Médecine
& enfance
CAS CLINIQUE
Vous voyez un jeune garçon de trois
ans. Il est le premier enfant d’une fra-
trie de deux. Il n’y a pas d’antécédent
personnel ou familial notable. La gros-
sesse et l’accouchement ont été nor-
maux. Le développement de la petite
enfance s’est fait normalement. Le seul
élément relevé à l’examen est un angio-
me plan qui couvre le côté droit du vi-
sage, s’étendant du front à la lèvre su-
périeure.
Les parents vous racontent que le matin
ils ont été réveillés par des bruits prove-
nant de la chambre de leur enfant.
Quand ils sont arrivés dans la chambre,
leur enfant avait des mouvements ocu-
laires horizontaux associés à des se-
cousses des deux bras et ne répondait
pas à leurs appels. Il est « resté ailleurs »
pendant cinq bonnes minutes puis il est
devenu tout mou. Ils se sont alors ren-
dus aux urgences. Après un examen cli-
nique complet, on leur a expliqué que
leur enfant avait fait une crise épilep-
tique isolée, qu’un scanner sans injec-
tion avait été réalisé (figure 1) et que, ce-
lui-ci étant anormal, ils allaient devoir
rencontrer un spécialiste. Ils ont pu re-
partir des urgences car l’enfant avait re-
trouvé un état normal et, d’après le
compte rendu radiologique, les élé-
ments du scanner étaient anciens. In-
quiets, ils viennent vous voir.
Que faites-vous ? Pourquoi ?
A quel diagnostic pensez-vous ?
Il faut recommander une hospitalisa-
tion pour une surveillance de vingt-
quatre heures. Cette attitude n’est pas
celle à appliquer à tous les patients
ayant présenté une crise épileptique
partielle isolée sans anomalie de l’exa-
men clinique (cf. Médecine et enfance,
octobre 2008). Mais nous sommes ici
dans une situation particulière.
Chez ce jeune patient, nous devons évo-
quer un syndrome de Sturge-Weber, car
il présente un angiome facial, des calci-
fications cérébrales et une épilepsie dé-
butante. Seules des calcifications sont
spontanément hyperdenses au scanner
lorsqu’il n’y a pas d’injection d’un pro-
duit de contraste (figure 1). De plus, ces
calcifications ont une répartition pré-
pondérante dans le cortex.
Dans cette maladie, l’épilepsie débute
fréquemment par un « orage » de crises
épileptiques pouvant conduire dans cer-
tains cas à un état de mal épileptique.
C’est pour cette raison qu’il faut faire
hospitaliser ces patients. Ce mode cli-
nique de début d’épilepsie était déjà
connu mais il vient d’être confirmé dans
une série assez large [1].
Le diagnostic de syndrome de Sturge-
Weber peut être retenu chez ce patient
qui associe une crise épileptique, un an-
giome plan dans le territoire ophtal-
mique du nerf trijumeau et des calcifi-
cations cérébrales au scanner. Ce dia-
gnostic devrait être évoqué chez tous
les patients présentant un angiome fa-
cial atteignant le territoire ophtalmique
du nerf trijumeau, et ce dès la période
néonatale.
Quelles investigations et quelle prise
en charge envisagez-vous ?
Il faut réaliser une IRM avec des sé-
quences recherchant un angiome pial
grâce à une injection de gadolinium (fi-
gure 2). C’est le seul moyen d’affirmer la
présence de l’angiome pial. On deman-
dera aussi un électroencéphalogramme.
Ces investigations vont permettre d’ap-
précier l’étendue de l’angiome pial avant
la prise en charge thérapeutique.
Un bilan ophtalmologique recherchera
un glaucome dû à l’existence d’un angio-
me choroïdien, situation plus rare, mais
qui ne doit pas être négligée (figure 3).
Un traitement antiépileptique sera dé-
buté dès cette première crise. C’est une
situation assez unique car on ne met ha-
bituellement pas de traitement en place
après une crise isolée, mais le contrôle
de l’épilepsie est un point essentiel dans
le syndrome de Sturge-Weber.
NEUROLOGIE
Rubrique dirigée par S. Auvin
Une crise épileptique isolée
S. Auvin, service de neurologie
pédiatrique et des maladies métaboliques,
hôpital Robert-Debré, Paris
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jection de produit de contraste, qui de-
vra parfois être répétée si la première a
été réalisée avant l’âge de six mois.
Les manifestations les plus fréquentes
toire de la branche ophtalmique du nerf
trijumeau, car il est important d’établir
un diagnostic le plus tôt possible. Il
s’agit de faire réaliser une IRM avec in-
LE SYNDROME
DE STURGE-WEBER
Le syndrome de Sturge-Weber est une
maladie congénitale non héréditaire ca-
ractérisée par l’association d’un angio-
me trigéminé et de manifestations neu-
rologiques en rapport avec un angiome
pial (angiome de la pie-mère). Le glau-
come secondaire à un angiome choroï-
dien est également une complication
possible. L’angiome facial est localisé au
niveau du territoire de la branche oph-
talmique du trijumeau ; il est la consé-
quence d’une régression anormale des
plexus vasculaires de la portion cépha-
lique du tube neural au cours de l’em-
bryogenèse. Les manifestations neuro-
logiques sont variables : épilepsie en
rapport avec l’angiomatose et les calcifi-
cations corticales, mais aussi hémiparé-
sie-hémiplégie ; une atteinte cognitive
est également possible [2].
Les anomalies retrouvées dans le syn-
drome de Sturge-Weber (cérébrales,
méningées, oculaires et cutanées) sug-
gèrent l’existence d’une malformation
vasculaire apparaissant pendant la pé-
riode embryonnaire (cinq à huit se-
maines). Il semble donc que cette ano-
malie vasculaire occasionne des phéno-
mènes d’occlusion, de stase, de diminu-
tion du retour veineux engendrant une
hypoxie et une ischémie neuronale
(zones d’hypoperfusion visibles en to-
mographie à émission de positons). Cet-
te physiopathologie est responsable
d’une atteinte progressive avec appari-
tion de calcifications et d’une atrophie
corticale (figure 4).
MANIFESTATIONS CLINIQUES
Le signe clinique le plus évident, pré-
sent dès la naissance, est l’angiome fa-
cial dans le territoire ophtalmique. Cet-
te atteinte à elle seule ne présente qu’un
problème esthétique. Une prise en char-
ge par un traitement laser est possible à
partir de la deuxième enfance. Toute-
fois, un bilan à la recherche d’un syn-
drome de Sturge-Weber devrait être
réalisé chez tous les nouveau-nés pré-
sentant un angiome plan dans le terri-
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& enfance
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1. Scanner sans injection : présence de
signaux hyperdenses dans le cortex. Ces
signaux sont gyriformes et bilatéraux
mais ils prédominent dans le cortex
droit.
2. IRM cérébrale montrant des signes
directs de syndrome de Sturge-Weber.
Les signes directs sont la prise de
contrastes, qui sont dus à l’angiome pial.
Les signes indirects sont l’hypertrophie
des plexus choroïdes et l’atrophie
corticale sous-jacente à l’angiome pial.
Séquence T 1 avec injection de
gadolinium. Notez la prise de contraste
au niveau de la pie-mère.
3. Examen ophtalmologique montrant
un chemosis. Un glaucome doit être
systématiquement recherché chez les
patients ayant un syndrome de Sturge-
Weber. A : Reflet opaque de la cornée
lié à un œdème de cornée par
hypertonie oculaire. B : Chemosis à la
lampe à fente.
4. IRM cérébrale. Séquence pondérée
en T2 avec atrophie corticale postérieure
à prédominance gauche et hypertrophie
des plexus choroïdes gauches.
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sont les symptômes neurologiques que
nous allons détailler ci-après. Les yeux
sont le dernier organe pouvant être at-
teint. Un glaucome peut être observé.
Cette atteinte est due à un angiome cho-
roïdien. Une prise en charge spécialisée
en ophtalmologie est alors nécessaire.
Les manifestations neurologiques sont
dominées par l’épilepsie. 75 à 90 % des
patients présentant un syndrome de
Sturge-Weber développent une épilep-
sie. La physiopathologie de l’épileptoge-
nèse serait liée à la diminution du flux
sanguin et du retour veineux au niveau
de l’angiome pial, qui entraînerait une
hypoxie focale, une altération du méta-
bolisme neuronal et des calcifications.
L’épilepsie associée au syndrome de
Sturge-Weber est principalement
constituée de crises partielles simples
et/ou complexes. Il n’est pas rare que
ces épilepsies soient pharmacorésis-
tantes. Dans ces cas, un traitement chi-
rurgical peut être discuté.
Assez souvent, on observe une hémipa-
résie, voire une hémiplégie. Ces anoma-
lies peuvent survenir à la suite d’une épi-
lepsie très active, mais elles peuvent aus-
si prendre l’aspect d’une atteinte pro-
gressive. Il est possible d’observer des
épisodes dits « stroke-like ». Ces épisodes
se manifestent par un déficit neurolo-
gique brutal, comme cela peut être ob-
servé dans les accidents ischémiques, à
la seule différence qu’ils sont ici résolu-
tifs. Enfin, l’atteinte cérébrale peut être à
l’origine d’un retard plus ou moins im-
portant des acquisitions psychomotrices.
PRISE EN CHARGE ET PRONOSTIC
La prise en charge de cette maladie est
symptomatique, avec un traitement
anti épileptique dont le moment d’initia-
tion reste à établir. Le début des mani-
festations épileptiques doit conduire à
une hospitalisation, à un bilan et à un
traitement dès la première crise.
Le pronostic neurologique est influencé
par deux types d’événements : les phéno-
mènes vasculaires (thrombose, stase vei-
neuse, hypoxie) et les épisodes épilep-
tiques. Le contrôle de l’épilepsie est un
point essentiel pour maîtriser la progres-
sion de la maladie sur le plan neurolo-
gique. Aussi la question d’un traitement
antiépileptique prophylactique s’est-elle
rapidement posée. Les données de la lit-
térature suggèrent l’efficacité du traite-
ment prophylactique antiépileptique en
ce qui concerne l’existence de convul-
sions, leur âge de début et le développe-
ment psychomoteur des enfants. Une
étude rétrospective sur l’effet du traite-
ment prophylactique par phénobarbital
a montré une meilleure évolution psy-
cho-intellectuelle chez les enfants trai-
tés. Les autres paramètres n’étaient pas
différents, probablement en raison des
effectifs limités étant donné la faible fré-
quence de la maladie [3]. Toutefois, le
choix de la molécule à utiliser reste pro-
blématique. Certaines molécules répon-
draient mieux aux critères d’un traite-
ment prophylactique (efficacité, toléran-
ce) : carbamazépine, valproate, vigaba-
trin… mais à ce jour il manque surtout
un essai clinique prouvant l’intérêt d’un
tel traitement préventif.
Les patients doivent être suivis par un
neuropédiatre ayant une expérience
spécifique, car une modification rapide
des symptômes cliniques est possible
chez ces patients.
Références
[1] KOSSOFF E.H. et al. : « An infantile-onset, severe, yet spora-
dic seizure pattern is common in Sturge-Weber syndrome »,
Epi-
lepsia,
2009 ;
50 :
2154-7.
[2] THOMAS-SHOL K.A. et al. : « Sturge-Weber syndrome : a re-
view »,
Pediatr. Neurol.,
2004 ;
30 :
303-10.
[3] VILLE D. et al. : « Prophylactic antiepileptic treatment in Stur-
ge-Weber disease »,
Seizure,
2002 ; 1
1:
145-50.
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SAMEDI 19 JUIN 2010, PALAIS DE LA MUTUALITÉ, PARIS 3ecolloque Sciences et Société du collectif « Pasde0deconduite »
« LES ENFANTS AU CARRÉ ? UNE PRÉVENTION QUI TOURNE PAS ROND ! »
Prévention et éducation plutôt que prédiction et conditionnement
Tables rondes
• Adaptation, prévention : qu’est-ce qui rime, qu’est-ce qui prime ? • De la socialisation à l’éducation, penser et grandir
• Enfance et famille : contrôle des billets ou invitation au voyage ?
Intervenants D. Calin (philosophe, ex-formateur d’enseignants spécialisés, IUFM Paris), P. Delion (professeur de pédopsychiatrie, universi-
té Lille-II), P. Frackowiak (inspecteur honoraire de l’Education nationale), V. de Gaulejac (professeur de sociologie, université Paris-VII), S.
Giampino (psychanalyste, psychologue petite enfance, ANAPSY-pe), B. Golse (professeur de pédopsychiatrie, université Paris-V), R. Gori
(professeur de psychopathologie, université Aix-Marseille I, psychanalyste), T. Greacen (directeur du Laboratoire de recherche, EPS Maison-
Blanche), M. Julienne (journaliste sciences et société), C. Lane (professeur de littérature anglaise aux Etats-Unis), I. Millon (philosophe prati-
cienne, directrice de l’Institut de pratiques philosophiques), S. Missonnier (professeur de psychologie, université Paris-V), M. Parazelli (pro-
fesseur-chercheur, Ecole de travail social, université du Québec, Montréal), C. Simon-Lang (psychologue clinicienne, accueillante à « La mai-
sonnée » de Strasbourg), P. Suesser (pédiatre en protection maternelle et infantile, SNMPMI), S. Tisseron (psychiatre et psychanalyste, di-
recteur de recherche, université Paris-X).
Discutants F. Bourdillon (médecin de santé publique), Y. Coinçon (pédopsychiatre), M. Dugnat (pédopsychiatre), N. Georges (psychanalys-
te), V. le Mézec (psychologue de l’Education nationale), P. Ourghanlian (enseignant spécialisé), T. Petitpierre (psychologue), G. Schmit (pro-
fesseur de pédopsychiatrie), D. Terres (pédopsychiatre)
Programme et bulletin d’inscription sur le site www.pasde0deconduite.org
(http://www.pasde0deconduite.org/IMG/pdf/programme_colloque_pasde0deconduite_19juin2010.pdf)
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