La Lettre du Cancérologue - Vol. XV - n° 6 - novembre 2006
Réunion
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Échanges en cancérologie clinique*:
“Cancer du sein et os, acquis et perspectives”
Exchanges in clinical oncology:
“Breast cancer and bone, acquire knowledges and future developments”
#G. Mégret **
C
ette conférence pluridisciplinaire, présidée par le
Dr J.M. Ferrero (centre Antoine-Lacassagne, Nice) et le
Pr C. Roux (hôpital Cochin, Paris), a permis d’aborder la
prise en charge des métastases osseuses (MO) du cancer du sein
selon différentes approches. En effet, les nombreux orateurs et
spécialistes qui y ont participé sont issus de tous les domaines
pouvant être confrontés à ce type d’événement osseux : chirur-
giens, radiothérapeutes, algologues, biologistes des marqueurs
du remodelage osseux, oncologues et médecins généralistes.
L’objectif commun des différents types de traitements privilégie
la prévention des complications osseuses fracturaires ou neuro-
logiques, le maintien de l’autonomie fonctionnelle, l’antalgie et
le respect de la qualité de vie chez des patientes pouvant avoir
une survie prolongée (24-40 mois) [1].
Les Prs S. Nazarian, chirurgien orthopédiste de l’hôpital de
la Conception à Marseille, et C. Hennequin, radiothérapeute
à l’hôpital Saint-Louis de Paris, ont mis l’accent sur les places
respectives de ces deux modalités de prise en charge. On
retiendra, sur le plan des nouvelles techniques de chirurgie
interventionnelle, l’apport notable de la cimentoplastie acrylique
(monomère méthylmétacylate) : le remplissage de l’os fragilisé
par le ciment exerce à la fois un effet tumoricide exothermique
participant à l’antalgie obtenue et une consolidation osseuse.
Sur le plan de la radiothérapie (RT) antalgique, le Pr Hennequin
souligne qu’il est désormais démontré que le schéma thérapeu-
tique monofractionné en une fois 8 Gy est celui recommandé
au vu des résultats de W.F. Harsell, publiés en 2005 (2). “Il
n’existe donc pas d’avantage à pratiquer des doses plus élevées
en plusieurs fractions, ni de sous-populations dans lesquelles une
RT prolongée serait bénéfique.” En revanche, ces deux orateurs
s’accordent pour dire que, si ces deux modalités doivent être
combinées, la chirurgie sera réalisée en premier, suivie à J10
de la séquence de RT. La compression médullaire demeure
l’urgence chirurgicale, et l’examen clinique de toute patiente
atteinte de MO, symptomatique ou non, doit rechercher une
atteinte neurologique débutante.
Le Dr C. Ciais, algologue au centre Antoine-Lacassagne de
Nice, se penche au quotidien sur les problèmes algiques des
MO : les douleurs progressives “capricieuses”, multifocales,
avec paroxysmes sur fond permanent, sont difficiles à juguler et
nécessitent une prise en charge spécifique. Les opioïdes per os
ont une place de choix, grâce à leurs formes galéniques diverses.
Une bonne compréhension par la patiente de leurs rôles respec-
tifs est indispensable. La forme à libération prolongée, prise à
heure fixe pour le fond douloureux continu, sera complétée par
la forme à libération immédiate en interdose pour les paroxysmes
(jusqu’à 6 prises par jour). Le traitement sera réévalué toutes
les 24 à 48 heures, de façon à trouver un équilibre entre dose
du traitement de fond et prises en interdoses. Enfin, en fonc-
tion de l’espérance de vie estimée, il faut savoir faire appel à
d’autres traitements : bisphosphonates (BP), RT métabolique,
chirurgie, RT externe à visée antalgique, voire pompe à morphine
en ambulatoire en cas de douleurs rebelles. Dans tous les cas,
un soutien psychologique est bénéfique.
Aujourd’hui, les marqueurs osseux suscitent de plus en plus d’in
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térêt pour une meilleure prise en charge des MO. Le Dr P. Garnero,
de l’Inserm de Lyon, est spécialisé dans la biologie du remodelage
osseux (3) : “En pratique, le dosage urinaire du N-télopeptide
du collagène de type I (UNTX) est un marqueur de résorption
osseuse accrue, induite par les MO. Son taux élevé est prédictif
d’une survie abrégée et de la survenue des complications sque-
lettiques. Il est aussi un bon moyen de suivre l’efficacité théra-
peutique des BP (diminution voire normalisation du taux de
UNTX corrélée à la régression des douleurs) ou d’évaluer la
perte osseuse induite par les inhibiteurs de l’aromatase (IA).” Le
UNTX est donc pour lui un marqueur assez fiable des MO : sa
valeur normale est inférieure à 50 nmol/mmol
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créatinine et son
dosage est pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie.
Un débat sur la place respective des formes orales et injectables
des BP a permis à l’auditoire d’appréhender les différents argu-
ments à considérer.
Tout d’abord, la puissance inhibitrice relative (PIR) in vitro des
différents BP a été évaluée, en prenant le pamidronate comme
référence (PIR = 1) : la PIR de l’acide zolédronique est multi-
pliée par un facteur de 850, alors que celle du clodronate est
nettement plus faible (facteur 0,05) et que celle de l’ibandronate
n’est augmentée que d’un facteur 44 (4).
Quelle que soit la voie d’administration, les BP inhibent la
résorption osseuse liée aux MO : ils ont démontré leur capa-
cité à prévenir les complications osseuses ainsi qu’à soulager les
douleurs et à diminuer le recours à la RT antalgique.
* Symposium Novartis, Cannes, le 6 octobre 2006.
** Paris.