La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 1 - janvier 2009 | 39
DOSSIER THÉMATIQUE
Bénéfices et risques
des privations androgéniques
Hormonothérapie courte néo-adjuvante associée
◆
à une radiothérapie externe dans les cancers loca-
lement avancés : résultats à long terme du RTOG
8610 (24)
L’étude RTOG 8610 a été la première étude de
phase III à évaluer l’intérêt de l’ajout ou non d’une
hormonothérapie néo-adjuvante par blocage andro-
génique complet (goséréline toutes les 4 semaines +
flutamide) débuté 2 mois avant et poursuivi pendant
la radiothérapie. Quatre cent cinquante-six patients
ont été inclus. Les résultats à 10 ans montrent une
amélioration non significative de la survie globale
(SG) en faveur du bras hormonothérapie (43 % versus
34 %, avec des médianes de 8,7 ans versus 7,3 ans
respectivement ; p = 0,12). En revanche, il existe
une différence significative en termes de mortalité
spécifique (23 % versus 36 % ; p = 0,01), de métas-
tases à distance (35 % versus 47 % ; p = 0,006) et
de SSP (11 % versus 3 % ; p < 0,0001). Il n’a pas été
observé de différence en termes de décès d’origine
cardiaque.
Du fait des nombreux effets indésirables associés,
◆
et notamment des effets cardio-vasculaires, il est
important de considérer le rapport bénéfice/risque,
comme le souligne la récente revue générale de la
littérature publiée par H. Isbarn (25)
Effets indésirables tardifs de l’hormonothérapie :
◆
impact de la privation hormonale sur les plans
osseux, cardio-vasculaire et métabolique, étude
portant sur 20 000 patients appariés
De plus en plus d’hommes atteints de cancer de
la prostate sont traités par une hormonothérapie
suppressive. Des données récentes suggèrent qu’un
patient sur deux reçoit à un moment ou un autre un
tel traitement. De nombreuses données insistent
sur les effets “collatéraux” sur les plans osseux
et cardio-vasculaire, de cette hormonothérapie.
Une large étude avait montré une augmentation
du risque de diabète, d’infarctus du myocarde et
de mort subite chez les patients âgés de plus de
65 ans, non confirmée par d’autres publications.
L’objectif de cette étude (26) était de mesurer
l’impact de la privation hormonale sur le risque
de fracture, de diabète, d’infarctus du myocarde et
de mort subite chez 20 000 patients âgés de plus
de 65 ans, traités au moins 6 mois par privation
hormonale pour un cancer non métastatique, et
appariés avec des patients de bases de données et
du registre de l’Ontario. Les résultats ont montré
une augmentation du RR de fractures (HR = 1,65 ;
IC95 : 1,53-1,78), de diabète (HR = 1,26 ; IC95 : 1,15-
1,36), mais non du risque d’infarctus du myocarde
(HR = 0,92 ; IC
95
: 0,84-1,00), d’accident vasculaire
cérébral (HR = 0,95 ; IC
95
: 0,81-0,96) ou de mort
subite. En revanche, une diminution du risque de
dyslipidémie a été notée (HR = 0,86 ; IC95 : 0,80-
0,92).
Retentissement osseux ◆
F. Saad et al. (27) ont procédé à une analyse exhaus-
tive de la littérature sur la perte osseuse liée à la
privation hormonale. Une relation entre la durée de
traitement par agoniste de la LH-RH et le risque frac-
turaire est retrouvée dans les études rétrospectives,
mais il n’y a pas de données prospectives concernant
l’impact de la privation hormonale sur le taux de
fractures. Les traitements intermittents semblent
stabiliser cette perte osseuse. Si les biphosphonates
permettent de la traiter ou de la prévenir, aucun
consensus n’a été atteint concernant la durée de leur
administration et la meilleure façon de les utiliser.
◆ Diabète et mortalité
dans l’étude RTOG 92-02 (28)
Le diabète est associé à un moindre risque de cancer
de la prostate, comme l’ont montré les résultats
d’une méta-analyse, retrouvant un RR de 0,84 (IC
95
:
0,71-0,93). La majorité des diabétiques souffrent de
surpoids ou d’obésité, associés à une plus grande
mortalité.
Le diabète influence-t-il toutefois le pronostic
après cancer de la prostate ? C’est la question à
laquelle essaie de répondre cette étude à partir des
données du RTOG 92-02 concernant une popu-
lation de 1 551 patients, en évaluant les relations
entre le poids, la prévalence du diabète et la morta-
lité. Rappelons que cette étude avait montré une
amélioration de la survie sans récidive (SSR) et de
la survie spécifique dans le bras hormonothérapie
longue.
La prévalence du diabète a été de 14 % (210 sujets),
un surpoids lui étant associé de façon significative
(88,5 kg versus 83,6 kg ; p < 0,001).
Avec un recul médian de 8,1 ans, il a été enregistré
765 décès, dont 210 spécifiques (27 %). Le poids
(“tertile 1” < 78,2 kg versus “tertile 3” > 89,5 kg)
paraît associé à une plus grande mortalité par cancer
de la prostate en analyse multivariée (HR = 1,77 ;
p = 0,002), mais non le diabète, alors que celui-ci,
mais non le poids, est associé à une plus grande
mortalité non spécifique.