Bioproduction
pour la production de biomédicaments dans des condi-
tions optimales de confinement des produits. Ceci
fut d’abord illustré par Dow AgroSciences, qui pro-
duit dans des cellules de tabac un vaccin protégeant
les volailles contre le virus de la maladie de Newcastle
*3
,
approuvé par la FDA en janvier 2006. L’agence amé-
ricaine est également en passe de donner son accord
pour l’utilisation d’une glucocérébrosidase humaine
produite dans des cellules de carottes par la société
israélienne Protalix Biotherapeutics et destinée à
l’enzymothérapie substitutive des patients atteints de
la maladie de Gaucher de type I
(5)
. Ce biomédicament,
produit par Pfizer et connu sous le nom de UPLYSO,
a obtenu une Autorisation temporaire d’utilisation
*4
en France en juillet 2010.
O
utre l’aspect purement scientifique, c’est le faible coût
de ces systèmes d’expression végétaux qui les rend
avantageux. La glucocérébrosidase de Protalix est un
exemple des économies pour les systèmes de santé que
représente l’utilisation de biomédicaments produits chez
les plantes. Alors que le coût de Cerezyme, le même
traitement produit dans des cellules CHO par l’améri-
caine Genzyme, peut atteindre 200 000 euros par an
(coût de traitement par patient), UPLYSO coûte de
100 000 à 150 000 euros par an.
Produire plus et plus vite
L
’adoption des PGM pour la production de biomé-
dicaments a jusqu’ici été limitée en raison des faibles
rendements observés pour la majorité des protéines
thérapeutiques. Limitation levée par l’utilisation récente
de l’« expression transitoire » de gènes d’intérêt dans
des plantes qui permet d’atteindre des rendements très
élevés, de l’ordre de 25 à 50 % des protéines solubles.
Les plantes en question ne sont pas des PGM : le gène
ne s’intègre pas au génome des cellules dans lesquelles
il est introduit, il est simplement exprimé à partir d’un
vecteur – un virus spécialement conçu à cet effet, par
exemple – le temps de synthétiser la protéine théra-
peutique
(6)
. Il s’agit donc ici d’une transfection et non
d’une transgenèse.
L
’émergence récente de pandémies grippales, comme
celles qui ont incriminé les virus H5N1 et H1N1, a mis
en avant un autre atout de l’expression transitoire :
la production en quantité de biomédicaments moins
d’une semaine après la transfection des plantes. Alors
que plusieurs mois ont été nécessaires pour produire
un vaccin par les systèmes traditionnels, la société cana-
dienne Medicago a injecté à des souris un vaccin confé-
rant une forte réaction immunitaire spécifique contre
le virus H1N1 seulement un mois après la publication
de la séquence du génome de celui-ci. Ce vaccin est pro-
duit par expression transitoire du tabac, sous la forme
de pseudoparticules virales
*5(7)
. Ces résultats, et le
passage du candidat vaccin en phase II de tests cli-
niques, illustrent le potentiel de l’expression transitoire
pour la production de vaccins dans un contexte pan-
démique ou d’attaque bioterroriste.
D
’autres applications de cette technique sont en cours
*3Ou pseudo-peste
aviaire. Zoonose virale
proche de la grippe
aviaire.
*4En France, l’ATU permet
la mise à disposition
précoce d’un médica-
ment avant l’obtention
de l’AMM. Elle est
accordée dans des
situations prévues par
la loi, en particulier
pour le traitement de
maladies rares et quand
il n’existe pas de traite-
ment approprié dispo-
nible sur le marché.
Contrairement à un
essai clinique, elle n’a
pas pour objectif
d’apporter une réponse
sur l’efficacité du
médicament.
*5Particules mimant la
structure originale d’un
virus mais dénuées de
matériel génétique viral,
donc non infectieuses
et incapables de se
multiplier.
56 BIOFUTUR 320 • AVRIL 2011
(5) Shaaltiel Y
et al.
(2007)
Plant Biotechnol J
5, 579-90
(6) Marillonnet A
et al.
(2004)
Proc Natl Acad Sci
USA 101, 6852-7
(7) Landry N
et al.
(2010)
PLOS ONE
5(12),
doi:10.1371/journal.pone.00
15559
Pour la production de petits lots de biomédicaments par la technique de l’expression transitoire,
les agrobactéries sont injectées manuellement (à gauche). Des disques foliaires prélevés 6 à 10
jours plus tard servent à analyser les différents prototypes de biomédicaments (à droite).
… feuilles…
L
es systèmes de production foliaires sont également
très utilisés car ils permettent une production rapide
en très grand volume. Les feuilles de plantes trans-
géniques, principalement du tabac, ont permis de
produire avec succès de nombreuses molécules
thérapeutiques. Une douzaine est en phase d’essais
cliniques et deux ont reçu une AMM pour une admi-
nistration à l’homme
(tableau p. 60)
. Dans les feuilles,
les molécules d’intérêt sont essentiellement produites
et stockées dans les chloroplastes et le système de sécré-
tion. La transformation du génome du chloroplaste
offre de très hauts rendements de production, le
biomédicament pouvant représenter jusqu’à 70 % des
protéines solubles de la feuille. Cependant, l’origine
bactérienne de ce compartiment cellulaire ne permet
d’y produire que des molécules thérapeutiques simples.
La maturation des protéines y est en effet moins efficace
que dans le système de sécrétion des cellules foliaires,
dont la machinerie enzymatique très voisine de celle
des cellules de mammifères permet la production de
protéines complexes, mais au détriment du rendement,
qui dépasse rarement 1 à 2 % des protéines contenues
dans un extrait foliaire. La société américaine Planet
Biotechnology produit ainsi une immunoglobuline A
(IgA) composée de dix polypeptides dans le système
de sécrétion de plants de tabac. Commercialisée pour
une utilisation chez l’homme sous le nom de CaroRX,
cette IgA sécrétoire est destinée au traitement de la
carie dentaire.
… et bioréacteurs végétaux
S
i la majorité des protéines recombinantes à usage
pharmaceutique disponibles sont produites par des
cellules de mammifères ou des bactéries dans des
bioréacteurs, les cultures de cellules végétales sont
également utilisées depuis plusieurs décennies pour
produire des métabolites secondaires thérapeutiques,
anticancéreux comme le paclitaxel ou antibactériens
comme la shikonine. Ces cellules font désormais figure
d’alternative avantageuse aux cellules de mammifères
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