La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. VII - mai-juin 2004
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DO S S I E R T H É M A T I Q U E
Les principaux autres facteurs alimentaires discutés sont une ali-
mentation exclusive à base de céréales, associée à un risque plus
important qui pourrait être lié à des déficits en microéléments et
en vitamines, et l’utilisation de conserves de légumes artisanales
fermentées avec présence de mycotoxines dans certaines régions
chinoises. Le rôle de l’ap p o rt pro t é i q u e, de l’ap p o rt lipidique,
celui de la consommation d’épices et de l’apport hydrique ont
été discutés, sans qu’aucune conclusion puisse être tirée.
Parmi les micronutriments, le rôle des vitamines A, B2, C et E a
aussi été discuté sans résultat cl a i r. Il est à noter que l’ap p o rt
d’acide rétinoïque paraît protecteur. Enfin, l’effet protecteur du
sélénium et du zinc semble probable, mais reste à confirmer. Les
données concernant les autres ions reste controversées (sodium,
calcium, magnésium, cuivre, molybdène).
Autres facteurs
L’ i r ri t ation thermique liée à la consommation de maté ch a u d
(70 °) pourrait être un facteur de risque important en Amérique
du Sud. Cette boisson est ingérée directement à l’aide d’une paille
métallique déposée sur le fond de la langue et immédiatement
déglutie. Certaines études retrouvent cependant un risque accru
avec la consommation de maté fro i d. Le rôle spécifique de la ch a-
leur et/ou de composés carc i n ogènes reste donc à déterm i n e r.
Le rôle des nitrosamines présents dans diff é rentes boissons alcoo-
lisées ainsi que dans l’eau de boisson de certaines régions du
monde est discuté. La présence de mycotoxines a été incriminée
sans qu’une conclusion définitive puisse être apportée. L’infec-
tion œsophagienne par papillomavirus humain pourrait interve-
nir, mais le rôle de ces virus en France semble faible, voire nul.
Un antécédent de ra d i o t h é r apie médiastinale est associé à un
risque augmenté de cancer de l’œsophage. En France, ce facteur
i n t e rvie nt pour moins d’un cas sur 300. L’ i m mu n o s u p p re s s i o n
peut aussi favo riser l’ap p a rition d’un cancer épidermoïde de
l’œsophage.
Il existe de nombreuses données concernant le risque pro fe s-
sionnel, mais il est délicat de séparer la part exacte de cette expo-
sition de celle qui pourrait être liée à la consommation d’alcool
et de tabac chez ces patients. De même,un statut socio-écono-
mique bas est associé à un risque augmenté de cancer épider-
moïde de l’œsophage, sans qu’il soit possible d’évaluer l’im-
portance exacte de ce facteur.
SUSCEPTIBILITÉ GÉNÉTIQUE
La tylose,ou kératodermie palmo-plantaire héréditaire, est une
affection transmise sur le mode autosomal dominant. Sa pré-
valence est estimée à 1 pour 40 000 personnes. Dans certains
cas, cette pathologie s’associe à la survenue d’un cancer de l’œ-
sophage réalisant le syndrome de Howel-Evans. Le risque de
d é velopper un cancer de l’œsophage est de près de 100 % à
65 ans dans ces familles. Le gène responsable de cette patho-
logie est situé dans la région 17q25.2-25.3. Son rôle exact reste
à préciser.
Différentes études d’agrégation familiale ont été réalisées pour
essayer d’identifier un facteur génétique de sensibilité au cancer
é p i d e r moïde de l’œsophage. Les résultats actuellement dispo-
nibles restent discordants.
Enfin, le rôle de différents polymorphismes, notamment enzy-
matiques, comme facteur de sensibilité au développement tumo-
ral en présence de facteurs de risque a été récemment souligné,
aussi bien par des travaux expérimentaux que par des études épi-
démiologiques.
CONDITIONS PRÉCANCÉREUSES
Les conditions précancéreuses identifiées sont rapportées dans
le tableau.
PRÉVENTION
Prévention primaire
La prévention de la survenue du cancer épidermoïde de l’œso-
phage repose sur l’information de la population pour limiter au
m a x i mum l’intox i c ation éthy l o - t ab a gi q u e. La diffusion de
conseils alimentaires incitant à la consommation de fruits et de
légumes paraît également importante.
Prévention secondaire
La prévention secondaire peut être envisagée, soit en population
g é n é rale dans les zones de très haute incidence, comme en Chine,
soit chez les populations à haut risque.
Ainsi, en Chine,un dépistage systématique des lésions d’œso-
phagite chronique et de dysplasie a été proposé dans certaines
régions tests comprenant plusieurs centaines de milliers de per-
sonnes. Ce dépistage est réalisé par des techniques de cytologie
au ballonnet ou par endoscopie. On estime en effet que le risque
de développement d’un cancer de l’œsophage est d’environ 5 %
l o r squ’une dysplasie de bas grade est observ é e, mais de 65 %
pour une dysplasie de haut grade. Environ 2 à 3 %des patients
présentent une dysplasie lors de ces campagnes de dépistage.
Chez les patients ayant une cytologie positive, l’endoscopie cou-
Tableau. Conditions précancéreuses du carcinome épidermoïde de
l’œsophage.
* RR : risque relatif.
Pathologie RR* ou prévalence
Syndrome de Plummer-Vinson 10 % des patients
Achalasie Risque relatif de 7 à 33 fois
Œsophagite caustique ancienne étendue Risque relatif de 12 à 1 000 fois
Diverticule de Zenker Risque relatif de 10 fois
Localisation tumorale épidermoïde 7 % des patients (extrêmes 3-21 %)
ORL ou bronchopulmonaire
Anémie de Fanconi