Éditorial
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La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 5 - mai 2007
La Lettre du Cancérologue
Directeur de la publication : Claudie Damour-Terrasson
La Lettre du Cancérologue
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La désignation de la
personne de con ance
cinq ans après la loi :
le risque de faire semblant
Naming a person of trust  ve years after the law:
the risk of misrepresentation
G. Moutel*
L
a personne de confi ance, instaurée par la loi du 4 mars 2002 relative
aux droits des patients et à la qualité du système de santé, a pour
objet, après désignation par le patient, d’assister ce dernier dans
ses démarches de soins, de l’accompagner physiquement et/ou psychologi-
quement et de faire le lien avec les équipes médicales. De ce fait, elle a une
responsabilité de poids et partage de facto des éléments du secret médical.
Elle a par ailleurs pour mission, dans deux domaines spécifi ques qui sont le
don d’organes et les décisions de fi n de vie, en particulier en termes d’arrêt
des soins, d’éclairer les équipes médicales sur les intentions et les volontés
antérieures du patient. Elle porte ainsi témoignage de la parole de la personne
et de ses choix. Ainsi, la loi française a fait le choix d’une conception large qui
ne cantonne pas l’intervention de la personne de confi ance aux situations
extrêmes (patient hors d’état d’exprimer sa volonté ou pathologie particu-
lièrement grave) mais l’étend aux situations quotidiennes en médecine. La
personne de confi ance est habilitée à seconder le patient dans son parcours
au sein du système de santé, lors des consultations et hospitalisations, et à
être ainsi informée dans le même temps que le patient. Par ailleurs, la loi
prévoit que la personne de confi ance soit “consultée” lorsque le patient se
trouve hors d’état d’exprimer son consentement.
Plusieurs écueils sévères guettent aujourd’hui la désignation d’une personne
de confiance au vu des premières analyses de pratiques. Tout d’abord, on
assiste dans certains centres de soins à des modes de désignation aveu-
gles et non médicalisés (c’est-à-dire sans explications données aux patients
sur l’importance des rôles majeurs de la personne choisie dans la rela-
tion de soins). Dans certains cas, les patients sont invités à désigner une
personne de confiance non pas via l’équipe soignante, une infirmière ou un
médecin, mais lors des démarches administratives “au comptoir d’entrée”
d’un établissement de soins, sans qu’aucune explication soit effective. Il en
ressort plusieurs points critiques.
Tout d’abord, il arrive que des personnes de confiance désignées
ne sachent pas qu’elles ont été choisies par un patient, n’étant pas
présentes et non associées à la démarche de désignation.
* Laboratoire d’éthique médicale et de médecine légale, Faculté de médecine Paris-Descartes, Réseau de recherche en
éthique de l’Inserm, rédacteur en chef du Courrier de l’Éthique, revue de la Société française et francophone d’éthique
médicale, www.ethique.inserm.fr
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Extrait du Code de la santé publique
“Toute personne majeure peut désigner une personne de
confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin
traitant, et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors
d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information néces-
saire à cette fin. Cette désignation est faite par écrit. Elle est
révocable à tout moment. Si le malade le souhaite, la personne
de confiance l’accompagne dans ses démarches et assiste aux
entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions.
Lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, il
est proposé au malade de désigner une personne de confiance
dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Cette désigna-
tion est valable pour la durée de l’hospitalisation, à moins que
le malade n’en dispose autrement.” “…Lorsque la personne
est hors d’état d’exprimer sa volonté, aucune intervention ou
investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossi-
bilité, sans que la personne de confiance, ou la famille, ou à
défaut, un de ses proches ait été consulté…”
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Par ailleurs pour certains patients, la démarche présentée
semble quasi obligatoire, alors qu’elle n’est qu’un outil
de l’accompagnement à proposer, que le patient doit
pouvoir choisir (accepter ou refuser s’il n’en ressent ni le
besoin ni le désir), a fortiori s’il souhaite que le secret soit
gardé totalement ou s’il veut protéger tous ses proches et
taire sa maladie.
Enfin, dans certains cas, on constate qu’il y a une confu-
sion institutionnelle forte entre “personne de confiance”
et “personne à prévenir”. La seconde n’a pas du tout la
même finalité que la première, elle n’est conçue pour être
utilisée qu’en cas de problème majeur ou de décès pour
donner une information en ce sens. Elle n’a en aucun cas
les autres rôles de la personne de confiance ; les confondre
peut avoir de lourdes conséquences en termes relation-
nels et de responsabilité médico-légale. La personne de
confiance a des missions claires définies par la loi et qui
confèrent aux soignants de nouvelles responsabilités, ce
qui n’est pas le cas pour la personne à prévenir. Faire la
distinction est donc essentiel.
Ainsi, les établissements et les services qui veulent faire
de la désignation de la personne de confiance un indica-
teur de qualité de l’accueil et de l’information des patients
doivent se garder de toute évaluation uniquement quan-
titative (nombre de patients ayant fait une désignation),
mais sont tenues de promouvoir une approche qualitative.
Cette dernière devrait passer par plusieurs approches.
Tout d’abord, les approches peuvent être un mode de dési-
gnation médicalisée par un médecin, en lien si besoin avec
l’équipe infirmière, ce qui permet de donner sens à la place
d’une éventuelle personne de confiance dans la démarche
de soins et d’informer le patient sur l’intérêt de cette dési-
gnation et sur les rôles de la personne de confiance. La
question de la rupture du secret sera également discutée
ici. Faire place à la présence de la personne de confiance
suite à cette désignation est également un élément essentiel
pour l’informer sur ses rôles et ses devoirs. Ainsi, cette dési-
gnation a de telles conséquences pour le patient qu’elle ne
saurait être “noyée” entre divers documents d’admission.
Par ailleurs, cette approche doit permettre de conseiller le
patient, dans un sens ou dans l’autre, au mieux du vécu
de la maladie, à un moment donné, dans un environne-
ment familial ou affectif parfois complexe. La désigna-
tion, comme la non-désignation, peuvent dès lors être des
choix tout à fait légitimes. C’est en ce sens que le Code de
santé publique stipule qu’il y a une obligation à proposer
une personne de confiance, mais non une obligation de
désignation. Le fait de laisser cette liberté au patient et de
le guider au mieux de ses intérêts constitue une responsa-
bilité d’ordre éthique.
Un autre point qualitatif important à prendre en compte
est la durée de validité de la désignation d’une personne
de confiance. En effet, les aléas relationnels de la vie et
l’évolution du vécu de la maladie par un patient font que
les choses peuvent changer au fil du temps. L’esprit de
la loi et la variabilité légitime des choix d’une personne
amènent à dire qu’il convient d’interroger le patient sur
la pérennité de la désignation ou de la non-désignation
d’une personne de confiance, à chaque nouvelle hospita-
lisation ou plus souvent si le médecin le juge nécessaire.
Enfin, la désignation ou la non-désignation doivent être
systématiquement notées dans le dossier médical avec les
coordonnées précises et la nature des liens entre patient
et personne désignée. Cela n’est pas encore effectif, ce qui
fait que, dans certaines équipes, on s’interroge parfois, en
situation de crise, sur l’existence ou non d’une personne
de confiance, le patient n’étant alors plus en état de s’ex-
primer. La démarche écrite dans ce domaine, figurant
dans le dossier, fait partie des critères de qualité pour
optimiser la transmission entre les équipes et les services
en charge d’un patient.
Soulignons en dernier lieu, en termes d’approche quali-
tative, qu’il serait souhaitable qu’un document d’infor-
mation reprenant tous ces points soit remis au patient,
afin de compléter l’information orale.
Ainsi, entre démarche clinique, éthique et droit, ce nouvel
outil de la relation soignants-soignés qu’est la personne de
confiance doit nous amener à nous interroger en perma-
nence sur l’abord de la personne et sur la distinction entre
approche administrative et approche médicale d’une ques-
tion qui touche avant tout à l’humain et à l’intime.
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