Rétraction capsulaire de l’épaule : une nouvelle complication tardive des antiprotéases

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A
N A L Y S E S
Rétraction capsulaire de l’épaule : une nouvelle complication tardive
des antiprotéases
Les auteurs toulousains rapportent trois cas de patients
VIH+, traités par trithérapie, et qui ont présenté une rétraction capsulaire de l’épaule. Ces cas sont survenus chez des sujets
jeunes (46, 47, 56 ans) sans aucun facteur de risque reconnu
comme favorisant la capsulite rétractile de l’épaule : diabète,
hyperthyroïdie, traumatisme, affection médiastinale ou neurologique, ou prise de médicaments classiques comme le Gardénal®,
l’INH, etc.
Les arguments pour penser qu’il s’agit ici d’une complication des
antiprotéases sont la bilatéralité dans un cas, et l’absence de déminéralisation. Il n’a pas été décrit de capsulite au cours du sida
avant l’introduction de la trithérapie, qui ne date que de deux ans.
La capsulite a, dans les trois cas, été prouvée par arthrographie ;
il n’y a pas eu, bien sûr, d’arrêt du traitement mais une amélioration due à la kinésithérapie.
La molécule utilisée dans les trois observations était l’indinavir,
une des antiprotéases les plus utilisées par les auteurs. Cette molécule a été rendue responsable de paresthésies, de myalgies,
d’hyperesthésies, de céphalées, “pouvant témoigner d’une atteinte
neurologique périphérique sous-jacente”. À noter que les antiprotéases sont des inhibiteurs compétitifs du cytochrome P450,
comme le Gardénal® et l’INH. La question actuelle est de savoir
s’il s’agit d’un effet de classe ou d’un effet secondaire dû au seul
indinavir, voire d’un effet de la combinaison de trois traitements.
Quoi qu’il en soit, cet effet secondaire à type de capsulite rétractile n’apparaîtrait qu’au bout d’un an de traitement et mérite d’être
connu des rhumatologues.
Dr L. Beraneck,
94000 Créteil
Zabraniecki L., Doub A., Mularczyk M. et coll. ● Rev Rhum (Ed
Fr) 1998 ; 65 : 80-2.
Ossifications périprothétiques de hanche : facteurs de risque et mode de prévention
Les ossifications périprothétiques (OPP) sont une des complications fréquentes de la prothèse de hanche. Elles sont
peu douloureuses après une phase de maturation, mais altèrent la
mobilité de la hanche lorsqu’elles sont étendues. Il existe deux
méthodes préventives reconnues : l’administration d’AINS ou la
radiothérapie de la zone opérée. Dès lors, peut-on sélectionner
les patients justiciables d’une prévention ?
Cette étude rétrospective concerne 168 arthroplasties de hanches
chez 164 patients (66 ans d’âge moyen, 105 femmes et
63 hommes), tous opérés en 1983 à Cochin et selon la même technique par voie externe transtrochantérienne, avec pose d’une prothèse de type Charnley-Kerboull (cotyle en polyéthylène et pièce
fémorale métallique scellées). Tous les patients ont été suivis un
an, la classification des OPP allait d’un stade 0, normal, à un
stade 4, avec aspect de pont osseux. Aucun n’avait bien sûr eu de
traitement préventif.
Résultats. Sur les 168 hanches,103 ont présenté des OPP, soit
61 %, mais généralement modérées, puisqu’il s’agissait de 40 %
de stades 1 (quelques îlots), de 12 % de stades 2 (espace fémurbassin de plus de 1 cm), et de 8 % de stades 3 et 4. Le sexe n’intervenait ni dans la fréquence ni dans la gravité des OPP, de même
que l’importance de la coxarthrose et l’aspect des ostéophytes
avant prothèse. En revanche, on a mis en évidence un facteur lié
à l’opérateur : les opérateurs “juniors”, c’est-à-dire les chefs de
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clinique, avaient un taux d’OPP de stade 3-4 supérieur à celui des
“seniors”, permanents du service (28,8 % vs 14,7 %).
La durée moyenne d’intervention (de 105 à 114 minutes) ne différait pas en ce qui concerne l’intensité des OPP et la survenue
de difficultés techniques pendant l’intervention, non plus que la
possibilité de complications postopératoires.
Discussion. Il s agit là d’une étude rétrospective mais homogène.
Certains facteurs de risque de survenue d’OPP retrouvés dans la
littérature n’apparaissent pas ici, tels l’âge, le sexe masculin, l’importance des ostéophytes. En revanche, la présence d’une maladie de Forestier ou la technique d’anesthésie péridurale n’ont pas
été analysées ici. Les auteurs admettent donc qu’il vaut mieux
administrer un traitement préventif à toutes les hanches opérées ;
ils proposent l’administration d’indométacine pendant la
durée d’hospitalisation, avec éventuellement un protecteur
gastrique, et ce pendant dix jours. La faible morbidité d’un tel
traitement et son efficacité reconnue justifient selon eux une utilisation large.
Dr L. Beraneck, 94000 Créteil
Vastel L., Kerboull L., Anract P., Kerboull M.
Fr) 1998 ; 65 : 260-6.
●
Rev Rhum (Ed
La Lettre du Rhumatologue - n° 244 - septembre 1998
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N A L Y S E S
Corticothérapie par voie intramusculaire versus per os dans le traitement
de la pseudo-polyarthrite rhizomélique
Cette étude contrôlée en double aveugle multicentrique
anglaise s’est effectuée auprès de 60 patients, suivis en
ambulatoire pour une pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR),
affirmée selon les critères classiques. Les critères d’exclusion
étaient les suivants : symptomatologie clinique de maladie de
Horton, corticothérapie antérieure ou contre-indication à celleci, cancer associé. Aucun patient n’a reçu parallèlement de calcium, de traitement hormonal substitutif ou tout autre traitement
modifiant le métabolisme osseux.
Les patients ont été répartis de façon randomisée en deux
groupes :
– Groupe méthylprednisolone intramusculaire (MP) : 120 mg
toutes les 3 semaines pendant les 12 premières semaines de la
phase en double aveugle, avec prise simultanée de comprimés de
placebo. Au terme de ces 12 premières semaines, le code secret
était rompu et, dès lors, une phase ouverte était initiée, avec arrêt
du placebo. La MP a donc été administrée aux doses suivantes :
100 mg à la 12e semaine, puis injection mensuelle, avec réduction des doses de 20 mg toutes les 12 semaines jusqu’à la
48e semaine, puis réduction des doses de 20 mg toutes les
16 semaines.
– Groupe prednisolone per os (OP) : 15 mg/24 h pendant
3 semaines puis 12,5 mg/24 h pendant 3 semaines puis 10 mg/24 h
pendant 6 semaines, avec injection concomitante de placebo toutes
les 3 semaines. Après rupture du code secret et arrêt du placebo
intramusculaire, le traitement était poursuivi selon le schéma suivant : 9 mg/24 h de la 12e à la 16e semaine, puis réduction des
doses de 1 mg toutes les 8 semaines.
En cas de reprise de la symptomatologie clinique, la posologie
était immédiatement réaugmentée, avec réduction ultérieure des
doses. La durée du traitement a été de 20 mois dans le groupe MP
versus 21 mois dans le groupe OP. Quarante-neuf des soixante
malades ont effectivement été suivis tout au long de l’étude.
À l’entrée, les deux groupes étaient appariés pour l’âge, le sexe,
la durée d’évolution de la maladie et les paramètres inflammatoires (VS, CRP, durée de la raideur matinale = EMS, intensité de
la douleur jugée sur une échelle visuelle analogique = VAS).
Lors des 12 premières semaines du traitement, la diminution de
l’EMS et de la VS et l’évolution de la VAS étaient comparables
dans les deux groupes. De même, la VS était, à la 96e semaine,
comparable dans les deux groupes. À signaler un chiffre moyen
de VS plus élevé à la 48e et à la 96e semaine par rapport à celui de
la 12e semaine, dans les deux groupes, sans aucune relation avec
les autres paramètres d’activité de la maladie.
À la 96e semaine, les patients sous MP avaient reçu une dose totale
de corticoïdes égale à 56 % de celle administrée dans le groupe
OP. Seuls 33,3 % des MP et 46,7 % des OP avaient pu interrompre
leur traitement.
Trois patients sous OP sont décédés en cours d’étude : tassements
vertébraux à la 22e semaine puis fracture du col fémoral à la
44e semaine (1), pneumonie à la 72e semaine (1), cancer de l’œsophage (1). Un patient sous MP est décédé à la 72e semaine d’un
cancer de l’estomac.
Deux malades sous OP ont arrêté leur traitement : l’un pour céphalées (en fait, il s’agissait d’une MH), l’autre avec un diagnostic de
polyarthrite rhumatoïde. Cinq patients sous MP ont arrêté leur
traitement pendant la période probatoire : neuropathie périphérique (1 avec, à la biopsie, aspect de vascularite leucocytoclastique), développement d’une PR (1), céphalées liées à une MH
(2), œdème des membres inférieurs (1). Un malade a présenté, à
la 80e semaine, un psoriasis étendu puis un rhumatisme psoriasique et un autre patient, un zona suivi d’une infection mycosique.
Un total de 9 fractures a été noté, survenant chez 8/30 patients du
groupe OP (26,7 %) versus 1/30 patient du groupe MP (3,3 %),
dans tous les cas chez des femmes et en l’absence de traumatisme
significatif.
Les œdèmes des membres inférieurs, la dyspepsie ou les infections bronchiques mineures sont survenus avec une égale fréquence dans les deux groupes.
En revanche, seuls les patients sous OP ont présenté les symptômes suivants : faciès lunaire (3), apparition d’une HTA nécessitant la mise sous traitement (2), cataracte (2), dépression (1).
Aucun malade n’a eu d’hyperglycémie ou de glycosurie.
Le gain de poids a été significativement plus important dans le
groupe OP : + 3,42 kg versus + 0,82 kg dans le groupe méthylprednisolone.
À l’issue de cette étude, les auteurs estiment que la corticothérapie par voie IM est aussi efficace que per os pour contrôler une
PPR. Cette voie a l’avantage de réduire notablement l’incidence
des fractures et le gain de poids, probablement en raison d’une
dose totale cumulée moindre. Ces résultats non seulement intéressent le traitement de la PPR mais peuvent également avoir des
implications dans le traitement d’autres affections chroniques, rhumatismales ou non, nécessitant une corticothérapie au long cours.
À la 12e semaine, 60 % des MP et 66,6 % des OP étaient en rémission (différence non significative). À la 48e et à la 96e semaine, le
taux de rémission était respectivement de 58 % versus 45 % et de
30 % versus 33 %.
An initially double-blind controlled 96 week’ trial of depot
methylprednisolone against oral prednisolone in the treatment of polymyalgia rheumatica.
Dasgupta B. et coll. ● Br J Rheum 1998 ; 37 : 189-95.
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Dr E. Thibierge-Rouyer,
Service du Pr Chaouat, Fondation Rothschild, Paris
La Lettre du Rhumatologue - n° 244 - septembre 1998
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N A L Y S E S
Description de deux nouvelles localisations cancéreuses associées à un syndrome
de fasciite palmaire et polyarthrite
Les auteurs d’Amiens rapportent deux nouveaux cas du
syndrome conjuguant polyarthrite et fasciite palmaire, associé à un cancer.
Les deux cas rapportés concernent des femmes de 59 et 92 ans
présentant des synovites des mains et, rapidement, une rétraction
des gaines synoviales avec flexion irréductible des doigts.
D’autres articulations étaient le siège d’une inflammation :
épaules, poignets, hanches et genoux. Dans un cas, le liquide prélevé au genou était inflammatoire, constitué de 3 600 cellules
dont 95 % de polynucléaires. Il existait par ailleurs un syndrome
inflammatoire sanguin modéré : VS à 45 et 33, CRP augmentée
mais aucune anomalie immunologique.
Dans le premier cas, un carcinome à cellules transitionnelles du
bassinet a été découvert, mais ni la néphrectomie ni les traitements par AINS, antipaludéens, bolus de corticoïdes n’ont amélioré la fasciite palmaire. Dans la deuxième observation, un adénocarcinome utérin était connu depuis un an quand sont apparues
la polyarthrite puis la fasciite. Une intervention de décompression du nerf médian au canal carpien a permis d’obtenir une histologie montrant une prolifération des fibroblastes et fibrocytes
sur un fond de sclérose collagène. Les deux patientes sont rapidement décédées.
Ces deux cas s’ajoutent aux trente-cinq cancers publiés depuis
1982 (Baron M., Ann Intern Med 1982 ; 97 : 616). Ce syndrome
paranéoplasique est associé dans un tiers des cas à un cancer de
l’ovaire, mais on retrouve d’autres adénocarcinomes (côlon, sein,
pancréas), et même un cas de Hodgkin et un cas de LMC.
La femme est plus souvent touchée : seules 6 observations concernaient des hommes. Les symptômes articulaires précèdent la
découverte de la tumeur de plusieurs mois. Ce syndrome se différencie de l’algodystrophie par la rapidité d’installation de la
fibrose constituant la fasciite palmaire, par le caractère parfois
multiple des rétractions capsulaires, ainsi que l’association à une
fasciite plantaire. L’histologie est faite d’une fibrose dermique
intense avec de rares cellules mononucléées. Il existe aussi des
dépôts d’immunoglobulines G au sein des fascias et des dépôts
d IgM et de C3 dans la paroi des vaisseaux, faisant donc évoquer
un mécanisme immunologique. Il n’y a pas de traitement reconnu
de cette affection ; même le traitement carcinologique est d’une
efficacité discutée en raison de l’extension habituelle.
L’apparition d’une polyarthrite avec fasciite palmaire doit donc
faire rechercher une néoplasie, et pas seulement ovarienne.
Dr L. Beraneck, 94000 Créteil
Grados F., Houvenagel E., Cayrolle G., Bellony R., Fardellone
P., Sebert J.L. ● Rev Rhum (Ed Fr) 1998 ; 65 : 232-4.
Anticorps anti-cardiolipine dans la maladie de Horton et la pseudo-polyarthrite
rhizomélique : fréquence et corrélations cliniques
Quarante patients (33 femmes et 7 hommes ; âge moyen :
69,5 ans) ayant une maladie de Horton (MH : 33) ou une
pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR : 7) ont été inclus dans
cette étude.
À l’entrée, avant toute corticothérapie, 17/33 MH (51,5 %) et
2/7 PPR (28,5 %), soit 19 patients au total (47,5 %), avaient des
anticorps anti-cardiolipine (aCL+). Ces anticorps étaient de type
IgG chez 18/19 patients et de type mixte IgG + IgM chez un patient.
Une deuxième recherche de ces anticorps a été effectuée ultérieurement, chez 16/19 patients initialement aCL+, alors sous corticoïdes à faible dose. 7/16 patients (43,7 %) étaient toujours
aCL+, ce taux étant diminué (3 cas), augmenté (1 cas) et inchangé
(3 cas). Le VDRL était positif chez un patient ayant une syphilis. Aucun des sujets du groupe témoin simultanément étudié
n’était aCL+.
Des complications vasculaires sont survenues chez 25/40 patients,
tous avec un diagnostic de MH : accident vasculaire cérébral (4),
angor ou infarctus du myocarde (4), névrite optique ischémique
(12), autre accident ischémique (10).
Aucune relation entre la présence d’aCL, à l’entrée dans l’étude
ou sous corticoïdes à faible dose, et la survenue d’accidents vasLa Lettre du Rhumatologue - n° 244 - septembre 1998
culaires n’a été mise en évidence. De même, les aCL n’étaient
pas corrélés aux paramètres inflammatoires de la maladie. La
biopsie d’artère temporale était plus fréquemment positive chez
les patients aCL+, mais la différence n’était pas statistiquement
significative. En revanche, à l’entrée dans la MH, les aCL sont
apparus corrélés à la présence d’une anémie microcytaire, sans
signe d’hémolyse associée.
En conclusion, la prévalence des aCL est élevée dans la MH
(51,5 %) et la PPR (28,5 %), mais leur présence n’est pas corrélée à l’activité de la maladie, la survenue d’accidents ischémiques
ou l’évolution de la maladie. La présence d’aCL est, en revanche,
corrélée à l’existence d’une anémie microcytaire inflammatoire,
phénomène dont la signification reste à élucider.
Dr E. Thibierge-Rouyer,
service Pr Chaouat, Fondation Rothschild, Paris
Anticardiolipin antibodies in giant cell arteritis and polymyalgia rheumatica : a study of 40 cases.
Manna R. et coll. ● Br J Rheum 1998 ; 37 : 208-10.
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