576 | La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 9 - novembre 2011
Résumé
Les protocoles d’immunothérapie antitumorale se sont largement développés au cours des dernières
années, permettant ainsi de proposer plusieurs options aux patients atteints de mélanome. Bien que
les modalités optimales d’utilisation de ce mode de thérapie aux résultats encourageants ne soient pas
encore toutes identifiées, le suivi immunologique précis des patients ainsi traités constitue une possibilité
d’avancée majeure dans ce domaine pour le futur. Cette revue présente une analyse des avancées dans le
domaine de l’immunothérapie du mélanome, incluant l’immunothérapie non spécifique avec les cytokines,
l’immunothérapie adoptive par TIL
(Tumor Infiltrating Lymphocyte)
, la vaccination par lysat tumoral et
l’immunothérapie ciblée avec les clones, la vaccination par cellules dendritiques chargées, la vaccination
par peptides ou protéine recombinante et les stratégies d’immunomodulation telles que l’utilisation
d’anticorps monoclonaux (anti-CTLA-4, anti-PD-1, anti-CD40) et d’agonistes de molécules impliquées dans
l’immunité innée (TLR
[Toll-Like Receptor]
).
Mots-clés
Mélanome malin
Immunothérapie
Thérapie adoptive
Vaccins
Cytokines
Immunomodulation
Summary
Protocols of tumor immuno-
therapy have been largely
developed over the past years,
thus enabling various treatment
options to melanoma patients.
Although optimal methods for
this promising mode of therapy
are not well known, the precise
immunological follow-up of
these patients constitutes a
potent major breakthrough
in this field for the future.
Development of novel thera-
peutic approaches, along with
optimization of existing thera-
pies, continues to hold a great
promise in the field of mela-
noma therapy research. This
review reports recent advances
in the immune anti-melanoma
therapy, including cytokines,
adoptive immunotherapy with
TIL, vaccines using dendritic
cells, tumor lysates, peptides
or recombinant proteins and
immunomodulatory strategies
such as monoclonal antibodies
(anti-CTLA-4, anti-PD-1, anti-
CD40) and innate immunity
molecules (TLR).
Keywords
Malignant melanoma
Immunotherapy
Adoptive therapy
Vaccines
Cytokines
Immunomodulation
prolongée pour les 6 % de patients présentant une
réponse complète. Dix ans après la fin du traitement,
les deux tiers des patients ayant présenté une réponse
complète étaient toujours en rémission, au point que,
avec l’IL-2, on parle de véritables guérisons (8). Avec
l’introduction de nouveaux inhibiteurs de tyrosine
kinase, molécules immunomodulatrices, cytokines,
vaccins, on note un intérêt croissant à combiner
ces stratégies thérapeutiques avec l’IL-2. Cepen-
dant, malgré sa capacité à prolonger la survie de
certains patients, la toxicité de l’IL-2 peut être sévère
(hypotension, hypoxie, défaillance rénale, arythmie
cardiaque). Il faut également savoir que cette cytokine
a une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans
le mélanome aux États-Unis, mais que ce n’est pas
le cas en France. Enfin, une étude récente a rapporté
une augmentation de la SG chez des patients HLA-A2
traités par l’association IL-2 à forte dose et vaccin
gp100 comparativement à l’IL-2 seule, avec un gain de
8 mois, mais avec des effets secondaires importants
liés à l’IL-2 (9).
L’interféron
L’interféron α (IFNα) a été la première cytokine
recombinante utilisée dans le traitement du méla-
nome métastatique. Les études originales de phase I-II
ont rapporté des taux de réponse globale d’environ
16 %. L’utilisation de l’IFNα en traitement adjuvant
chez les patients porteurs de mélanomes est basée sur
l’hypothèse que la présence de micrométastases peut
être la cause d’une future rechute. La dernière méta-
analyse a été publiée en 2010 : elle a examiné l’effet
de l’IFNα sur la survie sans rechute (SSR) et la SG de
patients atteints de mélanomes de stades II et III selon
l’AJCC 6
e
et 7
e
éditions (Americain Join Committee on
Cancer) et s’est intéressée à 14 essais randomisés et
contrôlés conduits entre 1990 et 2008 (10). Chez ces
patients, le traitement adjuvant par IFNα montre une
amélioration significative de la SSR, mais aussi de la
SG. L’hypothèse aujourd’hui est que l’IFNα a un effet
dans une sous-population de patients probablement
très restreinte, ce qui explique la difficulté à mettre
en évidence le bénéfice et la nécessité de l’identifier
par des biomarqueurs manquant encore à ce jour. Sur
la base de travaux récents utilisant l’IFN pégylé α2b,
forme retard d’IFNα, et rapportant une médiane de
SSR de 34,8 mois dans le groupe de patients traités
par IFN pégylé α2b versus 25,5 mois dans le groupe
non traité, cette molécule vient d’obtenir une AMM
aux États-Unis en situation adjuvante dans les méla-
nomes avec envahissement ganglionnaire micros-
copique ou macroscopique (stade III a, b, c) [11].
Autres interleukines et cytokines
(IL-12, IL-21, GM-CSF)
L’IL-12 est une cytokine multifonctionnelle qui a
été utilisée au cours d’essais de phase I dans le
mélanome, avec des réponses relativement limi-
tées (12, 13).
L’IL-21 est une cytokine activatrice qui a été utilisée
dans un essai de phase II chez 40 patients porteurs
d’un mélanome de stade IV : 9 patients ont présenté
une réponse clinique et 16 patients une stabilisa-
tion de la maladie, accompagnée d’effets secon-
daires modestes (myalgie, diarrhée, fatigue) [14].
Ce résultat encourageant devrait être suivi d’autres
essais de phase II.
Le GM-CSF (Granulocyte Macrophage Colony Stimu-
lating Factor) a été utilisé en traitement adjuvant
au cours d’un essai randomisé de phase III chez
815 patients. Bien que statistiquement non signi-
ficative, la SG médiane des patients ayant reçu du
GM-CSF était plus élevée que celle des patients n’en
ayant pas reçu (72 versus 59,8 mois) [15]. Il serait
donc intéressant d’évaluer l’efficacité du GM-CSF
en traitement adjuvant à des stades moins avancés
de la maladie.
Immunothérapie cellulaire
adoptive
(ACT
[adoptive T-cell therapy]
)
Par injection de lymphocytes
infiltrant la tumeur
Développée en cancérologie au début des années
1980 sur la base des travaux de S. Rosenberg,
l’immuno thérapie cellulaire passive consiste à