Médecine
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SURDITÉ : L’INTÉRÊT
DU DÉPISTAGE NÉONATAL
On estime entre 1/700 et 1/1000 le
nombre d’enfants qui naissent avec une
surdité moyenne à profonde ; 1 enfant
sur 1000 devient sourd avant l’âge de
quatre ans alors que les tests étaient ini-
tialement normaux (surdités évolu-
tives). Au total, la surdité congénitale
concerne 1 enfant sur 500. Une étude
menée à l’hôpital Trousseau sur 160 en-
fants enregistrés entre 1991 et 2000 té-
moigne du retard du diagnostic ; l’âge
au moment du diagnostic était ainsi de
seize mois pour les surdités profondes
et allait jusqu’à trente-six mois pour cer-
taines surdités moyennes. Cette situa-
tion, qui n’a guère évolué au cours des
dernières années, tient certes à des li-
mites budgétaires, mais également à
des problèmes médicosociaux et de for-
mation médicale.
Le dépistage de la surdité a longtemps
été fait exclusivement sur les facteurs
de risque : anoxie néonatale, petit poids
de naissance, embryofœtopathies (no-
tamment l’infection à CMV, qui est un
grand pourvoyeur de surdités acquises
congénitales), traitement par des oto-
toxiques et, plus rarement, méningites,
antécédents familiaux, malformations
cervicofaciales. On sait aujourd’hui que
ce dépistage sur les seuls facteurs de
risque ne détecte que 50 % des surdités
de l’enfant.
Une expérience nationale de dépistage
néonatal a été lancée en 2005, impli-
quant six CHU (Paris, Marseille, Bor-
deaux, Toulouse, Lyon et Lille) et fon-
dée sur l’utilisation des potentiels évo-
qués auditifs automatisés. Cette métho-
de, parfaitement validée aujourd’hui,
requiert un peu plus de temps que les
otoémissions spontanées, dix minutes
au lieu de trois, mais s’avère plus fiable
que celles-ci, avec un taux moindre de
faux positifs, et inclut le dépistage des
neuropathies auditives. Les résultats re-
cueillis dans les six CHU indiquent une
incidence de la surdité de 1/1000 nais-
sances, constante au cours des années.
Ce dépistage précoce est d’un bénéfice
certain pour l’enfant sourd, qui pourra
ainsi être appareillé rapidement et pro-
fiter de tous les avantages que cela com-
porte pour le développement de son
langage et son intégration sociale. En
termes de coût, plusieurs études, nord-
américaines et françaises, témoignent
de la rentabilité du dépistage. Le pro-
blème aujourd’hui n’est donc plus de
prouver l’intérêt de ce dépistage préco-
ce mais de le mettre en place sur l’en-
semble de la France, en évitant les in-
égalités régionales.
Une fois le dépistage réalisé, la confir-
mation du diagnostic repose sur diffé-
rentes méthodes, d’une part des tests
d’audiométrie subjective : audiométrie
tonale, audiométrie vocale, ROC (ré-
flexe d’orientation conditionné), peep-
show, d’autre part des tests d’audiomé-
trie objective : impédancemétrie, otoé-
missions acoustiques, potentiels évo-
qués auditifs, ASSR (Auditory Steady
State Response). L’ASSR est une métho-
de récente fondée sur le même principe
que les PEA mais permettant une analy-
se sur plusieurs fréquences (pas seule-
ment sur les fréquences aiguës) dès les
premiers mois de vie. L’objectif de ces
explorations est d’analyser le plus fine-
ment et le plus précocement possible le
seuil de surdité pour adapter au mieux
la prise en charge.
L’annonce du diagnostic est un moment
important, qui doit s’assortir d’un sou-
tien psychologique et de la mise en pla-
ce d’une guidance parentale.
Aujourd’hui, le bilan étiologique d’une
surdité doit comporter dans tous les cas
une consultation de génétique spéciali-
sée dans la surdité. On estime en effet
que près des deux tiers des surdités
congénitales, syndromiques et non syn-
dromiques, sont d’origine génétique.
Les causes extrinsèques représentent
30 % des cas, avec une responsabilité
importante du CMV. Enfin, le pourcen-
tage des formes dites idiopathiques di-
minue régulièrement au fur et à mesure
des avancées de la biologie moléculaire.
Les mutations du gène de la connexine
26 (CX26) apparaissent aujourd’hui
impliquées dans une part importante
des surdités congénitales non syndro-
miques.
Les surdités syndromiques sont liées à
diverses affections (on en répertorie
plusieurs centaines), dont on ne citera
ici que quelques-unes parmi les plus fa-
cilement reconnaissables :
L’ORL pédiatrique a connu des avancées majeures au cours
des dernières années. Progrès de la génétique, développe-
ment d’outils de dépistage et d’appareillages qui ont modifié
le diagnostic et la prise en charge de la surdité, développe-
ment également de la chirurgie endoscopique, qui a simplifié
le traitement des pathologies laryngotrachéales de l’enfant…
Quoi de neuf… en ORL ?
D’après la présentation de E.N. Garabédian, service d’ORL pédiatrique et de chirurgie cervicofaciale, hôpital d’Enfants Armand-Trousseau, Paris,
université Paris VI-Inserm U587, lors de la 9ejournée Arepege-Médecine et enfance, septembre 2009
Rédaction : H. Collignon
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parmi les syndromes autosomiques
dominants :
le syndrome de Waardenburg se si-
gnale par des troubles de pigmentation
des iris donnant des yeux d’un bleu in-
tense ou des yeux vairons et des anoma-
lies des cheveux (mèches blanches),
le syndrome BOR (branchio-oto-ré-
nal) se manifeste par des fistules latéro-
cervicales, des anomalies rénales et des
malformations des pavillons d’oreille et
des conduits auditifs ;
le syndrome d’Alport, lié à l’X, associe
surdité et atteinte rénale ;
parmi les syndromes autosomiques
récessifs :
le syndrome d’Usher associe surdité et
rétinite et, dans le type I, le plus fré-
quent, une aréflexie vestibulaire. Le
diagnostic doit être évoqué devant l’as-
sociation d’une surdité et d’un retard de
l’acquisition de la marche. Les signes vi-
suels, d’abord nocturnes, apparaissent à
l’adolescence. Ces enfants doivent donc
bénéficier d’une implantation cochléai-
re précoce pour préserver un moyen de
communication,
le syndrome de Pendred est lié à une
mutation du gène SLC26A4, qui peut
conduire à une surdité isolée évolutive
avec malformation de l’oreille interne
ou à un syndrome complet associant à
la surdité un goitre hypo- ou euthyroï-
dien à l’adolescence,
le syndrome de Jervell et Lange-Niel-
sen associe surdité et QT long et com-
porte un risque de mort subite.
L’ECG fait partie du bilan systématique
d’une surdité sévère à profonde. Echo-
graphies cardiaque et rénale sont cou-
ramment réalisées en cas de malforma-
tions associées.
APPAREILLAGE
ET IMPLANTS
L’appareillage, qu’il s’agisse des
contours d’oreille, généralement privi-
légiés chez l’enfant, ou des appareils in-
traconduits, a également beaucoup pro-
gressé. Il est indiqué en cas de surdité
bilatérale : surdité de perception avec
retentissement sur le langage oral et/ou
perte supérieure à 70 dB ; plus rarement
surdité de transmission en cas d’impos-
sibilité de traitement et de perte supé-
rieure à 70 dB. L’appareillage est pris en
charge à 100 % par la Sécurité sociale
chez les moins de vingt ans. La pose
d’un appareil doit bien entendu tou-
jours s’assortir d’une orthophonie et
d’une guidance parentale.
L’implant cochléaire est réservé aux en-
fants sourds atteints de surdité bilatéra-
le sévère à profonde chez lesquels la
prothèse auditive n’est plus efficace,
c’est-à-dire ne permet pas d’évolution du
langage malgré une rééducation intensi-
ve. Les surdités génétiques représentent
aujourd’hui la première indication de
l’implant. La part des surdités dues à des
méningites, où une implantation d’ur-
gence s’impose du fait du risque d’ossifi-
cation, a aujourd’hui considérablement
diminué dans les indications de l’im-
plantation grâce à la vaccination contre
le pneumocoque et l’Hib.
La pose d’un implant cochléaire est de-
venue une intervention courante (70
par an à Trousseau). Les résultats sont
optimaux lorsque l’implantation est réa-
lisée avant l’âge de deux ans. Ils sont ex-
cellents sur la perception sonore, avec
une bonne perception de l’environne-
ment sonore et une reconnaissance des
bruits familiers dans 97 % des cas, une
perception de la parole par voie auditi-
ve dans 70 % des cas. Ils sont moins
bons sur le développement du langage
oral : celui-ci est excellent, comparable
à celui de personnes entendantes dans
30 % des cas ; chez 50 % des enfants,
l’implant constitue une très grande ai-
de, en association avec la lecture labia-
le ; dans 15 % des cas, malheureuse-
ment, l’expression orale reste médiocre
(10 %) ou nulle (5 %).
SURDITÉS
DE TRANSMISSION:
GREFFE DE TYMPAN
ET IMPLANT
D’OREILLE MOYENNE
Les surdités de transmission sont plus
souvent des surdités acquises (séquelles
d’otites séromuqueuses, d’otites chro-
niques, cholestéatome…) que des surdi-
tés génétiques (aplasies de l’oreille, syn-
drome de Franceschetti, ostéogenèse
imparfaite).
Le traitement des otites chroniques a
considérablement évolué depuis quinze
ans. Le taux de bons résultats des greffes
de tympan, qui était déjà de 80 % avec
des greffons d’aponévrose temporale,
atteint aujourd’hui 93,5 % avec les gref-
fons de cartilage pris au niveau du tra-
gus et remodelés ensuite. L’ossiculoplas-
tie utilise soit du cartilage, en réalisant
un rehaussement de l’étrier lorsque ce-
lui-ci est préservé, et ce avec d’excellents
résultats, soit, en cas de lyse stapédien-
ne, une prothèse totale en titane très
bien tolérée. Pour les surdités de trans-
mission, la prothèse à ancrage osseux
BAHA était jusqu’en 2009 la seule op-
tion pour réhabiliter l’audition, la pré-
sence d’un pilier transcutané posant des
problèmes spécifiques chez l’enfant. Les
implants d’oreille moyenne constituent
une avancée importante dans le traite-
ment des surdités de transmission avec
aplasie de l’oreille. Cette méthode, d’ap-
pareil semi-implanté, consiste à poser
un transducteur directement sur un des
osselets. L’implant d’oreille moyenne
peut également être indiqué dans les
surdités de perception.
KYSTES ET FISTULES
CONGÉNITAUX
CERVICOFACIAUX
Les fistules préhélicéennes, qui sont
extrêmement répandues, doivent être
opérées uniquement en cas de surinfec-
tion ; en l’absence d’infection, l’absten-
tion thérapeutique est la règle.
Degrés de surdité
Surdité légère . . . . . . . . . 21-40 dB de perte
Surdité moyenne. . . . . . . 41-70 dB
Surdité sévère . . . . . . . . . 71-90 dB
Surdité profonde. . . . . . . 91-119 dB
Surdité complète
ou cophose . . . . . . . . . . . > 120 dB
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Les indications de la chirurgie sont en
revanche plus larges dans les kystes du
tractus thyréoglosse, du fait du risque
d’abcédation et pour certains de dégé-
nérescence maligne à l’adolescence.
Dans les kystes et fistules du dos du
nez, l’avancée thérapeutique de ces der-
nières années réside dans le développe-
ment de la microchirurgie.
Les kystes cervicofaciaux latéraux
traités chirurgicalement par voie exter-
ne peuvent être accessibles, en cas de
fistule avec kyste de la quatrième poche
branchiale, à un traitement laser par
voie endoscopique.
LA CHIRURGIE
ENDOSCOPIQUE LARYNGÉE
Les laryngomalacies sévères qui se
traduisent par un stridor important
avec collapsus du larynx peuvent béné-
ficier aujourd’hui d’une chirurgie supra-
glottique par voie endoscopique consis-
tant en une section des replis ary-épi-
glottiques, geste très rapide qui permet
d’obtenir en général une amélioration
considérable du tableau clinique respi-
ratoire dans l’heure suivante.
Autre progrès majeur, le traitement
de certaines sténoses laryngotrachéales
peut aujourd’hui être réalisé par voie
endoscopique avec des résultats remar-
quables, ce qui a conduit à une diminu-
tion considérable des interventions par
voie externe dans ces indications.
ANGIOMES
SOUS-GLOTTIQUES:
L’EFFICACITÉ
DES BÊTABLOQUANTS
Tout comme les angiomes cutanés, les
angiomes sous-glottiques peuvent désor-
mais bénéficier (c’est un progrès majeur
depuis deux ans) d’un traitement par bê-
tabloquants : le propranolol est indiqué
dans les angiomes sous-glottiques très
importants ou étendus jusqu’à la trachée
et responsables d’une détresse respiratoi-
re. Le laser reste le mode de traitement
des angiomes unilatéraux volumineux.
AMYGDALECTOMIE :
ESSENTIELLEMENT EN CAS
D’APNÉES DU SOMMEIL
Les apnées du sommeil constituent la
principale indication actuelle de l’amyg-
dalectomie. S’il n’y a guère de nouveau-
tés de ce domaine, il est toutefois im-
portant de rappeler, à l’heure où les
ORL sont de plus en plus incités à prati-
quer des amygdalectomies en ambula-
toire, que l’ablation des amygdales n’est
pas un geste anodin (50000 interven-
tions chaque année en France et deux
décès) et que l’indication doit en être
bien posée. Ainsi, des angines à répéti-
tion ne constituent pas une indication
d’amygdalectomie, sauf dans les cas ex-
trêmes d’angines très fréquentes (cinq à
six par an) ou avec complications
(phlegmons). En revanche, tout enfant
qui présente des apnées du sommeil
doit être opéré. La polysomnographie
préopératoire n’est pas nécessaire
lorsque le diagnostic d’apnées est évi-
dent cliniquement ; elle peut être utile
en cas de doute sur l’indication de
l’amygdalectomie, surtout s’il existe des
comorbidités associées ; la polysomno-
graphie peut aujourd’hui être réalisée
en ambulatoire.
QUESTIONS DE LA SALLE
La prise en charge orthophonique d’un enfant sourd profond doit-elle être réalisée par un
orthophoniste spécialisé ?
E.N. Garabédian. Oui c’est toujours préférable. Certains orthophonistes se sont spécialisés et
c’est une évolution aujourd’hui indispensable.
Quelles sont les indications de la turbinectomie chez l’enfant ?
E.N. Garabédian. La turbinectomie consiste en l’ablation totale ou partielle des cornets en
cas d’hypertrophie turbinale chronique due à une étiologie atopique ou non, lorsque cette hy-
pertrophie est à l’origine d’une obstruction nasale majeure, voire d’apnées du sommeil. Cette
intervention est grevée d’un risque hémorragique ; nous ne la pratiquons qu’en cas d’échec de
la radiofréquence, méthode récente qui s’est révélée efficace.
Quelles sont les indications de la fibroscopie laryngée dans les stridors ?
E.N. Garabédian. Le terme de stridor tel que nous l’utilisons en France désigne un bruit ins-
piratoire dû à un collapsus supraglottique du larynx et qui régresse spontanément vers dix-
huit mois à deux ans. Quand le stridor est peu important et ne s’accompagne pas de détresse
respiratoire, il ne requiert qu’une simple surveillance avec un traitement anti-reflux gastro-
œsophagien. En revanche, quand il est important et surtout si l’enfant présente la moindre
gêne respiratoire, une endoscopie est nécessaire.
Quel est l’intérêt de la fibroscopie pour le diagnostic de reflux gastro-œsophagien ?
E.N. Garabédian. Notre attitude en cas de suspicion de reflux gastro-œsophagien est de pro-
poser un traitement antireflux en première intention et de poser les indications de la pHmé-
trie et de la fibroscopie œsophagienne en fonction de l’évolution. La fibroscopie laryngée peut
révéler des signes indirects de reflux, notamment une inflammation de la margelle laryngée
postérieure. La fibroscopie sous anesthésie locale est de réalisation facile chez l’enfant avant
l’âge de deux ans et après l’âge de huit ans. Entre les deux, nous avons heureusement le pro-
toxyde d’azote.
Faut-il faire un rappel de vaccin antipneumococcique chez les enfants porteurs d’un im-
plant cochléaire ?
E.N. Garabédian. Oui, surtout lorsqu’ils ont une malformation de l’oreille interne. On vacci-
ne initialement avec Prevenar
®
puis avec Pneumo 23
®
tous les cinq ans.
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