Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n° 3, avril 2003 88
Vie professionnelle
Chronique du droit
sique. Ainsi, pour que l’on puisse
sérieusement envisager une indemnisa-
tion civile, il faudrait voir se cumuler
un défaut d’information, une véritable
alternative, et un dommage résultant
d’un aléa. On devine que ces hypo-
thèses sont rares.
L’objectif de la loi est de promouvoir un
modèle de relation médicale plus équili-
bré. Mais il ne faudrait pas en rester à une
lecture sommaire de la loi, comme si tout
manquement à l’information était sus-
ceptible de générer une condamnation.
Un peu de compréhension de la loi
conduira à un peu de compréhension
mutuelle entre les médecins et les patients.
Quel contenu ?
Que dire ? La loi répond en son
article L.1111-2 :
“Toute personne a le droit d’être infor-
mée sur son état de santé. Cette infor-
mation porte sur les différentes investi-
gations, traitements ou actions de
prévention qui sont proposés, leur uti-
lité, leur urgence éventuelle, leur consé-
quence, les risques fréquents ou graves
normalement prévisibles qu’ils com-
portent, ainsi que sur les autres solu-
tions possibles ou sur les conséquences
prévisibles en cas de refus. Lorsque
postérieurement à l’exécution des
investigations, traitements ou actions de
prévention, des risques nouveaux sont
identifiés, la personne concernée doit
en être informée, sauf en cas d’impos-
sibilité de la retrouver”.
Cet article modifie profondément l’ordre
des choses. On sait que dans une pratique
ancienne, la règle était d’informer sur les
risques courants, au motif qu’il ne fallait
pas risquer de dissuader de soins impor-
tants. A la suite de divers épisodes, la
règle, qui résultait de la jurisprudence,
était que le médecin devait informer de
tout risque grave, même exceptionnel.
S’il existe un risque grave, le patient doit
en être informé, quitte à souligner que ce
risque est exceptionnel. Pour la juris-
prudence, il n’y avait pas de raison de
masquer ce risque exceptionnel.
Sans qu’il soit besoin de s’interroger sur
les raisons de cette jurisprudence, on
relève que la loi du 4 mars 2002 a réglé
la question, pour revenir à une formule
beaucoup plus équilibrée. L’information
ne doit pas se contenter d’évoquer les
risques, comme si, par nature, l’acte était
dangereux. L’information doit d’abord
être donnée sur l’utilité, l’urgence éven-
tuelle et les conséquences des actes pro-
posés. Elle doit également comprendre
les conséquences prévisibles en cas de
refus. À nouveau, ce devoir de convic-
tion de la part du médecin...
C’est dans ce cadre que vient l’infor-
mation sur les risques, mais le texte de
la loi est explicite : il n’y a lieu de n’in-
former que sur les risques “fréquents ou
graves normalement prévisibles”.
Adieu l’information sur les risques
graves et exceptionnels ! Les médecins
qui s’étaient résignés à dispenser cette
information exhaustive doivent revenir
à l’équilibre, dans le respect de la loi
nouvelle. L’information sur les risques
courants sera rarement de nature à
modifier le consentement, mais elle fait
partie de la relation médicale que veut
promouvoir le législateur, et cette obli-
gation n’a jamais posé de problème. En
revanche, s’agissant des risques graves,
l’information ne porte que sur ceux qui
sont “normalement prévisibles”, ce qui
exclut les risques exceptionnels. Sans
doute un travail d’élaboration sera
nécessaire pour définir ce qui est excep-
tionnel et ce qui ne l’est pas. L’impor-
tant est la volonté du législateur d’opé-
rer un retour à l’équilibre. A trop
informer, on risque de ne plus soigner.
À qui incombe
cette information ?
Cette information incombe à tout pro-
fessionnel de santé dans le cadre de ses
compétences et dans le respect de ses
règles professionnelles. Tout médecin,
mais aussi tout membre de l’équipe,
chacun sur son registre. L’objectif de la
loi est que l’information soit effective,
de manière à ce que le patient puisse,
tant que possible, décider de manière
éclairée. Ainsi, une juste répartition de
la dispensation de cette information
entre les divers intervenants de l’équipe
soignante est non seulement souhai-
table, mais encore indispensable.
Quelles modalités
de l’information ?
La loi est laconique : “Cette informa-
tion est délivrée au cours d’un entretien
individuel”. Ce laconisme est voulu.
Le législateur a entendu mettre l’accent
sur une démarche individuelle, au cours
d’un entretien. Combattant les idées
reçues, la loi ne fait pas référence à la
signature d’un écrit. On sait que, dans
la dernière période, ont fleuri des
grandes déclarations écrites, très
détaillées. Ces déclarations ne corres-
pondent ni à l’esprit, ni à la lettre de la
loi. Leur signature revêt une valeur très
relative. En signant un tel document, le
patient confirme-t-il son accord sur le
contenu de cet acte, ou seulement fait-
il part de son accord sur le principe de
l’intervention, et la confiance manifes-
tée en la personne du médecin ? Le droit
n’est pas une affaire de formalité, mais
de sincérité. Ce qui est demandé par la
loi, c’est une démarche attentionnée,
adaptée à la personne du patient.
Les soignants doivent prendre le temps
nécessaire pour amener le patient à
accepter les soins en connaissance de
cause. S’agissant d’une telle démarche,
la preuve ne peut être formaliste. Le cas
échéant, le tribunal tiendrait compte
d’un faisceau d’indices : mentions dans
le dossier médical, démarches géné-
rales ressenties comme attentionnées et
prudentes, remise d’un document
informatif, temps laissé à la réflexion,
courrier adressé à un confrère… Sans
doute est-il opportun qu’au surplus, le
médecin sollicite de la part du patient
une déclaration écrite, sommaire. Le
fait qu’il ait pu obtenir un écrit, ou au
moins une signature, lui permettra
éventuellement de compléter sa
démonstration : dans le cadre de son