Pharmacologie des antifongiques et des antiviraux Florian Lemaitre MCU-PH Laboratoire de Pharmacologie Biologique Service Pharmacologie Clinique Avant-Propos • Augmentation du nombre mycoses invasives – Immunosuppression (greffe, cancer…) • Mortalité élevée 30-40% • Emergence de nouveaux agents pathogènes – Mucor mycoses… • Développements récents de molécules efficacité élevée Evolution des antifongiques systémiques Isavuconazole Anidulafungine Polyènes Candines Micafungine Azolés Triazolès Posaconazole Caspofungine Voriconazole Abelcet/Ambisome Itraconazole Fluconazole Ketoconazole Miconazole Griseofulvine Terbinafine Flucytosine Amphotericine B 1950 1960 1970 1980 1990 2000 Mécanisme d’action Spectre des antifongiques Les polyènes • Amphotéricine B Eau/ions • Mécanisme d’action : – Formation de dimères et insertion membrane fongique (ergostérol) – Formation canaux transmembranaires – Fuite eau et ions : lyse cellulaire – Fongicide large spectre, peu de résistance – Efficacité variable : C. krusei, C. lusitaniae • Pharmacocinétique : – – – – – Biodisponibilité nulle per os Bonne diffusion (faible SNC) Forte liaison protéique Longue demi-vie (18-24h) Elimination biliaire++ Ergostérol Amphotéricine B Les polyènes • Amphotéricine B • Tolérance : – Faible spécificité cibles fongiques d’où tolérance médiocre – Hypersensibilité (fièvre, frissons, nausées, hypotension…Effets perfusionnels : dose test 1mg et prémédication corticoides, antiH1, paracétamol) – Néphrotoxicité +++ • Forme conventionnelle versus Formes liposomale (Ambisome) et lipidique (Abelcet) – – – – – Permet ↑ posologie (3-5 mg/kg versus 0.7-1mg/kg) Augmente l’exposition Tout en ↑ la tolérance Diminution de la néphrotoxicité (de 80% à 10-25%) Diminution modérée des effets perfusionnels Les échinocandines • Caspofungine, Anidulafungine, Micafungine • Mécanisme d’action : – Inhibition enzyme synthèse paroi fongique (1,3 D-glucane synthase) – Spectre : fongicide sur Candida et fongistatique sur aspergillus (efficacité variable sur C. parapsilosis) • Pharmacocinétique : – – – – – Biodisponibilité orale = 0 (perfusion IV) Demi-vie longue : 1 injection par jour Métabolisme hépatique Faible diffusion LCR Peu d’IAM (↑ Posologie avec IndR EnzQ (Efavirenz, Carbamazepine, Rifampicine…) ↑ Conc Tacrolimus) • Tolérance : – Forte spécificité fongique : bonne tolérance – Phlébites au site d’injection Les azolés • Itraconazole, Fluconazole, Voriconazole, Posaconazole Hydroxy-MethylGlutaryl CoA HMG CoA Reductase Ac. Mevalonique • Mécanisme d’action : – Inhibition lanosterol demethylase (voie synthèse ergostérol) – Accumulation stérols toxiques • Pharmacocinétique (propriétés communes): – – – – Large diffusion Nécessité d’une dose de charge Inhibiteurs enzymatiques : IAM Variabilité PK+++ : Suivi Thérapeutique (Dosages)+++ • Tolérance : – Effet de classe : toxicité hépatique Squalène Squalène Epoxydase Lanostérol Lanostérol Demethylase Démethyl-Lanostérol C14-reductase Fecostérol Delta 7,8 Isomerase Epistérol Ergostérol Les azolés • Itraconazole, Fluconazole, Voriconazole, Posaconazole Hydroxy-MethylGlutaryl CoA HMG CoA Reductase Ac. Mevalonique • Mécanisme d’action : – Inhibition lanosterol demethylase (voie synthèse ergostérol) – Accumulation stérols toxiques • Pharmacocinétique : – – – – Squalène Squalène Epoxydase Lanostérol Lanostérol Large diffusion Demethylase Nécessité d’une dose de charge 14 α-methyl 3,6 diol Démethyl-Lanostérol Inhibiteurs enzymatiques : IAM C14-reductase Variabilité PK+++ : Suivi Thérapeutique (Dosages)+++ • Tolérance : – Effet de classe : toxicité hépatique Fecostérol Delta 7,8 Isomerase Epistérol Ergostérol Les azolés • Itraconazole (Sporanox®) • Spectre : – Spectre : efficace sur candida (variable C. krusei, C. glabrata) – Variable sur Aspergillus • Pharmacocinétique : – – – – – – Pharmacocinétique non linéaire Absorption variable (pH, alimentation) Diffusion large, faible LCR Métabolisme hépatique CYP3A4 (CYP2C9) en OH-itraconazole actif T1/2 = 20h initialement et jusqu’à 30h en 2 semaines Elimination biliaire • Tolérance : – Oedèmes, troubles digestifs concentration-dépendant • Suivi thérapeutique pharmacologique+++ – Cmin Itra > 0.5 µg/mL – Cmin Itra + OH-itra = 1 à 5 µg/mL Interactions Pharmacocinétiques • Itraconazole (acide faible) et AntiH2 (Ranitidine) +/- cola (acide) ITRA + RAN : ↓AUC 47% : ↓Cmax 52% : ↑Tmax ITRA + RAN + COLA : AUC=ITRA : Cmax=ITRA Lange et al, J Clin Pharmacol 1997 Les azolés • Fluconazole (Triflucan®) • Spectre : – Spectre : efficace sur candida (C. krusei résistant, variable C. glabrata), efficace cryptococcus – Aspergillus résistant • Pharmacocinétique : – – – – – – Pharmacocinétique linéaire et Biodisponibilité excellente (IV=PO) Hydrosoluble, faible liaison protéique Bonne diffusion LCR Métabolisme hépatique faible (10%) T1/2 = 30h Elimination rénale sous forme inchangée (IR!!) • Tolérance : – Neurotoxicité concentration-dépendant (mais marge thérapeutique importante) • Suivi thérapeutique pharmacologique rarement nécessaire – Dose/CMI > 50 (74% succès candidémie) – AUC/CMI > 25 si souche sensibilité diminuée Les azolés • Voriconazole (VFend®) • Spectre : – Spectre : efficace sur candida, aspergillus, cryptococcus • Pharmacocinétique : – Pharmacocinétique non linéaire – Biodisponibilité excellente (IV=PO) mais ↓↓ alimentation – – – – Métabolisme hépatique +++ : CYP2C19+++ puis CYP3A4 et 2C9 Interaction IPP+++ T1/2 = 6h Elimination sous forme de métabolites inactifs • Tolérance : – Neurotoxicité concentration-dépendante – Hépatotoxicité (effet classe), Phototoxicité • Suivi thérapeutique pharmacologique indispensable – Prophylaxie : Cmin 1 à 5.5 µg/mL – Curatif : Cmin 2 à 5.5 µg/mL Polymorphisme génétique • Voriconazole et CYP 2C19 Métaboliseurs lents Scholtz et al, BJCP 2009 Métaboliseurs rapides Dolton et al, BJCP 2010 Variabilité pharmacocinétique • 18 patients premiers dosages, posologie identique 200 mg x 2/j 10 8 Cmin en µg/mL Concentration de 0.24 à 8.8 µg/mL Soit un rapport de 37 pour une posologie identique! 6 4 2 0 160 180 200 220 240 Dose en mg Suivi thérapeutique pharmacologique impératif!!! Les azolés • Posaconazole (Noxafil®) : Comprimé ou Solution buvable • Spectre : – Spectre : efficace sur candida, aspergillus, cryptococcus + Zygomycètes • Pharmacocinétique : – Largement améliorée depuis forme comprimés gastro-resistants – Forme buvable uniquement : Biodisponibilité erratique et saturable (↑ repas gras, ↑ fractionnement dose) et Interaction IPP et antiH2 (↓ AUC 30%) – Diarrhées et mucites (↓ conc > 40%), – Métabolisme hépatique avec T1/2 = 24h – Elimination biliaire sous forme inchangée (2/3) et métabolites • Tolérance : – Bonne tolérance • Suivi thérapeutique pharmacologique indispensable – Prophylaxie : Cmin > 0.5 µg/mL – Curatif : Cmin > 1 µg/mL Biodisponibilité • Posaconazole avec la forme buvable uniquement ! Lipp et al, BJCP 2010 Biodisponibilité • Posaconazole avec la forme buvable uniquement ! AUC 800mg > AUC 1200mg Courtney et al, AAC 2003 Les azolés • Isavuconazole (Cresemba®) • Spectre : – Spectre : aspergillus, mucormycoses • Pharmacocinétique : – – – – Absorption : pas d’impact alimentaire sur biodisponibilité Métabolisme hépatique T1/2 =110h donc Dose de charge 200mg/8h pendant 48h+++ Forte liaison protéine plasmatique Elimination biliaire sous forme métabolites • Tolérance : – Mal connue car récent : Hépatotoxicité, Tb digestifs… • Suivi thérapeutique pharmacologique à évaluer Les azolés : inhibiteurs enzymatiques • Itraconazole >> Voriconazole > Fluconazole = Posaconazole = Isavuconazole – Exemple du tacrolimus (substrat CYP3A4/3A5) : – Objectif maintenir une Cmin tacrolimus entre 5 et 15 ng/mL : ITZ VRZ FCZ PSZ IVZ Dose/5 Dose/4 Dose/2 Dose/2 Dose/2 Conclusion • Antifongiques – Maniabilité délicate / Mode d’administration à strictement respecter – Connaissance pharmacologie = bon usage – Nombreuses interactions médicamenteuses (Azolés+++) – Suivi thérapeutique pharmacologique indispensable (Azolés+++) – Thérapeutiques coûteuses Pharmacologie des antirétroviraux Avant-Propos • SIDA : une maladie chronique – Traitement maladie, comorbidités – Gestion effets secondaires – Patients + âgés (27% > 50 ans) • Patients pris en charge +4% par an – 150.000 patients infectés (estimation 2011) – 10.000 patients non-traités – 30.000 patients l’ignorant • Prise en charge trop tardive (CD4 = 345/mm3) • Mortalité patients > 500 CD4 = population générale • Traitements efficaces mais réponses cliniques encore insuffisantes Objectifs du cours • Connaitre la pharmacologie des antirétroviraux • Qui traiter par antirétroviral et avec quel objectif ? • Comment traiter ? • Comment assurer le suivi d’un traitement ? – Quels sont les effets indésirables les plus fréquents? – Quels sont les principales interactions à connaitre? Les traitements antiviraux 1. 2. 3. 4. Inhibiteurs d’entrée Inhibiteurs de la transcriptase inverse Inhibiteurs de l’intégrase Inhibiteurs de protéases Cibles des antiviraux Schéma de synthèse Inhibiteurs CCR5 - Maraviroc Inhibiteurs CXCR4 CD4 INHIBITEURS DE LA MATURATION - Bevirimat INHIBITEURS DE L’INTEGRASE CCR5/CXCR4 Raltegravir (R5/X4) ENFURVITIDE Transcriptase Inverse Intégrase INHIBITEURS DE LA TRANSCRIPTASE INVERSE - Nucleosidique - Non nucléosidique ANTIPROTEASES Protéases Inhibiteurs d’entrée Fixation CD4 Fixation Corécepteur gp41 Ibalizumab Fusion Virus-Cellule Inhibiteurs CCR5 Maraviroc gp120 V3 loop CD4 Membrane Cellulaire CCR5/CXCR4 (R5/X4) Inhibiteurs CXCR4 AMD070 Enfuvirtide Inhibiteurs d’entrée maraviroc (Celsentri) • Mécanisme d’action – 1er représentant de la classe des antagonistes des co-récepteurs membranaires du VIH. – Antagoniste sélectif et réversible du CCR5: empêche la liaison de la glycoprotéine de l’enveloppe (gp120) du VIH aux co-récepteurs CCR5 des chimiokines humaines. Virus ayant un tropisme pur pour le co-récepteur CCR5 (VIH-1) (test tropisme++) Pas d’activité sur les virus utilisant le CXCR4 comme co-récepteur (contre-indication) • Pharmacocinétique : faible biodisponibilité (23%), métabolisme hépatique élimination fécale • Effet indésirable principal : anomalie du bilan hépatique. • Interactions : Substrat CYP3A4 (victime d’interactions+++) • Faible puissance antivirale : molécule de réserve Inhibiteurs d’entrée enfuvirtide (Fuzeon) • Mécanisme d’action → Liaison sur la gp41: inhibiteur compétitif de la fusion virus/cellule, bloquant ainsi la fusion entre la membrane virale et la membrane de la cellule cible, et empêchant l’ARN viral d’entrer dans la cellule cible. → L’enfuvirtide ne nécessite pas d’activation intracellulaire. • Pharmacocinétique : polypeptide de 36 Aa nécessitant 2 injections SC/j • Effets indésirables : infections bactériennes et nodules au point d’injection. • Interactions : L’enfuvirtide n’est ni inducteur, ni inhibiteur des CYP450. De rares interactions ont été signalées, elles ne sont jamais cliniquement significatives. • Difficulté d’emploi (2 injections par jour) : Molécule de réserve Inhibiteurs de la transcriptase inverse Mécanisme d’action: Blocage de l’enzyme permettant la synthèse d’ADN complémentaire à partir de l’ADN viral, avant son intégration dans le génome de la cellule infectée. On distingue – Analogues nucléosidiques de la TI (INTI): compétition avec les nucléosidiques naturels en bloquant l’élongation de la chaine d’ADN viral → Nécessite phosphorylation dans le milieu intracellulaire → Actif VIH-1 et 2 – Inhibiteurs non nucléosidiques de la TI (INNTI): fixation sur le site catalytique de la TI. → Inhibition non compétitive. → Action sélective sur la TI en bloquant les activités ARN et ADN dépendantes de l’ADN polymérase. → Inefficaces sur le VIH-2 (résistance naturelle). Inhibiteurs de la transcriptase inverse 1. Analogues nucléosidiques (INTI) Zidovudine (AZT), Stavudine (d4T): analogue de la thymidine Didanosine (ddI), Tenofovir : analogue de l’adénosine Abacavir (ABC): analogue de la guanosine Lamivudine (3TC), Emtricitabine: analogue de la cytosine Pharmacocinétique – Bonne absorption orale – Demi-vie 1h (AZT) à 4h (3TC), mais T½ intracellulaire plus longue (12h) – Faible liaison aux protéines du plasma. – Elimination essentiellement rénale, sous forme inchangée sauf AZT et stavudine qui subissent une glucuronoconjugaison hépatique. – L’abacavir subit un métabolisme hépatique. – Large passage dans le placenta (70% AZT, 100% 3TC) Inhibiteurs de la transcriptase inverse 1. Analogues nucléosidiques (INTI) Effets secondaires – Cytopathies mitochondriales (apoptose+++) – Abacavir : présente un risque d’hypersensibilité (3%) potentiellement fatal – Didanosine, stavudine++ (et lamivudine) : neuropathies périphériques et pancréatites – AZT : hématologiques – Lamivudine : induit peu d'effets secondaires (troubles digestifs) Contre-indications Relative en fonction du bénéfice-risque (Ex: AZT et troubles hématologiques). • Interactions – Peu d’interaction en raison du profil pharmacocinétique – Les myélotoxiques (dont le ganciclovir) augmentent le risque hématotoxique de l’AZT. Inhibiteurs de la transcriptase inverse 2. Inhibiteurs non nucléosidiques (INNTI) Nevirapine (NVP) Efavirenz (EFV) Etravirine (ETV) Rilpivirine (RPV) • Pharmacocinétique – Bonne résorption pour la NVP, seulement de 40% pour EFV et 50% pour ETV. –Absorption de RPV dépendante alimentation et pH (contre-indication des antiacides) – La fixation protéique est importante. – Les INNRT subissent un métabolisme hépatique par les cytochromes et sont inducteurs (sauf RPV). – L'élimination se fait dans les selles et dans l'urine (métabolites) avec une demi-vie longue (≈24 à 48h) : 1 prise par jour sauf ETV (2 prises) Inhibiteurs de la transcriptase inverse 2. Inhibiteurs non nucléosidiques (INNTI) Interactions Névirapine, Efavirenz, Etravirine : inducteurs enzymatiques puissants Rilpivirine : inhibiteur p-glycoprotéine, substrat CYP3A4 (Victime) Toxicité NVP-ETV-EFV provoquent des rashs. Nevirapine : élévation des transaminases Etravirine : nausées Efavirenz : troubles neuropsychiatriques concentrtaion-dépendant+++ (insomnies, agitations) Rilpivirine : troubles du rythme concentration-dépendant Rilpivirine : Puissance antivirale limitée, pas si CV > 100,000 cp/mL ou CD4<200/mm3 Les inhibiteurs de protéases (IP) Atazanavir (REYATAZ), Darunavir (PREZISTA) Lopinavir (KALETRA), Ritonavir (NORVIR), Mécanisme d’action Action en fin de cycle de réplication virale Inhibition compétitive au niveau du site actif de la protéase du VIH-1/2 Empêchent le clivage des précurseurs polypeptidiques gag et pol viraux en protéines de structure définitive. Formation de particules virales nouvellement formées immatures et non infectieuses. Interruption du cycle de réplication virale Les inhibiteurs de protéases (IP) • Pharmacocinétique – faible biodisponibilité – variabilité interindividuelle – demi-vie de quelques heures (2 à 10h) – administrations x2 ou 3 /j – métabolisés par le cytochrome P450 : interactions+++ Effet « booster » du ritonavir: le ritonavir est très souvent associé à un autre IP comme potentialisateur pharmacologique du fait de son action inhibitrice sur la Pgp intestinale et sur le système oxydatif hépatique du CYP3A. • Inteeractions – Les IP modifient les taux des médicaments métabolisés par les CYP. – Les médicaments agissant sur les CYP peuvent modifier les taux des IP (clarithromycine, fluconazole, kétoconazole, rifampicine, rifabutine) • 2015 : Cobicistat « booster », coformulé avec emtricitabine/tenofovir/elvitegravir Les inhibiteurs de protéases (IP) Les inhibiteurs de protéases (IP) • Effets secondaires Ils différent selon les molécules, et la sensibilité du patient à chacun d'eux doit contribuer à orienter le choix du clinicien. Très souvent : redistribution des graisses, hyperlipidémies (risques cardiovasculaires), troubles de la glycorégulation – Ritonavir : intolérance digestive très importante, paresthésies – Atazanavir : hyperbilirubinémie, lithiases rénales • Contre-indications L'association d'un IP et de nombreux médicaments est dangereuse et donc contreindiquée. Inhibiteurs de l’intégrase Raltegravir, Elvitegravir/cobicistat, Dolutégravir • Mécanisme d’action: Inhibiteur de l’intégrase du VIH, enzyme catalysant l’étape d’insertion et de transfert de l’ADN viral dans le génome de la cellule hôte - dégradation de l’ADN viral non intégré - blocage de la réplication virale et l’infection de nouvelles cellules • Barrière génétique relativement faible: doit être utilisé avec autres ARV • Interactions avec les autres ARV sont plus rares et de moindre intensité (non inducteur/inhibiteur) sauf elvitégravir coformulé avec un booster pharmacocinétique (Cobicistat), Interaction Dolutégravir avec Darunavir/Ritonavir et les cations : risque d’inefficacité du traitement • Effets secondaires - Molécules bien tolérées sauf Dolutégravir et effets neuropsychiatriques concentrationdépendat Inhibiteurs de l’intégrase Raltegravir, Elvitegravir/cobicistat, Dolutégravir INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES : DOLUTEGRAVIR • Dolutegravir et les ions DTG 50 mg + Fer (324 mg fumarate) ↓ AUC de 54% DTG 50 mg + Ca2+ (1200 mg carbonate) ↓ AUC de 39% Interaction limitée si DTG 2h avant fer DTG + Fer/Ca2+ pendant le repas = DTG à jeun DTG à jeun DTG repas faible graisse DTG repas moyen graisse DTG repas riche graisse DTG à jeun ↑ AUC 33% ↑ AUC 41% ↑ AUC 66% Song et al., J Clin Pharmacol 2015 Inhibiteurs de l’intégrase Raltegravir, Elvitegravir/cobicistat, Dolutégravir INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES : DOLUTEGRAVIR • Dolutégravir et Darunavir 3442 ng/mL 3500 Conc (ng/mL) 3000 DTG + ATV/r > DTG seul (p<0.01) 2500 2000 DTG + DRV/r < DTG seul (p<0.01) 1847 ng/mL 1500 1000 759 ng/mL DTG Cmin efficace 1000ng/mL 500 DTG 50 mg QD DTG 50 mg QD DTG 50 mg QD ATV 300/100 mg DRV 800/100 mg n=16 n=14 n=14 Lê et al., 16th IWCPH & HV 2015 abstr 75 Inhibiteurs de l’intégrase Raltegravir, Elvitegravir/cobicistat, Dolutégravir RELATION CONCENTRATION - TOXICITE: DOLUTEGRAVIR • Dolutégravir et troubles neuropsychiatriques • 162 patients traités par DTG • 41 effets indésirables neurotoxiques • Concentration DTG supérieure en cas neurotoxicité • 1340 ng/mL vs 1030 ng/mL • STP+++ Yagoura et al., CROI 2017 abstr 426 Pharmacocinétique des antirétroviraux INTIs & INtTIs IPs Absorption Intestinale ++ ++ INNTIs ++ T20 (SC) + Anti-CCR5 Antiintegrases ++ Métabolisme Elimination Bile Interaction Médicamenteuse + (Intra & extra cellulaires) +++ Intracellulaire (Prodrogues) Foie +++ Foie +++ Foie + Foie ++ Foie ++ (CYP450) + (UGT1A1) Urine Urine/bile +++ Urine - Bile +++ Bile Urine +++ + 1 à 2 prises quotidiennes selon les associations Importante variabilité interindividuelle Suivi thérapeutique pharmacologique • Très important pour les IP, utiles pour les INNTI – Relation concentration efficacité démontrée pour : ATV, DRV, LPV, et EFV, NVP, ETV – Suggérée pour Rilpivirine, Raltégravir, Dolutégravir – Relation concentration-toxicité : • • • • • ATV et hyperbilirubinémie grade III/IV LPV et Troubles lipidiques EFV et neurotoxicité IDV et Toxicité rénale (lithiase) et cutanée DTG et neurotoxicité • Prélèvement à effectuer en Cmin (résiduelle ou vallée) Suivi thérapeutique pharmacologique • Permet de – Réduire le risque d’émergence de résistances lié à des concentrations insuffisantes : • Interactions médicamenteuses • Trouble absorption – Contrôler l’adhérence au traitement : • A différencier d’une autre cause de concentration faible (Cmax) – Réduire les effets indésirables Qui traiter par antirétroviral et avec quel objectif ? (Rapport MORLAT 2016) • Objectifs : – Empêcher la progression vers le stade SIDA ou décès – Maintenir ou restaurer CD4 > 500/mm3 • Mortalité CD4>500 = population générale – Rendre la charge virale indétectable (< 50 copies/mL) • Maximise restauration immunitaire • Minimise le risque de sélection de résistance – Au plan individuel : • Amélioration de la tolérance clinique, biologique • Améliorer la qualité de vie • Réduire la transmission du virus Qui traiter par antirétroviral et avec quel objectif ? • Qui traiter ? – Tout patient VIH+ quel que soit son taux de CD4 – Niveau de preuve d’autant plus fort que CD4 bas (CD4<350/mm3 reco AI, 350<CD4<500/mm3 reco AII…) – Patients symptomatiques (infection opportuniste (IO) majeure) : initiation sans délai sauf si traitement spécifique de l’IO (traitement peut être retardé mais initié dans les 2 semaines) – CD4 < 200/mm3 : initiation sans délai – Si CV faible (<1000 copies) : vérifier quantification (VIH-2 ou certains variants VIH-1), recherchée prise cachée ARV Comment traiter ? • Quel premier traitement ? – Génotypage prétraitement (résistances) – 2 Inhibiteurs Nucleosidique de la Transcriptase Invers (INTI) • Tenofovir TDF/Emtricitabine FTC (Truvada®) 1cp/j : Efficacité ++ (privilégier si CV élevée) mais à éviter si IR… • Abacavir ABC/Lamivudine 3TC (Kivexa®) 1cp/j : Tolérance++ mais Hypersensibilité 5% (HLA B*5701) – + 3ème agent • Avec TDF/FTC : – Un inhibiteur non nucleosidique de la TI (INNTI) : Ripivirine 25 mg/j (Edurant®) – Un inhibiteur de la protéase (IP) : Darunavir/Ritonavir 800/100 mg/j – Un inhibiteur d’intégrase (INI) : Raltégravir 400mg x2/j, Elvitegravir/Cobicistat 150/150 mg ou Dolutégravir 50 mg/j • Avec ABC/3TC : un inhibiteur d’intégrase (INI) : Dolutégravir 50 mg/j Comment traiter ? • Second choix ? – 2 Inhibiteurs Nucleosidique de la Transcriptase Inverse (INTI) + 1 INTI • TDF/FTC + Efavirenz 600mg/j (Sustiva®) • TDF/FTC + Nevirapine 400mg/j (Viramune®) – 2 Inhibiteurs Nucleosidique de la Transcriptase Inverse (INTI) + 1 IP • • • • TDF/FTC + Atazanavi/Ritonavir (Kaletra®) ABC/3TC + Atazanavir/Ritonavir (Kaletra®) TDF/FTC + Lopinavir/Ritonavir (Kaletra®) ABC/3TC + Lopinavir/Ritonavir (Kaletra®) – 2 Inhibiteurs Nucleosidique de la Transcriptase Inverse (INTI) + 1 Inhibiteur de l’intégrase (INI) • ABC/3TC + Raltégravir 400 mg x 2/j (Isentress®) Critères de choix ? • Charge virale élevée (CV > 100.000 copies) : – Ténofovir/Emtricitabine > Abacavir/Lamivudine (efficacité) • Insuffisance rénale : – ABC/3TC > TDF/FTC (Eviter si Cl<60 mL/min) • Troubles lipidiques - Risque cardiovasculaire : – Atazanavir ou Darunavir > Lopinavir • Antécédent de troubles neuropsychiatriques : – Eviter l’Efavirenz et le Dolutégravir • Femme enceinte ou susceptible de l’être : – Pas d’Efavirenz, éviter Dolutegravir Critères de choix ? • Si CD4<200/mm3 : – Eviter Rilpivirine • Si risque élevé d’interactions médicamenteuses : – Raltégravir possible (peu d’interaction) mais coût élevé • Si volonté de faciliter l’observance : – – – – – Favoriser les traitements co-formulés : Emtricitabine/Tenofovir/Efavirenz (Atripla) Emtricitabine/Tenofovir/Rilpivirine (Eviplera) Emtricitabine/Tenofovir/Elvitegravir/Cobicistat (Stribild/Genvoya) Abacavir/Lamivudine/Dolutégravir (Triumeq) Comment assurer le suivi d’un traitement ? • Efficacité ? – Diminution de 2 Log CV à 1 mois – CV < 400 copies/mL à 3 mois – CV indétectable (<50 copies/mL) à 6 mois • L’échec doit conduire à : – Une évaluation des raisons de l’échec (observance, intolérance, concentrations plasmatiques insuffisantes…) – Un changement de thérapeutique Comment assurer le suivi d’un traitement ? • Tolérance ? • Anomalies de répartition des graisses : hypertrophique ou atrophique • Lipoatrophie : visage, fesses, membres (ARV 1ère génération+++ prévalence env. 50%, INTI (Stavudine, Zidovudine) • Lipohypertrophie : tronc, région cervicale (bosse de bison) prévalence 20-40% ↑ moyenne Cholestérol total de 0,78 mmol/L (IP, Ritonavir+++) Hyperlipidémie Comment assurer le suivi d’un traitement ? • Tolérance ? • Risque cardio-vasculaire : – VIH facteur de risque (FR) : LDL-Chol < 1,9 g/L – Puis reco ANSM selon FR – Mesures hygiéno-diététiques – Switch IP/r pour IP/r moins lypodystrophiques (Atazanavir, Darunavir) – Switch IP/r pour INNTI (Nevirapine, Etravirine) – Débooster = supprimer RTV du traitement – Raltégravir voire Maraviroc (mais validation?) Traitement hypolipémiant Comment assurer le suivi d’un traitement ? • Tolérance ? • Cytopathies mitochondriales : – INTI peuvent être captés par l’ADN polymérase mitochondriale : déplétion ADNmt – ARV : Génération radicaux libres : altération oxydative ADNmt – Altération phosphorylation oxydative, de la bétaoxydation du cycle de Krebs – Stéatose, Acidose lactique, Cardiomyopathie, Pancréatite, Vieillissement accéléré – Stavudine, Zidovudine, Lamivudine • Dosage lactate et switch pour molécules moins délétères Conclusion De plus en plus ARV efficaces disponibles pas de guérison possible mais réduction mortalité/morbidité espérance de vie comparable aux non-VIH - traitement dépend du pronostic (génotype) - association nécessaires pour éviter résistances - suivi efficacité thérapeutique par charge virale, mais - mise en place de STP pour éviter résistances Ne pas oublier : - l’adhérence au traitement - les effets indésirables - les interactions médicamenteuses importantes - et bien sur : les moyens de protection du/des partenaire(s) Cas clinique • M. X VIH+ CD4 = 180/mm3, CV = 350.000 copies • Génotypage effectué : pas de résistance Traitement? Lequel? Cas clinique • M. X VIH+ CD4 = 180/mm3, CV = 350.000 copies • Génotypage effectué : pas de résistance Traitement? Lequel? Oui (CD4 < 350/mm3 et CV > 100.000 copies/mL). Emtricitabine/Tenofovir + Elvitégravir/c ou Dolutégravir ou Raltégravir ou Darunavir/r pour l’efficacité (CV élevée) A 1 mois, la CV de M. X a diminuée d’1 log et à 3 mois la CV est à 5.000 copies/mL. Qu’en déduisez-vous? Non-atteinte des objectifs. Cas clinique • M. X VIH+ CD4 = 180/mm3, CV = 350.000 copies • Génotypage effectué : pas de résistance Quel type de suivi pouvez-vous proposer pour mettre en évidence une sous-exposition à l’un des médicaments avant de réfléchir à une modification du traitement? Cas clinique • M. X VIH+ CD4 = 180/mm3, CV = 350.000 copies • Génotypage effectué : pas de résistance Quel type de suivi pouvez-vous proposer pour mettre en évidence une sous-exposition à l’un des médicaments avant de réfléchir à une modification du traitement? Un suivi thérapeutique pharmacologique afin d’explorer l’observance au traitement, l’absorption et les interactions éventuelles. Cas clinique • • M. X VIH+ CD4 = 180/mm3, CV = 350.000 copies Génotypage effectué : pas de résistance Quel type de suivi pouvez-vous proposer pour mettre en évidence une sous exposition à l’un des médicaments avant de réfléchir à une modification du traitement? Un suivi thérapeutique pharmacologique afin d’explorer l’observance au traitement, l’absorption et les interactions éventuelles. La Cmin de Dolutégravir est faible Cmin = 180 ng/mL (N > 1000 ng/mL). Le patient avoue ne pas prendre son Dolutegravir car il lui a rapidement occasionné des troubles neurologiques (insomnies, irritabilité…). Quelle alternative d’une autre classe thérapeutique pouvez-vous lui proposer pour le 3ème agent? Cas clinique • • M. X VIH+ CD4 = 180/mm3, CV = 350.000 copies Génotypage effectué : pas de résistance Quel type de suivi pouvez-vous proposer pour mettre en évidence une sous exposition à l’un des médicaments avant de réfléchir à une modification du traitement? Un suivi thérapeutique pharmacologique afin d’explorer l’observance au traitement, l’absorption et les interactions éventuelles. La Cmin de Dolutégravir est faible Cmin = 180 ng/mL (N > 1000 ng/mL). Le patient avoue ne pas prendre son Dolutegravir car il lui a rapidement occasionné des troubles neurologiques (insomnies, irritabilité…). Quelle alternative d’une autre classe thérapeutique pouvez-vous lui proposer pour le 3ème agent? Une IP boostée (Darunavir / Ritonavir) Cas clinique • • M. X VIH+ CD4 = 180/mm3, CV = 350.000 copies Génotypage effectué : pas de résistance La Cmin de Dolutégravir est faible Cmin = 180 ng/mL (N > 1000 ng/mL). Le patient avoue ne pas prendre son Dolutegravir car il lui a rapidement occasionné des troubles neurologiques (insomnies, irritabilité…). Quelle alternative d’une autre classe thérapeutique pouvez-vous lui proposer pour le 3ème agent? Une IP boostée (Darunavir / Ritonavir) M. X se voit prescrire de la colchicine (substrat du CYP3A4) pour une crise de goutte. Avant de débuter le traitement, il vous contacte. Que lui conseillez-vous? Risque d’interaction médicamenteuse : le RTV va faire augmenter les concentrations de colchicine avec risque de décès du patient en quelques jours. Modification du 3ème agent pour du Raltégravir médicament non inhibiteur enzymatique