
- 5 -
I. LA JORDANIE : UNE CRÉATION ARTIFICIELLE DEVENUE UN
ÉLÉMENT ESSENTIEL DE L’ÉQUILIBRE RÉGIONAL
A. UNE CRÉATION ARTIFICIELLE NÉE DES CONTRADICTIONS
COLONIALES
La création du Royaume de Jordanie est souvent décrite comme
relevant de l’accident historique. De fait, la genèse de cet Etat, à l’initiative de
la Grande-Bretagne, doit beaucoup à la diplomatie, ambiguë, voire
contradictoire, conduite par ce pays dans la région du Levant, dès le milieu de
la première guerre mondiale, à l’heure où la perspective d’un éclatement de
l’empire ottoman se faisait de plus en plus plausible.
Dans les années qui précèdent le déclenchement de la Première guerre
mondiale, une fièvre nationaliste apparaît au sein du monde arabe sous
domination ottomane. Soucieuse de canaliser cette tendance au profit de ses
intérêts stratégiques, la Grande-Bretagne prend le parti de soutenir l’action du
chérif Hussein, de la tribu des Beni-Hachem, gouverneur de La Mecque depuis
1908 et, à ce titre, gardien des Lieux Saints. Il est, au surplus, le descendant du
Prophète par Fatima, la fille de ce dernier.
La Grande-Bretagne se dit alors favorable à l’idée, proposée par
Hussein, d’un grand Royaume arabe confédérant des Etats indépendants.
Devant l’opposition de la Fance à un plan qui risquerait de
compromettre ses propres intérêts au Levant, Londres et Paris signent les
accords Sykes-Picot qui prévoient l’attribution à chacun des deux pays de
zones d’influence dans la région. En avril 1920, la conférence de San Remo
entérine cet accord en confiant à la France les mandats sur le Liban et la Syrie
et à la Grande-Bretagne ceux sur la Palestine, l’Irak et la « Syrie du Sud »
(future Transjordanie). Enfin, le 2 novembre 1917, par la déclaration Balfour,
la Grande-Bretagne s’engage pour la constitution en Palestine d’un Foyer
national juif.
Londres décide rapidement de faire de la partie orientale du Jourdain,
non incluse dans cette déclaration, une entité distincte. Abdullah, un des fils
du Cherif Hussein, est choisi par les Britanniques comme « Emir de Karak ».
Il deviendra en fait le premier souverain de Transjordanie, sous tutelle
britannique. Londres s’efforcera de donner au Royaume, doté d’une
indépendance administrative croissante, les moyens de sa sécurité intérieure et
extérieure avec la Légion arabe. Celle-ci participera, aux côtés de l’armée
britannique, à certaines opérations militaires régionales lors de la deuxième
guerre mondiale.