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AU COIN DU WEB
Médecine
& enfance
Rédaction : G. Dutau
Dessin : B. Heitz
DANGER LÉGISLATIF ?
RÉSIDENCE ALTERNÉE
IMPOSÉE À TOUT ÂGE
Pr. B. Golse, Pr A. Guédéney, Dr M.
Berger, E. Bonneville, Pr A. Ciccone,
Dr E. Izard, J. Phélip (1)
◗ Résidence alternée : un danger législatif ?
◗ Maladies mains-pieds-bouche
et herpangines associées aux entérovirus : un
réseau national de surveillance
◗ Erythème noueux : durée d’évolution ?
Résidence alternée : un danger
législatif ?
Notre confrère M. Maidenberg
fait part d’un texte signé par
des spécialistes de pédopsychiatrie et de pédopsychologie
au sujet de la loi sur la famille
qui devait être présentée à l’Assemblée nationale le 7 décembre dernier mais qui ne l’a
toujours pas été au moment où
nous imprimons. Le texte intitulé « Danger législatif. Résidence alternée imposée à tout
âge » est reproduit in extenso
ci-après. Les spécialistes, auteurs de cette lettre, décrivent
les troubles spécifiques liés à la
résidence alternée, distincts de
la souffrance que tout enfant
peut éprouver face à la séparation de ses parents. Tous les
enfants en résidence alternée
ne présentent pas ces troubles,
mais leur fréquence semble importante et ils sont durables.
Chez les moins de trois ans, les
auteurs citent : un sentiment
d’insécurité, l’apparition d’une
angoisse d’abandon majorée le
soir (l’enfant ne supportant
plus l’éloignement de sa mère
et demandant à être en permanence avec elle), une agressivité, en particulier à l’égard de la
mère considérée comme responsable de la séparation, une
perte de confiance dans les
adultes, en particulier dans le
père, dont la vision déclenche
une réaction de refus. Chez
certains enfants plus âgés, on
peut observer une hyperkinésie
avec trouble attentionnel et un
refus de se soumettre à la
moindre contrainte scolaire ou
familiale. Il est logique de réclamer, comme le font les auteurs de la lettre, la consultation des sociétés scientifiques
et professionnelles pour tout
projet de loi concernant plus
ou moins directement la vie
des enfants !
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Cher(e)s Collègues,
C’est dans un contexte inhabituel que nous sollicitons votre
attention. Le 7 décembre 2013
va être votée à l’Assemblée nationale une loi sur la famille
(1). Or le 17 septembre, des
lobbys médiatiquement très
actifs ont fait voter au Sénat,
en catimini, à trois heures du
matin, un amendement qui, en
cas de séparation des parents,
exige que la préférence soit
donnée à la résidence alternée
paritaire sans limite d’âge
pour l’enfant (à charge pour le
juge des Affaires familiales
d’argumenter son refus éventuel d’appliquer ce mode d’hébergement). A cela s’ajoute un
article de loi voté dans la foulée : « Le fait par tout ascendant d’entraver l’exercice de
l’autorité parentale par des
manipulations diverses […]
est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros
d’amende », sanction supposée
empêcher tout « syndrome
d’aliénation parentale » (cf. infra), et qui peut menacer tout
parent si son enfant manifeste
des réticences, même justifiées, à aller chez l’autre parent. C’est aussi au nom de
l’équité homme-femme que, le
18 septembre, un autre groupe
politique a présenté un projet
de loi prônant la mise en place
immédiate d’une résidence alternée dès la séparation d’un
couple, une médiation étant
ensuite supposée permettre
d’évaluer ce qui convient le
mieux à la situation.
(1) NDLR : Au moment où nous mettons sous
presse, le vote n’a toujours pas eu lieu.
Médecine
& enfance
Dans le même temps et pour la
première fois en France, des
sociétés savantes et représentantes des professionnels de la
santé psychique et de la psychopathologie de l’enfant ont
mis en route un processus de
réflexion concernant l’impact,
sur les enfants, des modes
d’hébergement dans les situations de séparation parentale,
dont on sait qu’elles concernent maintenant près d’un
couple sur deux et des enfants
de plus en plus jeunes. Deux
colloques ont ainsi eu lieu, un
le 8 avril 2013, organisé par la
Société française de psychiatrie
de l’enfant et de l’adolescent,
l’APPEA (Association de psychologie et psychopathologie
de l’enfant et de l’adolescent)
et le COPES (Centre d’ouverture psychologique et sociale) (2) ;
et un autre le 4 octobre 2013
par la WAIMH francophone (3),
centré sur les enfants âgés de
zéro à trois ans et dont les
actes vont être publiés rapidement. Il n’est pas exclu que le
temps que nous nous sommes
ainsi donné pour la réflexion
clinique et la recherche bibliographique ait été perçu comme
une menace par les lobbys
concernés et ait participé à la
mise en place de pressions
« émotionnelles » et médiatisées telles que le mouvement
des « pères perchés ». Les attaques écrites dont nous avons
été l’objet n’ont pas troublé
notre capacité de réflexion et
d’échange qui, à partir de l’expérience des cliniciens présents
et des juristes invités, et de
l’analyse de recherches internationales portant sur un nombre
élevé d’enfants et très structurées méthodologiquement, a
abouti aux conclusions suivantes.
Il existe des troubles spécifiques chez l’enfant liés à la ré-
sidence alternée, qui sont distincts de la souffrance que tout
enfant peut éprouver face à la
séparation du couple de ses parents. Tous les enfants en résidence alternée ne présentent
pas ces troubles, mais leur fréquence est importante, statistiquement très significative, et
ils sont durables.
Chez les enfants de moins de
trois ans, ces troubles se caractérisent par un sentiment d’insécurité, avec apparition d’une
angoisse d’abandon qui n’existait pas auparavant, l’enfant ne
supportant plus l’éloignement
de sa mère et demandant à être
en permanence avec elle, symptôme majoré le soir ; un sentiment dépressif avec un regard
vide pendant plusieurs heures,
et parfois un état de confusion,
de non-reconnaissance des
lieux au retour chez la mère ;
des troubles du sommeil ; de
l’eczéma ; de l’agressivité, en
particulier à l’égard de la mère
considérée comme responsable
de la séparation ; une perte de
confiance dans les adultes, en
particulier dans le père, dont la
vision déclenche une réaction
de refus ; chez certains enfants
plus grands, une hyperkinésie
avec trouble attentionnel, un
refus de se soumettre à la
moindre contrainte scolaire ou
familiale.
Ces troubles, qui peuvent être
qualifiés d’attachement insécure désorganisé-désorienté, peuvent aussi être décrits en
termes psychodynamiques. Ils
peuvent être reliés à un nonrespect d’un besoin essentiel, le
besoin de continuité, lorsque
l’enfant est confronté répétitivement à deux sortes de perte.
Perte de la figure principale sécurisante de l’enfant, et ce
d’autant plus que cette perte se
répète avec régularité et qu’elle
est durable dans le temps, l’en-
fant ne pouvant garder cette figure en mémoire que pendant
un temps limité en fonction de
son niveau de maturation et de
sa sensibilité personnelle. Et
perte des lieux et des objets qui
constituent l’environnement
matériel de l’enfant, l’arrièrefond sur lequel se construisent
et s’étayent son identité et son
sentiment de sécurité.
La psychopathologie parentale
peut jouer un rôle important
dans la décision de mettre en
place une résidence alternée et
dans les dysfonctionnements
qui apparaissent alors. Les
troubles augmentent en cas de
conflit parental, lequel est en
lui-même une source de discontinuité dans le vécu de l’enfant,
et de clivage. Mais ils peuvent
aussi exister en cas de résidence
alternée non conflictuelle.
Parmi les traces précoces qui
persistent, les études montrent
la fréquence de l’hyperkinésie
avec troubles attentionnels.
L’augmentation de ce motif de
consultation est peut-être à
mettre en lien avec l’augmentation du nombre de séparations
parentales concernant des enfants en bas âge, Winnicott
ayant souligné dès 1962 que ce
trouble peut dans certains cas
être lié à une rupture répétée
de la continuité du sentiment
d’exister. Persistent aussi les
troubles internalisés sous forme d’angoisse, dépression, inhibition, qu’on peut retrouver à
l’âge adulte sous la forme d’attaques de panique, de troubles
anxieux généralisés, de gel des
émotions, de tension permanente, de difficultés à s’engager dans une relation. Les
prises en charge thérapeutiques chez les enfants petits ne
parviennent souvent pas à faire
contrepoids à la répétition
traumatique de la perte des
personnes et des lieux et peu-
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vent échouer en l’absence de
modification du rythme d’hébergement.
Pour pouvoir être mise en place, une résidence alternée devrait satisfaire aux conditions
suivantes : concerner des enfants âgés de plus de six ans,
être flexible sans être chaotique, reposer sur une bonne
base de coopération entre les
parents avant la séparation, et
l’arrangement doit être centré
sur l’enfant et pas sur l’adulte.
Enfin la distance géographique
entre les domiciles parentaux
doit être faible. Au-dessous de
six ans, des précautions particulières doivent être prises
concernant le droit d’hébergement en général. Tout enfant a
besoin d’un contact avec ses
deux parents, lesquels constituent un apport affectif différent et complémentaire. Des
contacts fréquents et signifiants doivent avoir lieu avec le
parent qui n’a pas l’hébergement principal, mais selon un
principe de progressivité qui
doit respecter les besoins primaires de stabilité et de continuité. Passer des nuits régulièrement hors du lieu d’hébergement principal est décommandé avant l’âge de deux ans, et
n’est souhaitable ensuite que
lorsque l’enfant comprend ce
qu’on lui dit, peut anticiper,
peut comprendre ce que « demain » veut dire, peut exprimer
verbalement ses besoins, et s’il
existe une communication fluide entre ses parents (cf. site de
la WAIMH).
Il est évident qu’à partir de ces
constatations, les projets de loi
actuels ne peuvent aboutir qu’à
un véritable problème de santé
publique : des milliers d’enfants risquent de présenter les
symptômes décrits ci-dessus,
que nous aurons beaucoup de
mal à prendre en charge, tant
Médecine
& enfance
du fait de leur nombre que par
la difficulté à mobiliser les
traces de souffrance précoce.
Dans la lignée de Serge Lebovici, Michel Soulé, Myriam David, Jeanine Noël, et d’autres
de nos modèles qui ont agi à
partir de leur savoir et de leur
expérience clinique, nous devons solliciter une loi claire et
protectrice centrée sur les besoins de stabilité affective et
matérielle des enfants, la décision judiciaire pouvant au besoin être nuancée secondairement au cas par cas. Si nous ne
nous positionnons pas maintenant, nous nous retrouverons
dans la même situation qu’en
mars 2002, lorsque la loi légalisant la résidence alternée a
été rédigée et votée sans que
l’avis d’un seul psychologue ou
pédopsychiatre ait été sollicité.
Nous devons aussi demander
que, pour tout projet de loi
concernant plus ou moins directement la vie d’un enfant,
les sociétés scientifiques et professionnelles soient consultées.
Nous pensons qu’il faut des
propositions concrètes qui sont
effectives dans d’autres pays.
Pour ces raisons, nous demandons à tous les professionnels
de l’enfance qui se sentent
concernés de soutenir la pétition, accessible en suivant le
lien ci-dessous, en la signant et
en la transmettant à des collègues.
Lien d’accès à la pétition en
ligne : http://www.petition
publique.fr/?pi=RADL2013.
(1) Bernard Golse, professeur de pédopsychiatrie à l’université Paris-V, chef de service à l’hôpital Necker-Enfants Malades. Antoine
Guédéney, professeur de pédopsychiatrie à
l’université Paris-VII, chef de service à l’hôpital
Bichat-Claude Bernard. Maurice Berger, chef
de service en pédopsychiatrie au CHU de
Saint-Etienne. Emmanuelle Bonneville, maître
de conférences en psychologie de l’enfant à
l’université Paris-V. Albert Ciccone, professeur
de psychologie et de psychopathologie de
l’enfant à l’université Lyon-2. Eugénie Izard,
pédopsychiatre en libéral, auteure de
« Troubles psychiques observés chez les enfants vivant en résidence alternée non conflictuelle ». Jacqueline Phélip, présidente de l’association « L’enfant d’abord », auteure de « Le
livre noir de la garde alternée » (Dunod, 2006)
et de « Divorce, séparation : les enfants sont-ils
protégés » (Dunod, 2012).
(2) http://www.copes.fr.
(3) World Association for Infant Mental Health,
http://www.waimh.org/i4a/pages/index.cfm?
pageid=1.
Maladies mains-pieds-bouche
et herpangines associées
aux entérovirus : un réseau
national de surveillance
Depuis deux ou trois ans, le
nombre de syndromes mainspieds-bouche et des herpangines a augmenté. Leur aspect
est souvent atypique (chute
d’ongles) et leur localisation
peut être inhabituelle. Cette
évolution est mondiale. De
plus, en Asie, certains sérotypes sont à l’origine de formes
graves. En l’absence de données fiables sur l’épidémiologie
le 1er mars 2014 et durer un an
avec comme objectifs :
첸 déterminer la prévalence
de ces atteintes cutanéomuqueuses motivant une
consultation (déclaration hebdomadaire du nombre d’enfants vus en consultation pour
une maladie mains-piedsbouche et/ou une herpangine
sur le nombre total de consultations) ;
첸 déterminer les types d’entérovirus responsables, à partir
de prélèvements de gorge (1). 왎
(1) [email protected]
Erythème noueux : quelle est la
durée d’évolution ?
G. Zanella vient de diagnostiquer un érythème noueux apparu après une angine à streptocoque chez une jeune fille de
dix-sept ans. Elle se demande
combien de temps il peut durer
à partir du moment où la patiente est traitée.
S. El Yafi, consultant un cours
de l’université de Strasbourg,
lit « évolution en dix jours ».
F. Vié le Sage, citant E. Grosshans, indique une durée un
peu plus longue : « L’évolution
est régressive spontanément,
accélérée par le repos ou le
traitement symptomatique ;
chaque nouure évolue en une
dizaine de jours, en prenant
des aspects contusiformes
bleus et jaunâtres, vers la disparition intégrale sans séquelles. […] Ne comportant jamais de nécrose, d’ulcérations
ou de cicatrices, l’érythème
noueux évolue souvent en plusieurs poussées, favorisées par
la position debout, pouvant
s’échelonner sur quatre à huit
semaines ; la succession des
poussées confère à l’éruption
un aspect polymorphe avec des
nouures d’âges différents, comportant les diverses teintes de
la biligénie locale » (1). 왎
(1) GROSSHANS E., DOUTRE M.S., SOUTEYRAND P., CRIKX B. : « Erythème noueux », Ann.
Dermatol. Vénéréol., 2002 ; 129 : 2S228-31.
De lecteur, devenez acteur en participant
au groupe de discussion de Médecine et enfance
de ces maladies, l’Afpa (Association française de pédiatrie
ambulatoire), en association
avec Activ (Association clinique et thérapeutique infantile du Val-de-Marne) et le laboratoire associé du centre national de référence, propose de
participer à un réseau de surveillance des entérovirus et du
Coxsackie en particulier.
Cette surveillance doit débuter
Toutes les adresses ci-dessous sont à recopier exactement : pas d’accent à
« medecine » et tiret simple entre « medecine » et « enfance », et « subscribe »
et « unsubscribe » (ces conditions et termes anglais nous étant imposés…).
첸 Pour demander votre inscription au groupe de discussion de Médecine et enfance : envoyez un courrier électronique sans sujet ni message à
l’adresse : [email protected]. Suivez ensuite
les instructions figurant dans le message (en français) qui vous sera adressé en réponse.
첸 Pour envoyer un message au groupe après votre inscription, utilisez
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첸 Pour recevoir les messages : les messages des confrères de la liste arriveront sur votre boîte aux lettres comme n’importe quel autre message.
첸 Pour vous désinscrire du groupe, envoyez un courrier électronique
sans sujet ni message à l’adresse :
[email protected] (cette désinscription est
automatique ; aucune explication ne vous sera demandée).
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