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PROGRAMMATION ET GOUVERNANCE DES
FINANCES PUBLIQUES
Discussion en procédure accélérée d'un projet de
loi organique dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du
projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale
après engagement de la procédure accélérée, relatif à la
programmation et à la gouvernance des finances publiques
(projet n° 43 rectifié, texte de la commission n° 84, rapport n°
83, avis n° 74).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances.
Monsieur le président, monsieur le président de la commis-
sion des finances, monsieur le rapporteur général de la
commission des finances, monsieur le rapporteur général de
la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les
sénateurs, je tiens tout d’abord à dire devant la Haute Assem-
blée la confusion qui est la mienne en cet instant. Sans doute
l’excuse est-elle insuffisante, mais, il y a quelques minutes à
peine, mal informé quant à l’heure de début de cette séance,
j’étais encore aux côtés du Président de la République, qui
rencontrait à l’OCDE un certain nombre de grands responsa-
bles d’organisations internationales.
Face à l’incongruité de la situation, je vous dis tous mes
regrets d’avoir fait attendre le Sénat et espère que vous saurez
pardonner ce retard, qui n’est ni dans mes habitudes, ni dans
ma culture, d’autant que le texte dont nous commençons
l’examen revêt une importance toute particulière.
Ce projet de loi organique participe en effet de la refonda-
tion du paysage des finances publiques que nous avons
entamée cet automne, à la fois sur la forme et sur le
contenu. Le projet de loi de programmation pluriannuelle
des finances publiques et le présent texte visent à améliorer
nos règles de gestion, pour donner des gages de crédibilité à
nos engagements, sans nuire de quelque manière que ce soit à
la souveraineté de la représentation nationale. Ils renforcent
ainsi la gouvernance budgétaire autour d’un Parlement mieux
informé et mieux associé.
Ces textes profondément structurants constituent une
avancée non seulement pour nos comptes, mais aussi pour
le Sénat et l’Assemblée nationale. Indépendamment de la
ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la
gouvernance, le TSCG, dont ils sont aussi, il faut bien
l’avouer, la conséquence, ils viennent utilement moderniser
nos outils de pilotage des finances publiques. Je crois que nous
pouvons collectivement nous en féliciter.
Je voudrais dire un mot du contexte national et européen
dans lequel s’inscrit le projet de loi organique, avant d’en venir
plus précisément à sa substance.
L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté à une large
majorité le projet de loi autorisant la ratification du TSCG. Il
faut à présent prolonger et parachever ce travail avec ce projet
de loi organique, qui vise à mettre en œuvre l’article 3 du
TSCG, ainsi que les règles communautaires dites du « six-
pack » et du « two‑pack », qui devraient être prochainement
adoptées.
Au niveau communautaire, ainsi que les responsables de
l’OCDE, du FMI, de la Banque mondiale et de l’OIT l’expli-
quaient tout à l’heure, et comme chacun le reconnaît, la
dynamique progressiste qui s’est dessinée lors du Conseil
européen de juin se confirme. Le premier conseil des gouver-
neurs du Mécanisme européen de stabilité, auquel j’ai parti-
cipé, a eu lieu au début du mois d’octobre. Avec ce fonds de
secours destiné aux pays fragiles de la zone euro, l’Union a
franchi une étape dans la solidarité.
Le Conseil européen des 18 et 19 octobre a précisé le
calendrier d’une union bancaire qui s’accompagnera,
comme le souhaitait la France, d’un champ de supervision
étendu.
Enfin, la mise en œuvre du plan de relance européen, du
pacte de croissance, progresse.
Bref, le cadre se met progressivement en place.
C’est à l’aune de ces évolutions en matière de gouvernance
des finances publiques et de rééquilibrages politiques au sein
de l’Union que je vous invite, mesdames, messieurs les
sénateurs, à examiner ce projet de loi organique.
J’en viens maintenant au contenu de ce texte, qui vous est à
présent largement familier ; aussi, je me contenterai d’en
souligner les principaux aspects, tout en rappelant la disponi-
bilité du Gouvernement pour en enrichir le contenu, avec
votre concours.
S’agissant de moyens nouveaux que le Gouvernement et le
Parlement auront en partage pour le pilotage des finances
publiques, nous nous sommes attachés à maintenir sans
faille un dialogue étroit. Vous pouvez en témoigner,
monsieur le président de la commission, messieurs les rappor-
teurs généraux.
Les travaux de l’Assemblée nationale et de la commission
des finances du Sénat ont déjà permis d’apporter des préci-
sions utiles ; c’est dans le même esprit d’ouverture que les
suggestions qui seront formulées au cours de cet examen en
séance publique seront considérées.
Avec ce projet de loi organique, nous nous dotons d’une
« boîte à outils » commune et utile pour le pilotage des
finances publiques partagée à la fois par l’État, les collectivités
territoriales et les organismes de sécurité sociale.
Je veux préciser de nouveau, car je sais que c’est fonda-
mental pour nombre d’entre vous, que les innovations conte-
nues dans ce projet de loi organique sont exclusivement –j’y
insiste –d’ordre procédural. D’ailleurs, il ne pourrait en aller
autrement aux termes de la Constitution : une loi organique
fixe des règles, définit une procédure.
En aucun cas ce projet de loi organique ne fait de l’équilibre
budgétaire un absolu. Certes, il est la conséquence du traité
sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG,
mais il pourrait exister par lui-même et de façon autonome. Il
fixe des règles de bonne gestion en toute hypothèse.
Ce texte prend en compte les circonstances économiques
qui contraignent les États et n’impose aucune correction
automatique de la trajectoire de nos comptes. Il permet un
pilotage des comptes publics qui évite les écueils d’un éventuel
« surajustement » en période de croissance faible et laisse donc
les pouvoirs exécutif et législatif libres de définir la voie à
emprunter pour tendre vers l’équilibre.
SÉNAT –SÉANCE DU 29 OCTOBRE 2012 4111