De plus, le ralentissement des économies émergentes
constitue un autre facteur d’incertitude. La volatilité crois-
sante des marchés financiers internationaux témoigne
d’ailleurs du risque que représente cette situation. La zone
euro a vu ses actifs sensiblement dévalués au début de 2016.
En conséquence, les investisseurs se questionnent désor-
mais sur l’incidence du ralentissement économique des pays
émergents sur l’Europe, notamment celui de la Chine. On ne
peut exclure la thèse selon laquelle les gains d’exportation
découlant de la dévaluation de l’euro sont annulés par la
faiblesse des marchés d’exportation européens.
L’évolution de l’économie mondiale est donc une impor-
tante source d’incertitude pour la zone euro et cet état de
fait entraîne des risques. Or, l’augmentation du risque n’est
jamais une bonne nouvelle pour les affaires. Le hic, c’est que
les Européens ont entrepris de rajouter eux-mêmes une
bonne dose d’incertitude dans ce cocktail déjà consistant.
LE BREXIT S’INVITE
Dans un pareil climat, le Brexit est une catastrophe. Lors d’un
référendum tenu au mois de juin dernier, le Royaume-Uni
a décidé de quitter l’Union européenne en ayant recours
à l’article 50 du traité de l‘Union. Non seulement le pro-
cessus durera-t-il au minimum deux ans, mais ce divorce
ne passera pas comme une lettre à la poste, d’autant plus
que les pourparlers s’annoncent houleux, complexes et
très incertains.
La zone euro est la plus importante zone de libre-échange
de la planète. Elle compte 508 millions de consommateurs,
incluant les 65 millions d’habitants du Royaume-Uni. Dans
cette zone, la main-d’œuvre, le capital, les biens et les
services circulent librement.
Si aucun accord de retrait n’est conclu entre le Royaume-
Uni et l’Union européenne, les règles de l’Organisation
mondiale du commerce s’appliqueront au commerce trans-
frontalier entre tous les pays concernés. Si tel était le cas,
les Britanniques pourraient faire face à l’imposition de droits
de douane importants de la part d’autres pays européens,
et vice versa. Les répercussions pourraient être majeures
et personne n’est véritablement en mesure d’en préciser
leur nature ni leur ampleur. L’incertitude est donc totale.
Songeons simplement au fait que 44 % des exportations
britanniques prennent la direction de l’Europe continen-
tale chaque année et que ces flux commerciaux génèrent
3,8 millions d’emplois au Royaume-Uni. Songeons aussi au
fait que 50 % des voitures vendues au Royaume-Uni sont
de marques allemandes (BMW, Mercedes et Volkswagen).
Qu’arrivera-t-il si les Britanniques en viennent à imposer
des droits de douane à l’importation de véhicules ?
Airbus constitue un autre exemple révélateur, car cette
société aéronautique est en quelque sorte un consortium
politique mis sur pied pour permettre à des fabricants euro-
péens de compétitionner efficacement à l’échelle mondiale.
Comme Airbus emploie 15 000 personnes au Royaume-Uni,
certains en sont à se demander si les Britanniques peu-
vent revendiquer ces emplois alors qu’ils s’excluent de la
zone euro.
Avec 1,2 million d’emplois, le secteur financier britannique
sera le premier affecté par le Brexit. Sans l’Europe, la City
de Londres sera probablement reléguée au rang de centre
financier régional, alors qu’elle rivalise actuellement avec
New York. De grandes banques installées dans la capitale
londonienne, telles que JP Morgan Chase, ont déjà évoqué
la possibilité de quitter Londres pour le continent.
Toutefois, le Royaume-Uni n’est pas seul à faire les frais de
cette situation confuse. En effet, l’Europe continentale n’est
pas en reste, car plusieurs analystes craignent que sans
l’effet temporisateur des Britanniques, Bruxelles emprunte
la voie de la rigidité réglementaire et de l’interventionnisme
à outrance.
Or, il est de commune connaissance que le monde des affai-
res carbure à la prévisibilité. L’incertitude limite la capacité
d’attirer des investissements porteurs pour la croissance
économique et la création d’emplois. Les effets économi-
ques du Brexit sont donc majeurs, mais difficiles à évaluer
pour le moment.
RÉORGANISATION EUROPÉENNE
Le retrait éventuel des Britanniques de la zone euro suscite
des questions si fondamentales que bien des observateurs
suggèrent qu’une réorganisation majeure de l’Union euro-
péenne s’ensuivra. S’agira-t-il :
h D’une fragmentation encore plus grande de l’Union euro-
péenne, voire d’un morcellement qui se concrétisera sur
un fond de nouveaux départs stimulés par une perte de
la crédibilité de la zone de plus en plus associée à une
zone économique caractérisée par une croissance ané-
mique, de crises d’endettement, de chocs migratoires et
géopolitiques ainsi que de chômage ?
h D’une fuite en avant vers une union politique accélérée
dans le but de sauver les meubles ?
h Du développement d’une forme d’association à géomé-
trie variable, voire d’une formule qui permettrait, par
exemple, de retenir les Britanniques (ou toute autre nation
récalcitrante) dans le giron européen sous réserve d’un
statut spécial ?
À ce moment-ci, toutes les options semblent être sur la
table, mais bien malin celui qui saura prédire à quoi res-
semblera l’Europe de demain. (Figure) //
Note : L’article ci-dessus ayant été rédigé dans les jours suivant l’annonce des résul-
tats du référendum sur le Brexit, il est possible que des développements se soient
produits dans ce dossier au moment où vous prendrez connaissance de ce texte.
Nous vous prions d’en tenir compte dans votre réflexion.
Note de la rédaction. Ce texte a été écrit, révisé et mis en pages
par Conseil et Investissement Fonds FMOQ inc. et ses mandataires.
Il n’engage que ses auteurs.
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Le Médecin du Québec, volume 53, numéro 8, août 2016