Imagerie Sénologique

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Imagerie Sénologique
Mis à jour le 13/08/2010 par SFR
Imagerie Sénologique
Gaspard d'Assignies, Alexandra Athanasiou
Service de Radiologie, Institut Curie, Paris
INTRODUCTION
La sénologie est un domaine dynamique qui tient habituellement une place importante au congrès du
RSNA. Cette année n'a pas fait exception : 15 séances scientifiques et 50 posters scientifiques étaient
proposés. La quasi totalité des thèmes de la spécialité a été couverte. Parmi cette liste exhaustive,
nous avons choisi de vous parler des points qui nous ont paru les plus innovants en recherche et
pertinents en pratique clinique. Les séances portant sur la sénologie interventionnelle et la corrélation
radio-pathologique ont été laissées de côté pour se concentrer sur les nouvelles techniques d'imagerie
et la prise en charge des femmes à risque.
TECHNIQUES AVANCÉES EN IMAGERIE DU SEIN
IRM de diffusion
De nombreux travaux, posters et communications scientifiques portaient cette année sur l'IRM de
diffusion. Les deux objectifs de cette technique sont la caractérisation des lésions malignes/bénignes et
la prédiction de la réponse au traitement néo-adjuvant et le suivi.
Caractérisation tumorale
L'IRM mammaire est une technique très sensible (89-100%) pour la détection des lésions mammaires
mais peu spécifique pour leur caractérisation (72%) (1).
C. Losio (2) montre sur une série de 108 patients une différence très significative (p <0,00001) des
valeurs de coefficient apparent de diffusion (ADC) entre les lésions malignes (0,92 +/- 0,32) et bénignes
(1,89 +/-0,27). Pour un seuil d'ADC à 1,4 la sensibilité est de 100%, la spécificité de 89% et la
puissance diagnostique à 92%. La méthode est néanmoins limitée par une variabilité interobservateur
importante, une résolution spatiale faible et une performance moyenne dans la caractérisation des
ganglions axillaires. T. Kamitani (3), Y. Kajiya (4), F.PA. Pereira (5) et W Bogner (6) rapportent des
résultats similaires sur des séries de 27, 37 et 45 patients. La comparaison des différentes valeurs de b
conduit à un choix optimal autour du couple 0-750 s/mm2. Les petites lésions < 0,9 mm sont plus
difficiles à caractériser. Les valeurs d'ADC ne diffèrent pas entre les lésions bénignes et les
adénocarcinomes intracanalaires (4).
Bilan préthérapeutique et suivi
L'étude de l'ADC tumoral pourrait permettre de prédire la réponse thérapeutique et d'évaluer
précocement cette réponse avant la réduction du volume lésionnel. Le rationnel de cette hypothèse
s'appuie sur la capacité de la diffusion à refléter la cellularité des tissus. Q. Yuan (7) étudie sur 13
patientes sous chimiothérapie néoadjuvante les modifications des paramètres de perfusion, de diffusion
et de spectroscopie acquises à 3 Tesla avant puis après la première cure. Il observe une augmentation
précoce de l'ADC ainsi qu'une diminution du facteur Ktrans en perfusion. Les résultats de E Cossu (8)
vont dans le même sens et apportent une information supplémentaire : les valeurs d'ADC prétraitement
sont supérieures chez les patients qui seront répondeurs par rapport à ceux qui ne le seront pas.
Echographie mammaire : Élastographie
L'élastographie par échographie a été abordée lors de quatre communications scientifiques.
Il s'agit d'une modalité récente et prometteuse qui permet la caractérisation des tissus à partir de leurs
propriétés élastiques. Cette propriété peut être caractérisée par le module de Young, E =σ/ε, où σ représente la pression externe appliquée sur le tissu et ε la déformation tissulaire. Il y a plusieurs
techniques d'imagerie par élastographie, la plus utilisée étant l'élastrographie statique (Figure 1). Cette
dernière est réalisée par compression manuelle du tissu par l'opérateur au moyen de la sonde
d'échographie. L'élastrogramme est généré par comparaison des ondes ultrasonores avant et après
application de la contrainte mécanique. Les résultats des études préliminaires ont montré une meilleure
sensibilité de cette méthode comparé à l'échographie traditionnelle (9) Elle présente cependant deux
limitations importantes : l'absence de quantification de l'élasticité et son caractère opérateur
dépendant. Pour s'affranchir de ces deux contraintes, une nouvelle approche a été proposée, associant
l'imagerie échographique ultrarapide (5000 images/secondes) à l'émission d'ondes de cisaillement par la
même sonde. Les études cliniques sur cette technique, appelée Supersonic Shear Imaging, ont montré
des résultats encourageants, le module d'élasticité étant significativement différent entre tissus bénins
et malins (10). Les communications du RSNA cette année (11-14) confirment l'intérêt de cette modalité
en montrant, sur des séries de 110 à 1122 lésions, un net gain en spécificité, sensibilité et en précision
diagnostique par rapport à l'échographie seule, en particulier dans les lésions classées ACR 3-4.
Fig. 1 : Élastographie statique. Image affichée en double écran en temps réel. A droite, l'échographie en
mode B révèle une masse hypoéchogéne, microlobulée avec une forte atténuation postérieure du
faisceau ultrasonore. A gauche, l'élastographie statique avec un codage couleur variant du rouge (mou)
au bleu (dur) détecte une lésion très dure, ce qui augmente la probabilité de malignité.
Imagerie nucléaire
Deux modalités d'imagerie nucléaire ont été abordées durant le congrès de la RSNA :
La scintigraphie mammaire
Deux posters portaient sur l'intérêt de la scintigraphie mammaire avec gamma caméra haute résolution
dédiée. La méthode comparée à l'échographie seule sur une série de 70 tumeurs (26 malignes) semble
avoir une meilleure sensibilité (96% VS 58%) et une spécificité comparable (55% VS 43%) (15). Ses
performances seraient comparables à celles de l'IRM dans le cadre du bilan pré chirurgical (16)
La mammographie haute résolution par émission de positon (HR MEP)
Cette nouvelle technique utilise un appareil de Tomographie par émission de positons dédié au sein,
récemment commercialisé (PEMfelx Solo, Naviscan PET Systems, San Diego, CA). L'étude de Schilling
(17) présentée lors de la séance consacrée à la prise en charge des femmes à risque, rapporte une
sensibilité de 90 % sur une série de 113 cancers histologiquement prouvés. Sa spécificité pourrait être
supérieure à celle de l'IRM car moins influencée par la densité mammaire et le statut hormonal des
patientes. Cependant, il est probable que le nombre de faux positifs soit sous-estimé et la sensibilité
surestimée. Le nombre d'études est encore très insuffisant pour attribuer clairement la place de cette
technologie en pratique clinique.
Rayon X : Tomosynthèse
Cette méthode avait tenu une grande place lors du RSNA 2005. Cette année, M.A. Helvie et al. (18)
confirment les bonnes performances de la tomosynthèse dans la caractérisation des masses sur une
série de 174 patientes (81 cancers). Il existe maintenant des systèmes commercialisés qui permettent
la réalisation d'incidences de coupes face et oblique. Dans les seins de densité type BIRAD 3-4 la
technique permet une meilleure détection des masses que la mammographie et permet dans certains
cas la découverte d'une multifocalité passée inaperçue. La détection des signes de désorganisation
architecturale est également améliorée. En revanche la mammographie reste plus performante pour la
détection et la caractérisation des micro-calcifications.
Clinique : Surveillance des femmes à haut risque de cancer du sein
La surveillance des femmes à risques est un sujet important en pathologie mammaire. De nombreux
travaux, dont 10 présentations au RSNA cette année (Multisessions courses ; VB31-2 à VB 31-11),
portent sur les modalités de cette surveillance.
Les recommandations de l'American Cancer Society indiquent clairement que les femmes à haut risque
pourraient bénéficier d'un dépistage plus précoce que celui recommandé chez les femmes sans risque
particulier, d'une fréquence plus élevée d'examens, ainsi que d'examens d'imagerie complémentaires
tels que l'échographie mammaire et l'Imagerie par Résonance Magnétique (19).
Afin d'établir une stratégie de surveillance spécifique, il faut d'abord définir quels sont les types de
risque et le seuil de risque pour lesquels une prise en charge spécifique est justifiée.
On distingue deux catégories de facteurs de risque induisant un sur-risque significatif de cancer du
sein : les facteurs personnels et les antécédents familiaux.
Les facteurs personnels regroupent les cancers mammaires, la densité mammaire élevée, les lésions
histologiques à risques et l'exposition à une irradiation thoracique avant l'âge de 30 ans. Dans tous ces
cas, une surveillance annuelle par examen clinique et mammographie est indiquée. Les patientes
présentant une densité mammaire élevée doivent bénéficier d'une échographie, la sensibilité de la
mammographie étant diminuée dans ces cas (20, 21).
Les antécédents familiaux correspondent essentiellement aux deux cas de figures suivants :
■
Les syndromes BRCA (Mutation BRCA1 ou BRCA2 identifiée)
■
Une histoire familiale significative sans mutation BRCA1ou 2 identifiée
Environ 5% des cas de cancer du sein et/ou de l'ovaire sont en rapport avec une prédisposition
héréditaire, soit environ 2000 nouveaux cas de cancer du sein et 200 cancers de l'ovaire par an en
France (22).
Les modalités de dépistage pour les femmes présentant une mutation à risques sont récapitulées dans
le tableau ci-dessous.
Modalités de dépistage chez une femme porteuse d'une mutation de BRCA1/2 accord d'experts
Mesure
Rythmicité Âge de début (ans) Examen clinique
6 mois 25 Mammographie*
1 ans 30 Echographie
1 ans 25 IRM
1 ans 30 *Mammographie numérique de préférence si âge <50 ans, péri­ménopause, seins denses (Bi­Rads densité 3­4). A réaliser dans des centres d'imagerie ou réseau spécialisé en sénologie
L'IRM mammaire, qui n'est pas un examen de dépistage dans la population générale, a une place
essentielle dans l'exploration par imagerie des femmes à risque génétique. Elle doit être réalisée
idéalement entre le 3ème et le 14ème jour du cycle chez la femme non ménopausée pour limiter les
faux positifs. Ceci permet de diagnostiquer de 20 à 40% de cancers supplémentaires, non visibles à la
mammographie et à l'échographie (19, 23-25). J.M. Lee (26) rapporte un bon rapport coût-efficacité du
couple IRM-mammographie par rapport à la mammographie seule chez les femmes porteuses de la
mutation BRCA 1.
Dans les situations à haut risque familial sans mutation délétère des gènes BRCA1/2, l'estimation de la
probabilité peut s'avérer utile. Lorsque le calcul de probabilité de mutation (modèle de Claus, BRCAPRO)
est supérieur à 40% le même protocole de dépistage que pour les femmes porteuses d'une mutation
BRCA1 ou 2 est proposé. Dans les situations à risque intermédiaire (15 – 40%) ou faible (< 15%),
l'apport exact de l'IRM n'est pas déterminé et n'est donc pas retenu.
CONCLUSION
La place privilégiée de l'IRM mammaire se confirme encore cette année avec l'utilisation de nouveaux
outils tels que la diffusion, la spectroscopie et la perfusion qui permettent de mieux caractériser les
tumeurs, de prédire et de suivre la réponse au traitement. L'IRM est aussi un outil fondamental dans la
prise en charge des femmes à haut risque grâce à sa grande sensibilité de détections. Les autres
techniques d'imagerie mammaire ne sont pas en reste grâce aux résultats prometteurs de
l'élastrographie en échographie et de la tomosynthèse en mammographie à rayon X.
Il reste au médecin radiologue à intégrer et hiérarchiser cette quantité toujours croissante
d'informations pour pouvoir prendre en charge de manière optimale les patientes, ce qui n'est pas une
mince affaire…
Références
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Contribution to Standard Examination in 108 Patients. RSNA 2008; LL-BR2180-H08
3 - Kamitani Tet al. Diffusion-weighted MR Imaging of Axillary Lymph Nodes in Patients with Breast
Cancer. RSNA 2008; LL-BR2155.
4 - Kajiya Y. Et al, Differential Diagnosis of Breast Tumors by Diffusion-weighted Images with Various
High b Values. RSNA 2008; LL BR2192.
5 - Pereira F.PA. Et al. Assessment of Breast Lesions with Diffusion-weighted MR Imaging: Comparing
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