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pension n’est qu’un complément de salaire car elle est nettement inférieure au salaire
d’un journalier.
De plus, percevoir une pension ne signifie pas être accepté à l’hôtel des
Invalides de Paris, fondé par Louis XIV et auquel Napoléon a voulu redonner tout son
éclat, ou à ses succursales de Louvain et d’Avignon, créées en 1801 par l’Empereur,
car il faut être âgé d’au moins soixante ans ou être atteint d’une blessure équivalant au
moins à la perte d’un membre.
Dans une première partie, Natalie Petiteau revient brièvement sur le passage de
la guerre à la paix, sur les conditions de vie aux armées et sur la démobilisation pour
mieux prendre en compte ce qui différenciera les vétérans de leurs concitoyens. Selon
les estimations, 1 660 000 soldats seraient partis sous les drapeaux. Pendant plusieurs
années, parfois plus de dix ans, ils ont traversés l’Europe, combattu en Espagne, en
Belgique, en Allemagne, en Russie, etc, menés par leur Empereur. La phase de
démobilisation qui suit Waterloo montre selon Natalie Petiteau les limites de
l’ancienne administration impériale qui va s’avérer incapable de contrôler l’ensemble
des troupes qui vont se disperser dans leur majorité d’elles-mêmes et les soldats vont
rentrer chez eux sans ordre officiel et sans être pour autant inquiétés. Les désertions
massives de ce type seront nombreuses dans les derniers mois de l’Empire. En
revanche, l’absence de document attestant la démobilisation va s’avérer problématique
par la suite pour bien des soldats en vue de l’obtention d’une pension. Natalie Petiteau
met à ce propos en avant le fait que les demandes de pension des vétérans ont marqué
pour les familles françaises la première occasion de constitution d’archives
administratives. Elle met aussi l’accent sur la douleur physique et morale et sur la
question de la mémoire qui sont les marques indépassables du service des vétérans.
La seconde partie du livre est consacrée à la question de la réinsertion dans la
société proprement dite. Le retour à la vie civile fut pour un certain nombre de soldats
synonyme d’indigence et de déclassement. Natalie Petiteau montre des hommes
désireux avant tout de retrouver leur place dans leur communauté villageoise, dans
leurs ateliers, auprès des leurs. Le retour au foyer a signifié pour eux le retour à la terre
natale. Les cas d’ascension sociale semblent rares. De même, une minorité seulement
semble avoir été tentée par l’aventure de la modernité économique ou l’appel d’autres
horizons (Algérie ou Amérique, par exemple). La réinsertion par le mariage, par le
biais des mariages de rosières, orchestrés par l’Empire, montre les multiples facteurs et
formes de réinsertion. Les vétérans qui se reconvertissent à leur retour des armées
occupent souvent des emplois où ils sont au contact de la société, à son service :
écrivains publics, bibliothécaires, concierges, cabaretiers…Ils sont également
nombreux à occuper des emplois réservés dans l’administration, et en particulier dans
l’encadrement des populations : ils seront gendarmes, gardes champêtres, buralistes…
Dans la troisième et dernière partie, Natalie Petiteau débat de la place des
vétérans dans la société de leur temps, des réseaux d’entraides, de leurs opinions et de
leurs engagements politiques. Elle s’interroge sur les modalités de la naissance d’une
identité collective, ce que nous allons maintenant nous efforcer de montrer dans la
troisième partie de notre compte-rendu.