CANCER DU SEIN
217
La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 6 - novembre-décembre 2001
année 2001 a été marquée par les recommanda-
tions du consensus de Saint-Gall pour les indica-
tions de traitement adjuvant dans le cancer du
sein. La tendance générale est à l’extension des indications de
traitement adjuvant même pour des petites tumeurs a priori de
bon pronostic. Les cinq facteurs pronostiques retenus (taille
tumorale, âge, SBR, récepteurs hormonaux, atteinte ganglion-
naire) montrent la difficulté de restreindre ces indications de
traitement en utilisant des facteurs plus pertinents pour distin-
guer les tumeurs de très bon pronostic ne nécessitant pas de
traitement systémique complémentaire. En revanche, l’intensi-
fication de la chimiothérapie avec autogreffe et l’ajout des
taxanes n’ont pas démontré de bénéfice supplémentaire par rap-
port à une chimiothérapie standard comprenant des anthracy-
clines. Il n’existe actuellement pas de stratégie à proposer spé-
cifiquement pour les tumeurs de mauvais pronostic, qui
rechuteront malgré le traitement adjuvant standard. Les résul-
tats de l’étude “pivot” montrant le bénéfice de l’association
d’Herceptin®à la chimiothérapie dans le cancer du sein méta-
statique, connus depuis 1998, ont été publiés dans le New
England Journal of Medicine par D. Slamon. Plusieurs études
sont maintenant en cours pour évaluer si ce nouveau type de
molécule est susceptible de modifier le traitement en phase
adjuvante.
BIOLOGIE ET FACTEURS PRONOSTIQUES
Épidémiologie
La mortalité par cancer du sein a diminué dans l’Union euro-
péenne de 7 % entre 1988 et 1996 (Levi et al., 2001). Cette
diminution est la plus importante pour les moins de 50 ans
(16,3 %) et n’est que de 4 % pour les plus de 70 ans. Cette
réduction de la mortalité est particulièrement nette au
Royaume-Uni, où la mortalité par cancer du sein reste cepen-
dant plus élevée qu’en France, en Allemagne ou en Italie.
Le groupe d’Oxford a analysé les données individuelles de
58 209 patientes ayant eu un cancer du sein incluses dans
52 études épidémiologiques sur les formes familiales de la mala-
die. Les données concernant l’existence de cancers du sein chez
des parentes au premier degré (mère, sœur et fille) des patientes
étudiées ont été comparées à celles de 101 986 femmes dans le
groupe contrôle n’ayant pas eu de cancer du sein. Chez huit
femmes sur neuf qui développent un cancer du sein, on ne
retrouve aucun antécédent familial (mère, sœur ou fille). Le
risque relatif de développer un cancer du sein est de 1,80 si une
parente est atteinte, de 2,93 si deux parentes sont atteintes et de
3,90 si trois parentes ou plus sont atteintes. Le risque est plus
grand chez les patientes jeunes, ou si la parente atteinte est
jeune. Le risque de développer un cancer du sein au cours de
toute sa vie est de 5,5 % avec un antécédent familial, de 13,3%
avec deux antécédents et de 21,1 % avec trois antécédents ou
plus (Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Can-
cer, 2001).
Dépistage
La surveillance par IRM des seins de patientes à risque hérédi-
taire élevé a montré sa supériorité sur la mammographie dans
deux études dont les effectifs sont encore limités. Ainsi, sur
179 femmes, sur une période de 6 ans, 13 cas de cancer du sein
ont été diagnostiqués, dont 7 par mammographie, mais tous
ont été vus sur l’IRM (Stoutjesdijk et al., 2001). Dans une
autre série de 196 patientes, 6 cas de cancer du sein invasif ont
été détectés, tous par l’IRM, trois par échographie, deux par
mammographie et deux par palpation. Au total, deux cas ont
été dépistés uniquement par l’IRM. Les 6 tumeurs mesuraient
moins de 1 cm et étaient toutes N- (Warner et al., 2001).
Facteurs de risque
Dans une analyse rétrospective de 174 utilisatrices identifiées
parmi 2 755 femmes américaines ayant été traitées pour un
cancer invasif non métastatique, la prise d’une hormonothéra-
pie substitutive de la ménopause après un cancer du sein n’est
pas un facteur de risque de récidive (O’Meara et al., 2001). La
mortalité par cancer du sein n’était pas plus élevée chez ces
patientes que chez les patientes témoins ayant les mêmes
caractéristiques d’âge, de stade tumoral et d’année de traite-
ment.
L’IBCSG (International Breast Cancer Study Group) a analysé le
devenir de 94 patientes non ménopausées et qui ont eu une gros-
sesse ayant été incluses dans des essais de traitement adjuvant.
Chacune d’entre elles a été appariée à deux patientes n’ayant pas
eu de grossesse mais comparables pour les facteurs pronostiques
standard (statut ganglionnaire, taille tumorale, âge, année du dia-
gnostic). La survie à 5 ans et 10 ans des patientes ayant mené une
grossesse était de 92 % et 86 % respectivement, alors qu’elle
était de 85 % et 74 % dans le groupe contrôle (p = 0,04) (Gelber
et al., 2001). Dans cette comparaison historique, la grossesse ne
semble pas être un facteur défavorable pour la survie après un
cancer du sein, sans aller jusqu’à évoquer un effet favorable
comme le suggère les auteurs de cette étude.
Cancer du sein
! J.Y. Pierga*, V. Diéras*
* Institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75231 Paris Cedex 5.
L’
Selon une étude hollandaise, une activité physique de plus
d’une heure et demie par jour, comprenant la marche, le jardi-
nage ou le vélo, réduirait le risque de 25 % de cancer du sein
après la ménopause, particulièrement chez les femmes ayant
une surcharge pondérale (Dirx et al., 2001).
Les puces à ADN
Les possibilités d’utilisation clinique dans le cancer du sein
émergent pour définir des groupes pronostiques selon des pro-
fils d’expression de gènes multiples. Ainsi, une équipe norvé-
gienne et américaine a étudié 49 cas de cancers du sein locale-
ment avancés inclus dans un protocole de chimiothérapie
néoadjuvante (Sorlie et al., 2001). Les ADN complémentaires
extraits de ces tumeurs ont été analysés sur des micropuces de
type Clontech permettant l’étude de l’expression de 456 gènes
par tumeurs. Les auteurs ont pu ainsi déterminer 5 sous-groupes
grâce à des modèles statistiques complexes dont les pronostics
vont du plus favorable à des survies très courtes. Cette étude
montre la faisabilité de ce type d’approche, l’évolution allant
vers l’étude non de plusieurs centaines de gènes mais de plu-
sieurs milliers. C’est ce qu’une autre équipe du NIH a fait en
comparant le profil d’expression de 5 361 gènes dans les échan-
tillons de tumeurs de 7 patientes porteuses de mutation de
BRCA1, de 7 patientes porteuses de mutation de BRCA2 et de 7
cas de cancers non héréditaires (Hedenfalk et al., 2001). Les
auteurs ont trouvé des différences d’expression pour 176 gènes
entre ces trois catégories de tumeurs, montrant qu’une mutation
héréditaire peut modifier le phénotype du cancer.
Valeur pronostique de la détection de micrométastases au
niveau médullaire
La détection de cellules micrométastatiques dans la moelle de
393 patientes, opérées pour un cancer du sein, par un anticorps
anti-cytokératine et anti-EMA s’est révélée positive dans 42 %
des cas (Gebauer et al., 2001). Ce paramètre était un facteur
pronostique défavorable indépendant sur la survie sans réci-
dive mais moins puissant sur la survie globale que la taille
tumorale et le statut ganglionnaire.
La recherche de micrométastases par immunocytochimie dans la
moelle osseuse a été comparée à la recherche des micro-
métastases dans les ganglions axillaires chez 150 patientes opé-
rées pour un cancer du sein considéré comme N– par les tech-
niques histologiques standard (Braun et al., 2001). Vingt-neuf
pour cent des patientes avaient des micrométastases dans la
moelle et seulement 9 % dans les ganglions. La valeur pronos-
tique indépendante sur la survie de l’atteinte micrométastatique
de la moelle était retrouvée dans cette étude alors que l’atteinte
ganglionnaire n’avait pas d’influence sur l’évolution. Une étude
similaire sur 484 patientes ayant des tumeurs T1-T2, sans enva-
hissement ganglionnaire déterminé par une technique standard,
a montré par immunocytochimie avec un anticorps anticytokéra-
tine, la présence de micrométastases dans la moelle dans 26 %
des cas, dans les ganglions dans 6,4 % des cas et dans les deux
dans 4,8 % des cas. La détection des micrométastases au niveau
ganglionnaire n’était pas pronostique alors que les micrométas-
tases médullaires étaient un paramètre défavorable en analyse
multivariée sur la survie globale (Gerber et al., 2001).
La recherche de micrométastases au niveau ganglionnaire peut
être appliquée sur le ganglion sentinelle (GS) pour déterminer
si, en cas d’atteinte micrométastatique du GS, le risque
d’atteinte d’autres ganglions axillaires est important. Le
groupe de Veronesi à Milan a montré que sur 634 patientes
ayant eu une étude du ganglion sentinelle suivie d’un curage
axillaire standard, 109 avait une atteinte considérée comme
micrométastatique (< 2 mm en coloration hématoxyline et
éosine [H&E]) (Viale et al., 2001). En cas de foyer de 1 à
2mm, 36,4 % des patientes avaient une autre atteinte gan-
glionnaire sur le reste du curage. Pour les patientes ayant des
foyers inférieurs à 1 mm, le risque n’était que de 15,6 %.
L’analyse par histologie standard (H&E) et par immunohisto-
chimie avec un anticorps anti-cytokératine des micrométas-
tases dans le ganglion sentinelle (GS) axillaire a été réalisée
chez 683 patientes ayant bénéficié d’une recherche du gan-
glion sentinelle (Hansen et al., 2001). Si l’analyse par H&E
était positive, les patientes étaient classées dans le groupe
macro- (métastase de plus de 2 mm) ou dans le groupe micro-
(métastase de moins de 2 mm). Si cette première analyse était
négative, une immunohistochimie (IHC) était pratiquée et les
patientes étaient classées entre IHC positive ou négative (Neg :
groupe H&E et IHC négative). En conclusion, après un suivi
médian de 44 mois, seules les métastases de plus de 2 mm
dans le ganglion sentinelle avaient une valeur pronostique sur
la survie sans récidive (SSR) et la survie globale.
HER2
Il existe une forte corrélation entre le statut HER2 de la tumeur
primitive du sein et celui des ganglions axillaires métastatiques.
Dans une étude employant les techniques d’immunohistochimie
(IHC) et de FISH sur 196 tumeurs associées à une atteinte gan-
glionnaire, 77 % des tumeurs HER2+ ont des métastases gan-
glionnaires HER2+, 6,5 % sont HER2– et 16,3 % ont un statut
mixte, c’est-à-dire que tous les ganglions envahis ne sont pas
positifs. Inversement, 95 % des tumeurs primaires HER2– ont des
métastases ganglionnaires HER2– (Simon et al., 2001). Dans cette
étude, l’IHC et la FISH étaient concordantes dans 93,7 % des cas.
La technique de référence pour déterminer le statut HER2
d’une tumeur est la recherche d’une amplification du gène par
hybridation in situ en fluorescence (FISH). Une analyse rétros-
pective de la FISH a été pratiquée sur les lames marquées ou
sur lames blanches des tumeurs de patientes incluses dans
deux essais de phase II d’Herceptin®en monothérapie dans le
cancer du sein métastatique. Cette étude montre la quasi-
absence de réponse à Herceptin®chez les patientes FISH- et le
bénéfice clinique réel chez les patientes FISH+ (Vogel, 2001).
CANCER DU SEIN
218
La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 6 - novembre-décembre 2001
Essais H0649 g H0650 g
FISH + FISH – FISH + FISH –
Patientes évaluables 173 36 82 29
Réponses complètes 8 0 7 0
Réponses partielles 25 0 21 2
RC+PR 33 (19 %) 0 (0 %) 28 (34 %) 2 (7 %)
IC 95% 14-26 % 0-10 % 24-45 % 1-23 %
RC + PR + stable > 8 mois 41 (24 %) 0 (0 %) 39 (48 %) 3 (10 %)
Tableau I.
La comparaison de l’immunohistochimie avec la FISH, sur
85 tumeurs analysées parallèlement, montre que toutes les
tumeurs cotées 3+ en IHC ont une amplification génique en
FISH. En revanche, sur les 16 tumeurs cotées 2+, c’est-à-dire
faiblement marquées, 75 % ne présentaient aucune amplification
génique (Lebeau et al., 2001). Les recommandations actuelles
sont de vérifier par FISH les résultats d’HER2 cotés à 2+ en
IHC.
Le fait d’être HER2+ serait un facteur de meilleure réponse aux
anthracyclines. Ainsi, le statut HER2 a été déterminé par immuno-
histochimie sur les lames de 2 034 patientes incluses dans l’essai
NSABP-B15 qui comparait en adjuvant trois bras : soit AC, soit
CMF soit AC suivi de CMF. Il existe une légère supériorité d’une
chimiothérapie contenant des anthracyclines en adjuvant chez les
patientes ayant une tumeurs HER2+ comparée à un CMF. Pour les
patientes HER2–, on n’observe pas de différence entre CMF et AC
(Paik et al., 2000). Être HER2+ ne signifierait pas cependant une
résistance au CMF puisque le bénéfice du CMF adjuvant est
retrouvé à la fois chez les HER2+ et les HER2– dans un essai ran-
domisant CMF contre rien en adjuvant (Menard et al., 2001).
TRAITEMENT ADJUVANT
Conférence de consensus de Saint-Gall
Le compte-rendu de la conférence internationale qui s’est tenue à
Saint-Gall en février 2001, sur le traitement adjuvant, a été publié
dans le Journal of Clinical Oncology (Goldhirsch et al., 2001).
L’actualisation de la méta-analyse d’Oxford a été présentée au
cours de ce congrès mais n’a pas encore été publiée. Ses résul-
tats ont été utilisés pour définir certaines recommandations.
Les facteurs pronostiques retenus restent inchangés par rapport
à 1998. Le statut ganglionnaire reste le facteur principal. Chez
les patientes N-, la taille tumorale histologique, le grade histo-
logique et l’âge sont les facteurs retenus. Enfin, un facteur
essentiel reste le caractère hormonosensible (ER+ et/ou RP+).
Les autres facteurs pronostiques (prolifération, protéases,
HER2, micrométastases, etc.) ne sont pas considérés comme
suffisamment fiables et reproductibles. Dans la publication du
Journal of Clinical Oncology, la limite de taille tumorale his-
tologique retenue a été de 2 cm et non de 1 cm comme cela
avait été initialement annoncé au cours du congrès
(tableau II).
Les indications de traitement adjuvant sont fondées sur le sta-
tut ganglionnaire puis sur le caractère hormonosensible ou non
de la tumeur. Les patientes RH– sont considérées d’emblée
comme à haut risque.
La chimiothérapie recommandée consiste en 3 à 6 mois d’une
association, plutôt que d’une monothérapie, comportant des
anthracyclines. Plusieurs études randomisées et l’actualisation de
la méta-analyse d’Oxford confirment la supériorité des anthracy-
clines sur un CMF (différence de 4 % en bénéfice absolu). Le
bénéfice de la chimiothérapie est indépendant du statut ganglion-
naire, des récepteurs hormonaux, de la ménopause et de la prise
de tamoxifène. L’association de la chimiothérapie au tamoxifène
est supérieure au tamoxifène chez les patientes RH+.
La castration ovarienne améliore la survie des patientes de moins
de 50 ans. La question qui reste posée chez les patientes qui ne
sont pas ménopausées après la chimiothérapie est de savoir si
elles doivent recevoir du tamoxifène seul ou une association avec
un agoniste de la LH-RH, et pendant quelle durée (2, 3 ou 5 ans).
Aucun essai n’a démontré d’amélioration de la survie avec une
chimiothérapie à haute dose avec réinjection de cellules
souches, cette procédure n’est donc pas recommandée en
dehors d’un essai. De même, les essais adjuvants comportant
du paclitaxel (Taxol®) suivant une chimiothérapie de type AC
n’ont pas démontré de bénéfice. L’utilisation des taxanes en
adjuvant restent du domaine des essais thérapeutiques.
Conférence de consensus du NIH
Cette réunion, qui a précédé le meeting de Saint-Gall en
novembre 2000, a repris des points similaires sur la synthèse
des données acquises sur les facteurs pronostiques, les traite-
ments adjuvants (hormonothérapie – chimiothérapie) (National
Institute of Health Consensus Development Panel, 2001).
Deux essais ont été particulièrement analysés. Le CALGB
9344 (3 170 patientes) comparant 4 AC à 4 AC suivis de
Taxol®semblait montrer initialement un avantage en faveur du
bras Taxol®qui ne se confirme pas avec plus de recul. L’aug-
mentation des doses d’adriamycine au-delà de 60 mg/m2ne
219
La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 6 - novembre-décembre 2001
Patientes RE+ et/ou RP+ Patientes RE- et RP-
Faible risque pT 2cm, et Non applicable
grade 1, et
âge 35 ans
Risque élevé pT > 2cm, ou Toutes
grade 2 ou 3, ou
âge < 35 ans
Tableau II. Nouvelle définition des catégories à risques chez les
patientes sans atteinte ganglionnaire (N–).
Patientes RE+ et/ou RP+ Patientes RE- et RP-
Non ménopausées Ménopausées Non Ménopausées
ménopausées
Faible TAM ou rien TAM ou rien Non Non
risque applicable applicable
Risque
Castration
TAM
Chimio Chimio
élevé (ou agonistes LH-RH+
Chimio +
TAM ± chimio) TAM
Chimio + TAM (± castration
ou agoniste LH-RH)
TAM
Castration
(ou agonistes LH-RH)
Tableau III. Traitement adjuvant chez les patientes N–.
TAM = tamoxifène ;
= ou.
Patientes RE+ et/ou RP+ Patientes RE- et RP-
Non ménopausées Ménopausées Non Ménopausées
ménopausées
Chimio + TAM ± castration
Chimio + Chimio Chimio
ou agonistes LH-RH) TAM
Castration (ou agonistes
TAM
LH-RH) + TAM (± chimio)
Traitement adjuvant chez les patientes N+.
semble pas non plus apporter d’amélioration de la survie.
L’essai NSABP B28 comparable, portant sur 3 060 patientes
avec un recul faible, ne démontre pas non plus de bénéfice à
l’adjonction des taxanes (Randal, 2001).
Les recommandations pour une chimiothérapie adjuvante por-
taient sur toutes les tumeurs de plus de 1 cm. La chimiothéra-
pie était à discuter dans les cas suivants :
– les formes histologiques favorables (tubuleux ou mucineux
de moins de 3 cm),
– chez les patientes N- ayant une tumeur de moins de 1 cm
(Fisher et al., 2001c),
– chez les patientes de plus de 70 ans en fonction des risques et
des bénéfices attendus.
Hormonothérapie adjuvante
Dans la méta-analyse d’Oxford, une durée de traitement de 5 ans
par tamoxifène donne un bénéfice supérieur à celui d’un traite-
ment d’une durée moindre. La prolongation de la prise de tamoxi-
fène adjuvant au-delà de 5 ans n’a pas montré de bénéfice : – dans
le Scottish Adjuvant Tamoxifen Trial avec 15 ans de recul (Ste-
wart et al., 2001), – dans le NSABP B14 chez 1 172 patientes N–
ayant déjà reçu 5 ans de tamoxifène, randomisant l’arrêt contre la
poursuite pendant une durée indéterminée (Fisher et al., 2001b).
La méta-analyse d’Oxford a confirmé la réduction du taux de
cancer du sein controlatéral par la prise de tamoxifène adjuvant.
Cela se vérifie également chez les patientes porteuses de muta-
tions du gène BRCA1 ou BRCA2 avec une réduction de 75 % du
risque de cancer controlatéral avec la prise de tamoxifène pen-
dant 2 à 4 ans, indépendamment de l’ovariectomie et de la chi-
miothérapie éventuelle (Narod et al., 2000).
En revanche, selon une étude publiée dans le Journal of Natio-
nal Cancer Institute, le taux de tumeurs controlatérales hormo-
nosensibles serait moindre en cas de traitement adjuvant par
tamoxifène (Li et al., 2001). Une analyse rétrospective de
8981 patientes ayant plus de 50 ans traitées pour un cancer du
sein localisé de 1990 à 1998 dans l’état de Washington a iden-
tifié 4 654 patientes ayant reçu du tamoxifène en traitement
adjuvant associé ou non à une chimiothérapie. Les autres
n’avaient pas eu de traitement adjuvant. Les auteurs constatent
que 89 patientes ont développé un cancer du sein controlatéral
dans le groupe avec tamoxifène contre 100 dans le groupe sans
tamoxifène. Sur les 64 cas du groupe tamoxifène dont les RH
sont connus, 15 sont RO et RP négatives contre seulement 2
sur 67 dans le groupe sans tamoxifène (p < 0,0001).
La méta-analyse ne montrait aucun bénéfice du tamoxifène chez
les patientes RE–. L’étude du NSABP B23 portait sur les
patientes sans atteinte ganglionnaire et avec des tumeurs néga-
tives pour les récepteurs aux estrogènes (Fisher et al., 2001a). La
randomisation était double : les patientes recevaient soit 4 cures
d’AC (adriamycine-Endoxan®) soit 6 cycles de CMF, puis elles
recevaient soit du tamoxifène soit un placebo pendant 5 ans.
Après un suivi médian de 5 ans, il n’y avait pas de différence
significative entre le bras AC et le bras CMF. Surtout, aucun
bénéfice du tamoxifène chez ces patientes RE– n’était observé.
Plusieurs essais randomisés sont en cours étudiant la place des
inhibiteurs de l’aromatase de dernière génération dans le traite-
ment adjuvant du cancer du sein. Leur recul n’est pas encore suf-
fisant pour pouvoir en tirer des conclusions. L’intérêt de l’étude
italienne coopérative comparant trois ans de tamoxifène suivis de
deux ans d’Orimétène (aminoglutéthimide) à 5 ans de tamoxi-
fène chez 380 patientes est d’avoir 5 ans de médiane de suivi
(Boccardo et al., 2001). Le relais du tamoxifène par cet inhibi-
teur de l’aromatase de première génération montre une moins
bonne tolérance de traitement mais une augmentation significa-
tive de la survie globale et une tendance à une amélioration de la
survie sans cancer. On peut donc espérer que le passage à des
agents de dernière génération plus actifs et mieux tolérés, en par-
ticulier sur le plan thromboembolique, devienne une alternative
au tamoxifène adjuvant soit seuls soit en séquentiel.
Dans l’essai de prévention du cancer du sein par tamoxifène
chez des femmes à risque (NSABP-P1), les auteurs n’ont pas
trouvé d’augmentation de dépression par rapport au groupe
témoin (Day et al., 2001), ni d’augmentation des événements
coronariens (infarctus du myocarde, angor) (Reis et al., 2001).
Chimiothérapie adjuvante
Les recommandations du NIH sur les indications du traitement
adjuvant plaçait la limite de taille à 1 cm. B. Fisher a regroupé les
données des patientes ayant une tumeur de 1 cm et moins
incluses dans différentes études du NSABP randomisant traite-
ment locorégional seul ou avec traitement adjuvant. Chez les
235 patientes RH– la survie sans récidive à 8 ans sans chimiothé-
rapie était de 81 % et de 90 % avec chimiothérapie (p = 0,06).
Chez les 1 024 patientes RH+, la survie globale était de 90 %
sans traitement systémique, 92 % avec tamoxifène et 97 % avec
chimiothérapie plus tamoxifène (p = 0,01). Cette analyse rétros-
pective de populations hétérogènes dans des essais différents
évoque un possible bénéfice de la chimiothérapie adjuvante
même chez les patientes N– ayant une tumeur de moins de 1 cm
(Fisher et al., 2001c).
L’utilisation d’un logiciel tenant compte des différents para-
mètres cliniques de la patiente (âge, ménopause, comorbidités)
et des données histologique simples de la tumeur (taille de la
tumeur, récepteurs hormonaux, nombre de ganglions) permet
d’évaluer le bénéfice prévisible d’un traitement hormonal et/ou
chimiothérapique adjuvant afin d’aider le praticien dans la
prise de décision (Ravdin et al., 2001).
Chimiothérapie péri-opératoire
L’analyse à long terme (11 ans) d’une étude de l’EORTC ran-
domisant chez 2 795 patientes avec stade I ou II une cure de
FAC dans les 36 heures suivant la chirurgie contre la chirurgie
seule montre un bénéfice de cette cure unique de chimiothéra-
pie sur le contrôle locorégional et la survie sans progression
(van der Hage et al., 2001). Une autre étude, portant sur
1275 patientes, a également montré le bénéfice de la chimio-
thérapie péri-opératoire mais seulement dans le sous-groupe
des patientes ménopausées, particulièrement chez celles qui
étaient RH négatifs (Colleoni et al., 2001).
Effets secondaires
Une étude de qualité de vie utilisant la méthode du Q-TwiST
(Quality-adjusted Time Without Symptoms of disease and Toxi-
city of treatment) a porté sur 47 essais randomisés de chimiothé-
rapie adjuvante ayant inclus 18 000 patientes. Avec un suivi de
CANCER DU SEIN
220
La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 6 - novembre-décembre 2001
10 ans, le bénéfice en termes de survie sans récidive et de survie
globale supplante de façon nette les effets secondaires du traite-
ment, en particulier chez les patientes les plus jeunes (Cole et al.,
2001). Une revue de synthèse des effets secondaires des traite-
ments adjuvants a été publiée dans le New England Journal of
Medicine cette année (Shapiro, Recht, 2001), ainsi qu’une autre
sur les effets à long terme (Burstein, Winer, 2001). Une étude par
densitométrie osseuse sur 49 patientes a montré qu’une baisse de
la densité osseuse est rapidement induite par la castration post-
chimiothérapie adjuvante (Shapiro et al., 2001). La venlafaxine
(Effexor®) a montré, dans un essai randomisé, un effet sur les
bouffées de chaleur mais au prix d’autres effets secondaires
(sécheresse de la bouche, nausées, constipation) (Loprinzi et al.,
2000). L’équipe de Milan a analysé les séquelles cardiaques des
anthracyclines données en adjuvant chez 637 patientes ayant un
suivi médian de 14 ans. Six cas seulement d’insuffisance car-
diaque ont été relevés soit 0,6 % des patientes, l’irradiation étant
un facteur de risque associé (Zambetti et al., 2001).
Indications de chimiothérapie adjuvante selon d’autres
facteurs pronostiques et prédictifs
Les indications de chimiothérapie adjuvante chez les patientes
sans atteinte ganglionnaire (N–) ont été déterminées, dans un
essai multicentrique allemand, en fonction de facteur d’invasi-
vité comme le taux d’uPA et de PAI1 (Janicke et al., 2001).
Les patientes ayant un taux bas, donc de bon pronostic, ont été
surveillées, les patientes ayant un taux élevé, de mauvais pro-
nostic, ont été randomisées entre surveillance et chimiothérapie
adjuvante par CMF. Le taux de récidive des patientes de bon
pronostic était de 6,7 % à 3 ans, celui des patientes de mauvais
pronostic de 14,7 %. La chimiothérapie chez les patientes de
mauvais pronostic a réduit le risque de récidive de 44 %.
Les marqueurs de prolifération semblent être des facteurs particu-
lièrement intéressants de prédiction d’efficacité de la chimiothéra-
pie adjuvante. Ainsi, la thymidine kinase (TK), enzyme impliquée
dans la synthèse de l’ADN, a été évaluée comme marqueur de
prolifération chez 1 692 cancers du sein. Un taux cytosolique de
TK élevé était un facteur pronostique défavorable en analyse mul-
tivariée. Chez les patientes sans envahissement ganglionnaire, un
taux élevé était prédictif d’un effet bénéfique de la chimiothérapie
adjuvante (Broet et al., 2001). La prolifération peut être détermi-
née par le TLI (Tumor Labelling Index), méthode radioactive.
Chez 248 patientes N- ayant un indice élevé, une randomisation a
comparé 6 cures de FEC adjuvant contre l’observation. La survie
sans récidive était plus élevée chez les patientes traitées (Paradiso
et al., 2001). La phase S déterminée par cytométrie en flux peut
également être utilisée. Sur une série de 633 petites tumeurs, c’est
un facteur pronostique majeur, particulièrement chez les patientes
N– (Chassevent et al., 2001).
Autres traitements adjuvants
Un essai finlandais qui comparait un traitement adjuvant par
clodronate (Clastoban®) par voie orale pendant 3 ans contre
aucun traitement chez 299 patientes N+ n’a pas trouvé de pré-
vention des métastases osseuses. Au contraire, il semblerait
même que la survie globale et la survie sans récidive soient
moindres dans le bras avec clodronate pour des raisons qui res-
tent à éclaircir (Saarto et al., 2001).
Radiothérapie
Après tumorectomie, un “boost” de 16 Gy ajouté à l’irradia-
tion standard de 50 Gy réduit significativement le risque de
récidive locale comme le montre l’essai de l’EORTC portant
sur plus de 5000 patientes (Bartelink et al., 2001).
INTENSIFICATION
L’augmentation de l’intensité de dose en utilisant de la
mitoxantrone (Novantrone®) chez 150 patientes ayant plus de
10 ganglions envahis n’a pas montré de supériorité par rapport
à une association de type AC classique (Fumoleau et al., 2001).
Augmentation de l’efficacité du traitement avec une aug-
mentation des doses d’épirubicine
Le French Adjuvant Study Group a comparé chez des patientes
ayant soit plus de 3 ganglions envahis ou au moins un ganglion
envahi et un SBR d’au moins 2 et des récepteurs hormonaux
négatifs, 6 cures de FEC50 à 6 cures de FEC100 (French Adju-
vant Study Group, 2001). Après un suivi médian de plus de
5ans, la survie globale à 5 ans est de 77,4 % pour le FEC100
contre 65,3 % pour le FEC50 (p = 0,007). Cette étude FASG 05,
présentée en 1998 par le Pr Bonneterre à l’ASCO, conclut donc
à la supériorité du FEC100 et au bénéfice de l’augmentation de
dose d’épirubicine. Martine Piccart a publié cette année un essai
à 3 bras comparant chez 777 patientes ayant au moins un gan-
glion atteint, âgées de moins de 70 ans, 6 cycles de CMF clas-
sique (Endoxan®per os sur 14 jours) à 8 cycles de EC60 (épiru-
bicine 60 mg/m2, Endoxan®500 mg/m2) ou à 8 cycles de EC
haute dose (épirubicine 100 mg/m2et Endoxan®830 mg/m2). Il
n’existait pas de différence en survie entre le bras CMF et le
bras EC haute dose. En revanche, le bras EC60 était significati-
vement inférieur aux deux autres (Piccart et al., 2001).
Les résultats de ces deux études montrent surtout qu’une chimio-
thérapie de type FEC50 ou FEC60 est vraisemblablement sous-
dosée et qu’il n’y a pas d’équivalence de doses avec un FAC50
ou un AC60. La chimiothérapie de référence actuellement chez
les patientes ayant une atteinte ganglionnaire est le FEC100.
Autogreffe
De nouvelles données sur les essais comparant une chimiothé-
rapie conventionnelle à une chimiothérapie intensifiée avec
autogreffe ne permettent toujours pas de démontrer le bénéfice
de l’intensification en adjuvant. Ainsi, trois essais importants
ont été présentés à l’ASCO cette année.
Un essai italien (Gianni, Bonadonna, 2001) avait pour but
d’évaluer l’impact sur la survie de la chimiothérapie à haute
dose (HD) avec autogreffe chez des patientes de moins de
60 ans ayant un envahissement axillaire de plus de 3 gan-
glions. Le bras de référence était l’association séquentielle
d’une monochimiothérapie par épirubicine 120 mg/m2toutes
les 3 semaines pendant 3 cycles suivi de 6 cures de CMF.
Avec un suivi de 5 ans, cette étude ne montre pas de bénéfice
en survie sans récidive ou en survie globale chez les patientes
ayant reçu la chimiothérapie intensifiée.
L’étude coopérative du CALGB-SWOG-NCIC, randomisée et
prospective, comparait deux associations d’alkylants en conso-
lidation (CPB haute dose + greffe ou CPB à dose intermé-
221
La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 6 - novembre-décembre 2001
1 / 10 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans l'interface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer l'interface utilisateur de StudyLib ? N'hésitez pas à envoyer vos suggestions. C'est très important pour nous!