Au-delà du rejet
cellulaire
en transplantation
cardiaque[1]
Ce symposium a été dirigé par les Prs
M.R. Mehra (Baltimore, États-Unis) et
G. Rabago (Pampelune, Espagne). Sont
intervenus successivement les Prs
M.C. Fishbein (Los Angeles, États-
Unis), R.N. Pierson III (Maryland,
États-Unis), J.A. Kobashigawa (Los
Angeles, États-Unis) et N.R. Banner
(Harefield, Royaume-Uni).
L’introduction de G. Rabago a remercié et
rendu hommage à Shumway, disparu peu
de temps avant le début du congrès, et a
jeté les bases des communications à venir
en évoquant notamment l’importance de
la nouvelle classification du rejet de gref-
fe, revue par l’ISHLT et incluant doréna-
vant le rejet humoral (tableau I). Ce rejet
humoral, appelé également rejet à média-
tion par anticorps (AMR) et survenant
dans le premier mois post-transplanta-
tion, est connu comme agressif, associé la
plupart du temps à une dysfonction du
greffon et à une augmentation de l’inci-
dence de l’athérosclérose tardive. Rabago
a rappelé que cette athérosclérose du
greffon, une des principales causes de
mortalité au-delà de la première année,
est multifactorielle, impliquant l’allo-
immunité, les anticorps anti-HLA et non
anti-HLA et le mécanisme non immuno-
logique. Il a également souligné que les
critères principaux de jugement des
essais cliniques reposent souvent sur la
biopsie endomyocardique, qui, bien
qu’étant le gold standard, est souvent non
standardisée. D’autres critères de juge-
ment peuvent lui être substitués, comme
la prévalence de l’athérosclérose du gref-
fon (incidence des événements car-
diaques majeurs) ou la diminution des
effets indésirables des médicaments ou la
survie.
Il a conclu en rappelant que les rejets à
médiation par anticorps ont encore
besoin d’être mieux définis pour per-
mettre d’améliorer leur diagnostic et leur
traitement, que l’athérosclérose du gref-
fon est une pathologie multifactorielle, et
qu’il y a aujourd’hui un certain nombre
de nouvelles stratégies d’immunosup-
pression. Ces stratégies doivent être éva-
luées sur des critères de jugement peut-
être autres que le classique rejet cellulaire
diagnostiqué à la biopsie.
M.C. Fishbein (UCLA) a évoqué le rôle
des anticorps dans le rejet aigu et chro-
nique. Il souligne que nous assistons, ces
dernières années, à une diminution du
nombre de rejets cellulaires au profit de
rejets de type non cellulaire, qui sem-
blent représenter aujourd’hui environ
15 % des rejets (figure 1). Dans “rejets
non cellulaires”, on inclut aujourd’hui
un certain nombre de termes : les rejets à
médiation par anticorps, les rejets aigus
vasculaires ou le rejet aigu humoral. Ces
trois dénominations désignent finale-
ment la même pathologie. La pathoge-
nèse de ce type de réaction immunolo-
gique est la suivante : l’anticorps se fixe
sur un endothélium lésé, avec activation
du complément, libération de cytokines
et ischémie au niveau capillaire. Ils sont
associés à une élévation simultanée des
anticorps donneurs spécifiques, mais
peuvent également survenir aussi préco-
cement que deux à sept jours après la
Le Courrier de la Transplantation - Volume VI - n
o
2 - avril-mai-juin 2006
123
26
e
Congrès de la Société internationale
de transplantation cardiaque et pulmonaire (ISHLT)
[1]
Madrid, Espagne, 5 avril 2006 - Symposium soutenu
par Roche.
* Groupement hospitalier Est, hôpital cardiovasculaire
et neurologique Louis-Pradel, pôle transplantation
cardiaque, 69677 Bron Cedex.
Congrès
L. Sebbag*
réunion
Le rejet et les infections sont les principales complications après une transplantation cardiaque
Pierre angulaire pour la prise en charge des transplantés
Rejet cellulaire (médié par les lymphocytes)
– Grade 0 R Grade 0 Pas de rejet
Grade 1A Faible rejet
– Grade 1 R Grade 1B
Grade 2
– Grade 2 R Grade 3A Rejet modéré
– Grade 3 R Grade 3B
Grade 4 Rejet sévère
Rejet humoral (médié par les anticorps)
– AMR 0 Immunofluorescence positive, vascularite, œdème
AMR 1 sans infiltration cellulaire
Tableau I. Rejet cardiaque.
60
40
20
0
Patients (%)
1990-91 1992-93 1994-95 1996-97 1998-99 2000
Années
NCR
CR
* Troubles hémod
y
namiques ; ** Grade 3-4.
Figure 1. Incidence modifiée des rejets*
cellulaires (CR)** et non cellulaires (NCR)
à UCLA. (D’après Cogert GA et al. J Heart
Lung Transplant 2003;22(suppl.1]:119-20).
transplantation, notamment si le patient
a un antécédent de sensibilisation. Les
deux tiers de ces rejets s’accompa-
gneront d’une dysfonction de greffon.
Les rejets à médiation par anticorps
peuvent également survenir tardivement
dans l’histoire du greffé (mois ou
années), 10 à 15 % de ces patients se
présentant avec un tableau de dysfonction
de leur greffon.
Le rejet par médiation par anticorps est
caractérisé par une combinaison de carac-
téristiques histologiques et immunohisto-
chimiques centrées sur les capillaires
myocardiques. Les capillaires sont
congestifs, avec des éléments de lésions
endothéliales, de cytoplasmes œdéma-
tiés, le noyau des cellules endothéliales
élargies (“cellules endothéliales gon-
flées”). Il y a de très nombreux macro-
phages présents dans la lumière des vais-
seaux. En fait, la plupart des cellules
intravasculaires qui étaient initialement
décrites comme des “cellules endothé-
liales gonflées” ont été finalement identi-
fiées comme des macrophages. On obser-
ve souvent des hémorragies interstitielles
de l’œdème et des neutrophiles à l’inté-
rieur et autour des capillaires. L’incidence
de ces rejets augmente chez les patients
avec un antécédent de sensibilisation aux
antigènes HLA. Parmi les causes d’allo-
sensibilisation, on inclut des antécédents
de transplantation, de transfusions, de
grossesses. Les transfusions de plaquettes
chez les patients sous assistance circula-
toire (LVAD) ont également été associées
à une augmentation du risque d’immuni-
sation, avec l’apparition d’immunoglobu-
lines G anti-HLA de classe 1. De plus, les
patients sous assistance circulatoire vont
développer une activation des cellules B
responsables de l’augmentation de la pro-
duction d’anticorps anti-HLA de classe 1
et de classe 2. L’apparition en post-trans-
plantation d’anticorps anti-HLA est éga-
lement associée au rejet à médiation par
anticorps, associé également au dévelop-
pement de l’athérosclérose du greffon.
Par ailleurs, nous avons actuellement de
plus en plus d’arguments pour considé-
rer qu’un certain nombre de ces rejets
médiés par des anticorps dépendent
d’anticorps non anti-HLA (MICA
[major histocompatibility class 1-rela-
ted chain A]), vimentine, protéines du
choc thermique, cellules musculaires
squelettiques, myosines cardiaques.
Parmi les autres facteurs prédictifs de la
survenue d’un rejet à médiation par anti-
corps, on note que ces rejets surviennent
plus volontiers chez les femmes (52 %
versus 26 %) dans la série de Fishbein et
chez les patients ou patientes porteurs
d’un cross-match positif (32 %, versus
12 %). On retient donc comme facteurs
de risque le sexe féminin, l’augmenta-
tion des anticorps anti-HLA (PRA), le
cross-match positif, les patients CMV+
et les antécédents de greffe.
Le diagnostic repose sur la fixation de
C4d sur l’endothélium des capillaires.
Cette fraction du complément est une
fraction inactive du C4b, fixation forte sur
l’endothélium, plus sensible que les autres
marqueurs précédemment étudiés (C1q,
C3). Dans une analyse comparant l’im-
munofluorescence et les marquages par
immunoperoxydase sur 1 104 biopsies de
442 patients réalisées à Los Angeles, il
semble que le marquage par immunofluo-
rescence (marquage du C4d) apporte une
sensibilité pour le diagnostic du rejet de
54 %, une spécificité de 93 %, une valeur
prédictive positive de 43,7 % et une valeur
prédictive négative de 95,5 %. Cela dit, la
sensibilité est faible (54 %), ce qui signi-
fie que la moitié des biopsies endomyo-
cardiques avec pourtant rejet humoral
étaient C4d-négatives…
M.C. Fishbein a conclu sa présentation
en rappelant les difficultés du diagnos-
tic, l’importance de rechercher systéma-
tiquement les rejets humoraux en fonc-
tion des possibilités locales, soit en ana-
lysant l’ensemble de la population, soit
en se concentrant sur les patients à haut
risque (femme, patiente multipare, élé-
vation du PRA, etc.). Les patients avec
un antécédent de rejet humoral doivent
également être suivis par des biopsies
ultérieures et être surveillés sur le plan
de la production d’anticorps anti-HLA
de classe 1 et de classe 2.
La présentation de R.N. Pierson était
axée sur les anticorps non anti-HLA et
l’athérosclérose du greffon. En effet, on
identifie aujourd’hui en transplantation
cardiaque un certain nombre d’anticorps
dirigés contre des protéines qui étaient
connues comme étant impliquées dans
des réactions auto-immunes : la vimen-
tine, les protéines de stress thermiques,
la myosine cardiaque ou le collagène de
type 5 (plutôt dans le poumon).
L’apparition de ces anticorps signe en
fait la perte de notre tolérance au soi,
plus spécialement en ce qui concerne la
vimentine, qui est une protéine de struc-
ture non spécifiquement cardiaque, puis-
qu’on la trouve également dans les vais-
seaux, les fibroblastes, les macrophages,
les cellules blanches ou le myocarde
fœtal. Les preuves de l’implication des
anticorps anti-vimentine en pathologie
dérivent des modèles expérimentaux ou
cliniques, puisqu’on a pu associer l’ap-
parition d’anticorps anti-vimentine à
l’augmentation de l’incidence de l’athé-
rosclérose du greffon. L’essai clinique
comparant mycophénolate mofétil
(MMF) et azathioprine (AZA) avait éga-
lement permis d’observer que l’incidence
et le titre des anticorps anti-vimentine
parallèlement à l’athérosclérose du greffon
étaient diminués par le MMF versus
AZA (Rose M et al. J Heart Lung
Transplant 2002;21[2]:282-5).
R.N. Pierson a également évoqué son
travail sur des transplantations car-
diaques chez le singe, où l’augmenta-
tion de ces anticorps s’associe à une
augmentation de l’athérosclérose.
Le Courrier de la Transplantation - Volume VI - n
o
2 - avril-mai-juin 2006
124
Congrès
réunion
En fait, il existe encore un certain
nombre de questions concernant le pro-
cessus lui-même. Il semble que la lésion
endothéliale permette l’expression de la
vimentine et l’attraction de cellules à
l’origine de l’inflammation ou des
lésions vasculaires. Les mécanismes de
régulation sont perturbés par la trans-
plantation ou les traitements immuno-
suppresseurs. Une autre protéine d’inté-
rêt est la myosine cardiaque, qui repré-
sente 80 % de la masse cardiaque, cible
classique des myocardites. Elle semble
être réexprimée à la phase terminale de
l’insuffisance cardiaque ou lors des
rejets aigus. M. Tanaka et al., dans
l’American Journal of Transplantation
(2005;5[6]:1286-96), ont évoqué le rôle
de la myosine cardiaque dans la patho-
genèse de l’athérosclérose du greffon et
suggéré que les patients tolérants pour-
raient être ceux ne présentant pas
d’athérosclérose au long cours.
En conclusion, R.N. Pierson a suggéré
que ces anticorps non anti-HLA sont en
fait des marqueurs de la lésion d’allo-
greffe et éventuellement des indicateurs
du développement ultérieur de l’athéro-
sclérose du greffon. Il semble que le
MMF ou d’autres traitements comme
l’utilisation d’anti-CD 154 permettent
de bloquer l’immunisation à la vimenti-
ne. Une meilleure compréhension des
mécanismes et de la régulation de cette
auto-immunité pourrait permettre de
protéger les patients de l’athérosclérose
du greffon ou de la bronchiolite oblité-
rante en transplantation pulmonaire.
J.A. Kobashigawa a présenté les prin-
cipaux essais cliniques en transplanta-
tion cardiaque.
Il a rappelé que, si le rejet cellulaire est un
marqueur détecté par la biopsie qui est un
facteur important dans l’histoire précoce
du patient transplanté, on peut se poser la
question de sa signification clinique
comme critère de jugement sur l’évolu-
tion au long cours. En effet, aujourd’hui,
les progrès permettent d’atteindre une sur-
vie à un an de 90 %, ce qui fait de la sur-
vie elle-même un critère de jugement dif-
ficile à utiliser dans des essais cliniques
qui imposent des populations de patients
considérables. Il faut également dévelop-
per des marqueurs de remplacement,
parmi lesquels le rejet aigu, l’athérosclé-
rose du greffon, la survenue d’un cancer
ou d’effets indésirables sont proposés.
J.A. Kobashigawa a rappelé les lec-
tures qu’il a faites avec son équipe des
essais cliniques sur le MMF et des dif-
férentes réanalayses publiées…
En conclusion, il s’avère que ce qui
préoccupe la plupart des cliniciens
aujourd’hui est la sécurité d’utilisation
des immunosuppresseurs, et que la sur-
vie, finalement, n’est pas un critère de
jugement très pertinent, dans la mesure
où les études sont la plupart du temps
sous-dimensionnées pour permettre de
l’évaluer correctement. Le rejet aigu
pourrait être un critère pertinent, de
même que la détection de l’athérosclé-
rose du greffon (IVUS, événement car-
diaque fatal ou non fatal) ou la survenue
d’un cancer (figure 2).
N.R. Banner a évoqué les problèmes de
tolérance des immunosuppresseurs et les
potentiels des nouvelles stratégies immu-
nosuppressives. En effet, il a rappelé que
la prise en charge des patients transplan-
tés a permis, au cours des dernières
décennies, une très nette amélioration de
la survie initiale, mais pas de la survie
tardive. Nos futurs défis sont notamment
le contrôle de l’athérosclérose des gref-
fons, des infections, des cancers et de
l’insuffisance rénale chronique.
Il a également rappelé que le MMF
diminuait l’épaississement intimal,
mais de manière non significative
(p = 0,056), à moins de réanalyser les
données… (figure 3).
Le Courrier de la Transplantation - Volume VI - n
o
2 - avril-mai-juin 2006
125
Congrès
réunion
6,0
5,0
4,0
3,0
2,0
1,0
0,0
Causes spécifiques de décès (%)
0 1 2 3 4 5 6 7 8
Temps (années)
CAV
Insuffisance primaire
Infection (non-CMV)
Rejet aigu
Perte du greffon
Malignité (non-lymph/PTLD)
CMV
Figure 2. Incidence cumulée des principales causes de décès (Transplantation : janvier 1992-
juin 2003).
0,14
0,12
0,10
0,08
0,06
0,04
0,02
0
Augmentation moyenne (mm)
Azathioprine
p = 0,056
MMF
Figure 3. Épaisseur maximale de l’intima.
(D’après Transplantation 1998;66:507 ;
J Heart Lung Transplantation 2005;24:517).
L’everolimus, quant à lui, a, certes, dimi-
nué l’athérosclérose du greffon dans les
essais cliniques, mais au prix d’une aug-
mentation de la créatinine. Quant à la
combinaison de ces deux thérapeutiques,
MMF et everolimus, est-elle syner-
gique ? Le principal problème au long
cours semble la cancérogenèse due à la
diminution de la surveillance immune
liée aux infections virales (EBV,
Papillomavirus) et aux effets également
spécifiques de certains immunosuppres-
seurs. En effet, il est maintenant démontré
que l’azathioprine, par exemple, augmente
le risque de leucémie et de dysplasie
médullaire, avec des schémas de toxicité
cellulaire récemment publiés.
L’insuffisance rénale est également un
défi au long cours. La toxicité des inhi-
biteurs de la calcineurine sur les modes
aigus (dommages hémodynamiques
réversibles) et chroniques (dommages
structurels) est cependant moins mise en
évidence pour la micro-angiopathie
thrombotique. Actuellement, les
approches comprennent une prévention
secondaire de l’insuffisance rénale chro-
nique avec retrait des inhibiteurs de la
calcineurine, ou une attitude de préven-
tion primaire qui vise à minimiser d’em-
blée les CNI en s’appuyant sur du moni-
toring pharmacologique ou vers un
retrait très précoce de ces substances.
Nous disposons effectivement aujour-
d’hui de résultats d’essais cliniques
démontrant, en transplantation rénale en
tout cas, la possibilité d’un retrait de la
ciclosporine avec introduction du siro-
limus, en association avec du MMF,
s’accompagnant d’une amélioration de
la filtration glomérulaire tout en aug-
mentant, sans signe de gravité heureu-
sement, les rejets aigus. La probléma-
tique en transplantation cardiaque est
plus aiguë, puisque le greffon cardiaque
est un greffon vital et que le switch d’im-
munosuppression ne peut se faire si le
risque est important. Il semble que le
risque du switch de l’immunosuppression
diminue avec le temps après transplan-
tation. Par ailleurs, les inhibiteurs de la
protéine mTOR (sirolimus, everolimus)
influencent les processus de cicatrisation
et d’infection. Inversement, un switch
précoce semble la meilleure option pour
avoir une efficacité sur le développe-
ment de l’athérosclérose ou de l’insuffi-
sance rénale.
Un certain nombre de questions restent
posées. Quant réaliser le switch ? Quel
type de traitement utiliser ? Comment
gérer la transition, notamment : switch
lent ou brutal ?
N.R. Banner élargit encore la discussion
en évoquant les prochains immunosup-
presseurs, notamment les inhibiteurs du
second signal, comme le CTLA-4 Ig
(belatacept), actuellement en étude de
phase II en transplantation rénale.
L’avenir est défini : des immunosuppres-
seurs neufs et moins toxiques (mais les-
quels ?), des doses plus faibles (mais
comment les monitorer ?), et un switch
entre immunosuppresseurs (échange de
toxicité ?) ou des utilisations séquentielles
d’immunosuppresseurs (mais à quel
moment faire le switch ?). Le défi à venir
est le développement de ces combinaisons
de traitements qui vont nous permettre de
continuer à assurer un excellent contrôle
du rejet aigu et de la survie à court terme
tout en supprimant les complications à
long terme… Que d’enthousiasme !
Le symposium s’est terminé par une brève
table ronde animée par M.R. Mehra.
Le cas clinique qu’il a exposé a suscité
une discussion intéressante, puisqu’il
s’agissait de définir des stratégies de
traitement chez un patient à un an de sa
transplantation, présentant une biopsie
endomyocardique sans rejet cellulaire,
mais avec des anticorps anti-HLA circu-
lants et une fonction ventriculaire
gauche altérée (FEVG 45 % sans notion
sur l’antériorité de cette fraction d’éjec-
tion). Les différents intervenants ont été
relativement consensuels. Selon
J.A. Kobashigawa, il n’y a pas actuelle-
ment de données permettant de définir
la stratégie face à ces anticorps anti-
HLA circulants, ni d’ailleurs d’en affir-
mer le rôle dans les manifestations pré-
sentées par le patient (baisse de la
FEVG, développement d’une athéro-
sclérose). Il évoque même la possibilité
d’une accommodation à ces anticorps
circulants chez un certain nombre de
patients. N.R. Banner suggère, face à
une athérosclérose récemment diagnos-
tiquée, de proposer l’introduction des
inhibiteurs de la protéine mTOR, d’in-
troduire les antiagrégants plaquettaires
(aspirine, clopidogrel) et, si la fraction
d’éjection ventriculaire gauche se dété-
riore, – et seulement dans ce cas là – de
réaliser des plasmaphérèses.
R.N. Pierson a noté que si, chez un
patient donné, un rejet aigu cellulaire et
une augmentation des anticorps circulants
anti-HLA sont signalés dans le même
temps, il faut proposer une plasmaphé-
rèse, et éventuellement un traitement par
rituximab.
Une des questions ultérieures de la dis-
cussion était de savoir quelle était la stra-
tégie des différents intervenants pour
réduire les anticorps anti-HLA circu-
lants. N.R. Banner a proposé la plasma-
phérèse avec immunoadsorption ou asso-
ciée à des doses importantes d’immuno-
globulines polyvalentes et de rituximab
au long cours, mais a admis qu’aucune
de ces stratégies n’est extrêmement effi-
cace. J.A. Kobashigawa a proposé des
doses élevées d’immunoglobulines poly-
valentes. Il a introduit la possibilité de
recourir à la photophérèse ou au rituxi-
mab, tout en soulevant le problème du
coût de ces stratégies thérapeutiques.
Enfin, il ne faut pas perdre de vue
l’indication de la retransplantation
(R.N. Pierson).
Le Courrier de la Transplantation - Volume VI - n
o
2 - avril-mai-juin 2006
126
Congrès
réunion
La menace virale
en transplantation
cardiaque
et pulmonaire[2]
Ce symposium avait comme objectif de
dresser un tableau des infections oppor-
tunistes virales et d’évoquer les
menaces émergentes en transplantation.
Les intervenants en étaient G. Westall
(Melbourne, Australie), H.A. Valantine
(Palo Alto, États-Unis) et A. Humar
(Toronto, Canada).
G. Westall a abordé le thème de la
transplantation pulmonaire et des infec-
tions par le cytomégalovirus (CMV) en
transplantation pulmonaire.
En effet, comme pour les autres organes,
la dysfonction chronique de l’allogreffe
pulmonaire (bronchiolite oblitérante,
BOS) est un processus multifactoriel
dont un certain nombre de facteurs de
risque sont encore inconnus. Inter-
viennent vraisemblablement les rejets
aigus initiaux, les problèmes d’infections,
les mismatches HLA, des facteurs liés au
donneur et des facteurs viraux.
En ce qui concerne ces facteurs viraux,
il y a de plus en plus de publications
concernant le rôle des virus à ARN ou
des virus à ADN comme le CMV.
G. Westall a rapporté l’étude publiée par
son équipe dans le Journal of Infections
Diseases en 2004 (2004;15;190[6]:
1076-83), qui a démontré que la pneu-
monie à CMV ne représentait que le
sommet de l’iceberg par rapport aux
réactivations à CMV la plupart du temps
non détectées et pourtant pathogènes
(figure 4). En effet, la réactivation infra-
clinique à CMV démontrée par PCR est
associée au développement de la bron-
chiolite oblitérante. Le CMV semble, en
effet, être susceptible par l’agression
endothéliale qu’il suscite, d’induire le
rejet chronique, que ce soit en transplan-
tation pulmonaire ou cardiaque. Les pro-
grès actuels en virologie permettent
d’approcher plus finement l’agression du
CMV en sachant que beaucoup de ces
données ne sont qu’hypothétiques. Il
existe notamment une réponse CD8
spécifique du CMV qui pourrait éven-
tuellement être monitorée pour mieux
définir la réponse immuno-CMV. L’idée
est qu’en appréciant plus finement la
relation entre système immunitaire et
CMV nous puissions adapter à chaque
patient la prophylaxie anti-CMV.
H.A. Valantine a évoqué les stratégies
de traitement anti-CMV et EBV et
avancé des arguments qui plaideraient
pour une prophylaxie de longue durée.
Le CMV, a-t-elle rappelé, est en effet
pathogène, et nous disposons aujour-
d’hui de nombreux arguments pour esti-
mer qu’il est nécessaire de développer
une stratégie thérapeutique efficace. Ses
arguments évoquent la pathogénie
directe du CMV : effet myélosuppresseur,
pneumonie, infections gastro-intesti-
nales, choriorétinite, hépatite, etc., et
des arguments indirects : lien du CMV
avec le rejet aigu, les infections secon-
daires, les lymphomes, l’implication
des autres types de virus VHC, HHV6,
HHV7 (figure 5).
Le Courrier de la Transplantation - Volume VI - n
o
2 - avril-mai-juin 2006
127
Congrès
réunion
15 %
Pas d'inclusion
du CMV
CMV détecté
dans l'allogreffe
de poumon (BAL)
par qPCR (n = 49)
85 %
La pneumonie à CMV représente le "sommet de l'iceberg"
La réactivation "infraclinique" du CMV est courante
Pneumonie
à CMV
Figure 4. Charge virale
du CMV versus
inclusions à CMV
(biopsie). (D’après
Westall GP et al.
J Infect Dis 2004;190:1076).
Infection CMV active
(virémie ou invasive)
Lésion
(1)
d'allogreffe
Aigu
Rejet
d'allogreffe
Chronique
Néphropathie chronique díallogreffe
Vanishing Bile Duct Syndrome
Bronchiolitis obliterans
Athérosclérose
1. Fishman JA, Rubin RH. N Engl J Med 1998;338:1741 ;
2. Hjelmesaeth J et al. Diabetologia 2004;47:1550.
Infection
(1)
bactérienne
ou fongique
Effets cellulaires :
expression
antigène/cytokine
Immunosuppression
systémique
Diabetes
mellitus
(2)
Complications
cardiaques
EBV-associé
PTLD
(1)
Figure 5. Les effets
indirects de l’infection
à CMV et la virémie.
[2]
Madrid, Espagne, 8 avril 2006 - Symposium soutenu
par Roche.
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