vie professionnelle Réunion de la Société française neurovasculaire Toulouse, 8-9 novembre 2001 ■ D. Deplanque* Le palais des congrès de Toulouse accueillait, début novembre, la Société française neurovasculaire (SFNV) pour deux demi-journées. La première fut l’occasion d’une rencontre avec la Société française de neurologie (SFN) autour de communications scientifiques mettant en exergue la diversité et la richesse de la neurologie vasculaire. La seconde constituait un événement dans la mesure où elle rassemblait pour la première fois près de 300 personnes, médecins et paramédicaux (infirmières, orthophonistes, kinésithérapeutes, assistants sociaux, etc.) sur le thème de la prise en charge à la phase aiguë de l’accident vasculaire cérébral (AVC). Le choix des sujets abordés, l’enthousiasme des orateurs ainsi que la pertinence des questions posées par l’auditoire ont largement contribué au succès mérité de ces journées. DE L’ÉVALUATION DU RISQUE VASCULAIRE * Service de neurologie et pathologie neurovasculaire, CHRU de Lille. 48 CÉRÉBRAL AUX THÉRAPEUTIQUES DU FUTUR Il demeure crucial de pouvoir évaluer au mieux le risque de survenue d’un AVC afin, le cas échéant, de pouvoir l’éviter par la prescription de traitements adaptés. Dans cette perspective, l’étude FOP-ASIA (J.L. Mas et al.) apporte pour la première fois des données sur le risque de récidive d’un infarctus cérébral chez les patients porteurs d’un foramen ovale perméable et/ou d’un anévrisme du septum interauriculaire. Il apparaît ainsi que l’association FOP/ASIA est corrélée à un risque de récidive de l’ordre de 4 % par an en dépit de la prise d’aspirine. Bien qu’il reste difficile d’établir les mécanismes mis en jeu dans la genèse d’une ischémie cérébrale chez ces patients, J.F. Albucher et al. ont rappelé l’association non fortuite entre FOP ± ASIA et vulnérabilité auriculaire, ce qui pourrait conduire à l’évaluation d’autres modalités thérapeutiques. Dans le domaine des occlusions carotides, la valeur prédictive des HITS sur la gravité clinique ou le risque de réci- dive reste difficile à évaluer. Dans une étude menée sur 43 patients, J.F. Lafontan et al. n’ont pas trouvé de liens entre ces microsignaux emboliques et la gravité du tableau clinique initial, non plus qu’avec le risque de récidive. La biologie pourrait, en revanche, être un élément prédictif intéressant. J.F. Albucher et al. ont rappelé l’association possible entre faible taux de HDL-cholestérol et infarctus cérébral chez les moins de 45 ans, et J.M. Olivot et al. ont montré qu’un taux plasmatique élevé d’activateur tissulaire du plasminogène pouvait constituer un facteur de risque d’AVC, voire même en être un élément de mauvais pronostic. Si l’on en croit D. Minier et al., les spécialistes en pathologie vasculaire cérébrale devraient régulièrement consulter la météo. Il semble en effet que les conditions anticycloniques, la baisse de température ou encore l’augmentation de l’humidité de l’air soient associées à une plus forte incidence des AVC, l’été étant au contraire moins propice. Dans un autre registre, le développement de l’IRM de diffusion-perfusion et l’utilisation de nouvelles méthodes de mesure de la perfusion (C. Cognard et al.) pourraient permettre d’évaluer précocement le devenir des lésions ischémiques cérébrales, en particulier dans la perspective d’un traitement thrombolytique. Si les traitements ont longtemps fait défaut dans le domaine de la pathologie vasculaire, il semble que les temps changent. Avant d’envisager les traitements du futur, force est de constater qu’il conviendrait de mieux utiliser les traitements qui ont déjà montré leur efficacité. Cette remarque s’applique particulièrement à la fibrillation auriculaire, où, en dépit de nombreux essais et de recommandations largement diffusées, les patients qui pourraient bénéficier le plus des anticoagulants sont ceux qui en reçoivent le moins et inversement. Les raisons avancées par les prescripteurs seraient l’existence de contre-indications potentielles (âge, déclin cognitif ) ainsi que leur Correspondances en neurologie vasculaire - n° 3 - octobre-novembre-décembre 2001 “ L a pa g e d e l a S F N V ” méconnaissance des indications (D. Deplanque et al.). Ainsi , la prévention reste un domaine difficile, et les résultats de l’étude PROGRESS ne faciliteront sans doute pas les choses (M.G. Bousser et al.). La prescription au décours de l’AVC, d’une association de 2 traitements antihypertenseurs (périndopril et indapamide), y compris chez des sujets normotendus, doit être envisagée, car elle permettrait de réduire de 28 % le risque de récidive ischémique ou hémorragique à 4 ans. Il reste à convaincre nos collègues de l’intérêt de cette association à l’exclusion de toute autre. Parmi les approches thérapeutiques du futur, il faut citer les données préliminaires rapportées par P. Cintas et al. sur l’utilisation du doppler transcrânien dans le but de favoriser la lyse du caillot à la phase précoce des infarctus cérébraux. Cette technique, dont l’effet favorable sur le thrombus ne semble pas actuellement se traduire par un bénéfice clinique, mériterait d’être évaluée sur un effectif plus important, en association avec la thrombolyse médicamenteuse. Enfin, dans un futur peut être plus proche, outre la prescription d’antihypertenseur, la prévention des AVC justifiera peut-être la prescription de médicaments visant à réduire la gravité des tableaux cliniques et non plus simplement leur survenue (Bordet et al.). Cette approche de neuroprotection prophylactique qui résulte de données expérimentales, en particulier par l’utilisation des statines ou des fibrates, pourrait être prochainement confirmée chez l’homme, pour le plus grand bénéfice des patients à haut risque vasculaire cérébral. LES PARAMÉDICAUX AU CŒUR DE LA PRISE EN CHARGE DES AVC Cette seconde demi-journée a d’abord été l’occasion de partager l’expérience d’une équipe italienne. Le Dr A. Falcou a exposé les modalités de prise en charge des AVC à l’hôpital universitaire de la Sapienza, à Rome. L’unité vasculaire aiguë de 4 lits (bientôt 6), installée au cœur des urgences, est gérée en permanence par 1 médecin et 2 infirmières. En revanche, comme dans la plupart des autres pays européens, il n’y a pas d’aide-soignant. En moins d’un an, près de 600 patients ont été admis, la durée de séjour était inférieure à 3 jours. L’organisation des soins a permis la réalisation de 9 fibrinolyses (pour 49 infarctus admis dans les 3 heures), ainsi que 18 endartérectomies carotide dans les Correspondances en neurologie vasculaire - n° 3 - octobre-novembre-décembre 2001 48 heures suivant l’admission. La plupart des patients étaient ensuite admis dans le service de neurologie vasculaire ou dans un autre service de neurologie, services qui présentent l’inconvénient de se situer à l’extérieur de l’enceinte de l’hôpital universitaire. L’organisation des unités neurovasculaires demeure, en Italie comme en France, un problème important. La mise en place d’une filière de soin (pré-, intraet posthospitalière) paraît être un élément déterminant. Dans ce contexte, Mr Romatet (directeur du CHU de Nice) a souligné la nécessité d’une concertation et d’un partenariat entre l’administration et les acteurs de la prise en charge des AVC afin d’évaluer les besoins et de répartir au mieux les moyens humains et technologiques. La projection du film sur la prise en charge paramédicale de l’AVC à la phase aiguë, réalisé par l’équipe de Dijon (J.Y. Desbois et M. Giroud) et récemment primé aux entretiens de Bichat, a été l’occasion d’un débat sur le rôle de l’infirmière dans la surveillance clinique neurologique des patients. Comme au Canada, il est proposé que l’infirmière puisse évaluer de manière répétée le score du NIH. Si la discussion concernant ce qui relève du rôle du médecin et de celui de l’infirmière reste encore en suspens, il a été avancé que la pratique de ce score, comme de celui de Rankin ou plus souvent peut être de celui de Barthel, pourrait permettre au personnel infirmier des unités neurovasculaires d’acquérir une certaine spécificité. Le problème demeure cependant la reconnaissance de celle-ci et la possibilité pratique de l’exercer en raison du manque de temps et d’effectifs encore trop souvent insuffisants. Les résultats de l’enquête nationale sur la charge de travail paramédical dans les services (spécialisés ou non) accueillant des AVC (O. Fornier, Paris ; B. Saillard, Dijon) ainsi que l’évaluation de la charge de travail dans une unité neurovasculaire (E. Huot-Marchand, Besançon) ont confirmé la carence en personnel paramédical. Si les besoins sont directement liés à la sévérité des tableaux cliniques ainsi qu’au type d’AVC (hémorragie, infarctus du tronc cérébral), il apparaît que la charge de travail est plus importante sur les postes du matin. Les résultats de ces deux enquêtes, dont chacun attend avec impatience la publication, confirment par ailleurs les chiffres avancés par la SFNV dans ses recommandations pour l’ouverture d’unités neurovasculaires. Dans la perspective d’une 49 vie professionnelle prise en charge idéale à la phase aiguë, la kinésithérapie ne doit pas non plus être négligée. J.P. Bleton (Paris) a rappelé l’intérêt et le bénéfice pour le patient d’une kinésithérapie précoce dont les principales limitations sont constituées par les comorbidités. La kinésithérapie à la phase aiguë doit permettre une prévention des complications de décubitus en assurant un positionnement adéquat, une ventilation optimale et en limitant la stase veineuse. De même, elle prépare la rééducation ultérieure par la station debout précoce, l’installation au fauteuil en position assise et le rétablissement du schéma corporel. L’aphasie et la négligence sont d’autres aspects importants à considérer. Si la prise en charge de l’aphasie peut être un peu décalée dans le temps, celle-ci doit être intensive et prolongée (5 heures par semaine pendant au moins 3 mois), et il semble légitime de la débuter dès que possible à raison de 2 à 3 heures par semaine (D. Beauchamp, Tours). La prise en charge de la négligence, quant à elle, plus que 50 le seul travail de l’orthophoniste et du psychologue, doit impliquer précocement toute l’équipe ainsi que la famille du patient (C. Cousin, Paris). Après une intervention du Pr Leys (Lille) sur le hiatus entre données des essais cliniques et pratique quotidienne en matière de prévention secondaire, une table ronde a été l’occasion d’aborder les relations soignants-patients-entourage à la phase aiguë de l’AVC. De nombreux posters, en particulier concernant la prise en charge paramédicale, ont par ailleurs illustré cette journée. Un prix de 5 000 francs a été attribué à J.P. Bleton pour son travail sur l’installation de l’hémiplégique. Les journées de la SFNV se sont ainsi terminées, laissant à chacun le désir de se rencontrer à nouveau afin de prolonger la discussion et la réflexion. Dans ce contexte, le Pr. Mas a proposé qu’une réunion commune puisse avoir lieu tous les ans ou tous les deux ans. Gageons que cet appel ne restera pas sans réponse. Correspondances en neurologie vasculaire - n° 3 - octobre-novembre-décembre 2001