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diabétologie
Urgences en endocrinologie,
et maladies métaboliques
Insuffisance surrénale aiguë chez l’enfant
Acute adrenal deficiency in children
M. Polak*
Définition
L’insuffisance surrénale aiguë est
une urgence diagnostique et thérapeutique, traduction du déficit minéralocorticoïde, du déficit glucocorticoïde ou de leur association.
Elle fait courir un risque vital, en
particulier chez le nouveau-né.
Causes
L’insuffisance surrénale peut être
d’origine hypothalamo-hypophysaire (ACTH normale ou basse) ou
primitivement surrénalienne (ACTH
élevée). Dans ces deux groupes, elle
peut être congénitale ou acquise.
L’insuffisance surrénale primaire
est, dans la plupart des cas, secondaire à un bloc enzymatique sur les
voies de synthèse surrénalienne du
cortisol et de l’aldostérone (hyperplasie congénitale des surrénales).
Le déficit le plus fréquent est celui
de la 21-hydroxylase. Il crée une
insuffisance de production en cortisol
et souvent en aldostérone. Ce déficit
se révèle alors en période néonatale.
L’élévation de la 17-hydroxyprogestérone plasmatique est l’élément
clé du diagnostic. C’est un dosage
qui est effectué dans le cadre du
dépistage néonatal systématique du
bloc en 21-hydroxylase. Il est maintenant généralisé en France.
* Service d’endocrinologie et de diabétologie
pédiatrique, hôpital Necker-Enfants malades,
Paris.
Comme autres causes d’insuffisance
surrénale primaire, on recense :
✓ l’hypoplasie surrénale congénitale ;
✓ l’hypoaldostéronisme congénital ;
✓ l’hémorragie bilatérale des surrénales ;
✓ les autres déficits enzymatiques
surrénaliens entraînant un bloc
enzymatique et un accident aigu
révélateur d’une insuffisance surrénale primaire chez l’enfant après la
période néonatale.
L’insuffisance surrénale aiguë par
déficit corticotrope peut être due à :
✓ une aplasie ou une hypoplasie
congénitale de l’hypophyse ;
✓ un déficit en ACTH isolé ou associé dans le cadre d’un panhypopituitarisme.
Elle peut aussi se manifester chez
un nouveau-né de mère traitée par
corticothérapie ou encore chez des
enfants traités par corticoïdes inhalés
pour un asthme. Elle ne s’accompagne pas, en règle générale, d’un
syndrome de perte de sel.
Signes cliniques
Chez le nouveau-né, l’hyperplasie
congénitale liée à un déficit en
21-hydroxylase se manifeste par :
✓ une altération de l’état général ;
✓ une déshydratation à prédominance extracellulaire qui peut
contraster, au début, avec des signes
témoignant d’une hydratation intracellulaire normale ;
✓ une hypotension artérielle, voire
un collapsus ;
✓ parfois des convulsions après un
intervalle libre de quelques jours ;
✓ ou encore par une absence de
reprise du poids de naissance.
Chez la fille, il existe une virilisation des organes génitaux allant
d’une simple hypertrophie clitoridienne à un aspect complètement
masculinisé. Dans cette situation,
l’absence de testicule palpable dans
les bourses doit faire suspecter le
diagnostic.
❐ Chez l’enfant en dehors de la
période néonatale, la défaillance
surrénale parfois révélatrice, peut
être déclenchée par un événement
intercurrent ou favorisé par un sousdosage thérapeutique. Les événements déclenchants peuvent être
une intervention chirurgicale, une
infection aiguë, des troubles digestifs à type de diarrhées ou de vomissements. Elle se manifeste par la
symptomatologie suivante :
✓ fatigabilité ;
✓ amaigrissement ;
✓ douleurs abdominales ;
✓ hypotension artérielle ;
✓ pigmentation cutanée (cicatrices,
plis et muqueuses).
Les troubles digestifs sont souvent
au premier plan chez l’enfant.
Dans certains cas, une insuffisance
surrénalienne familiale est présente.
❐
❐
Examens paracliniques
Il existe un syndrome de perte
rénale de sel. Mesurée sur un échantillon urinaire, la natriurèse est
supérieure à 20 mEq/l alors que la
natrémie est inférieure à 132 mEq/l.
Tout enfant hyponatrémique qui
garde une natriurèse non effondrée
est a priori susceptible de présenter
une insuffisance surrénale. Cela
souligne l’importance diagnostique
de la réalisation de l’ionogramme
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 6, novembre/décembre 2005
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diabétologie
Urgences en endocrinologie,
et maladies métaboliques
urinaire sur la première miction
émise.
L’insuffisance surrénale se caractérise en outre par :
✓ une hypoglycémie ;
✓ une hyperkaliémie ;
✓ une tendance à l’acidose ;
✓ une hémoconcentration.
Les résultats des dosages
hormonaux plasmatiques sont
les suivants :
✓ Taux du cortisol et de l’aldostérone
plasmatiques normaux ou abaissés,
mais inadaptés à la situation.
✓ Taux plasmatique de 17-hydroxyprogestérone élevé en cas d’hyperplasie congénitale des surrénales.
Pour cette mesure, le prélèvement
est effectué sur un tube sec de 5 ml,
centrifugé, décanté, puis congelé à
– 20 °C jusqu’au dosage.
✓ Dans ce cas, la réninémie et le taux
plasmatique d’ACTH sont élevés.
Pour ces dosages, les prélèvements
sont les suivants : 2 ml de sang sur
EDTA, conservé à température
ambiante pour la réninémie, et 5 ml
de plasma sur EDTA, centrifugé à
froid, décanté, puis immédiatement
congelé pour l’ACTH.
Un électrocardiogramme peut être
pratiqué à la recherche de signes
d’hyperkaliémie.
Enfin, les facteurs déclenchants,
notamment infectieux, doivent être
recherchés.
Traitement
Remarques préliminaires
L’insuffisance surrénale aiguë de
l’enfant est une urgence thérapeutique. Le risque vital immédiat est
lié à la kaliémie. Il ne faut pas
inclure de potassium dans la perfusion
dans le cas d’une insuffisance surrénale aiguë avec perte de sel, perte de
poids, hyponatrémie, hyperkaliémie
et virilisation chez la fille.
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La prise en charge de l’enfant doit
inclure :
✓ la prise en compte des constantes
vitales ;
✓ la mise en place d’un scope de
surveillance ;
✓ la pose d’urgence d’une voie
d’abord.
Le laboratoire doit être averti aux
fins de rendu téléphonique rapide
des résultats.
Le réanimateur de garde doit être
mis au courant de la présence de ce
nouveau-né ou de cet enfant. Ces
enfants doivent être pris en charge
en unité de soins intensifs ou en
service d’endocrinologie si la structure en comporte.
Les prélèvements sanguins doivent
être faits avant tout traitement,
chaque fois que possible, mais sans
retarder la mise en route de la thérapeutique.
Pour éviter le risque de récidive, il
faudra penser à la prévention des
facteurs de risque et à l’éducation
familiale. L’enfant doit donc porter
une carte ou une médaille gravée
indiquant sa pathologie.
Traitement de l’insuffisance
surrénale avec perte de sel
Deux voies d’abord sont posées, si
possible d’emblée.
La réhydratation s’effectue par
administration de glucosé à 5 % le
plus souvent, ou de glucosé à 10 %
en cas d’hypoglycémie persistante
avec du glucosé à 5 %. S’y adjoint
un apport sodé (NaCl) sans KCl.
Le volume est de :
✓ 180 ml/kg par jour chez le nouveau-né très déshydraté ;
✓ 150 ml/kg par jour chez le nouveau-né présentant une déshydratation peu sévère ;
✓ 2,5 à 3 l/m2 par jour pour l’enfant
plus grand.
Les apports en NaCl sont de 10 à
15 mEq/kg par jour pour le nouveau-né, jusqu’à un apport maximal
de 24 g de NaCl (soit 408 mEq de
sodium sur 24 heures) chez le grand
enfant.
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 6, novembre/décembre 2005
La supplémentation hormonale
inclut :
✓ des glucocorticoïdes sous forme
d’hémisuccinate d’hydrocortisone
en administration intraveineuse, à la
posologie de 2 à 4 mg/kg toutes les
6 heures selon la gravité ;
✓ et des minéralocorticoïdes sous
forme d’acétate de désoxycorticostérone par voie intramusculaire
(Sincortyl®) à la posologie de 1 à
2 mg par 24 heures chez le nouveauné, 2 à 4 mg par 24 heures chez
l’enfant en une seule fois par jour.
Il n’existe aucun risque de surdosage aigu en glucocorticoïdes.
L’apport sodé, qui ne doit pas faire
remonter la natrémie de plus de
1 mEq/heure, et la réhydratation
sont au moins aussi importants que
la substitution hormonale.
Mesures très urgentes
Un collapsus nécessite l’apport de
plasmion (10 à 20 ml/kg en 30 minutes à répéter éventuellement),
parfois par une perfusion intraosseuse ou du sinus longitudinal
selon la pratique de chacun.
Une hyperkaliémie menaçante,
objectivée par une anomalie sur le
profil scopique, est traitée de la
manière suivante :
✓ par une dose de charge de salbutamol i.v. lorsqu’il n’y a pas d’élargissement du QRS. La posologie est
de 5 µg/kg sur 20 minutes (salbutamol faible 1 ampoule de 5 mg =
500 µg), avec du Kayexalate® 1 g/kg
per os et 1 g/kg en lavement. Si
le pH plasmatique est acide ou si le
taux de bicarbonates est abaissé,
une alcalinisation intraveineuse
(bicarbonate 1 à 3 mEq/kg) sera
réalisée sous forme de bicarbonate
isotonique à 14 pour 1 000 (6 ml =
1 mEq).
✓ si le QRS est élargi ou s’il existe
des troubles du rythme cardiaque,
le traitement repose sur l’apport
de gluconate de calcium à 10 %
(0,5 ml/kg), puis sur celui de lactate
de sodium molaire.
Troisième partie : Hypophyse-Surrénales
Surveillance
des 12 premières heures
Sur le plan clinique, les éléments
suivants doivent être régulièrement
surveillés :
✓ poids ;
✓ diurèse ;
✓ pression artérielle ;
✓ fréquence cardiaque ;
✓ fréquence respiratoire ;
✓ conscience ;
✓ état d’hydratation ;
✓ glycémie à la bandelette ;
✓ scope cardio-respiratoire chez le
nouveau-né.
La surveillance biologique inclut la
réalisation d’un ionogramme sanguin, d’une glycémie, d’une calcémie (et d’une bilirubinémie chez le
nouveau-né), à répéter.
L’électrocardiogramme fait également partie des examens de surveillance.
Questions habituelles
des parents
En cas de fièvre, lorsque mon
enfant a une insuffisance surrénale,
dois-je modifier le traitement ?
Réponse : la dose d’hydrocortisone
doit être doublée ou triplée. En
revanche, la dose de minéralocorticoïdes reste identique en cas de
fièvre égale ou supérieure à 38 °C.
❐
Notre enfant a un déficit en
21-hydroxylase, nous souhaitons
d’autres enfants, quel est le risque
de récurrence de la pathologie ?
❐
Réponse : c’est une maladie autosomique récessive, avec 25 % de risque
d’avoir un enfant atteint, 50 % de
risque d’avoir un hétérozygote (ce
qui n’a pas de conséquence clinique
pour l’enfant) et 25 % d’enfants sains.
Il existe maintenant une approche de
traitement anténatal pour éviter la
virilisation des fœtus de sexe féminin.
Références
■ Migeon CJ, Donohoue PA. Adrenal disorders.
In: Kappy M, Blizard R, Migeon C (Eds). The
diagnosis and treatment of endocrine disorders
in childhood and adolescence. Editions Charles
Thomas Publisher 1994;760-803.
■ Huault G, Labrune B, Rappaport R. Pédiatrie
d’urgence. Flammarion Médecine-Sciences 1993;
183-200.
■ Todd GR, Acerini CL, Ross-Russell R et al. Survey of adrenal crisis associated with inhaled corticosteroids in the United Kingdom. Arch Dis
Child 2002;487:457-61.
■ Arlt W, Allolio B. Adrenal insuficiency. Lancet
2003;361:1881-93.
Défaut de sensibilité
à l’insuline et migraine
Des études génétiques ont récemment
montré que la migraine est associée
à un polymorphisme du gène codant
le récepteur de l’insuline, suggérant
un rôle potentiel de ce récepteur
dans l’étiologie de la migraine. La
résistance à l’insuline est un facteur de
risque d’hypertension et d’ischémie
cérébrale. Des pathologies vasculaires
sont également fréquemment rencontrées chez les personnes sujettes à la
migraine. L’existence de cette comorbidité a conduit des chercheurs
de l’université de Turin à évaluer la
sensibilité de patients migraineux à
l’insuline. Pour cela, Rainero et al. ont
mesuré la tolérance au glucose de
30 jeunes sujets migraineux, normotendus, non obèses et non diabétiques,
et l’ont comparée à celle de 15 volontaires sains. À jeun, les deux groupes
d’individus présentent une glycémie
et une insulinémie comparables. En
revanche, après charge en glucose
(75 g), la glycémie des patients
migraineux demeure plus élevée
que celle des sujets sains durant
3 heures. Les auteurs de l’article
publié dans la revue Cephalalgia
révèlent que les patients souffrant
de migraine ont une sensibilité à
l’insuline plus faible que les individus du groupe témoin. Rainero et al.
précisent qu’un régime pauvre en
sucre réduit la fréquence des crises
de certains patients, alors qu’à
l’inverse le développement d’un
diabète de type 2 s’accompagne
d’une recrudescence de ce type
d’algies. Ce travail met en évidence
l’existence d’une relation entre la
résistance à l’insuline et la migraine
et suggère que les molécules qui
augmentent la sensibilité à l’insuline, comme les thiazolidinediones,
pourraient être utilisées dans le traitement de la migraine.
Brèves…
Brèves…
E. Louiset, Inserm U413, IFRMP 23,
université de Rouen.
✔ Rainero I et al. Cephalalgia 2005;25:
593-7.
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 6, novembre/décembre 2005
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