Rédigé par M. Chamaillard, Inserm U1019, CHRU de Lille ACTUALITÉS RECHERCHE Enfin un test prédictif de l’efficacité du traitement contre l’hépatite C ! Le virus de l’hépatite C (VHC) représente une des premières causes infectieuses de carcinome hépatocellulaire. Selon l’Organisation mondiale de la santé, plus de 3 millions de nouveaux cas d’infection sont diagnostiqués par an, parmi lesquels 80 % développeront une hépatite C chronique. À ce jour, la thérapie combinant la molécule antivirale ribavirine et l’interféron pégylé n’est pas efficace chez près de la moitié des 170 millions de porteurs chroniques. Quatre études récentes ont permis de confirmer le caractère prédictif d’échec thérapeutique du dosage de la chimiokine CXCL10. Le taux plasmatique de la chimiokine CXCL10, aussi connue sous le nom d’IP-10, est élevé chez les patients non répondeurs alors que cette molécule est impliquée dans le recrutement des lymphocytes T après interaction avec son récepteur CXCR3. Confrontés à ce paradoxe, le Pr M. Albert et le Pr S. Pol, de l’Inserm et de l’institut Pasteur, ont suspecté l’existence de certaines isoformes de CXCL10 dont l’expression élevée pourrait inhiber la fonction protectrice de cette molécule et qui pourraient ainsi représenter un biomarqueur de la réponse au traitement. Récemment publiée dans la revue Journal of Clinical Investigation, leur étude vient de démontrer l’existence d’un antagoniste de CXCL10 dont l’expression est prédictive de l’inefficacité du traitement. Après avoir généré des anticorps capables de discriminer la forme complète de CXCL10 et celle tronquée après digestion par l’enzyme DPP-4, les auteurs ont pu mettre en évidence que la sécrétion de la forme active de CXCL10 est inversement corrélée au pourcentage de cellules circulantes CXCR3+ chez les patients répondeurs. En revanche, aucune diminution de l’expression de CXCR3 n’a été observée chez les patients en échec thérapeutique, ce qui suggère une inefficacité de CXCL10. En accord avec ces observations, une corrélation significative a été relevée entre la concentration plasmatique de la forme inactive de CXCL10 et celle de DPP-4 chez les porteurs chroniques du VHC. Commentaire Commercialisé en 2011, un nouveau test devrait désormais permettre d’orienter les patients vers d’autres stratégies thérapeutiques. À la lumière de ces travaux, l’implication de CXCL10 et de son enzyme DPP-4 mérite désormais d’être revisitée dans d’autres contextes pathologiques, comme le diabète de type 1 et la maladie de Crohn. Référence bibliographique Casrouge A, Decalf J, Ahloulay M et al. Evidence for an antagonist form of the chemokine CXCL10 in patients chronically infected with HCV. J Clin Invest 2011;121(1):308-17. Des Clostridia pour traiter les MICI ! Dès notre naissance, le système immunitaire du tube digestif est éduqué par des milliers de souches de bactéries commensales qui coexistent en son sein. Au niveau de la muqueuse colique, il est admis que la différenciation et la fonction de certaines cellules immunorégulatrices, comme les lymphocytes T CD4+ qui expriment le facteur de transcription Foxp3 (noté Tregs), sont profondément réduites en l’absence du microbiote (ou flore commensale). Cependant, la nature des micro-organismes commensaux impliqués dans le développement et le maintien de ces cellules au niveau du côlon restait à être identifiée. En décembre 2010, une étude japonaise de l’université de Tokyo, publiée dans la revue Science, est venue démontrer un lien entre la colonisation par certaines souches de Clostridia et le développement optimal des Tregs au niveau de la lamina propria du côlon. Les Clostridia sont des bactéries à Gram positif productrices de spores qui représentent une large proportion du microbiote. Contrairement à d’autres bactéries commensales, la colonisation de souris axéniques ou de souriceaux par un cocktail défini de 46 souches de Clostridia a permis d’amplifier et de maintenir la population de Tregs et d’induire la sécrétion de facteurs de différenciation des Tregs, comme le TGF-β. Du fait des propriétés intrinsèques des Clostridia, des données similaires ont été obtenues après colonisation de souris axéniques par une flore traitée au chloroforme (traitement favorisant la sporulation des souches). Un traitement oral à la La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XIV - n° 1 - janvier-février 2011 | 25 ACTUALITÉS RECHERCHE Rédigé par M. Chamaillard, Inserm U1019, CHRU de Lille vancomycine (antibiotique ciblant les bactéries à Gram positif comme les Clostridia) diminuait significativement la proportion de Tregs au niveau de la muqueuse colique des souris. Dans ces conditions, aucun effet systémique sur la population des Tregs dans d’autres tissus que le côlon n’a pu être observé, comme en témoigne la proportion identique de ces cellules au niveau des ganglions mésentériques et de l’intestin grêle des animaux colonisés ou non par ces souches de Clostridia. Étant donné le caractère immunomodulateur des Tregs, les auteurs ont alors postulé un potentiel impact anti-inflammatoire de ces souches au niveau du côlon. Dans deux modèles expérimentaux de MICI, une amélioration des signes cliniques et histologiques a pu être observée chez les animaux colonisés par ces souches par comparaison avec les souris contrôles, suggérant que certains Clostridia exerçaient leur rôle anti-inflammatoire en favorisant le développement de Tregs au niveau du côlon. Commentaire Différentes souches de Clostridia participent donc à la mise en place d’une réponse immunitaire spécifique à la muqueuse du côlon. Étant donné l’appauvrissement en certaines souches de Clostridia, comme Faecalibacterium prausnitzii, au niveau du microbiote des patients atteints de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, il reste désormais à dévoiler la nature des molécules immunorégulatrices sécrétées par ces bactéries afin de répondre à l’attente de progrès thérapeutiques dans les MICI. Référence bibliographique Atarashi K, Tanoue T, Shima T et al. Induction of colonic regulatory T cells by indigenous clostridium species. Science 2011;331(6015):337-41. Les articles publiés dans La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays. © février 1998 - EDIMARK SAS - Dépôt légal : à parution. Imprimé en France - ÉDIPS - 21800 Quetigny Sont routés avec ce numéro : – un supplément (16 p.) : “Actualités sur les nouveaux traitements de l’infection par le VHC” (Schering Plough). – un carton d’invitation (4 p.) : ECCO 2011 (Schering Plough). 26 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XIV - n° 1 - janvier-février 2011