V Le vaccin qui mime are you kidding DOSSIER THÉMaTIQUE

16 | La Lettre du Sénologue 48 - avril-mai-juin 2010
San Antonio Breast Cancer Symposium 2009
DOSSIER THÉMATIQUE
Le vaccin qui mime
la grossesse : are you kidding ?
Vaccine and pregnancy: are you kidding?
P. Pujol*
V
alerie Beral, responsable de l’unité d’épidé-
miologie du cancer à l’université d’Oxford,
a conduit la plus grande étude disponible
analysant l’influence des facteurs hormonaux sur
le risque de cancer du sein chez des femmes âgées
de plus de 50 ans : la Million Women Study. Cette
étude a donné lieu a de nombreuses publications
sur l’influence des facteurs de vie reproductive et
les traitements hormonaux.
Le cancer du sein :
une maladie professionnelle ?
V. Beral a débuté son propos par un rappel historique
de l’influence des facteurs reproductifs
sur le risque de cancer du sein : dès le
XVIII
e
siècle, une fréquence accrue de
cancer du sein avait été observée chez
les religieuses. Elle a suggéré, non sans
malice, que le cancer du sein pouvait
donc être considéré chez ces femmes
comme une véritable “maladie profes-
sionnelle”.
Leffet additionnel des facteurs
de risque reproductifs
Loratrice a montré très clairement les impor-
tantes différences d’incidence entre les populations
mondiales, allant de 1 pour les populations rurales
africaines à plus de 6 pour les populations urbaines
occidentales (figure 1). Elle a ensuite démontré la
contribution majeure de la vie hormonale de la
femme pour expliquer ces différences de fréquence.
Ainsi, l’âge de la première grossesse, le nombre de
grossesses et l’allaitement pourraient expliquer
plus de 50 % des différences d’incidence entre ces
populations (figure 2). Bien sûr, cette influence de
la vie hormonale sur le risque de cancer du sein est
* CHU Arnaud-de-Villeneuve,
Inserm 896, CRCM Val-dAurelle,
34295 Montpellier.
Figure 1. Différences d’incidence du cancer du sein en fonction
des populations. Figure 2. Effet protecteur des grossesses et de l’allaitement.
0 1 2 3 4 5 6+
0 1 2 3 4 5 6
Nombre de naissances
1,2
1,0
0,8
0,6
0,6
0,8
1,0
0,9
0,7
0,5
Risque relatif
de cancer du sein
Risque relatif
de cancer du sein
Durée totale de la lactation (années)
Références
bibliographiques
1. MacMahon B, Lin TM, Lowe CR
et al. Lactation and cancer of the
breast: a summary of an interna-
tional study. Bull World Health
Organ 1970;42:185-94.
2. Beral V. Million Women Study
Collaborators. Breast cancer and
hormone-replacement therapy in
the Million Women Study. Lancet
2003;362(9382):419-27.
3. Rossouw JE, Anderson GL, Pren-
tice RL et al. Risks and benefits of
estrogen plus progestin in healthy
postmenopausal women: principal
results from the Women’s Health
Initiative randomized controlled
trial. JAMA 2002;288(3):321-33.
Incidence cumulée
du cancer du sein (%)
6,3 %
Pays développés
1 %
Asie ou Afrique rurale
5
4
3
2
1
0
20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75
Âge
La Lettre du Sénologue 48 - avril-mai-juin 2010 | 17
Résumé
Comment faire du nouveau avec de l’ancien ? C’est un peu ce qu’a tenté de faire le Pr Valerie Beral lors d’une
présentation plénière au congrès 2009 de San Antonio. Elle y est, en partie, parvenue…
Pour étayer l’importance des facteurs de la vie reproductive sur le risque de cancer du sein, V. Beral a rappelé
les importantes différences d’incidence (allant de 1 à 6) entre les populations rurales africaines ou asiatiques
et les populations urbaines occidentales. Elle a ensuite montré que la somme des divers facteurs hormonaux
endogènes (âge de la première grossesse, nombre de grossesses, allaitement…) pouvait avoir une contribu-
tion majeure pour expliquer les différences observées entre les populations. Le rôle des hormones exogènes,
qu’elle a également rappelé, est bien établi aujourd’hui. La vraie surprise est venue en fin d’exposé, avec la
proposition étonnante d’un vaccin hormonal. Suggestion sérieuse ou humour anglais ?…
Mots-clés
Cancer du sein
Facteurs de risque
Épidémiologie
Hormones
Keywords
Breast cancer
Risk factors
Epidemiology
Hormones
connue depuis longtemps. Rappelons, par exemple, les travaux
de B. MacMahon et al. dans ce domaine (1). La nouveauté est
que ces facteurs de vie reproductive, relativement modérés pris
isolément, contribuent fortement au risque de cancer du sein
lorsqu’ils sont additionnés (figure 3).
“Utiliser les seins pour
ce pourquoi ils ont été créés !”
Or, précisément, les modifications d’habitudes de vie chez la femme
portent simultanément sur plusieurs de ces facteurs de vie hormo-
nale : âge de la première grossesse tardif, nombre de grossesses
plus faible, réduction de la période d’allaitement, prise d’hormones
exogènes (contraceptifs oraux ou traitement de la ménopause),
surpoids. À la question : “Pourquoi le cancer du sein est-il en augmen-
tation dans les pays industrialisés ?”, nous laissons à l’appréciation
du lecteur la réponse du Dr Beral : “Parce que depuis plus de deux
siècles, les femmes n’utilisent pas leur seins pour ce pourquoi ils
ont été créés ! (sic)”… Elle poursuit : “Parce que les femmes se
sont émancipées, travaillent, ont moins denfants, repoussent la
ménopause… Mais aussi parce qu’on vit plus longtemps, qu’on
mange trop, qu’on fait moins d’exercice physique.”
V. Beral a enfin rappelé les travaux montrant l’impact du trai-
tement hormonal de la ménopause (THS) par estrogène ou par
l’association estrogène-progestérone sur le risque de cancer du
sein. Elle a mis en parallèle, comme cela avait été suggéré par
P. Raudin, la chute marquée de l’incidence des cancers du sein
en liaison avec la diminution des prescriptions de THS suite à la
parution de ces grandes études (2, 3) [figure 4].
Are you kidding ?
Bien entendu, les facteurs de la vie reproductive et hormonale sur
le risque du cancer du sein sont connus depuis près de 50 ans,
et même supputés depuis plus d’un siècle. La nouveauté de la
présentation est bien l’aspect additionnel des différents facteurs
pouvant expliquer une forte incidence chez la femme occidentale.
La surprise est venue en fin d’exposé. De façon assez étonnante,
V. Beral a conclu par une proposition de vaccin hormonal. Cette
idée repose sur la forte imprégnation hormonale de la grossesse et
sur son effet protecteur. Il faut toutefois rappeler que les modifi-
cations hormonales de la grossesse ne se résument pas à un taux
d’hormones élevé, mais bien à une imprégnation multihormonale
complexe sur une longue période. La proposition est tout à fait
surprenante et, il faut bien le dire, quelque peu surréaliste. Était-elle
sérieuse ou était-ce une proposition un peu provocatrice pour
marquer les esprits… ou bien encore de l’humour anglais ?
Figure 3. Contribution des facteurs hormonaux aux différences
d’incidence.
Incidence cumulée
du cancer du sein (%)
Pays développés
6,3 %
1,8 %
Asie ou Afrique rurale
1 %
Grossesses et allaitement
2,7 %
Nutrition
5
4
3
2
1
0
20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75
Âge
Figure 4. Effet du traitement hormonal de la ménopause.
90
60
50
20
10
0
Toutes tumeurs
Tumeurs RE+
Tumeurs RE-
30
40
70
80
100
WHI
Q1 Q1 Q1 Q1 Q1
Q2 Q2 Q2 Q2 Q2Q3 Q3Q3 Q3 Q3Q4 Q4 Q4 Q4 Q4
2000 2001 2002 2003 2004
Année du diagnostic
Incidence/100 000 femmes
2000 2001 2002 2003 2004
0
20
40
60
80
n° de prescription/million
Année
1 / 2 100%
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