> Cancer Research > Clinical Cancer Research > Journal of the National Cancer Institute > Nature Medicine > Oncogene > Science Le panel de lignées du NCI est de retour ! Venez lui rendre visite dans Nature Medicine et autres lieux… tabli vers la fin des années 1980 et opérationnel depuis 1990, le panel du National Cancer Institute (NCI) est une collection de 60 lignées tumorales humaines mises en place pour servir de crible primaire à l’évaluation de molécules anticancéreuses. Force a été de constater, dix ans après, que cet espoir était vain. Alors que les approches ciblant l’oncogenèse, que développent les laboratoires pharmaceutiques industriels et les équipes académiques, parvenaient à renouveler tant les concepts que l’arsenal thérapeutique, le criblage in vitro se révélait incapable de fournir des molécules nouvelles. Une masse impressionnante de résultats, d’accès public tant que ne s’y oppose pas la propriété industrielle, semblait donc destinée à végéter sur le site du NCI. Mais rien n’était perdu ! Dès 1995, certains groupes recherchaient dans le panel telle ou telle caractéristique moléculaire susceptible de jouer un rôle déterminant dans la chimiosensibilité : expression du gène MDR1 et de la glycoprotéine P, mutations de p53, et bien d’autres. La mise à la disposition des chercheurs des systèmes d’analyse de l’expression génique à haut débit (microarrays) permettait d’alimenter le site en données nouvelles dans lesquelles pouvaient puiser tous les groupes intéressés par les relations entre gènes et chimiosensibilité. Nous nous essayâmes d’ailleurs à ce jeu de la recherche in silico pour comparer les déterminants de la cytotoxicité des sels de platine (1). oncosciences Actualités Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy) et C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris) É La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 4 - avril 2007 Une série d’approches bio-informatiques furent tentées avec succès sur le plan méthodologique, mais livrèrent peu d’informations nouvelles. Le jeu semblait quelque peu trop théorique jusqu’à ce que soient publiées de nouvelles données, concernant non seulement l’expression des gènes, mais aussi leur structure et leur état mutationnel et polymorphique (2, 3), et jusqu’à une approche courageuse reprenant les données d’expression génique déjà disponibles mais bénéficiant de nouveaux outils et de possibilités nouvelles de stricte validation : c’est cette approche que je voudrais présenter ici. Ce résultat, publié en novembre 2006, est exemplaire : à partir des données puisées dans la base du NCI, les auteurs définissent une “signature de réponse” au docétaxel, faite de 50 gènes, puis valident cette signature grâce à d’autres bases de données in vitro disponibles, ainsi qu’en situation clinique en utilisant des données publiées. Dans tous les cas, la signature est validée et permet de distinguer patients répondeurs et non répondeurs dans 85 à 92 % des cas. Réciproquement, ils identifient une signature de réponse clinique au docétaxel qu’ils valident avec les données in vitro de la base du NCI, les deux signatures montrant d’ailleurs un chevauchement important. C’est presque trop beau ! Généralisant cette approche, les auteurs mettent ensuite en place des signatures de réponse à divers médicaments (topotécan, doxorubicine, étoposide, 5-fluorouracile, paclitaxel, cyclophosphamide), signatures qu’ils valident sur des bases de données in vitro publiquement accessibles. Mieux, à partir de données cliniques (cancers du sein traités par paclitaxel/FEC), les Actualités oncosciences A ctualités oncosciences 107 Actualités oncosciences A ctualités oncosciences > Cancer Research > Clinical Cancer Research > Journal of the National Cancer Institute > Nature Medicine > Oncogene > Science répondeurs peuvent être identifiés à partir d’une combinaison de signatures de réponse pour chaque médicament séparément. Il semble donc possible d’utiliser les signatures de réponse in vitro à des agents anticancéreux pour prédire la réponse individuelle à la mono- ou à la polychimiothérapie. C’est là une avancée considérable et un ensemble de résultats réellement inespérés. La prescription moléculaire des traitements anticancéreux est pour demain… si une étude prospective vient valider ce travail ! ■ Actualités oncosciences Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy) et C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris) J. Robert, 108 Institut Bergonié, Bordeaux Références bibliographiques 1. Vekris A, Meynard D, Haaz MC et al. Molecular determinants of the cytotoxicity of platinum compounds: the contribution of in silico research. Cancer Res 2004;64:356-62. 2. Ikediobi ON, Davies H, Bignell G et al. Mutation analysis of 24 known cancer genes in the NCI-60 cell line set. Mol Cancer Ther 2006; 5:2606-12. 3. Le Morvan V, Bellott R, Moisan F et al. Relationships between genetic polymorphisms and anticancer drug cytotoxicity vis-à-vis the NCI60 panel. Pharmacogenomics 2006;7:843-52. > Potti A, Dressman HK, Bild A et al. Genomic signatures to guide the use of chemotherapeutics. Nat Med 2006;12(1):294-300. Une étude de phase II du cétuximab dans des cancers colorectaux métastatiques réfractaires à l’irinotécan, à l’oxaliplatine et aux fluoropyrimidines a sélection du récepteur à l’EGF (EGFR) comme cible dans la thérapie des cancers colorectaux reflète son expression ubiquitaire et son association avec différentes caractéristiques biologiques contraires. Le L cétuximab est un anticorps monoclonal dirigé contre le domaine de fixation du ligand de l’EGFR. Il empêche ainsi la fixation du ligand et inhibe l’activation du récepteur. En bloquant cette voie de signalisation, le cétuximab inhibe la prolifération cellulaire, l’angiogenèse et le processus métastatique, et active l’apoptose. L’activité du cétuximab a été évaluée essentiellement en combinaison avec différents agents cytotoxiques. Cette étude multicentrique évalue l’activité du cétuximab en monothérapie (dose de charge de 400 mg/m2, puis dose hebdomadaire de 250 mg/m2), et non pas en combinaison, dans des cancers colorectaux (CRC) métastatiques réfractaires à l’irinotécan, à l’oxaliplatine et aux fluoropyrimidines. Elle est valorisée par une étude pharmacocinétique et par la recherche de déterminants biologiques de l’activité : séquençage du domaine tyrosine kinase (TK) du gène de l’EGFR et détermination du nombre de copies du gène. Sur un total de 516 patients initialement proposés, 346 patients répondant aux critères d’éligibilité ont été inclus. Le taux de réponse a été de 12 %, avec une durée médiane de réponse de 4,2 mois ; 30 % des patients ont été stabilisés. La survie médiane sans progression a été de 1,4 mois et la survie globale de 6,6 mois. La survie globale était étroitement corrélée à la présence et à la sévérité des éruptions cutanées, avec une survie médiane de 1,7 mois lorsque aucune toxicité cutanée n’était présente, de 4,9 mois lorsque les éruptions avaient été de grade 1 et de 9,4 mois pour les grades 2 et 3. Les concentrations sériques maximales et minimales de cétuximab ont été relativement constantes au cours du traitement, et la variabilité individuelle modérée. Les exons 18, 19 et 21 du gène de l’EGFR tumoral ont été entièrement séquencés sur 39 échantillons de patients, sur les 346 patients inclus initialement. Aucune des mutations du domaine TK de l’EGFR connues pour être associées à certains cancers du poumon et à leur réponse aux inhibiteurs de TK n’a été détectée, ce qui suggère que ces mutations ne sont pas oncogéniques pour les cancers colorectaux. Le nombre de copies du gène EGFR a été déterminé dans des échantillons tumoraux de 34 patients. Aucune relation entre le nombre de copies du gène et la réponse ou la survie sans progression n’a été mise en évidence. Cet essai de phase II montre que le cétuximab en monothérapie présente une activité notable sur les cancers colorectaux métastatiques réfractaires aux traitements classiques. La toxicité cutanée constitue le meilleur facteur prédictif de la survie ; ni la pharmacocinétique du cétuximab ni les caractéristiques moléculaires de l’EGFR tumoral ne sont des déterminants prédictifs de la réponse ou de la survie. ■ V. Le Morvan, Institut Bergonié, Bordeaux > Lenz HJ, Van Cutsem E, Khambata-Ford S et al. Multicenter phase II and translational study of cetuximab in metastatic colorectal carcinoma refractory to irinotecan, oxaliplatin, and fluoropyrimidines. J Clin Oncol 2006;24:4914-21. Des gènes de cancer par douzaines… es moyens offerts par l’analyse génomique à haut débit et la bioinformatique permettent enfin d’envisager l’identification de l’ensemble des altérations oncogéniques présentes L La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 4 - avril 2007 dans une tumeur donnée. Un travail qui servira de pierre angulaire à cette identification a été récemment publié par l’équipe de Bert Vogelstein au Johns Hopkins Medical Institute de Baltimore. L’analyse de 13 000 gènes dans 11 cancers colorectaux et autant de cancers du sein a pu être réalisée, et le nombre d’altérations oncogéniques s’est révélé être beaucoup plus élevé que prévu : 90 gènes mutants en moyenne par tumeur ! On savait expérimentalement que trois altérations oncogéniques au moins étaient nécessaires pour transformer une lignée fibroblastique normale en lignée cancéreuse et tumorigène : dans le travail princeps de l’équipe de Robert Weinberg (1), il s’agissait de la mutation de RAS, de la perte de fonction de RB1 et de la réactivation de la télomérase. On attendait un tel nombre d’altérations dans chaque tumeur spontanée ! Quelques chiffres : ce travail a utilisé 135 000 paires de primers, couvrant 21 Mbases de séquences géniques représentant 120 000 exons provenant de 15 000 transcrits. Trois millions de produits de PCR ont été séquencés, soit 465 Mbases pour les 22 tumeurs analysées dans un premier temps, révélant près de 800 000 changements nucléotidiques. Une fois soustraits ceux qui n’ont pas de conséquence sur la séquence protéique, les fauxpositifs évidents, les variations germinales (polymorphismes connus ou nouveaux), on obtient 1 672 mutations somatiques dans 1 149 gènes. Une analyse plus fine permet d’affecter à chaque mutation la probabilité qu’elle soit impliquée dans l’oncogenèse : restent alors 189 altérations dans des “gènes de cancer”, 122 pour les cancers du sein et 69 pour les cancers colorectaux. Chaque cancer du sein renferme 4 à 23 de ces altérations, chaque cancer colorectal en contient 3 à 18, chaque spécimen individuel ayant sa propre signature mutationnelle, aucun n’ayant plus de 6 mutations en commun avec un autre. Les fonctions les plus fréquentes de ces “gènes de cancer” concernent l’adhésion cellulaire et la motilité, la transduction des signaux, la régulation transcriptionnelle, le transport transmembranaire. De nombreux gènes qui n’avaient jusque-là jamais été soupçonnés d’avoir un lien avec le cancer ont ainsi été identifiés et vont ouvrir de nouvelles voies de recherche. Par ailleurs, les gènes mutés dans les cancers colorectaux sont distincts de ceux mutés dans les cancers colorectaux pour la grande majorité, et le type de mutations rencontrées est également différent : par exemple, les transitions C:G>T:A sont beaucoup plus fréquentes que les transversions dans les cancers colorectaux, alors que ce n’est pas le cas dans les cancers du sein. Cela témoigne de mécanismes distincts de cancérogenèse et, là encore, cela ouvre de nouvelles perspectives de recherche. Enfin, l’extrême diversité dans l’histoire naturelle de chaque cancer et dans le processus de mutation-sélection permet de comprendre pourquoi il est si difficile de corréler le comportement, le pronostic ou la réponse au traitement des cancers à la présence ou à l’absence d’une altération génétique donnée : chacune d’elles ne représente qu’une facette du profil mutationnel du cancer considéré. Les données de cet article, sans doute l’un des plus importants de la décennie pour la cancérologie, définissent ainsi le “paysage génétique” de deux types majeurs de cancers, apportent de nouvelles pistes de recherche fonda- La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 4 - avril 2007 mentale et appliquée, et fournissent de nouvelles cibles potentielles pour le diagnostic et la thérapeutique. ■ J. Robert, Institut Bergonié, Bordeaux Référence bibliographique 1. Hahn WC, Counter CM, Lundberg AS et al. Creation of human tumour cells with defined genetic elements. Nature 1999;400:464-8. Actualités oncosciences A ctualités oncosciences > Sjoblom T, Jones S, Wood LD et al. The consensus coding sequences of human breast and colorectal cancers. Science 2006;314:268-74. Les polymorphismes des gènes des systèmes de réparation de l’ADN sont associés à la survie des patients atteints de cancer du poumon non à petites cellules traités par la combinaison cisplatine/ gemcitabine l existe de nombreux gènes de réparation de l’ADN chargés de l’élimination des lésions, en particulier des adduits covalents. Ils se répartissent en plusieurs systèmes spécialisés : réparation par recombinaison après cassure double brin, réparation par excision de nucléotide (NER), par excision de base (BER) ou par recombinaison non homologue. Des SNP (single nucleotide polymorphisms) peuvent affecter la fonctionnalité de ces gènes en altérant la structure ou l’abondance des protéines qu’ils codent, et modifier par conséquent à la fois le risque de survenue de certains cancers causés par des cancérogènes chimiques et l’efficacité des médicaments qui précisément endommagent l’ADN des cellules tumorales. Un déficit en I 109 Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy) et C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris) > Cancer Research > Clinical Cancer Research > Journal of the National Cancer Institute Actualités oncosciences Actualités oncosciences A ctualités oncosciences > Nature Medicine > Oncogene > Science activité de réparation peut en effet se traduire par une augmentation de la chimiosensibilité. Les auteurs ont étudié les relations entre la présence d’un polymorphisme dans plusieurs gènes de réparation ou liés à l’inflammation, d’une part, et la survie des patients atteints d’un cancer du poumon non à petites cellules (CBNPC), d’autre part. Cent trente-cinq patients, atteints de CBNPC de stades IV et IIIB et traités avec l’association cisplatine + gemcitabine, ont été génotypés pour 14 polymorphismes dans 13 gènes au total : XRCC3 (réparation par recombinaison), ERCC1 et ERCC2 (nucleotide excision repair), XRCC1 (base excision repair), ligase IV (recombinaison non homologue), TP53, RRMI, COX2, IL-6, PPARγ, EGF, MTHFR, MTR. La survie de ces patients a été étudiée en fonction de chaque génotype identifié. La survie globale est significativement augmentée chez les patients présentant un polymorphisme du codon 241 de XRCC3 (Thr > Met) : les homozygotes variants Met/Met ont une survie médiane de 16 mois, alors que celle-ci est de 10 mois pour les hétérozygotes Thr/Met et de 14 mois pour les homozygotes communs Thr/Thr (p = 0,01), avec un risque de décès significativement plus faible pour les patients de génotype Met/Met que pour ceux de génotype Thr/Met (hazardratio = 0,43 ; p = 0,01). Une analyse multivariée a montré que ce polymorphisme est un facteur pronostique indépendant. Par ailleurs, les polymorphismes du codon 751 de XPD (Lys > Gln) est également un facteur pronostique pour la survie : les homozygotes variants Gln/Gln ont un risque de décès plus élevé que les patients hétérozygotes ou homozygotes communs (hazardratio = 2,02 ; p = 0,05). Enfin, le polymorphisme du codon 399 de XRCC1 (Arg > Gln) est, lui aussi, un facteur pronostique de survie, mais seulement pour les patients de performance status de 1 : les homozygotes communs Arg/Arg ont un risque de décès plus élevé que les hétérozygotes Arg/Gln (hazard ratio = 1,63 ; p = 0,04). Aucune autre association n’est observée entre les autres génotypes et la survie. Le polymorphisme du codon 241 de XRCC3 est donc associé à une survie prolongée des patients de génotype variant après un traitement standard par cisplatine + gemcitabine. Les auteurs proposent de génotyper les patients atteints de CBNPC à un stade avancé afin de tirer parti de ce facteur prédictif pour une individualisation de la chimiothérapie. ■ V. Le Morvan, Institut Bergonié, Bordeaux > De las Penas R, Sanchez-Ronco M, Alberola V et al. Polymorphisms in DNA repair genes modulate survival in cisplatin/gemcitabine-treated non-small-cell lung cancer patients. Ann Oncol 2006;17:668-75. Les articles publiés dans La Lettre du Cancérologue le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction par tous procédés réservés pour tous pays. Edimark SAS © mai 1992 - Imprimé en Fance - Point 44 - 94500 Champigny-sur-Marne - Dépôt légal : à parution Sont routés avec ce numéro : - un Infos Congrès (8 pages) intitulé : “Actualités ibandronate au GEMO” ; - un flyer ASCO 2007. Un Infos Congrès (8 pages) intitulé : “Actualités sur le létrozole à Saint-Gall” est encarté au centre de ce numéro. 110 La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 4 - avril 2007