entièrement
séquencés sur 39 échantillons de
patients, sur les 346 patients inclus
initialement. Aucune des mutations
du domaine TK de l’EGFR connues
pour être associées à certains cancers
du poumon et à leur réponse aux inhi-
biteurs de TK na été détectée, ce qui
suggère que ces mutations ne sont
pas oncogéniques pour les cancers
colorectaux. Le nombre de copies du
gène EGFR a été déterminé dans des
échantillons tumoraux de 34 patients.
Aucune relation entre le nombre de
copies du gène et la réponse ou la
survie sans progression n’a été mise
en évidence.
Cet essai de phase II montre que le
cétuximab en monothérapie présente
une activité notable sur les cancers
colorectaux métastatiques réfrac-
taires aux traitements classiques. La
toxicité cutanée constitue le meilleur
facteur prédictif de la survie ; ni la
pharmacocinétique du cétuximab ni
les caractéristiques moléculaires de
l’EGFR tumoral ne sont des détermi-
nants prédictifs de la réponse ou de
la survie.
V. Le Morvan,
Institut Bergonié, Bordeaux
>
Lenz HJ, Van Cutsem E, Khambata-Ford S
et al. Multicenter phase II and translational study
of cetuximab in metastatic colorectal carcinoma
refractory to irinotecan, oxaliplatin, and fluoro-
pyrimidines. J Clin Oncol 2006;24:4914-21.
Des gènes de cancer
par douzaines…
L
es moyens offerts par l’analyse
génomique à haut débit et la bio-
informatique permettent enfin d’envi-
sager l’identification de l’ensemble des
altérations oncogéniques présentes
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dans une tumeur donnée. Un travail
qui servira de pierre angulaire à cette
identification a été récemment publié
par l’équipe de Bert Vogelstein au
Johns Hopkins Medical Institute de
Baltimore. Lanalyse de 13 000 gènes
dans 11 cancers colorectaux et autant
de cancers du sein a pu être réalisée,
et le nombre d’altérations oncogéni-
ques s’est révélé être beaucoup plus
élevé que prévu : 90 gènes mutants
en moyenne par tumeur ! On savait
expérimentalement que trois altéra-
tions oncogéniques au moins étaient
nécessaires pour transformer une
lignée fibroblastique normale en
lignée cancéreuse et tumorigène :
dans le travail princeps de l’équipe
de Robert Weinberg (1), il s’agissait
de la mutation de RAS, de la perte de
fonction de RB1 et de la réactivation
de la télomérase. On attendait un tel
nombre d’altérations dans chaque
tumeur spontanée !
Quelques chiffres : ce travail a utilisé
135 000 paires de primers, couvrant
21 Mbases de séquences géniques
représentant 120 000 exons provenant
de 15 000 transcrits. Trois millions de
produits de PCR ont été séquencés,
soit 465 Mbases pour les 22 tumeurs
analysées dans un premier temps,
révélant près de 800 000 changements
nucléotidiques. Une fois soustraits
ceux qui nont pas de conséquence
sur la séquence protéique, les faux-
positifs évidents, les variations germi-
nales (polymorphismes connus ou
nouveaux), on obtient 1 672 muta-
tions somatiques dans 1 149 gènes.
Une analyse plus fine permet d’af-
fecter à chaque mutation la proba-
bilité qu’elle soit impliquée dans
l’oncogenèse : restent alors 189 alté-
rations dans des “gènes de cancer,
122 pour les cancers du sein et 69
pour les cancers colorectaux. Chaque
cancer du sein renferme 4 à 23 de ces
altérations, chaque cancer colorectal
en contient 3 à 18, chaque spécimen
individuel ayant sa propre signature
mutationnelle, aucun nayant plus
de 6 mutations en commun avec un
autre.
Les fonctions les plus fréquentes de
ces “gènes de cancer” concernent
l’adhésion cellulaire et la motilité, la
transduction des signaux, la régula-
tion transcriptionnelle, le transport
transmembranaire. De nombreux
gènes qui navaient jusque-là jamais
été soupçonnés d’avoir un lien avec
le cancer ont ainsi été identifiés et
vont ouvrir de nouvelles voies de
recherche. Par ailleurs, les gènes
mutés dans les cancers colorectaux
sont distincts de ceux mutés dans les
cancers colorectaux pour la grande
majorité, et le type de mutations
rencontrées est également différent :
par exemple, les transitions C:G>T:A
sont beaucoup plus fréquentes que
les transversions dans les cancers
colorectaux, alors que ce nest pas
le cas dans les cancers du sein. Cela
témoigne de mécanismes distincts
de cancérogenèse et, là encore, cela
ouvre de nouvelles perspectives de
recherche. Enfin, l’extrême diversité
dans l’histoire naturelle de chaque
cancer et dans le processus de muta-
tion-sélection permet de comprendre
pourquoi il est si difficile de corréler
le comportement, le pronostic ou la
réponse au traitement des cancers à
la présence ou à l’absence d’une alté-
ration génétique donnée : chacune
d’elles ne représente qu’une facette
du profil mutationnel du cancer
considéré.
Les données de cet article, sans doute
l’un des plus importants de la décennie
pour la cancérologie, définissent ainsi
le “paysage génétique” de deux types
majeurs de cancers, apportent de
nouvelles pistes de recherche fonda-
mentale et appliquée, et fournissent
de nouvelles cibles potentielles pour
le diagnostic et la thérapeutique.
J. Robert,
Institut Bergonié, Bordeaux
Référence bibliographique
1. Hahn WC, Counter CM, Lundberg AS et al.
Creation of human tumour cells with defi ned
genetic elements. Nature 1999;400:464-8.
>
Sjoblom T, Jones S, Wood LD et al. The
consensus coding sequences of human breast and
colorectal cancers. Science 2006;314:268-74.
Les polymorphismes
des gènes des systèmes
de réparation de l’ADN sont
associés à la survie
des patients atteints
de cancer du poumon non
à petites cellules traités par
la combinaison cisplatine/
gemcitabine
I
l existe de nombreux gènes de
réparation de l’ADN chargés de
l’élimination des lésions, en parti-
culier des adduits covalents. Ils se
répartissent en plusieurs systèmes
spécialisés : réparation par recom-
binaison après cassure double brin,
réparation par excision de nucléotide
(NER), par excision de base (BER)
ou par recombinaison non homo-
logue. Des SNP (single nucleotide
polymorphisms) peuvent affecter la
fonctionnalité de ces gènes en alté-
rant la structure ou l’abondance des
protéines qu’ils codent, et modifier
par conséquent à la fois le risque de
survenue de certains cancers causés
par des cancérogènes chimiques
et l’efficacité des médicaments qui
précisément endommagent l’ADN
des cellules tumorales. Un déficit en
Les articles publiés dans La Lettre du Cancérologue le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction par tous procédés réservés pour tous pays.
Edimark SAS © mai 1992 - Imprimé en Fance - Point 44 - 94500 Champigny-sur-Marne - Dépôt légal : à parution
Sont routés avec ce numéro :
- un Infos Congrès (8 pages) intitulé : “Actualités ibandronate au GEMO” ;
- un fl yer ASCO 2007.
Un Infos Congrès (8 pages) intitulé : “Actualités sur le létrozole à Saint-Gall” est encarté au centre de ce numéro.
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activité de réparation peut en effet
se traduire par une augmentation de
la chimiosensibilité. Les auteurs ont
étudié les relations entre la présence
d’un polymorphisme dans plusieurs
gènes de réparation ou liés à l’in-
flammation, d’une part, et la survie
des patients atteints d’un cancer
du poumon non à petites cellules
(CBNPC), d’autre part.
Cent trente-cinq patients, atteints
de CBNPC de stades IV et IIIB et
traités avec l’association cisplatine +
gemcitabine, ont été génotypés pour
14 polymorphismes dans 13 gènes au
total : XRCC3 (réparation par recom-
binaison), ERCC1 et ERCC2 (nucleo-
tide excision repair), XRCC1 (base
excision repair), ligase IV (recombi-
naison non homologue), TP53, RRMI,
COX2, IL-6, PPARγ, EGF, MTHFR,
MTR. La survie de ces patients a été
étudiée en fonction de chaque géno-
type identifié.
La survie globale est significative-
ment augmentée chez les patients
présentant un polymorphisme du
codon 241 de XRCC3 (Thr > Met) :
les homozygotes variants Met/Met
ont une survie médiane de 16 mois,
alors que celle-ci est de 10 mois
pour les hétérozygotes Thr/Met et
de 14 mois pour les homozygotes
communs Thr/Thr (p = 0,01), avec
un risque de décès significative-
ment plus faible pour les patients
de génotype Met/Met que pour
ceux de génotype Thr/Met (hazard-
ratio = 0,43 ; p = 0,01). Une analyse
multivariée a montré que ce poly-
morphisme est un facteur pronos-
tique indépendant. Par ailleurs, les
polymorphismes du codon 751 de
XPD (Lys > Gln) est également un
facteur pronostique pour la survie :
les homozygotes variants Gln/Gln
ont un risque de décès plus éle
que les patients hétérozygotes ou
homozygotes communs (hazard-
ratio = 2,02 ; p = 0,05). Enfin, le
polymorphisme du codon 399 de
XRCC1 (Arg > Gln) est, lui aussi,
un facteur pronostique de survie,
mais seulement pour les patients de
performance status de 1 : les homo-
zygotes communs Arg/Arg ont un
risque de décès plus élevé que les
hétérozygotes Arg/Gln (hazard
ratio = 1,63 ; p = 0,04). Aucune autre
association nest observée entre les
autres génotypes et la survie.
Le polymorphisme du codon 241 de
XRCC3 est donc associé à une survie
prolongée des patients de génotype
variant après un traitement standard
par cisplatine + gemcitabine. Les
auteurs proposent de génotyper les
patients atteints de CBNPC à un stade
avancé afin de tirer parti de ce facteur
prédictif pour une individualisation
de la chimiothérapie.
V. Le Morvan,
Institut Bergonié, Bordeaux
>
De las Penas R, Sanchez-Ronco M, Alberola V
et al. Polymorphisms in DNA repair genes modu-
late survival in cisplatin/gemcitabine-treated
non-small-cell lung cancer patients. Ann Oncol
2006;17:668-75.
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