266Rhumatos • Septembre 2011 • vol. 8 • numéro 70
JOURNÉES NATIONALES DE RHUMATOLOGIE 2011
QUAND ÉVOQUER UNE
MALADIE AUTO-IMMUNE
SYSTÉMIQUE
En pratique, une maladie auto-im-
mune sysmique non spécifique
d’organe doit être évoquée :
en urgence devant un syn-
drome thrombotique inexpli-
qué (syndrome “catastrophique
des anti-phospholipides) ou une
(des) atteinte(s) viscérale(s)
inflammatoire(s) inexpliquée(s)
(connectivite ou vascularite systé-
mique) ;
rapidement devant une atteinte
d’organe sévère et évolutive poten-
tiellement irréversible :
- une hépatopathie auto-immune
(hépatite chronique active, cir-
rhose biliaire primitive) ;
- une néphropathie glomérulaire
rapidement progressive ;
- une atteinte neurologique cen-
trale et/ou périphérique (sclérose
en plaques…) ;
- une atteinte pulmonaire (hémor-
ragie alvéolaire) ;
- une cytopénie (purpura throm-
*Service de rhumatologie, CHU de Brest
**Service de rhumatologie, CHU de Strasbourg
bopénique idiopathique, anémie
hémolytique auto-immune…) ;
- une polyarthrite destructrice
(polyarthrite rhumatoïde).
QUELLE DÉMARCHE
ADOPTER ?
Le premier pas de la démarche est
la recherche des autres atteintes
viscérales que celles initialement
tectées, d’l’intérêt d’un bilan
clinique, biologique (fonction -
patique, rénale, musculaire…) et
d’imagerie d’autant plus complet
que le contexte lecessite.
Le second point est la recherche
des principaux syndromes pou-
vant mimer une maladie auto-im-
mune et qui doivent donc être ra-
pidement éliminés :
• cancer et hémopathies ;
• infection (endocardites infec-
tieuses, virus) ;
• toxiques ou médicamenteux.
COMMENT CONFIRMER
LE DIAGNOSTIC ?
Pour confirmer le diagnostic de
maladies auto-immunes, il est né-
cessaire de rechercher des auto-
anticorps, mais toute maladie auto-
immune na pas dauto-anticorps et
certains auto-anticorps ne sont pas
spécifiques puisqu’ils peuvent être
induits par des dicaments ou
une infection.
LES AUTO-ANTICORPS
SYSTÉMATIQUEMENT
RECHERCHÉS
Les auto-anticorps systématique-
ment recherchés sont les anti-nu-
cléaires
(Tab. 1)
et les ANCA (anti-
cytoplasmes des polynucléaires)
(Tab. 2)
. En fonction du contexte,
des anticorps spécifiques seront
recherchés, comme par exemple
en cas de syndrome pneumo-ré-
nal
(Tab. 3)
, d’atteinte patique
(Tab. 4)
, ou de myosite
(Tab. 5)
. En cas
de thrombose ou de TCA allongé,
évoquant un anticoagulant circu-
lant, la recherche d’anti-cardioli-
pines et danti-bêta 2GPI guidera
le clinicien vers un syndrome des
anti-phospholipides.
DIFFÉRENTS AUTO-ANTICORPS
PEUVENT ÊTRE DEMANDÉS EN
URGENCE
• Les anti-nucléaires.
• Les ANCA (anticytoplasme de
xxxxx
xxxxx
xxxxxx
xxxxx
Quand et comment évoquer une
maladie auto-immune devant une
atteinte polyvisrale ?
Démarche diagnostique
n
Un rhumatologue est habitué à rechercher une maladie systémique quand il constate une po-
lyarthrite ou des arthralgies, mais il peut aussi le faire quand il est confronté à d’autres signes
cliniques.
Pr Alain Saraux*, Pr Jean Sibilia**
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polynucléaires neutrophiles).
• Les anti-GBM (anti-membrane
glomérulaire).
• Les anti-phospholipides.
Ces auto-anticorps peuvent être
demandés à titre diagnostique (ex :
anti-ADN dans le lupus), pronos-
tique (ex : anti-Sm dans le lupus
sévère) et/ou évolutif (ex : anti-
récepteur à l’acétylcholine dans la
myasthénie).
PIÈGES
D’INTERPRÉTATION
Trois pièges classiques de l’inter-
prétation doivent être gardés à
l’esprit :
l’auto-immuni physiologique
amplifiée lors d’une réaction in-
flammatoire/infectieuse : 10% des
sujets âgés sains ont des facteurs
rhumatoïdes et 30 % des endocar-
dites ont des facteurs rhumatoïdes
et/ou des ANCA (anti-PR3) ;
• lauto-immuni induite: près
de 200 médicaments peuvent être
inducteurs d’auto-anticorps (anti-
épileptique, anti-HTA (bêtablo-
quant), immunomodulateurs (an-
ti-TNF, salazopyrine)) ;
• lauto-immuni paranéopla-
Anticorps Affections Prévalence des ANA dans
anti-nucléaires (ANA) ces affections (%)
Anti-ADN natif Lupus systémique 50-70
Anti-nucléosome • Lupus systémique 30-50
• Sclérodermie 10-15
Anti-Sm Lupus systémique 15-25
Anti-RNP • Lupus systémique 10-15
• Connectivite mixte 95
• Syndrome de Gougerot-Sjögren 5-10
• Autres < 10
Anti-Ro/SS-A • Syndrome de Gougerot-Sjögren 60-80
• Lupus systémique 20-40
Anti-La/SS-B • Syndrome de Gougerot-Sjögren 50-70
• Lupus systémique 10-20
Anti-Scl 70 Sclérodermie systémique 30
Anti-centromère Sclérodermie de type CREST 85
Anti-t-RNA synthétase Myopathies inflammatoires 30-35
(JO1, PL7, PL12…)
Vascularites Anti-PR3 (%) Anti-MPO (%)
Granulomatose de Wegener 80 10
Polyangéite microscopique 15 60
Polyangéite classique (PAN) 0 0
Maladie de Churg et Strauss 5 5
Maladie de Horton 0 0
Purpura rhumatoïde 0 0
Thrombo-angéite de Buerger 0 0
Maladie de Behçet 0 0
Formes Marqueurs biologiques
Hépatite chronique active type 1 • HyperIgG polyclonale
• Anti-muscle lisse (anti-actine F)
• Anti-nucléaire (aspect homogène)
Hépatite chronique active type 2 • Anti-LKM (anti-P450 2D6)
• Anti-LC1
Cirrhose biliaire primitive • HyperIgM polyclonale
Anti-mitochondrie de type M2 (anti-
PDH)
Cholangite sclérosante ANCA (NANA) (non PR3 non MPO)
Etiologies Marqueurs biologiques
Maladie de Goodpasture Anti-membrane basale glomérulaire et alvéolaire
Maladie de Wegener c ANCA (PR3)
Polyangéite microscopique p ANCA (MPO)
Lupus systémique Anti-ADN natif
Anti-Sm, Ro/SS-A
Anti-nucléosome
Tableau 1 - Prévalence des anticorps anti-nucléaires par pathologies.
Tableau 2 - Prévalence des ANCA (anticytoplasme de polynu-
cléaires neutrophiles) par pathologies.
Tableau 3 - Hépatopathies auto-immunes.
Tableau 4 - Syndromes pneumo-rénaux (néphropathie gloméru-
laire et hémorragie alvéolaire)
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sique : 5 à 20 % des lymphoproli-
férations B produisent un auto-an-
ticorps anti-MAG (neuropathie)
et anti-GR (anémie hémolytique
Coombs positif).
CONCLUSION
Les auto-anticorps sont utiles au
diagnostic, parfois urgent de ma-
ladie auto-immune. La seule di-
culest de penser à la recherche
des auto-anticorps, en sachant les
demander d’urgence lorsque le
contexte le justifie. Néanmoins, le
diagnostic doit être armé sur
un faisceau d’arguments ana-
lysés par un decin expert de
ces maladies. Cela conditionne
la bonne prise en charge du pa-
tient. n
Les auto-ac spécifiques des myosites Les auto-ac associés aux myosites
ou MSA (myositis specific ou MAA (myositis associated
auto-antibodies) auto-antibodies)
• Anti-t-RNA synthétase - Anti-SRP • Anti-PM-Scl - Anti-Ku
• Anti-Mas - Anti-KJ, Fer, Wa • Anti-RNP - Anti-Ro 52 KDa
• Anti-Mi2 - Anti-SAE
Anti-PMS 1-2 - Anti-CADM p140
et MJ (NXP-2)
• Anti-TIF1g
Tableau 5 – Myosites.
Mots-clés : Maladie auto-immune,
Atteinte polyviscérale, Démarche dia-
gnostique, Anticorps, Hépatopathies,
Syndromes pneumo-rénaux
La polyarthrite rhuma-
toïde se développe sous
l’influence de facteurs
exogènes (bactéries ? Virus ? Ta-
bac...) et endogènes (sexe féminin,
équilibre hormonal, facteur géné-
tique,...).
L’induction d’une réaction inflam-
matoire chronique avec produc-
tion de cytokines inflammatoires,
puis destruction de l’os et du car-
tilage se fait à partir de cellules
sanguines en migration vers les
articulations, sous l’influence de
cellules senchymateuses ré-
sidant dans les articulations. De
nombreux diateurs comme le
TNFα et les cytokines intervien-
nent dans le déclenchement du
processus inflammatoire et de la
destruction structurale.
La réaction inflammatoire nor-
male est médiée en permanence
par l’action des substances activa-
trices ou inflammatoires et des in-
hibiteurs anti-inflammatoires. La
réaction inflammatoire chronique
s’installe lorsque l’activité des pro-
inflammatoires est beaucoup plus
importante que celle des média-
teurs anti-inflammatoires.
Sous l’eet des cytokines IL-23 et
IL-17, les cellules pathogènes (T
cells) agissent sur les monocytes
et lymphocytes, ainsi que sur les
cellules mésenchymateuses après
déclenchement secondaire de l’ac-
tion du TNFα et de l’IL-1. À partir
des cellules mésenchymateuses, la
cytokine IL-6 et les enzymes accé-
lèrent le processus de destruction.
La cytokine IL-17, produite par les
lymphocytes Th17, agit sur les fi-
broblastes, les macrophages et les
chondrocytes. Elle déclenche l’in-
flammation et la destruction du
cartilage ainsi que la majoration
des érosions osseuses par action
sur les ostéoclastes, par l’inter-
médiaire du système Rank/Rank
ligand. L’expression et la produc-
tion d’IL-6 par les synoviocytes
se fait de façon synergique sous
l’influence du TNFα et de l’IL-17.
Celle-ci est un facteur majeur de
destruction de los et du cartilage.
Les interactions souvent sy-
nergiques des cytokines condi-
tionnent l’eet des inhibiteurs
spécifiques de celles-ci. L’in-
flammation chronique induit un
déficit immunitaire secondaire,
source d’infection. Les cas de tu-
berculose parfois sévère, surve-
nant rapidement après l’instaura-
tion d’un traitement anti-TNFα,
sont liés à l’inhibition de celui-
ci. Seul un contrôle intensif et
précoce de la maladie permet de
diminuer le déficit immunitaire
responsable des infections. n
Cytokines et polyarthrite
rhumatde
Dr Michel Bodin*, D’après une communication du Pr Pierre Miossec, Lyon
*Rhumatologue, Griselles
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