La Lettre du Rhumatologue - n° 244 - septembre 1998
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Cette étude contrôlée en double aveugle multicentrique
anglaise s’est effectuée auprès de 60 patients, suivis en
ambulatoire pour une pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR),
affirmée selon les critères classiques. Les critères d’exclusion
étaient les suivants : symptomatologie clinique de maladie de
Horton, corticothérapie antérieure ou contre-indication à celle-
ci, cancer associé. Aucun patient n’a reçu parallèlement de cal-
cium, de traitement hormonal substitutif ou tout autre traitement
modifiant le métabolisme osseux.
Les patients ont été répartis de façon randomisée en deux
groupes :
– Groupe méthylprednisolone intramusculaire (MP) : 120 mg
toutes les 3 semaines pendant les 12 premières semaines de la
phase en double aveugle, avec prise simultanée de comprimés de
placebo. Au terme de ces 12 premières semaines, le code secret
était rompu et, dès lors, une phase ouverte était initiée, avec arrêt
du placebo. La MP a donc été administrée aux doses suivantes :
100 mg à la 12esemaine, puis injection mensuelle, avec réduc-
tion des doses de 20 mg toutes les 12 semaines jusqu’à la
48esemaine, puis réduction des doses de 20 mg toutes les
16 semaines.
– Groupe prednisolone per os (OP) : 15 mg/24 h pendant
3 semaines puis 12,5 mg/24 h pendant 3 semaines puis 10 mg/24 h
pendant 6 semaines, avec injection concomitante de placebo toutes
les 3 semaines. Après rupture du code secret et arrêt du placebo
intramusculaire, le traitement était poursuivi selon le schéma sui-
vant : 9 mg/24 h de la 12eà la 16esemaine, puis réduction des
doses de 1 mg toutes les 8 semaines.
En cas de reprise de la symptomatologie clinique, la posologie
était immédiatement réaugmentée, avec réduction ultérieure des
doses. La durée du traitement a été de 20 mois dans le groupe MP
versus 21 mois dans le groupe OP. Quarante-neuf des soixante
malades ont effectivement été suivis tout au long de l’étude.
À l’entrée, les deux groupes étaient appariés pour l’âge, le sexe,
la durée d’évolution de la maladie et les paramètres inflamma-
toires (VS, CRP, durée de la raideur matinale = EMS, intensité de
la douleur jugée sur une échelle visuelle analogique = VAS).
Lors des 12 premières semaines du traitement, la diminution de
l’EMS et de la VS et l’évolution de la VAS étaient comparables
dans les deux groupes. De même, la VS était, à la 96esemaine,
comparable dans les deux groupes. À signaler un chiffre moyen
de VS plus élevé à la 48eet à la 96esemaine par rapport à celui de
la 12esemaine, dans les deux groupes, sans aucune relation avec
les autres paramètres d’activité de la maladie.
À la 12esemaine,60 % des MP et 66,6 % des OP étaient en rémis-
sion (différence non significative). À la 48eet à la 96esemaine, le
taux de rémission était respectivement de 58 % versus 45 % et de
30 % versus 33 %.
À la 96esemaine,les patients sous MP avaient reçu une dose totale
de corticoïdes égale à 56 % de celle administrée dans le groupe
OP. Seuls 33,3 % des MP et 46,7 % des OP avaient pu interrompre
leur traitement.
Trois patients sous OP sont décédés en cours d’étude : tassements
vertébraux à la 22esemaine puis fracture du col fémoral à la
44esemaine (1), pneumonie à la 72esemaine (1), cancer de l’œso-
phage (1). Un patient sous MP est décédé à la 72esemaine d’un
cancer de l’estomac.
Deux malades sous OP ont arrêté leur traitement : l’un pour cépha-
lées (en fait, il s’agissait d’une MH), l’autre avec un diagnostic de
polyarthrite rhumatoïde. Cinq patients sous MP ont arrêté leur
traitement pendant la période probatoire : neuropathie périphé-
rique (1 avec, à la biopsie, aspect de vascularite leucocytoclas-
tique), développement d’une PR (1), céphalées liées à une MH
(2), œdème des membres inférieurs (1). Un malade a présenté, à
la 80esemaine, un psoriasis étendu puis un rhumatisme psoria-
sique et un autre patient, un zona suivi d’une infection mycosique.
Un total de 9 fractures a été noté, survenant chez 8/30 patients du
groupe OP (26,7 %) versus 1/30 patient du groupe MP (3,3 %),
dans tous les cas chez des femmes et en l’absence de traumatisme
significatif.
Les œdèmes des membres inférieurs, la dyspepsie ou les infec-
tions bronchiques mineures sont survenus avec une égale fré-
quence dans les deux groupes.
En revanche, seuls les patients sous OP ont présenté les symp-
tômes suivants : faciès lunaire (3), apparition d’une HTA néces-
sitant la mise sous traitement (2), cataracte (2), dépression (1).
Aucun malade n’a eu d’hyperglycémie ou de glycosurie.
Le gain de poids a été significativement plus important dans le
groupe OP : + 3,42 kg versus + 0,82 kg dans le groupe méthyl-
prednisolone.
À l’issue de cette étude, les auteurs estiment que la corticothéra-
pie par voie IM est aussi efficace que per os pour contrôler une
PPR. Cette voie a l’avantage de réduire notablement l’incidence
des fractures et le gain de poids, probablement en raison d’une
dose totale cumulée moindre. Ces résultats non seulement inté-
ressent le traitement de la PPR mais peuvent également avoir des
implications dans le traitement d’autres affections chroniques,rhu-
matismales ou non, nécessitant une corticothérapie au long cours.
Dr E. Thibierge-Rouyer,
Service du Pr Chaouat, Fondation Rothschild, Paris
Corticothérapie par voie intramusculaire versus per os dans le traitement
de la pseudo-polyarthrite rhizomélique
An initially double-blind controlled 96 week’ trial of depot
methylprednisolone against oral prednisolone in the treat-
ment of polymyalgia rheumatica.
Dasgupta B. et coll.
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Br J Rheum 1998 ; 37 : 189-95.
A
NALYSES