La Lettre du Neurologue - vol. VIII - n° 10 - décembre 2004 355
liste de randomisation préétablie, le patient est inclus soit dans le
groupe AMM avec transfert immédiat et thrombolyse à l’arrivée à
Bichat (ce qui n’arrive que dans environ 10 % des cas), soit dans
le groupe télé-AVC. Le neurologue vasculaire de garde à Bichat
examine alors le patient par visioconférence, c’est-à-dire qu’il
vérifie le score du NIHSS, les critères biologiques d’inclusion,
les critères d’exclusion, et interprète le scanner cérébral.
Il valide ainsi ou non l’indication de thrombolyse portée par
le médecin urgentiste, et son opinion l’emporte. On estime ainsi
qu’après formation des médecins urgentistes, 80 à 90 % des
patients seront thrombolysés après un examen par télémédecine.
Ils seront ensuite transférés aussi vite que possible à Bichat grâce
à la collaboration des SAMU, pour que les deux groupes reçoivent
les mêmes soins de stroke unit durant le reste de la phase aiguë,
puis suivent la même filière de rééducation. Ainsi, seule la stra-
tégie de décision et l’absence ou non de transfert avant la throm-
bolyse seront différentes entre les deux groupes, et ce sera bien
l’impact de la télémédecine que l’on évaluera.
Le critère de jugement primaire portera sur la guérison à 3 mois
(Rankin 0-1) et le critère de tolérance sera le pourcentage d’hémor-
ragie intracrânienne symptomatique.
Pour vérifier nos hypothèses de départ, nous aurons besoin de
350 patients vus dans les 3 heures. Mais, comme il s’agit d’un
essai séquentiel, il est très possible qu’il puisse s’arrêter avant.
Si l’essai est positif, nous aurons montré que, comparativement à
l’AMM, il est possible de “transférer” la thrombolyse aux médecins
urgentistes sous couvert d’une vérification des critères d’inclusion/
exclusion par télé-expertise. Avec ce système, tout patient arrivant
dans un service d’urgences, quel que soit l’hôpital en France,
même le plus isolé, le plus petit, aura accès aux soins de throm-
bolyse dans les mêmes conditions et avec les mêmes bénéfices
que les autres.
On sait que la thrombolyse dans l’infarctus du myocarde a
vraiment “décollé” lorsque les cardiologues l’ont “passée” aux
urgentistes. La télémédecine devrait permettre aux neurologues
de faire la même chose dans de bonnes conditions de sécurité
d’emploi. C’est du moins l’hypothèse que nous souhaitons véri-
fier dans le projet Télé-AVC.
Au-delà de la thrombolyse, on peut bien entendu imaginer de
multiples autres applications dans le domaine neurologique, neuro-
chirurgical et plus généralement de médecine d’urgence.
LA SOLUTION POUR LES GARDES
NEUROVASCULAIRES 24 HEURES SUR 24 ?
La télémédecine pourrait aussi être une bonne optimisation de la
garde 24 heures sur 24 de certaines unités neurovasculaires. La
garde est nécessaire pour la thrombolyse, et bientôt pour le fac-
teur VII (Novoseven®), dans les 3 premières heures des hémor-
ragies cérébrales, mais aussi pour surveiller et traiter les malades
instables en soins intensifs. On sait bien cependant qu’il n’y a pas
de thrombolyse lors de chaque garde, ni même de patients dont
le cas s’aggrave à chaque fois. À Bichat, nous optimisons la garde
en donnant des avis aux urgences, ce qui permet une (souhai-
table) “seniorisation” de la prise en charge des urgences neuro-
logiques. Avec la télémédecine, dans le cadre de Télé-AVC, nous
sommes aussi de garde pour la thrombolyse dans 10 autres hôpi-
taux, ce qui est une réelle optimisation de la garde. On peut ima-
giner dans le futur que cela se fasse par contrat entre hôpitaux,
chaque USI-NV ayant ses hôpitaux contractuels.
Le bénéfice est évident pour les hôpitaux dépourvus de service
de neurologie sur place ; il ne l’est pas moins pour ceux qui en
ont un. En effet, ces hôpitaux souhaitent, en général, prendre en
charge les AVC dans une USI-NV, mais le problème insoluble
reste la garde et la disponibilité des neurologues du site 24 heures
sur 24. Il y a le problème de la nuit (et lorsqu’il y a 3 ou 4 PH, il
est bien difficile d’envisager une astreinte ou une garde sans
grandement altérer la qualité de vie, surtout que cela ne serait pas
pour 2 ou 3 ans mais pour la vie professionnelle entière), mais il
y a aussi le problème du jour. Le jour, on fait la visite, on est en
consultation, et l’on n’a pas toujours un PH disponible immédia-
tement (dans les 5 mn) pour les urgences. Lorsque l’on est en
consultation, il est difficile de tout arrêter et de dégager 3 heures
pour aller faire une thrombolyse (temps pour réaliser l’ensemble
de la prise en charge de thrombolyse en moyenne).
Ainsi, même pour les hôpitaux avec un service de neurologie et
une USI-NV, la contractualisation avec une USI-NVR qui possède
une garde 24 heures sur 24 peut permettre que les patients arrivant
aux urgences de ces hôpitaux soient thrombolysés par le médecin
urgentiste grâce à la télémédecine, puis transférés dans l’USI-NV
de cet hôpital. La télémédecine permet donc au neurologue local
de poursuivre sa consultation, sans avoir à l’interrompre pour
aller aux urgences et trombolyser le patient, d’être tenu au cou-
rant durant sa consultation tout en ayant participé à la décision
du traitement. Ainsi, en fin de consultation, il peut passer voir le
patient dans son USI-NV.
Dans une organisation idéale, certains des neurologues de ces
hôpitaux pourraient même participer à la liste de garde de télé-
médecine dans le cadre d’une “mutualisation” intelligente des
moyens humains.
Avec ce système, il y aurait zéro transfert et les patients avec AVC
seraient pris en charge à 100 % dans leurs hôpitaux de proximité,
sous réserve que ceux-ci soient équipés d’une USI-NV.
CONCLUSION
Les avancées de la communication et de l’échange en temps réel
des informations et des images doivent être utilisées et mises au
service du patient dans la perspective d’un égal accès aux soins
pour tous. La circulaire 2003-517 du 3 novembre 2003 de la
DHOS-DGS sur les unités d’urgences neurovasculaires a ouvert
la voie en indiquant que “toute unité de soins intensifs neuro-
vasculaires (devait) posséder son plateau de télémédecine”. Aux
agences régionales d’hospitalisation (ARH) d’appliquer la cir-
culaire et d’aider les cliniciens dans cette voie avec une vision
d’avenir dans ce domaine.
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