CANCER DU SEIN
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La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 6 - décembre 2000
année 1999 avait été l’occasion, lors du congrès
de l’ASCO, de remettre en cause l’intérêt de
l’intensification de la chimiothérapie dans le
cancer du sein. Au cours de l’année 2000, plusieurs études
négatives ont été publiées. Un rapport d’audit a semé le trouble
dans la communauté scientifique en dénonçant la fraude du
Pr Bezwoda, de Johannesburg, investigateur du seul essai posi-
tif, discréditant le postulat général d’honnêteté des données
présentées en congrès puis publiées.
Le groupe d’Oxford a publié cette année une nouvelle méta-ana-
lyse qui porte cette fois sur la radiothérapie. Le bénéfice sur la
survie globale des patientes semble contrebalancé par la morta-
lité cardiaque induite. L’évolution des techniques laisse cepen-
dant penser que ces effets secondaires sont actuellement réduits.
La détermination du statut des tumeurs pour l’oncogène
c-erb B2/Her2/neu par des méthodes immunohistochimiques
beaucoup plus rigoureuses ou des techniques d’hybridation in
situ (FISH) permet de mieux sélectionner les patientes suscep-
tibles de répondre au traitement par l’anticorps monoclonal
Herceptin®. Cette approche conforte le concept d’une thérapeu-
tique “taillée sur mesure” en fonction des caractéristiques bio-
logiques de chaque tumeur. Ce ciblage personnalisé du traite-
ment pourrait s’appuyer bientôt sur l’étude multiparamétrique
de l’expression, sur un échantillon de tumeur, de milliers de
gènes par la technique des “puces à ADN”.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Baisse de la mortalité par cancer du sein
La mortalité par cancer du sein a diminué de plus de 20 % aux
États-Unis et au Royaume-Uni en l’an 2000 par rapport au
milieu des années 80. R. Peto, d’Oxford, explique dans une
lettre au Lancet cette décroissance assez nette depuis plus de
10 ans par la conjonction vraisemblable de plusieurs para-
mètres comme la détection précoce et l’utilisation plus large de
traitements adjuvants cytotoxiques ou hormonaux (1).
Facteurs de risque
Le Journal of the American Medical Association (JAMA) a à
nouveau publié une étude portant sur “pilule et cancer du
sein”. Celle-ci ne trouve une augmentation du risque que dans
une population de femmes ayant des antécédents familiaux de
cancer du sein au premier degré de parenté et ayant utilisé les
premières générations d’estroprogestatifs (2). Le traitement
substitutif de la ménopause associant des progestatifs aux
estrogènes augmenterait de manière significative le risque de
cancer du sein par rapport aux estrogènes seuls selon une étude
réalisée à Los Angeles (3). Les femmes ayant une activité phy-
sique continue au cours de leur vie adulte auraient un risque
réduit de cancer du sein, l’exercice étant aussi associé à une
diminution de l’indice de masse corporelle (4). La prise de
dérivés de la vitamine A ne prévient pas le cancer du sein (5).
Dépistage
Les cancers du sein diagnostiqués dans l’intervalle entre deux
mammographies de dépistage ont généralement une proliféra-
tion plus élevée, sont plus souvent de type lobulaire ou muci-
neux et surviennent chez des femmes plus jeunes (6, 7).
BIOLOGIE
Premiers résultats des puces à ADN
Une collaboration américaine et norvégienne a permis de faire
le premier essai de portrait moléculaire de tumeurs du sein
humaines. Ce travail, qui a fait la une du journal Nature, a
porté sur une quarantaine de tumeurs chez lesquelles
8102 gènes ont été étudiés. Le phénotype semblait relative-
ment constant sur des prélèvements comparant une tumeur
avant et après chimiothérapie, ainsi que le ganglion métasta-
tique et la tumeur primitive. Seule une faible fraction des
informations obtenues a été exploitée. Cette étude montre
l’extrême complexité du décryptage de l’énorme volume
d’informations à traiter, à tel point que celles-ci sont à la dis-
position de tous pour rechercher des idées (8).
(http://genome-www.stanford.edu/molecularportraits/)
Valeur pronostique des micrométastases médullaires
Une large étude publiée dans le New England Journal of Medi-
cine a montré la valeur de la détection de cellules tumorales
par immunocytochimie lors de la chirurgie initiale dans la
moelle osseuse de 552 patientes à un stade précoce d’un can-
cer du sein (stades I à III). C’est un facteur pronostique péjora-
tif indépendant des autres paramètres classiques, particulière-
ment chez les patientes sans atteinte ganglionnaire (9). Une
autre étude allemande portant sur 1 338 patientes retrouve éga-
lement cette valeur pronostique (10). Plutôt que d’ajouter un
nouveau facteur pronostique, ce paramètre pourrait permettre
d’évaluer plus précocement l’efficacité d’un traitement adju-
vant. En effet, la persistance de ces cellules dans la moelle
après traitement serait particulièrement péjorative (11).
Actualités dans le cancer du sein en 2000
! J.Y. Pierga*, V. Diéras*
L’
* Institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75231 Paris Cedex 05.
Surexpression de c-erb B2 (Her2) et prédiction de la réponse
au traitement
La réponse à Herceptin®:l’analyse en sous-groupes des
trois grands essais combinant Herceptin®à la chimiothérapie
montre que les patientes porteuses d’une tumeur pour laquelle
l’immunomarquage pour Her2 est le plus intense (3+) répon-
dent le mieux à ce traitement. Inversement, les patientes por-
teuses de tumeurs pour lesquelles le marquage est plus faible
(2+) ne répondent pratiquement pas à cet anticorps (12). Une
étude rétrospective a été réalisée pour mieux préciser la
concordance entre les méthodes FISH et immunohistochi-
miques et la relation entre le score FISH et la réponse clinique.
Un score 3+ en immunohistochimie présente une concordance
très élevée avec la méthode FISH (89 %). L’amplification de
Her2 déterminée par FISH apparaît comme un facteur prédictif
de la réponse à Herceptin®plus précis qu’une surexpression en
immunohistochimie. La recommandation actuelle est de ne
traiter par Herceptin®que les patientes FISH+ ou 3+ en immu-
nohistochimie. Une étude rétrospective sur 900 patientes a
montré un taux de 21 % de positivité par la technique FISH.
La valeur pronostique sur la survie du statut Her2+ était
retrouvée avec la technique FISH, et seulement pour les 3+ en
immunohistochimie (13).
La réponse à l’hormonothérapie : avec un suivi à 20 ans,
l’étude napolitaine du GUN retrouve un effet délétère du
tamoxifène adjuvant administré pendant 2 ans dans la popula-
tion c-erb B2+ par rapport aux autres patientes (14). Cet effet
n’est plus retrouvé si les patientes reçoivent une chimiothéra-
pie adjuvante par CMF. Ces résultats sont divergents de ceux
du CALGB 8541, où il n’existait pas d’interaction entre
tamoxifène adjuvant et surexpression c-erb B2 chez les
patientes recevant une chimiothérapie de type FAC (15). Une
conclusion définitive est difficile en raison de différents pro-
blèmes : standardisation de la méthodologie et de la définition
de la valeur prédictive en fonction du traitement administré
(hormonothérapie exclusive ou association chimio-hormono-
thérapie).
La réponse à la chimiothérapie : sur 146 patientes traitées
par autogreffe pour des tumeurs inflammatoires ou avec plus
de 10 ganglions envahis, celles qui surexprimaient Her2
avaient un taux de rechute plus élevé, indépendamment des
autres facteurs pronostiques (16).
Divers
Le nombre de ganglions retrouvés dans le curage axillaire chez
les patientes qui n’ont pas d’envahissement ganglionnaire
tumoral pourrait avoir une valeur pronostique. Une équipe de
Yale a trouvé que les patientes pN– ayant plus de 20 ganglions
dans leur curage avaient des tumeurs plus souvent nécrotiques
et, indépendamment de cela, une survie à 5 ans diminuée
(84,7 % contre 96,3 %) (17).
Une autre étude a trouvé de nouveau une relation bénéfique
entre une chirurgie à la phase lutéale du cycle menstruel et la
diminution du risque de récidive chez des patientes non méno-
pausées avec une tumeur à récepteurs hormonaux positifs (18).
TRAITEMENT LOCORÉGIONAL
Méta-analyses sur la radiothérapie
Une méta-analyse du Early Breast Cancer Trialists’ Collabora-
tive Group a porté sur plus de 20 000 patientes incluses dans
40 essais randomisés de radiothérapie adjuvante de 1961 à
1990. L’irradiation réduit le risque de récidive locale de deux
tiers (8,8 % versus 27,2 % à 10 ans) et le risque de mortalité
par cancer du sein de 3 % à 10 ans et de 5 % à 20 ans. Cepen-
dant, la mortalité vasculaire est nettement augmentée. Le béné-
fice en mortalité absolue à 20 ans n’est pas significatif (1,2 %,
p=0,06) (19). Une méta-analyse sur les essais publiés
(6 367 patientes) montre une réduction annuelle du risque de
récidive locale de 75 % et de mortalité de 17 % (20). Cette
dernière analyse donne plus de poids aux essais danois publiés
récemment, qui montraient un bénéfice sur la survie globale
sans augmentation de la mortalité cardiovasculaire (21). Ces
deux articles soulignent l’importance d’utiliser pour l’irradia-
tion des techniques plus modernes diminuant la dose par frac-
tion, modifiant la conformation des faisceaux et les électrons
pour réduire la dose au myocarde et conserver le bénéfice à
long terme de la radiothérapie (22).
Radiothérapie dans les traitements conservateurs
L’étude randomisée de phase III sur 1 000 patientes de
l’EORTC (10853) a montré une réduction de la récidive locale
invasive ou non invasive des carcinomes intracanalaires de
moins de 5 cm par une irradiation postopératoire (23). Une
autre étude de l’EORTC (10881) sur 868 patientes confirme,
avec 13 ans de recul, qu’il n’y a pas de différence en survie à
long terme entre une mastectomie et une tumorectomie asso-
ciée à une irradiation pour les tumeurs de moins de 5 cm (24).
Ganglion sentinelle
L’identification du ganglion sentinelle est améliorée par
l’emploi d’une double technique de marquage (injection de
bleu et de colloïde radioactif). Sur une série de 806 patientes,
le taux de faux-positifs était de 11,8 % avec une seule tech-
nique et de 5,8 % en combinant les deux techniques (25). Une
étude de détection du ganglion sentinelle après chimiothérapie
néoadjuvante sur 51 patientes a montré la faisabilité de cette
technique, mais nécessite de plus larges séries (26).
TRAITEMENT ADJUVANT
Hormonothérapie
Le traitement hormonal par castration et tamoxifène chez les
patientes non ménopausées a été comparé à la chimiothérapie
adjuvante dans plusieurs essais. Ainsi, l’essai randomisé de
l’Italian Breast Cancer Adjuvant Study Group 02 a comparé,
chez 244 patientes non ménopausées, 6 cures de CMF contre
une castration et du tamoxifène. Avec plus de 6 ans de recul
médian, la survie sans récidive et la survie globale étaient com-
parables (27). L’essai du FAGS06 a comparé une hormonothé-
rapie par agoniste de la LH-RH et du tamoxifène pendant 3 ans
à une chimiothérapie de type FEC 50 chez 333 patientes prémé-
nopausées avec envahissement ganglionnaire (N+ 1-3) et récep-
teurs hormonaux positifs (28). Une aménorrhée a été observée
CANCER DU SEIN
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La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 6 - décembre 2000
chez 50 % des patientes traitées par FEC. Avec un suivi médian
de 54 mois, les résultats montrent une survie comparable dans
les deux groupes. L’aménorrhée induite par le traitement FEC
est un bon facteur pronostique. Dans le bras FEC, la survie sans
maladie et la survie globale diminuent de 23 à 15 % et de 8,5 à
7% respectivement en faveur du groupe présentant une aménor-
rhée. Une castration temporaire avec traitement par tamoxifène
pourrait représenter une alternative au traitement de chimiothé-
rapie dans une population hormonosensible.
L’International Breast Cancer Study Group (IBCSG) a étudié
rétrospectivement les patientes de moins de 35 ans incluses
dans les essais comparant, de 1978 à 1993, différentes modali-
tés de CMF avec ou sans castration et/ou prednisolone. Sur les
3700 patientes préménopausées, 314 avaient moins de 35 ans.
Les patientes qui avaient des récepteurs aux estrogènes positifs
avaient une survie inférieure à celle des patientes RH–. Ces
patientes n’avaient pas reçu de tamoxifène et seulement 4,5 %
avaient eu une castration. L’aménorrhée chimio-induite chez
ces patientes avait un effet statistiquement favorable. Ces
résultats soulignent l’importance d’une hormonothérapie adju-
vante (castration ou tamoxifène) chez les patientes les plus
jeunes (29).
Une étude randomisée sur 899 patientes a comparé le torémi-
fène au tamoxifène en situation adjuvante chez des patientes
ménopausées ayant un envahissement axillaire. Après un recul
médian de 3,4 ans, l’efficacité antitumorale était équivalente et
les effets secondaires thrombo-emboliques ne sont pas statisti-
quement réduits dans le bras torémifène (5,9 % versus 3,5 %,
p=0,11) (30).
Une étude franco-belge et argentine a randomisé, chez
3793 patientes, une durée de tamoxifène adjuvant de 2 à 3 ans
contre la poursuite de ce traitement “à vie”, c’est-à-dire 12 à
13 ans en moyenne. Il n’y avait pas de différence en survie
globale, mais la survie sans récidive était meilleure dans la
population recevant un traitement prolongé. De plus, l’inci-
dence des cancers controlatéraux était réduite et celle des can-
cers de l’endomètre n’était pas augmentée (31).
Chimiothérapie adjuvante
Le début de la chimiothérapie adjuvante moins de 3 semaines
après la chirurgie est un facteur pronostique favorable impor-
tant chez les patientes non ménopausées avec un envahisse-
ment ganglionnaire et des récepteurs hormonaux négatifs.
Dans l’analyse rétrospective de 1 788 patientes incluses dans
les essais de l’IBCSG, la survie sans récidive était de 60 %,
contre 34 % si la chimiothérapie était débutée plus tard (32).
L’étude du registre des cancers de la Côte-d’Or a permis de
mettre en évidence l’augmentation significative de l’incidence
des leucémies chez les patientes ayant reçu une chimiothérapie
adjuvante à base de mitoxantrone (Novantrone®) associée ou
non à la radiothérapie (33).
L’étude B25 du NSABP sur 2 548 patientes n’a pas montré de
bénéfice à augmenter d’un facteur 2 la dose ou l’intensité du
cyclophosphamide (Endoxan Asta®) associé à l’adriamycine à
dose standard dans le traitement adjuvant (34).
En revanche, ce sont les patientes sans envahissement gan-
glionnaire, celles qui ont une tumeur hautement proliférante
(indice mitotique élevé), qui bénéficient le plus d’une chimio-
thérapie adjuvante par CMF dans un essai randomisé contre
traitement local seul (35).
Chimiothérapie néoadjuvante
Évaluation des taxanes
Un essai randomisé a été réalisé au MD Anderson Cancer Cen-
ter dans les tumeurs du sein T1-3 N0-1 M0 (T1 N0 exclus),
comparant 4 cycles de paclitaxel à 4 cycles de FAC puis traite-
ment locorégional suivi de 4 cycles de FAC puis radiothérapie
et tamoxifène chez les patientes ayant des récepteurs hormo-
naux positifs (36). Le paclitaxel a une activité clinique compa-
rable à celle du FAC. Il y a moins de maladie résiduelle dans
la tumeur et les ganglions après une chimiothérapie de type
FAC. L’intérêt de protocoles alternés sans résistance croisée
nécessite un suivi plus long pour être validé.
Le groupe d’Aberdeen a confirmé l’augmentation de la
réponse clinique et pathologique en situation néoadjuvante par
le docétaxel (37). Dans cette étude, toutes les patientes (T3,
T4, TxN2) ont reçu 4 cycles de CVAP. En l’absence de
réponse, elles ont reçu 4 cycles de docétaxel 100 mg/m2. En
cas de réponse partielle ou complète, elles ont été randomisées
entre la poursuite du même schéma et le docétaxel 4 cycles.
Après les 8 cycles de chimiothérapie, les patientes ont été opé-
rées et l’évaluation histologique au niveau de la tumeur et des
ganglions a été effectuée. Chez les patientes ne présentant pas
de réponse clinique après 4 cycles de CVAP, 15 % ont pré-
senté une réponse histologique majeure après 4 cycles de docé-
taxel. Chez les patientes ayant présenté une réponse, l’addition
de 4 cycles de docétaxel a augmenté de façon significative le
taux de réponse pathologique (p = 0,035) par comparaison
avec 4 cycles supplémentaires de CVAP. Le docétaxel amé-
liore donc les résultats en situation néoadjuvante après une
association standard à base d’anthracyclines (p = 0,001). De
plus, chez les patientes présentant une réponse au CVAP
(anthracyclines-sensibles), l’administration séquentielle de
docétaxel entraîne une augmentation de la survie sans progres-
sion par rapport aux patientes ayant reçu 8 cycles de CVAP
(p = 0,022).
Une étude de l’EORTC (10854) sur 2 795 patientes a montré
qu’une cure de chimiothérapie de type FAC en périopératoire
chez des patientes sans envahissement ganglionnaire et non
ménopausées permet de réduire le risque de récidive locale de
50 % (38).
Cancer du sein inflammatoire
L’essai PÉGASE 02 de la Fédération des Centres de lutte
contre le cancer a étudié une chimiothérapie séquentielle inten-
sive avec G-CSF et transfusion de cellules souches périphé-
riques chez 100 patientes ayant un cancer du sein inflamma-
toire. Il s’agissait d’un essai de phase II ouvert (39). Parmi les
94 patientes évaluables, une seule n’a pas répondu après les
4cycles (persistance de signes inflammatoires). Chez 41 % des
patientes, les signes inflammatoires ont disparu dès le premier
cycle. Une réponse clinique complète a été observée chez 80 %
des patientes. Le taux de réponse pathologique est encoura-
geant, mais doit être confirmé par une amélioration de la survie.
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La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 6 - décembre 2000
AUTOGREFFE
Publication des essais d’autogreffe
L’année 1999 avait été marquée par plusieurs présentations au
congrès de l’ASCO sur l’intensification de la chimiothérapie
suivie d’autogreffe dans le cancer du sein. Plusieurs de ces
études négatives ont été publiées au cours de l’année 2000. La
seule étude qui montrait un avantage en faveur de l’autogreffe
a été l’occasion de révélations sur “l’inconduite scientifique”
de son investigateur principal, le Pr Bezwoda, de l’université
de Johannesburg.
L’essai PBT 1 comparait, dans le cancer du sein métastatique,
la chimiothérapie haute dose avec réinjection de cellules
souches à un CMF d’entretien après une réponse à un traite-
ment d’induction par CAF ou CMF (40). Cinq cent cinquante-
trois patientes ont été enregistrées ; 310 ont répondu à la chi-
miothérapie, dont 58 réponses complètes. Finalement, 199 ont
été randomisées, dont 110 en autogreffe et 89 en poursuite du
CMF. On n’observait aucune différence dans la survie sans
progression (9,6 mois contre 9 mois) et la survie globale
(24 mois contre 26 mois) avec un recul médian de 37 mois.
L’utilisation de l’autogreffe dans le cancer du sein métasta-
tique n’est donc pas indiquée actuellement en dehors d’un
essai thérapeutique (41).
En situation adjuvante, une étude randomisée du Scandinavian
Breast Group (SBG 9401) a comparé, chez 525 patientes, une
chimiothérapie haute dose avec réinjection de cellules souches
après 3 FEC 60 à 9 cycles de FEC 75 avec escalade de doses et
G-CSF. Avec un recul médian de 34 mois, 81 rechutes ont été
observées dans le bras FEC contre 113 dans le bras greffe
(p = 0,04). La différence en survie n’est pas significative, mais
le bras greffe est plus toxique (42). Une petite étude randomisée
sur 78 patientes avec un envahissement ganglionnaire massif
n’avait également pas montré d’avantage à l’intensification (43).
La seule étude qui semblait en faveur de l’intensification chez
des patientes à haut risque s’est révélée être falsifiée, le groupe
contrôle n’existant pas, le protocole de chimiothérapie n’étant
pas respecté et les patientes n’ayant pas signé de consentement
éclairé (44).
Une équipe hollandaise a présenté à l’ASCO 2000 les résultats
préliminaires d’une phase III randomisée de chimiothérapie
intensive chez 885 patientes ayant un cancer du sein avec un
envahissement ganglionnaire important (N+ > 4) (45). Le trai-
tement comparait 5 FEC 90 à 5 FEC 90 plus intensification.
L’analyse intermédiaire planifiée des 284 premières patientes
montrait un bénéfice en survie sans récidive et en survie glo-
bale en faveur du bras intensif. L’analyse définitive ne sera
disponible qu’en juillet 2002.
CANCER DU SEIN MÉTASTATIQUE
Hormonothérapie
Dans un essai de phase III de l’EORTC, 161 patientes préméno-
pausées ont été randomisées entre trois bras : agoniste LH-RH
(buséréline) + tamoxifène versus agoniste LH-RH seul et tamoxi-
fène seul (46). Les patientes étaient traitées en première ligne
métastatique. Les récepteurs hormonaux étaient positifs dans plus
de deux tiers des cas. En cas de récepteurs inconnus, l’intervalle
libre sans récidive devait être d’au moins 2 ans. Le traitement
associant l’agoniste et le tamoxifène présente des résultats
meilleurs en termes de réponse objective, de temps jusqu’à pro-
gression et de survie par rapport à ces agents administrés seuls.
Ces résultats sont intéressants dans la mesure où l’intérêt d’une
castration associée au tamoxifène se discute actuellement en
situation adjuvante chez les femmes préménopausées.
Parmi les inhibiteurs de l’aromatase, de nombreuses publications
ont concerné l’exemestane (Aromasine®), qui sera commercialisé
en France en fin d’année. L’exemestane est un inhibiteur de l’aro-
matase stéroïdien. Après échec du tamoxifène, le taux de réponse
objective est de 23 % (47). Après échec d’un inhibiteur de l’aro-
matase non stéroïdien, le taux de bénéfice clinique (réponse objec-
tive + stabilisation > 6 mois) est de 24 %, suggérant l’absence de
résistance croisée complète entre les différentes classes d’inhibi-
teurs (48). Enfin, dans un essai randomisé de phase III en double
aveugle comparant l’exemestane à l’acétate de megestrol, l’exe-
mestane est supérieur en termes de survie globale, de temps
jusqu’à progression et de temps jusqu’à échec du traitement (49).
Une large étude de phase III randomisée entre exemestane et
tamoxifène est en cours en première ligne métastatique. Il est
prévu d’évaluer l’activité de l’exemestane après progression
sous un inhibiteur de l’aromatase non stéroïdien à celle des
autres SERM.
L’anastrozole (Arimidex®) a montré son équivalence, voire sa
supériorité, comparé au tamoxifène en première ligne métasta-
tique (49 bis, 50).
Trastuzumab (Herceptin®)
Herceptin®a été étudié en première ligne thérapeutique des
cancers du sein avec surexpression de Her2 (50 bis). Les can-
cers du sein métastatiques avec une surexpression de Her2 en
immunohistochimie (IHC 2+ ou 3+) étaient traités avec Her-
ceptin®en monothérapie (4 mg/kg dose de charge puis
2mg/kg/sem. ou 8 mg/kg puis 4 mg/kg/sem.). Avec un taux de
réponse objective de 26 %, Herceptin®est actif dans les can-
cers du sein métastatiques. Les taux de réponse sont identiques
dans les deux bras. Herceptin®est bien toléré. Les patientes
présentant une surexpression de Her2 en IHC 2+ n’ont pas pré-
senté de réponse objective. La détection de l’amplification par
FISH est prédictive de la réponse (FISH+ 41 %, FISH– 5 %).
Une étude de phase II associant Herceptin®et navelbine dans
les cancers du sein métastatiques Her2+ a été réalisée (51). Le
traitement associait Herceptin®4 mg/kg i.v. dose de charge
puis 2 mg/kg/sem. à la navelbine 25 mg/m2/sem. Le taux de
réponse objective est de 75 % : 80 % chez les patientes Her2+
IHC3+, 84 % en première ligne métastatique, 64 % en
deuxième ligne métastatique. Les réponses sont observées
chez des patientes lourdement prétraitées et présentant des
métastases viscérales (63 % de métastases hépatiques). L’asso-
ciation est bien tolérée : l’effet secondaire principal est repré-
senté par la neutropénie, facilement contrôlée par l’ajustement
des doses. Il n’y a pas eu de toxicité cardiaque.
Chimiothérapie
Un essai randomisé multicentrique du French Epirubicine
Study Group comparait trois protocoles de première ligne de
CANCER DU SEIN
244
La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 6 - décembre 2000
chimiothérapie en phase métastatique chez 417 patientes
vierges d’anthracyclines. Les patientes étaient randomisées
entre 3 bras : soit 11 FEC 75, soit 4 FEC 100 suivi de 8 FEC
50, soit 4 FEC 100 puis arrêt jusqu’à progression et reprise
alors de 4 FEC 100. Un traitement prolongé donne une plus
longue survie sans progression. L’arrêt de la chimiothérapie
après 4 cycles et une reprise à la progression donnent cepen-
dant une survie équivalente (52).
La réponse objective à la chimiothérapie est associée à une
amélioration des symptômes dans le cancer du sein métasta-
tique dans une étude randomisée comportant 300 patientes
évaluées sur les toxicités enregistrées et les questionnaires de
qualité de vie. Les principaux symptômes améliorés étaient la
douleur, la dyspnée et la dépression (53).
Taxanes
L’essai de phase III de l’EORTC qui a comparé le paclitaxel
(175 mg/m2en perfusion de 3 heures) et l’adriamycine
(75 mg/m2) en première ligne métastatique a été publié dans
son intégralité, de même que l’étude de qualité de vie qui y
était associée (54). L’adriamycine entraîne un meilleur
contrôle de la maladie que le paclitaxel : taux de réponse 41 %
versus 25 % (p = 0,003) et temps jusqu’à progression 7,5 mois
versus 3,9 mois (p < 0,001). Le cross-over donne un taux de
réponse de 30 % pour l’adriamycine et de 16 % pour le pacli-
taxel. La survie médiane n’est pas statistiquement significative
dans les deux bras (18,3 mois pour l’adriamycine et 15,6 mois
pour le paclitaxel, p = 0,38). L’adriamycine est associée à une
toxicité plus grande, notamment digestive, mais cela est
contrebalancé par un meilleur contrôle de la maladie, avec
moins de douleurs osseuses (55).
Un autre essai de l’EORTC comparait les associations adriamy-
cine-paclitaxel (AT) et adriamycine-cyclophosphamide (AC)
en première ligne métastatique (56). Les patientes pouvaient
avoir reçu une chimiothérapie adjuvante sans anthracyclines si
l’intervalle libre était supérieur à 6 mois. L’adriamycine était
administrée à la dose de 60 mg/m2dans les 2 bras, le paclitaxel
à la dose de 175 mg/m2en perfusion de 3 heures (AT) et le
cyclophosphamide à la dose de 600 mg/m2(AT). En cas de
bonne tolérance dans le bras AP, la dose de paclitaxel pouvait
être augmentée à 200 mg/m2. À l’inverse, une réduction de
doses était programmée en cas de toxicité (paclitaxel 150 et
135 mg/m2). Le protocole AT ne montre pas de différence en
termes de réponse objective (58 versus 54, p = 0,51), de temps
jusqu’à progression (6 mois versus 5,9 mois, p = 0,69). Il y a
plus de neutropénies fébriles dans le bras AT (32 % versus
9%), ayant conduit à une réduction des doses plus importante.
La dose-intensité et la dose cumulée d’adriamycine ont été plus
basses dans le bras AT. Il n’y a pas eu d’augmentation de
l’incidence des cardiopathies (AT 3 % versus AC 1 %).
L’activité du docétaxel a été étudiée sur 825 patientes traitées
dans un cadre compassionnel. Le taux de réponse était de 23 %
et la survie globale de 10 mois. Dans cette série, la survie de
patientes ayant des métastases hépatiques sans perturbation du
bilan hépatique n’était pas inférieure à celle des autres (57).
Autres
La thalidomide n’a pas montré d’effet en phase II sur
28 patientes métastatiques (58).
Le pamidronate (Arédia®) en perfusion de 90 mg toutes les 3 à
4 semaines diminue significativement les complications
osseuses chez les patientes ayant des métastases ostéolytiques
avec un suivi à long terme de deux études randomisées de
751 patientes au total (59). Les recommandations de l’ASCO
concernant les bisphosphonates ont été données dans le Jour-
nal of Clinical Oncology (2000 ; 18 : 1378-91).
DIVERS
Les phytoestrogènes
Ils n’ont pas montré d’effet sur les bouffées de chaleur dans
une étude randomisée contre placebo chez 177 patientes (60).
De plus, l’utilisation à grande échelle des phytoestrogènes sans
contrôle dans des essais pose des problèmes sur l’évaluation de
leur éventuel impact dans la prévention ou, au contraire, le
développement de récidives chez des patientes antérieurement
traitées pour un cancer du sein (61).
Psycho-oncologie
Une étude sur la réponse psychologique au cancer a été réalisée
chez 578 patientes traitées pour un cancer du sein à un stade
précoce. Des échelles d’évaluation basées sur l’ajustement
mental au cancer, des scores de contrôle émotionnel, d’anxiété
et de dépression ont été utilisés. Les résultats de cette étude, qui
restent à interpréter avec précaution, ne montrent pas d’effet
bénéfique sur la survie d’une attitude combative face à la mala-
die. En revanche, une attitude d’abandon, de désespoir et des
scores élevés de dépression seraient associés à une augmenta-
tion légèrement significative des récidives (62). Cela pourrait
s’expliquer par une moins bonne adhésion des patientes dépri-
mées au protocole de chimiothérapie adjuvante recommandé
(51,3 %, contre 92,2 % chez les patientes non déprimées) (63).
Enfin, une étude aurait montré une diminution des fonctions
cognitives sous chimiothérapie adjuvante indépendamment des
troubles de l’humeur (64).
Femmes âgées
Le traitement du cancer du sein chez la femme âgée a fait l’objet
de plusieurs études. Ainsi, l’équipe de San Antonio a repris les
caractéristiques de 35 000 patientes âgées de plus de 55 ans de
sa base de données. Plus les patientes avancent en âge, plus elles
présentent des facteurs biologiques favorables, comme l’expres-
sion des récepteurs hormonaux, une prolifération faible, une
diploïdie, une p53 normale, l’absence d’expression d’EGF-
récepteur ou de c-erb B2. Sur la base de données de plus de
250 000 patientes suivies pour un cancer du sein du SEER (Sur-
veillance, Epidemiology and End Results), les patientes de plus
de 70 ans traitées pour une petite tumeur ou sans envahissement
ganglionnaire ont une survie comparable à celle de la population
générale du même âge (65). Les indications de traitement adju-
vant chez les patientes les plus âgées restent discutées, mais
celui-ci pourrait permettre une réduction de la récidive compa-
rable à celle des patientes plus jeunes d’après une méta-analyse
de la littérature (66). Chez les patientes de plus de 65 ans rece-
vant du CMF et du tamoxifène dans le cadre d’une étude de
l’IBCSG VII, la toxicité de grade 3 était plus élevée que chez les
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La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 6 - décembre 2000
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