V Le vaccin qui mime are you kidding DOSSIER THÉMaTIQUE

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DOSSIER THÉMATIQUE
San Antonio Breast Cancer Symposium 2009
Le vaccin qui mime
la grossesse : are you kidding ?
Vaccine and pregnancy: are you kidding?
P. Pujol*
V
L’effet additionnel des facteurs
de risque reproductifs
alerie Beral, responsable de l’unité d’épidémiologie du cancer à l’université d’Oxford,
a conduit la plus grande étude disponible
analysant l’influence des facteurs hormonaux sur
le risque de cancer du sein chez des femmes âgées
de plus de 50 ans : la Million Women Study. Cette
étude a donné lieu a de nombreuses publications
sur l’influence des facteurs de vie reproductive et
les traitements hormonaux.
Références
bibliographiques
1. MacMahon B, Lin TM, Lowe CR
et al. Lactation and cancer of the
breast: a summary of an international study. Bull World Health
Organ 1970;42:185-94.
2. Beral V. Million Women Study
Collaborators. Breast cancer and
hormone-replacement therapy in
the Million Women Study. Lancet
2003;362(9382):419-27.
3. Rossouw JE, Anderson GL, Prentice RL et al. Risks and benefits of
estrogen plus progestin in healthy
postmenopausal women: principal
results from the Women’s Health
Initiative randomized controlled
trial. JAMA 2002;288(3):321-33.
L’oratrice a montré très clairement les importantes différences d’incidence entre les populations
mondiales, allant de 1 pour les populations rurales
africaines à plus de 6 pour les populations urbaines
occidentales (figure 1). Elle a ensuite démontré la
contribution majeure de la vie hormonale de la
femme pour expliquer ces différences de fréquence.
Ainsi, l’âge de la première grossesse, le nombre de
grossesses et l’allaitement pourraient expliquer
plus de 50 % des différences d’incidence entre ces
populations (figure 2). Bien sûr, cette influence de
la vie hormonale sur le risque de cancer du sein est
Le cancer du sein :
une maladie professionnelle ?
Risque relatif
de cancer du sein
V. Beral a débuté son propos par un rappel historique
de l’influence des facteurs reproductifs
sur le risque de cancer du sein : dès le
1,2
XVIIIe siècle, une fréquence accrue de
cancer du sein avait été observée chez
1,0
les religieuses. Elle a suggéré, non sans
malice, que le cancer du sein pouvait
donc être considéré chez ces femmes
0,8
comme une véritable “maladie professionnelle”.
* CHU Arnaud-de-Villeneuve,
Inserm 896, CRCM Val-d’Aurelle,
34295 Montpellier.
0,6
6,3 %
Pays développés
0
Incidence cumulée
du cancer du sein (%)
1
2
3
4
Nombre de naissances
5
6+
1,0
4
3
2
1%
Asie ou Afrique rurale
1
0
20
25
30
35
40
45
50
55
60
65
70
75
Âge
Figure 1. Différences d’incidence du cancer du sein en fonction
des populations.
16 | La Lettre du Sénologue • n° 48 - avril-mai-juin 2010
Risque relatif
de cancer du sein
5
0,9
0,8
0,7
0,6
0,5
0
1
2
3
4
5
Durée totale de la lactation (années)
Figure 2. Effet protecteur des grossesses et de l’allaitement.
6
Résumé
Mots-clés
Cancer du sein
Facteurs de risque
Épidémiologie
Hormones
Comment faire du nouveau avec de l’ancien ? C’est un peu ce qu’a tenté de faire le Pr Valerie Beral lors d’une
présentation plénière au congrès 2009 de San Antonio. Elle y est, en partie, parvenue…
Pour étayer l’importance des facteurs de la vie reproductive sur le risque de cancer du sein, V. Beral a rappelé
les importantes différences d’incidence (allant de 1 à 6) entre les populations rurales africaines ou asiatiques
et les populations urbaines occidentales. Elle a ensuite montré que la somme des divers facteurs hormonaux
endogènes (âge de la première grossesse, nombre de grossesses, allaitement…) pouvait avoir une contribution majeure pour expliquer les différences observées entre les populations. Le rôle des hormones exogènes,
qu’elle a également rappelé, est bien établi aujourd’hui. La vraie surprise est venue en fin d’exposé, avec la
proposition étonnante d’un vaccin hormonal. Suggestion sérieuse ou humour anglais ?…
connue depuis longtemps. Rappelons, par exemple, les travaux
de B. MacMahon et al. dans ce domaine (1). La nouveauté est
que ces facteurs de vie reproductive, relativement modérés pris
isolément, contribuent fortement au risque de cancer du sein
lorsqu’ils sont additionnés (figure 3).
Keywords
Breast cancer
Risk factors
Epidemiology
Hormones
Pays développés
6,3 %
Incidence cumulée
du cancer du sein (%)
5
4
“Utiliser les seins pour
ce pourquoi ils ont été créés !”
Are you kidding ?
Bien entendu, les facteurs de la vie reproductive et hormonale sur
le risque du cancer du sein sont connus depuis près de 50 ans,
et même supputés depuis plus d’un siècle. La nouveauté de la
présentation est bien l’aspect additionnel des différents facteurs
pouvant expliquer une forte incidence chez la femme occidentale.
La surprise est venue en fin d’exposé. De façon assez étonnante,
V. Beral a conclu par une proposition de vaccin hormonal. Cette
idée repose sur la forte imprégnation hormonale de la grossesse et
sur son effet protecteur. Il faut toutefois rappeler que les modifications hormonales de la grossesse ne se résument pas à un taux
d’hormones élevé, mais bien à une imprégnation multihormonale
complexe sur une longue période. La proposition est tout à fait
surprenante et, il faut bien le dire, quelque peu surréaliste. Était-elle
sérieuse ou était-ce une proposition un peu provocatrice pour
marquer les esprits… ou bien encore de l’humour anglais ? ■
2
Asie ou Afrique rurale
1%
1
0
20
25
30
35
40
45
55
50
60
65
70
75
Âge
Figure 3. Contribution des facteurs hormonaux aux différences
d’incidence.
Incidence/100 000 femmes
WHI
100
90
Toutes tumeurs
80
70
Tumeurs RE+
60
50
40
30
Tumeurs RE-
20
10
0
Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4
2000
2001
2002
2003
2004
Année du diagnostic
n° de prescription/million
Or, précisément, les modifications d’habitudes de vie chez la femme
portent simultanément sur plusieurs de ces facteurs de vie hormonale : âge de la première grossesse tardif, nombre de grossesses
plus faible, réduction de la période d’allaitement, prise d’hormones
exogènes (contraceptifs oraux ou traitement de la ménopause),
surpoids. À la question : “Pourquoi le cancer du sein est-il en augmentation dans les pays industrialisés ?”, nous laissons à l’appréciation
du lecteur la réponse du Dr Beral : “Parce que depuis plus de deux
siècles, les femmes n’utilisent pas leur seins pour ce pourquoi ils
ont été créés ! (sic)”… Elle poursuit : “Parce que les femmes se
sont émancipées, travaillent, ont moins d’enfants, repoussent la
ménopause… Mais aussi parce qu’on vit plus longtemps, qu’on
mange trop, qu’on fait moins d’exercice physique.”
V. Beral a enfin rappelé les travaux montrant l’impact du traitement hormonal de la ménopause (THS) par estrogène ou par
l’association estrogène-progestérone sur le risque de cancer du
sein. Elle a mis en parallèle, comme cela avait été suggéré par
P. Raudin, la chute marquée de l’incidence des cancers du sein
en liaison avec la diminution des prescriptions de THS suite à la
parution de ces grandes études (2, 3) [figure 4].
Grossesses et allaitement
2,7 %
Nutrition
1,8 %
3
80
60
40
20
0
2000
2001
2002
2003
2004
Année
Figure 4. Effet du traitement hormonal de la ménopause.
La Lettre du Sénologue • n° 48 - avril-mai-juin 2010 | 17
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