La Lettre du Sénologue • n° 49 - juillet-août-septembre 2010 17
Points forts
et al. ont passé en revue la littérature sur ce sujet
(11). À chirurgie égale, les études ne montrent pas
que le risque péri-opératoire est différent entre
les patientes âgées en bonne condition physique
et les plus jeunes. L’âge seul n’est pas un élément
suffisant pour apprécier ce risque. Celui-ci est lié
aux comorbidités associées, qui sont évidemment
plus fréquentes (12). L’acte intervient aussi, mais
la chirurgie mammaire est considérée comme
une intervention à faible risque. Évidemment, la
chirurgie de reprise liée à la survenue de complica-
tions augmente ce risque.
Une altération des fonctions cognitives postopératoires
est notée chez 15 % des patientes de plus de 70 ans
et elle reste trois fois plus importante à distance que
chez les patientes non opérées (11). Les facteurs
responsables ne sont pas établis.
Traitement conservateur
Le traitement conservateur est souvent souhaité par les
patientes (10) dont il améliore la qualité de vie (13) et
maintient l’image corporelle (14). Même si la situation
semble s’améliorer (15), ces patientes ont toujours plus
de mastectomies que les femmes plus jeunes.
Les études randomisées confirment que le traite-
ment conservateur est tout à fait raisonnable pour
cette population. Dans l’étude EORTC 10850 (16),
236 patientes de plus de 70 ans ont été randomisées
entre mastectomie versus tumorectomie + tamoxi-
fène : à 10 ans, la SG est la même. Pour Gori et al.
(17), 121 patientes de plus de 70 ans (N0) ayant des
tumeurs de moins de 4 cm ont été randomisées entre
mastectomie + tamoxifène versus tumorectomie
(marges saines) + tamoxifène : à 5 ans, les SG sont
les mêmes.
L’état des marges doit-il être différent chez les
patientes âgées ? Avec un recul de 8 ans, l’étude
de Park (18) réalisée sur 533 patientes âgées de 23
à 88 ans montre que l’état des marges est le facteur
le plus lié au risque de récidive. Dans son analyse par
régression logistique, seules l’étendue de l’atteinte
des marges et l’association à un traitement systé-
mique sont associées au risque de récidive local.
L’âge n’intervient pas. Quant à l’étude de Aziz et al.
(19) portant sur 1 377 patientes, elle montre que
l’obtention de marges saines, par réexcision éven-
tuellement, est importante tant pour les femmes
jeunes que pour les femmes âgées. En revanche,
l’étude EORTC, qui avait été mise en place pour juger
de l’effet du boost de radiothérapie, ne retrouve pas de
relation entre récidive locale et état des marges, alors
que le jeune âge (moins de 50 ans) a une influence
(20). La situation est probablement complexe mêlant
état des marges et âge, selon une interrelation et
une pondération encore inconnues. En pratique, il
paraît difficile de schématiser les situations. On peut
recommander, quand on opère une patiente même
âgée, de se mettre en situation d’exérèse complète.
Si celle-ci n’est pas obtenue au vu du compte rendu
anatomopathologique définitif, la situation doit être
discutée de façon multidisciplinaire en tenant compte
de l’importance de l’atteinte, des comorbidités et de
l’espérance de vie.
Qui dit traitement conservateur dit aussi radio-
thérapie. Il n’est pas justifiée qu’elle soit si souvent
oubliée (21) en dehors de l’inclusion dans une étude
(PRIME) [22], car l’impact sur le taux de récidives
locales est important : de 3 à 47 % (5). L’étude de
Yood et al. (23), menée sur une population de 1 837
femmes âgées, montre que l’absence de radiothé-
rapie multiplie par deux le risque de mortalité.
D’après l'article de Cutuli et de Kirova (p. 20), les
schémas classiques sont souvent adaptables chez les
patientes dites “âgées” en bonne condition physiolo-
gique et, pour les autres, des adaptations techniques
sont possibles (hypofractionnement). Le délai entre
chirurgie et radiothérapie doit être limité, car il influe
sur le risque de récidive (24).
Lorsque le schéma est respecté, les résultats sont
aussi bons que pour les femmes plus jeunes.
Solin et al. ont comparé les résultats du traitement
conservateur dans deux populations selon leur âge :
50-64 ans et plus de 65 ans (25). Il y avait un peu
plus de grosses tumeurs (T2) chez les femmes plus
âgées sans différence d'atteinte ganglionnaire. Les
traitements locorégionaux étaient semblables dans
les deux groupes. À 10 ans, il n'y a ni différence en
ce qui concerne le nombre de décès dus au cancer,
ni récidive locale.
Quand on surveille des femmes âgées, on constate que
les critères “classiques”, tels que l’atteinte lymphatique,
le grade histologique, l’absence de radiothérapie, sont
»L’âge seul ne peut pas justifier une abstention chirurgicale.
»
Les principes de prise en charge ne doivent pas différer de ceux proposés dans cette situation à une
femme plus jeune.
»
Quand ceux-ci ont été posés, l’analyse bénéfice/risque doit être réalisée par le chirurgien et l’anesthésiste
et tenir compte des comorbidités et non uniquement de l’âge.
»La recherche du ganglion sentinelle doit être privilégiée chaque fois qu’elle est possible.
»
La communication est un élément clé d’une bonne prise en charge, non seulement oncologique, mais aussi
en termes de qualité de vie. Elle doit être maintenue à tous les moments de la prise en charge et susciter
l’implication de la patiente.
Mots-clés
Chirurgie
Cancer du sein
Femmes âgées
Keywords
Surgery
Breast cancer
Older women
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