REVUE DE PRESSE dirigé par le Dr M. François Mortalité non imputable à la première localisation chez les patients ayant un cancer de la tête et du cou Dans la décision d’intensifier le traitement d’un patient atteint d’un cancer de la tête et du cou, de nombreux facteurs entrent en jeu, notamment le risque de décès indépendant du cancer, ou imputable à une deuxième localisation, ou à la toxicité du traitement. Par ailleurs, ces causes de décès indépendantes du premier cancer sont susceptibles d’induire des biais dans les études randomisées cherchant à comparer 2 stratégies thérapeutiques. Sur plus de 30 000 patients de la région de San Diego traités pour un cancer de la tête et du cou, la mortalité totale à 5 ans dépassait les 50 % : 24 % de ces décès étaient dus au premier cancer, 15 % à une deuxième localisation (essentiellement les poumons et l’œsophage) et 13 % à une affection sans rapport avec le cancer, telle qu’un infarctus du myocarde, un accident vasculaire cérébral ou une insuffisance respiratoire. Sans surprise, le risque de décès, quelle que soit sa cause, augmente avec l’âge, et le risque de décès par cancer du larynx est inférieur à celui des autres localisations. Plus inattendu, si le risque de décès dû au premier cancer augmente avec les faibles revenus, le risque de décès dû à une deuxième localisation s’accroît au contraire avec les revenus. Ce risque de deuxième localisation est particulièrement important en cas de cancer de l’hypopharynx et de la cavité buccale. Commentaire Les auteurs terminent leur démonstration en proposant un modèle mathématique du risque de décès lié à une cause autre que le cancer primitif. Ce modèle doit être manipulé avec une grande prudence, car il comporte certainement de nombreux biais. Référence bibliographique Rose BS, Jeong JH, Nath SK, Lu SM, Mell LK. Populationbased study of competing mortality in head and neck cancer. J Clin Oncol 2011;29:3503-9. M. François, hôpital Robert-Debré, Paris. Qualité de vie des patients traités pour un cancer laryngé ou pharyngolaryngé Le traitement d’un cancer du larynx ou du pharynx comporte traditionnellement une chirurgie mutilante (laryngectomie ou pharyngolaryngectomie) suivie d’une radiothérapie. D’autres protocoles de traitement ont été développés, notamment la chimiothérapie d’induction suivie d’une radio-chimiothérapie chez les patients répondeurs, avec possibilité de chirurgie en cas d’échec. On pourrait penser que ces traitements non chirurgicaux impactent moins sur la qualité de vie, puisqu’il n’y a pas de mutilation et que la voix et la déglutition peuvent être sauvegardées. Mais ce n’est pas forcément l’avis des patients. Au moyen de questionnaires, les auteurs ont interrogé 100 patients traités pour un cancer du larynx ou du pharyngolarynx, essentiellement de stade III ou IV, en rémission depuis au moins 1 an et sans deuxième localisation. Ils ont ensuite ventilé les résultats selon le type de traitement utilisé (avec et sans chirurgie). Finalement, les différences entre les 2 groupes sont faibles : les 63 patients traités pour cancer du larynx estiment que leur qualité de vie est meilleure après traitement chirurgical ; la différence porte essentiellement sur la qualité de la salive, insuffisante ou trop visqueuse en cas de traitement conservateur. À l’inverse, pour les 37 patients traités pour cancer du pharyngolarynx, la qualité de vie est meilleure en cas de traitement conservateur, la chirurgie entraînant une altération importante du goût et de l’odorat, et gênant souvent la possibilité de manger en public. M.F. 30 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale ̐ n° 326 - juillet-août-septembre 2011 Commentaire Survivre ne suffit pas, il faut aussi pouvoir vivre, c’est-à-dire conserver une certaine autonomie, profiter des plaisirs de la vie (et la nourriture en est un) et avoir une vie sociale. Pour tous ces aspects, les résultats des études de qualité de vie comme celle présentée ici peuvent aller à l’encontre d’idées reçues et nous pousser à modifier nos protocoles de traitement. Référence bibliographique Guibert M, Lepage B, Woisard V, Rives M, Serrano E, Vergez S. Quality of life in patients treated for advanced hypopharyngeal or laryngeal cancer. Eur Ann Otorhinolaryngol Head Neck Dis 2011;May 23 (in press). dirigé par le Dr M. François Pharyngolaryngectomie totale de rattrapage avec transfert libre de jéjunum REVUE DE PRESSE Commentaire Les patients ayant un cancer du pharyngolarynx bénéficient de plus en plus souvent d’un traitement conservateur par radio-chimiothérapie. En cas d’échec, la seule solution reste la chirurgie. Les complications postopératoires, en particulier les difficultés de cicatrisation, sont alors volontiers imputées aux traitements antérieurs. Pour vérifier cette hypothèse, les auteurs ont observé les complications précoces d’une pharyngolaryngectomie totale avec transplant libre de jéjunum, en comparant un groupe de patients ayant bénéficié d’une chirurgie première et un groupe pour lequel il s’agissait d’une chirurgie de rattrapage. Finalement, si les complications à type de thrombose anastomotique et de rupture carotidienne étaient un peu plus fréquentes en cas d’antécédent d’irradiation, la différence entre les 2 groupes n’était pas significative (p = 0,09 et p = 0,07 respectivement). En particulier, il n’y avait pas de différence concernant les pharyngostomes, que ce soit en termes de nombre, de date de survenue, ou d’évolution (spontanée ou après reprise chirurgicale). M. F. De toute évidence, un biais important affecte cette étude : les patients qui ont bénéficié de la chirurgie de rattrapage étaient plus jeunes que ceux de l’autre groupe, ce qui laisse à penser que leur état de santé général était meilleur que celui des patients de chirurgie première. Ces résultats néanmoins très encourageants montrent bien qu’il existe une possibilité de rattrapage en cas de reprise évolutive d’un cancer pharyngolaryngé chez un patient irradié. Référence bibliographique Miyamoto S, Sakuraba M, Nagamatsu S, Hayashi R. Salvage total pharyngolaryngectomy and free jejunum transfert. Laryngoscope 2011;121:947-51. Le miel en oto-rhino-laryngologie : quand, pourquoi, comment ? Le miel est utilisé depuis des millénaires pour traiter certaines infections. Après un bref rappel historique, les auteurs analysent la composition chimique du miel et les principales hypothèses de son mode d’action, avant d’aborder les études cliniques publiées sur le sujet. Le miel possède d’intéressantes propriétés antiseptiques et cicatrisantes. Il est utilisé avec succès (et à moindre coût) pour traiter les plaies et les brûlures superficielles, mais aussi les retards de cicatrisation et les lâchages de suture. Certains services l’emploient régulièrement pour la prise en charge des fuites salivaires après chirurgie carcinologique cervico-faciale. Dans une étude en double aveugle réalisée récemment sur plus d’une centaine d’enfants, le miel s’est révélé plus efficace que le dextrométhorphane (antitussif) ou le placebo dans les toux nocturnes de l’enfant âgé de 1 an et plus. M.F. Commentaire En ces temps d’escalade thérapeutique en tout genre, voici le retour aux idées simples, peu coûteuses et faciles à mettre en œuvre ! Référence bibliographique Werner A, Laccourreye O. Honey in otorhinolaryngology: when, why and how? Eur Ann Otorhinolaryngol Head Neck Dis 2011;128:133-7. Évaluation de la déglutition chez les patients ayant un cancer de la tête et du cou Les patients traités pour un cancer de la tête et du cou éprouvent souvent des difficultés pour déglutir ; parfois, ces difficultés préexistaient avant le traitement. Dans ce travail, les auteurs ont étudié les fausses routes chez 204 patients auxquels on venait de diagnostiquer un cancer de la tête et du cou, soit par fibroscopie (non irradiante, permettant l’étude de la déglutition d’aliments de texture et de viscosité variées), soit par vidéofluoroscopie (permettant de visualiser aussi l’œsophage). Si elles sont plutôt rares chez les patients atteints de cancer de l’oropharynx ou de la cavité buccale quel que soit le stade des lésions, les fausses routes sont en revanche plus fréquentes chez les patients ayant un cancer du larynx et de l’hypopharynx, même de petite taille. Parfois ignorées par les patients, ces fausses routes sont toutefois suceptibles de dégrader leur fonction pulmonaire. Par ailleurs, elles constituent un des éléments à prendre en compte avant de décider d’une éventuelle préservation d’organe. M.F. Commentaire L’examen ORL initial d’un patient chez lequel on suspecte un cancer de la tête et du cou comporte presque toujours une fibroscopie. Dès lors, pourquoi ne pas pratiquer systématiquement 1 ou 2 tests de déglutition sous contrôle de la vue ? Référence bibliographique Starmer H, Gourin C, Lua LL, Burkhead L. Pretreatment swallowing assessment in head and neck cancer patients. Laryngoscope 2011;121:1208-11. La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale ̐ n° 326 - juillet-août-septembre 2011 | 31