Cas clinique C as clinique Carcinome verruqueux du larynx Verrucous carcinoma of the larynx ● ● A. Benhammou*, R. Bencheikh*, M.A. Benbouzid*, M. Kzadri*, S. Sefiani** L e carcinome verruqueux est une forme histologique rare de carcinome, actuellement reconnue comme étant une entité clinique et histopathologique indépendante. Il peut se développer au niveau de toutes les muqueuses des voies aérodigestives supérieures, la cavité buccale étant le site le plus fréquemment atteint, suivie de la muqueuse laryngée (1). À travers un cas de carcinome verruqueux du larynx, nous nous proposons de rappeler les différentes caractéristiques de cette tumeur, en insistant sur ses difficultés diagnostiques et thérapeutiques. Figure 1. Coupe scannographique montrant le processus tumoral de la corde vocale gauche. OBSERVATION Un homme de 52 ans, sans antécédents pathologiques notables, n’ayant pas d’habitudes toxiques, s’est présenté aux urgences ORL avec un tableau de dyspnée laryngée ayant nécessité la réalisation d’une trachéotomie en urgence. Le patient rapporte une dysphonie d’aggravation progressive depuis environ 4 mois, sans autre signe clinique associé. L’examen endoscopique a mis en évidence un processus tumoral exophytique, de couleur blanchâtre, occupant l’ensemble de la corde vocale gauche, qui était de mobilité diminuée. Le reste de l’examen ORL et général était sans particularités. L’étude histologique était en faveur d’une leucoplasie sans signe de malignité. Nous avons multiplié les biopsies, mais le résultat anatomopathologique était identique à trois reprises. La tomodensitométrie cervicale a montré la présence d’un processus tumoral glottique gauche limité, sans adénopathies cervicales (figure 1). Un abord direct de la tumeur par voie de thyrotomie médiane a alors été décidé, et nous avons réalisé une cordectomie gauche, emportant en totalité la masse tumorale. L’examen histopathologique de la pièce opératoire a conclu à un carcinome verruqueux laryngé (figures 2a et 2b). Le contrôle endoscopique était satisfaisant ; le patient a pu être sevré de sa canule de trachéotomie à J5. Il est revu régulièrement en consultation, et il ne présente à ce jour, avec un recul de 12 mois, aucun signe de récidive. * Service d’ORL, hôpital des spécialités, CHU de Rabat-Salé, Maroc. ** Service d’anatomopathologie, hôpital des spécialités, CHU de Rabat-Salé, Maroc. 186 2a: Grossissement 40. 2b: Grossissement 100. Figure 2. Aspect histopathologique. La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 5 - mai 2007 DISCUSSION Le carcinome verruqueux, ou tumeur d’Ackerman, est une tumeur rare, représentant 1 à 3 % des cancers laryngés (1). La localisation laryngée a été décrite pour la première fois en 1963 par Goethals (2), mais le terme de carcinome verruqueux était connu depuis 1948 suite aux travaux d’Ackerman (3). Il atteint surtout les sujets au cours de la cinquième décennie, de sexe masculin, avec un sex-ratio de 9/1 (4). Le rôle du tabac n’est pas clairement démontré dans la survenue de ce type histologique de tumeur laryngée, du fait de sa rareté et surtout de l’atteinte possible de sites anatomiques en dehors des voies aérodigestives supérieures, qui ne sont pas exposées au tabac. Les autres localisations possibles du carcinome verruqueux sont les organes génitaux externes masculins et féminins, le périnée et le conduit auditif externe. L’HPV (Human Papillomavirus) a été suspecté dans la genèse de cette pathologie, mais non incriminé avec certitude (1, 4). Sur le plan histopathologique, le carcinome verruqueux peut être considéré comme une forme bien différenciée de carcinome épidermoïde. En fait, il s’agit d’une lésion à cheval entre bénignité et malignité, et l’objectif de l’anatomopathologiste est de le distinguer d’une papillomatose laryngée, d’une part, et d’un carcinome épidermoïde bien différencié, d’autre part. Ainsi, sur le plan macroscopique, il s’agit d’une lésion exophytique, d’aspect papillomateux, recouverte d’une couche de kératine. Il n’existe pas d’envahissement en profondeur, avec des limites tumorales généralement nettes. Microscopiquement, on retrouve une prolifération suprabasale d’un épithélium kératinisant bien différencié, qui repousse la membrane basale sans l’envahir. Les atypies cellulaires avec mitoses sont extrêmement rares (1, 4). Afin de faire le diagnostic différentiel avec une lésion maligne, Michaels a proposé de mesurer la zone de cellules intermédiaires entre la tumeur et la muqueuse saine. Si celle-ci est supérieure à 300 μm sur une section de 4 μm, cela est en faveur d’un carcinome verruqueux (5). Enfin, il est possible de trouver sur une pièce d’exérèse d’un carcinome verruqueux des foyers de carcinome épidermoïde, et inversement. Cela pourrait signifier que la transformation maligne vers un carcinome épidermoïde est possible. Le carcinome verruqueux du larynx pose donc beaucoup de difficultés diagnostiques pour l’anatomopathologiste, mais également des problèmes thérapeutiques pour l’oto-rhinolaryngologiste et le cancérologue. Il est maintenant reconnu que le carcinome verruqueux a une très faible propension à s’étendre en profondeur, et qu’il est très peu lymphophile, avec donc un risque minime de métastases ganglionnaires. De ce fait, la majorité des auteurs s’accordent à dire que la chirurgie constitue la base du traitement, en essayant de conserver tant que possible la fonction laryngée, lorsque les extensions tumorales le permettent. L’exérèse tumorale peut également être effectuée par voie endoscopique au laser CO2, avec de très bons résultats (4). L’évidement ganglionnaire cervical n’est indiqué que pour les patients classés N+, tout en sachant que l’étude histologique de ces adénopathies est le plus souvent négative (1). Pour les tumeurs de taille importante pour lesquelles une chirurgie conservatrice ne peut être envisagée, on peut proposer une radiochimiothérapie à base de vincristine, méthotrexate et bléomycine. La radiothérapie seule est souvent insuffisante, puisqu’elle entraîne un taux de récidive de l’ordre de 50 % (1). Le pronostic du carcinome verruqueux du larynx est très bon, avec un taux de survie supérieur à 95 % à 5 ans (1). RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Strojan P, Smid L, Cizmarcvic B et al. Verrucous carcinoma of the larynx: Determining the best treatment option. Eur J Surg Oncol 2006;32(9):984-8. 2. Goethals PL, Harrison EG, Devine KD. Verrucous carcinoma of the oral cavity. Am J Surg 1963;106:845-51. 3. Ackerman LV. Verrucous carcinoma of the oral cavity. Surgery 1948;23:670-8. 4. Abdullah V, Van Hasselt CA. Verrucous carcinoma of the larynx. Otolaryngol Head Neck Surg 1995;112:189-90. 5. Michaels L. Verrucous carcinoma: Ear, nose and throat histopathology. Berlin: Springer-Verlag 1987:409-15. Diplôme interuniversitaire d’oncologie pédiatrique (DIUOP) Renseignements : Secrétariat de l’enseignement : Anne-Marie Rivière Institut de cancérologie Gustave-Roussy La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 5 - mai 2007 Cas clinique C as clinique 39, rue Camille-Desmoulins 94805 Villejuif Cedex Tél. : 01 42 11 51 44 Fax : 01 42 11 52 48 E-mail : [email protected] Date limite de dépôt des candidatures : 15 juin 2007 Agenda Conseil pédagogique : Coordonnateur : Pr Gilles Vassal Institut Gustave-Roussy, Villejuif Pré-inscription : Lettre de motivation + curriculum vitae + lettre de recommandation à adresser au coordonnateur 187