CAS CLINIQUE
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La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 3 - mai-juin 2006
est effectuée en novembre 1990. Une hormonothérapie de type
tamoxifène est ensuite débutée. En janvier 2000, le tamoxifène
est remplacé par de l’anastrozole.
La dernière consultation de surveillance remonte au 31 janvier
2006. La patiente ne présente aucun argument clinique, biolo-
gique et radiologique (radiographie standard du thorax) de reprise
évolutive tumorale.
DISCUSSION
En dépit des progrès réalisés depuis quelques années, le cancer du
sein au stade métastatique reste une maladie incurable, avec une
médiane de survie aux alentours de 24 mois. Le traitement repose
essentiellement sur la chimiothérapie, le ciblage d’HER2 par le tras-
tuzumab, l’hormonothérapie et la radiothérapie. Parmi les points
marquants des avancées intervenues ces dernières années – l’aug-
mentation des taux de réponses objectives, la durée moyenne de
maintien de la réponse, l’amélioration globale de la qualité de vie
et une prolongation de la durée de survie avec les chimiothérapies
de première ligne et de seconde ligne (voire de troisième ligne) –,
les progrès apportés par les antiaromatases et les traitements ciblés
ont permis une amélioration de la survie globale, avec de plus en
plus de patientes survivant à long terme. Mais ces avancées ne sont
que les éléments d’un meilleur contrôle palliatif, puisque les
rechutes sont inéluctables, plus sévères, plus étendues et de moins
en moins sensibles aux différents traitements proposés.
Le cancer du sein métastatique étant une maladie systémique, il
n’y a pas de place consensuelle pour des métastasectomies à
visée curative, même si l’exérèse de métastases isolées (céré-
brales, hépatiques ou pulmonaires) peut se discuter et a fait l’objet
de plusieurs publications. La chirurgie à visée palliative est régu-
lièrement indiquée en cas de métastases osseuses présentant un
risque fracturaire ou compressif et de métastases cérébrales symp-
tomatiques.
Les métastases pulmonaires isolées synchrones ou métachrones
du diagnostic du cancer du sein sont rares. J.J. Casey et al. en ont
estimé l’incidence aux alentours de 3 % (1). Les métastases pul-
monaires isolées lors de la présentation initiale sont estimées à
moins de 5 % sur le registre des cancers du sein métastatiques de
l’Institut Curie. Elles sont le plus souvent multiples et diffuses
dans les deux champs pulmonaires.
Selon les recommandations actuelles de surveillance d’une
patiente traitée pour un cancer du sein, la radiographie du thorax
n’est pas systématique. Les modalités de la surveillance sont
déterminées en fonction du risque de récidive locale et/ou méta-
statique à partir des critères pronostiques initiaux. Après un trai-
tement conservateur pour un carcinome infiltrant du sein, les
métastases surviennent le plus souvent dans les cinq premières
années. L’essentiel de la surveillance, de façon consensuelle,
repose sur un examen clinique et des mammographies réguliers.
La place de la résection chirurgicale des métastases pulmonaires
de cancer du sein est controversée. Toutefois, quelques publica-
tions signalent, sur des populations de malades sélectionnées,
l’intérêt des stratégies combinées associant le traitement local
d’une métastase unique par chirurgie et/ou irradiation au traite-
ment médical.
Notre équipe a déjà rapporté les résultats d’une série de
40 patientes ayant bénéficié de l’exérèse chirurgicale de méta-
stases pulmonaires d’un cancer du sein (2). La survie globale à
5 ans était de 54 ± 8 % et la survie sans récidive de 30 ± 8 %. La
médiane de survie était de 70 mois à partir du diagnostic de méta-
stase ; elle était nettement supérieure à la médiane de survie de
22 mois observée chez les 57 autres patientes porteuses de méta-
stases pulmonaires isolées, traitées, durant la même période et
dans le même centre, uniquement par chimio-hormonothérapie.
Certes, ces deux populations de patientes n’étaient pas compa-
rables, avec, dans la série chirurgicale, une sélection de patientes
présentant des tumeurs d’évolution lente et sensibles aux traite-
ments médicaux, comme en témoignent le délai moyen de
58 mois entre le cancer du sein et la survenue de la ou des méta-
stases et le délai de 10,5 mois entre le diagnostic de la maladie
métastatique et l’acte chirurgical.
E.D. Staren et al. (3) ont comparé les résultats d’une série de
33 patientes ayant bénéficié de l’exérèse chirurgicale de méta-
stases pulmonaires d’un cancer du sein, dans le département de
chirurgie du Rush-Presbyterian-St. Luke’s Medical Center de
Chicago, avec ceux d’une série de 30 patientes porteuses de méta-
stases pulmonaires traitées médicalement par chimiothérapie
et/ou hormonothérapie. La médiane de survie dans le groupe
traité chirurgicalement était significativement supérieure à celle
observée dans le groupe traité médicalement : 55 mois versus
33 mois, de même que le taux de survie globale à 5 ans après la
récidive pulmonaire (36 % versus 11 %).
Dans la série de 37 patientes opérées au MD Anderson Cancer
Center de Houston entre 1981 et 1991, L.A. Lanza et al. (4) ont
rapporté une médiane de survie après thoracotomie de 47 ±
5,5 mois et une survie actuarielle à 5 ans de 49,5 %. À la Mayo
Clinic, dans une série publiée par M.L. McDonald (5) de
40 patientes recrutées également sur 10 ans, entre 1982 et 1992,
la survie globale à 5 ans était de 37,8 %.
Plus récemment, G. Friedel et al. ont rapporté les résultats de
l’exérèse chirurgicale des métastases pulmonaires de cancers
du sein chez 467 patientes (6). Il s’agit de la plus grande série
publiée à ce jour. Une exérèse chirurgicale complète a été réa-
lisable dans 84 % des cas. Les taux de survie à 5 ans, 10 ans
et 15 ans étaient respectivement de 38 %, 22 % et 20 %. Dans
cette étude, le principal paramètre pronostique était un inter-
valle libre supérieur ou égal à 36 mois entre le diagnostic ini-
tial et l’apparition de la maladie métastatique, avec des taux
de survie à 5 ans, 10 ans et 15 ans respectivement de 45 %,
26 % et 21 %, et une survie médiane de 50 mois (p = 0,0001).
Il n’a pas été retrouvé de différence significative en termes de
taux de survie à 5 ans, 10 ans et 15 ans entre les patientes
ayant subi la résection chirurgicale d’une métastase pulmo-
naire unique et celles ayant été opérées de métastases pulmo-
naires multiples. Par ailleurs, le type de résection chirurgicale
(wedge resection, segmentectomie, lobectomie ou pneumo-
nectomie) ne s’accompagnait d’aucune différence significa-
tive en termes de survie.