III - Coût de production 1) Structure de coûts / importance de la taille Voici une décomposition classique des coûts de production à la vigne, issue d’un calcul effectué par simulation d’un itinéraire, sur des vignes larges (4 000 pieds / ha), avec une exploitation de 30 ha conduite en cordon : Pour agir efficacement sur les coûts de production, il faut agir sur la taille et principalement sur les temps de reprise manuelle. 2) Effet sur le coût de production du raisin du mode de taille simplifié avec la TRP Voici la même simulation de calcul de coûts, avec comme hypothèses : Une machine TRP à 25 000 € amortie sur 7 ans, avançant à 2,5 km/h, et des temps de reprise manuelle de 12 h par ha. Nous arrivons à un coût de production de raisin par ha abaissé de 27 %, en dépit d’un investissement en matériel assez important puisque nous avons fait l’hypothèse d’une machine à 25 000 € alors que dans l’itinéraire classique on prend comme hypothèse une prétailleuse coûtant 13 500 €. 3) Coût de la transformation du vignoble En dehors de la situation de création d’un nouveau vignoble, pensé dès le départ pour ce mode de conduite, deux cas de figure principaux se présentent : à partir d’un cordon existant, où à partir d’un guyot. Dans les deux cas, le temps de la transformation est à prendre en compte, il est très variable suivant l’état initial. Il faut compter entre 2 et 5 ans de formation (ébourgeonnage, etc.) avant d’obtenir le meilleur gain temps pour la reprise manuelle (8 à 12 h/ ha). 4) Rentabilité de l’investissement Les calculs de coûts montrent que la différence entre les deux modes de conduite évoqués ci-dessus atteint 662 € par ha, soit sur cette exploitation type de 30 ha : 19 860 € par an. Cette économie est surtout une économie de main-d’œuvre. Ces graphiques montrent que, en utilisant le système TRP les économies sont concentrées sur les charges de maind’œuvre non qualifiée. Si, sur l’exploitation il y a peu de main-d’œuvre occasionnelle et que le nombre de salariés permanents est incompressible en raison des autres travaux à réaliser, le mode de conduite avec la TRP apportera plus un confort de travail et un report de charges sur d’autres postes que de réelles économies. Conclusions • La taille rase de précision est une taille mécanisée au maximum. • L’intervention manuelle est toujours nécessaire. • Le gain de temps dépend de la précision de la machine et de la vigne (vigueur, etc…). • Les progrès réalisés au niveau des machines appellent de nouveaux essais ! • Ne pas négliger l’investissement de départ pour la transformation du vignoble (cas d’adaptation d’un guyot, d’une nouvelle plantation). • Les gains peuvent être significatifs, en coût par ha ou juste en termes de temps de travail. Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2008 17 Changement climatique, évolution des rendements et irrigation Jean-Christophe PAYAN, Institut Français de la Vigne et du Vin Elian SALANÇON, Institut Français de la Vigne et du Vin ; Bernard SEGUIN, INRA Avignon ; Iñaki GARCIA DE CORTAZAR ATAURI, CNRS Montpellier ; Bernard GENEVET, Chambre d’agriculture du Gard ; Olivier JACQUET, Chambre d’Agriculture du Vaucluse. Compte tenu du changement climatique déjà observé (IPCC 2001), des hypothèses émises sur son évolution (Seguin 2006, 2007), et pour faire face à un souci d'amélioration de la compétitivité économique de la filière viti-vinicole française, la maîtrise des conditions de production à la parcelle est un enjeu d'actualité. De récents travaux (García de Cortázar 2007 ; Moriondo et Bindi 2007) proposent d'utiliser des outils de modélisation pour évaluer le comportement de la vigne face au changement climatique à venir. Les résultats obtenus confirment une tendance déjà observée dans la région méditerranéenne : baisse des rendements sous l’effet prépondérant du climat. Ceci se traduit entre autre par un besoin de maîtrise des conditions d'alimentation en eau pour lequel de nombreuses expérimentations apportent d’ores et déjà des résultats quant à l’effet de l’irrigation sur les composantes qualitatives et quantitatives de la récolte. 1. Le changement climatique En 2007, le Groupe Intergouvernemental d’Etude sur le Climat (GIEC) s’est réuni à Paris pour présenter la synthèse de ses derniers travaux relatifs aux différents scénarios liés à l’augmentation des températures d’ici 2100 (figure 1). Quel que soit le scénario retenu, du plus “optimiste” (B1 = régulation de l’émission des gaz à effet de serre à échelle mondiale) au plus “pessimiste” (A2 = non régulation de l’émission de gaz à effet de serre), on observe une élévation conséquente de la température moyenne. Les impacts du changement climatique sur la vigne s’étudient en utilisant des modèles de culture pour simuler le développement de la vigne. Un travail coordonné en ce sens par la Chambre d’Agriculture du Vaucluse inclus l’IFV et l’INRA d’Avignon ainsi que d’autres partenaires professionnels pour évaluer les possibilités d’adaptation de la conduite du vignoble méditerranéen au changement climatique*. Les résultats préalablement acquis indiquent qu’au vignoble, les conséquences se traduiront principalement par une modification du cycle phénologique, avec une accélération de la croissance des organes (Brisson 2004). La date de floraison de la vigne pourrait être avancée de deux à trois semaines, et la date des vendanges de presque un mois. Des travaux récents montrent d’ores et déjà une plus grande précocité (presque un mois) de la date de récolte dans les Côtes-du-Rhône ou le Médoc (Ganichot 2002). Il est de ce fait probable que certaines pratiques culturales ou conditions d’installation du vignoble soient amenées à évoluer (García de Cortázar et al. 2004). Les conséquences œnologiques se traduiront par une maturation réalisée plus précocement en sai- son, en pleine période estivale, avec une modification des caractéristiques organoleptiques du raisin (Lebon 2002, García de Cortázar 2006). La typicité des vins sera ainsi affectée. De ce fait, il est probable qu’une modification des aires d’encépagement actuelles se mette progressivement en place, avec une tendance à la méridionalisation des vignobles (Schultz 2000 ; Jones et al. 2004 ; Seguin et García de Cortázar 2004). García de Cortázar (2007) indique par exemple que les exigences de maturation de la Syrah pourraient être satisfaites sur la quasi-totalité du territoire à la fin du XXIe siècle, bien que le produit fourni n’ait pas les mêmes caractéristiques organoleptiques que dans ses aires de répartition actuelle. 2. Evolution des rendements Un rapport du CEVISE (2007) montre clairement que depuis plus de 20 ans les rendements diminuent dans le sud-est alors qu’ils ont tendance à stagner ou à augmenter dans les autres régions viticoles françaises (figure 2). Ce rapport provisoire met en lumière l’importance des conditions climatiques méridionales sur la baisse de production. Avant d’évaluer l’évolution probable des rendements sur les années à venir, il est donc important de connaître les changements attendus dans les régimes pluviométrique et thermique à l’échelle de la France en général et sur l’arc méditerranéen en particulier. A l'échelle de la France, des études montrent déjà une tendance à l’accentuation des écarts de pluviométrie entre le nord et le sud d'une part, et entre saisons d'autre part (Planton 2003). A l’échelle intra-annuelle, les hivers seront plus pluvieux qu’actuellement, mais il demeure surtout trois saisons plus sèches (printemps, été, automne), plus particulièrement encore dans les régions du Sud de la France (Seguin 2006). Au niveau des températures, toutes les saisons seront Figure 1 : Scénarios d’évolution de la température moyenne planétaire pour la fin du XXIe siècle (IPCC 2007). 18 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2008 * Projet CASDAR 2008-2010 : “viticulture et changement climatique : adaptation de la conduite du vignoble méditerranéen” (Chambre d’Agriculture du Vaucluse ; IFV ; INRA Avignon ; CIRAME ; Inter-Rhône ; Chambres d’Agriculture Drome, Gard, Hérault ; LEGTA Carpentras ; Supagro) 3. Irrigation, qualité et rendement Figure 2 : Evolution des rendements dans le Rhône, la Gironde et dans le Sud-Est de la France (CEVISE 2007). confrontées à une augmentation de la température moyenne, encore plus marquée en hiver et là aussi dans le Sud de la France. En intégrant ces éléments dans le modèle de culture STICS-vigne, García de Cortázar (2007) propose une représentation des conséquences du changement climatique sur la vigueur et le rendement des différents vignobles français, en prenant en compte leurs caractéristiques agronomiques actuelles (figure 3). Compte-tenu d’un regain des précipitations en hiver, d’une avance du débourrement et de températures plus clémentes au printemps, la croissance printanière des vignes pourrait être améliorée, en augmentant ainsi la biomasse végétative produite. Par ailleurs, les éléments du climat qui apparaissent pénalisants en région méditerranéenne (températures trop élevées, sécheresse intense) ne sont pas aussi marqués sur l’ensemble du territoire et n’atteignent pas forcément le caractère de facteur limitant. En plus d’une biomasse végétative plus importante qu’actuellement, certains vignobles seront ainsi plus proches de conditions agroclimatiques optimales pour la vigne, permettant ainsi une amélioration substantielle des rendements. A échelle méditerranéenne cependant, les températures estivales atteindront des valeurs destructrices pour les tissus végétaux (brûlures, échaudages), et les conséquences de la sécheresse prolongée entraîneront une dépréciation des rendements avec une modification des caractéristiques qualitatives des raisins. Compte-tenu des caractéristiques actuelles du climat, l’effet positif du réchauffement sur les rendements dans les vignobles septentrionaux devient négatif dans les vignobles méridionaux, les stress thermiques et hydriques consécutifs au changement climatique étant directement responsables de ce phénomène. En région méditerranéenne, la vigne devra ainsi réaliser son cycle dans une période certes plus chaude, mais aussi plus sèche qu'à présent, augmentant la nécessité pour les viticulteurs de recourir à l’irrigation comme palliatif au déficit pluviométrique. Figure 3 : Estimation de l’impact du réchauffement climatique sur la biomasse végétative et le rendement viticole français à la fin du XXIe siècle (García de Cortázar 2007). Concernant l’impact de l’irrigation sur les composantes qualitatives du raisin, sur les rendements et sur les caractéristiques organoleptiques du vin, de nombreuses expérimentations ont été réalisées au vignoble ces dernières années en région méditerranéenne. Un groupe de travail représenté par l’IFV, les Chambres d’Agriculture du pourtour méditerranéen, le CIRAME, le CIVAM Corse et le Syndicat des Côtes du Rhône en relation avec les laboratoires de l’INRA permet d’échanger régulièrement sur les résultats obtenus. Les Chambres d’Agriculture du Gard et du Vaucluse proposent une synthèse des principaux effets de l’irrigation sur le raisin : – Effet sur le taux de sucres : en permettant un meilleur fonctionnement photosynthétique du feuillage, l’irrigation a pour effet une augmentation systématique du taux de sucres, quelle que soit la dose d’irrigation employée. En situation non irrigable, un décalage de 7 à 10 jours de la date de récolte permet de compenser ce retard à la maturation, parfois au détriment du poids de récolte. – Les effets sur la couleur sont plus nuancés, les excès d’eau sont très vite pénalisant (effet dilution), plus particulièrement sur les cépages à faible potentiel (cas du Grenache par exemple). Des résultats similaires s’observent sur Syrah, mais même si elles demeurent inférieures au témoin, les valeurs d’intensité colorante sur vin fini des modalités irriguées sont satisfaisantes dans la plupart des cas. – Caractéristiques organoleptiques des vins : même en cas de très forte contrainte hydrique (2003 par exemple), la typicité des vins non irrigués n’a pas été affectée. Les modalités irriguées de façon raisonnée ne se sont pas démarquées d’un point de vue qualitatif, bien que les rendements aient étés plus importants. On peut cependant rapidement tomber dans le cas de l’excès d’eau qui entraîne des vins peu colorés, dilués et dépréciés à la dégustation. De récents résultats de dégustation d’essais en verre noir vont dans le même sens : même s’il existe des relations entre l’état hydrique de la vigne et les caractéristiques du raisin, il est assez difficile d’établir un lien entre l’itinéraire hydrique de la parcelle et le profil gustatif du vin obtenu (l’alimentation hydrique de la vigne n’explique pas à elle seule la totalité du profil organoleptique d’un vin). – Effet sur le rendement : l’irrigation à un effet positif et systématique sur le poids des baies. Cependant il n’y a pas de proportionnalité entre les quantités d’eau Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2008 19 apportées par irrigation et le surplus de rendement obtenu. Dans les différents essais réalisés, l’irrigation n’a pas permis de stabiliser les rendements : il y a davantage de variation entre les différents millésimes qu’entre les modalités sèches et irriguées. Pour proposer un ordre de grandeur, les irrigations “qualitatives” sont de l’ordre de 40 à 80 mm maximum et génèrent des hausses de rendement allant de 15 à 40 % par rapport au témoin non irrigué. Fort de ces résultats, une étude a été réalisée par García de Cortázar (2007) à l’aide du modèle STICS-vigne pour voir dans quelle mesure l’irrigation pouvait compenser les effets du changement climatique sur la baisse de production dans le sud-est de la France. Les résultats montrent deux choses (figure 4) : – L’irrigation permet de limiter les effets du changement climatique mais pas de compenser totalement la perte de rendement ; – Les doses d’irrigation optimales à apporter (calculées pour maximiser les effets de l’irrigation sur le poids des baies) sont relativement faibles en viticulture et confortent les observations réalisées par les essais au vignoble : 90 mm maximum. Conclusion Le changement climatique se traduira au vignoble par des répercussions différentes en fonction des régions considérées. En région méditerranéenne, l’effet cumulé de la hausse des températures et de la baisse du régime pluviométrique entraînera de façon certaine une réduction des rendements. Cette tendance annoncée est déjà observée en régions PACA et Languedoc-Roussillon. Si il paraît opportun de recourir à l’irrigation comme palliatif à la baisse de production, les résultats obtenus montrent que cette pratique ne suffira pas à elle seule à compenser les effets des stress thermiques et hydriques. Par ailleurs, tous les vignobles ne sont pas égaux face à la disponibilité en eau. D’autre part, l’accès à l’eau pour les régions à fort déficit risque d’être de plus en plus réglementé, obligeant les viticulteurs à repenser un certain nombre de pratiques culturales. C’est dans cet esprit que les travaux aujourd’hui engagés visent à évaluer les possibilités d’adaptation des itinéraires techniques face au changement climatique et à repenser les conditions d’implantation des vignobles dans le respect de la qualité des produits obtenus et de la rentabilité économique des exploitations méridionales. 20 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2008 Figure 4 : Evaluation des rendements par le modèle de culture STICS-vigne pour la période 2070-2100 pour une parcelle des Côtes-du-Rhône sous deux scénarios climatiques et avec ou sans irrigation (Garcia de Cortazar 2007). Scénario B1 = scénario “moyen/optimiste” ; scénario A2 = scénario “pessimiste”. Quantité optimisée d’irrigation : 75 mm pour B2 ; 90 mm pour A2. Bibliographie Brisson N. 2004 Questionnements sur l'impact du changement climatique sur les grandes cultures. Séminaire MICCES INRA, Isle sur Sorgue, 22-23 janvier 2004. CEVISE 2007 Le mystère de la dérive des rendements du sud est quasiment résolu: ce sont les évolutions climatiques qui handicapent depuis déjà 20 ans les rendements viticoles du grand sud-est de la France. http://www.vitisphere.com/cevise/ Img/Actus/evolution%20climatique.pdf Ganichot B. 2002 Evolution de la date des vendanges dans les Côtes-du-Rhône méridionales. 6es Rencontres Rhodaniennes, éd. Institut Rhodanien, Orange, France : 38-41. García de Cortázar Atauri I. 2006 Impacts sur le vignoble, perspectives. Le Changement climatique: quelles conséquences pour l'agriculture et la sylviculture régionales ? Rencontre Chercheurs/Professionnels. 2 février. INRA. Avignon. García de Cortázar I. 2007 Adaptation du modèle STICS à la vigne (Vitis vinifera L.). Utilisation dans le cadred d’une étude d’impact du changement climatique à l’échelle de la France. Thèse ENSAM, 292p. García de Cortázar Atauri I., Brisson N. et Seguin B. 2004 Estimation de l'impact du changement climatique sur les résultats agronomiques de la vigne avec le modèle STICS. Cahier Technique Mondiaviti, éd. ITV France : 151-159. IPCC 2001. Climate change 2001 : impacts, adaptation and vulnerability. Contribution of Working Group II to the third assessment report of IPCC, Cambridge University Press, Cambridge. Jones G. V., White M. A. et Cooper O. R. 2004 Climate change and global wine quality. Climatic Change. (in review). Lebon E. 2002 Changements climatiques: quelles conséquences prévisibles sur la viticulture ? 6es Rencontres Rhodaniennes, éd. Institut Rhodanien. Orange, France. p. 31-36. Moriondo M. et Bindi M. 2007 L’impact du changement climatique sur la vigne (Vitis vinifera L.) dans l’échelle régionale : phénologie, production et réponses aux stress biotiques. C.T. du congrès Conclivi sur le climat et la viticulture : 5-9. Planton S. 2003 A l'échelle des continents : le regard des modèles. Comptesrendus de l'Académie des Sciences, Paris. Tome 335, n°6-7 : 535-543. Schultz H.B. 2000 Climate change and viticulture : a european perspective on climatology, carbon dioxyde and UV-B effects. Australian Journal of Grape and Wine Research, 6 : 1-12. Seguin B. 2006 Les impacts du changement climatique sur la production agricole. Exposé oral, Seguin B. 2007 Les hypothèses d’évolution du climat pour les principaux vignobles. Comptes-rendus Euroviti, Montpellier, éd. ITV France Seguin B. et García de Cortázar Atauri I. 2004 Climate warning : consequences for viticulture and the notion of “terroirs” in Europe. 7th International Symposium of Vineyard Physiology and Biotechnology, 21-25 june, Davis USA. Protection du vignoble : Incidences sur les coûts de production en Rhône-Méditerranée Bernard MOLOT, Institut Français de la Vigne et du Vin Un contexte difficile : de multiples raisons amènent logiquement bon nombre de producteurs à rechercher une réduction de leurs coûts de production et donc, entre autres, de leurs coûts de protection. La première des raisons est sans aucun doute une situation économique fortement fragilisée par la crise viticole, alliée à une demande sociétale forte pour une viticulture respectueuse de son environnement relayée par une pression médiatique soutenue. L’évolution vers la viticulture raisonnée est particulièrement nette depuis quelques années et la réduction de quelques 45% des intrants phytosanitaires (en tonnage) en 10 ans en est la meilleure des démonstrations. Malgré ce les coûts de protection sont encore jugés excessifs par beaucoup dans le contexte économique actuel et la faible pression parasitaire de 2003 à 2006 a incité bon nombre d’entre eux à rédui- 81 % 78 % re encore davantage leur utilisation de produits phytopharmaceutiques (PPP), malheureusement trop souvent sur la base d’un raisonnement plus économique que technique, que le contexte sanitaire difficile de 2007 a parfois durement sanctionné. Comment estimer les coûts de production ? Les calculs ont été réalisés pour la partie Languedoc-Roussillon à partir des chiffres 2006 fournis par les centres de Gestion LR. Ils concernent 3 types d’exploitation, coopérateur strict, vigneron en cave particulière avec vente en bouteille et vigneron en cave particulière avec vente en vrac. Ces catégories sont respectivement reprises dans les graphiques sous les abréviations “CC”, “CP btl” et “CP VRAC”. Les calculs concernant la région PAC proviennent des “Références Technico-Economiques 2006” publiées annuellement par la Chambre d’Agriculture du Vaucluse. Ils sont basés sur 4 exploitations types : AOC Côtes du Rhône, AOC Côtes du Luberon, vin de Pays Merlot et AOC Côtes du Ventoux. Quelle est la part des PPP dans les coûts de production ? Figure 1 : Parts des PPP dans approvisionnements Source LR : Centre de Gestion - Source PACA : CA 84 100 % 90 % MO Matériel Foncier/Plantation Appros Divers PPP Engrais 80 % 70 % 60 % 50 % 40 % 30 % 20 % 13,9 % 12,4 % 10 % 0% CC CP BTL CP VRAC Moyenne LR AOC CDR AOC LUBERON Figure 2 : Parts des PPP dans coûts de production VdP MERLOT AOC Moyenne VENTOUX PACA La part des PPP peut être étudiée sur plusieurs critères à commencer par le plus simple, les approvisionnements. Sur ce poste leur importance est comparable (figure 1) d’une région à l’autre et représente environ 80 % des achats, loin devant le poste engrais. Cette part apparemment importante devient toutefois nettement plus relative si on la compare aux coûts totaux de production, calculés en intégrant prix du foncier et frais de plantation, matériel (amortissement, entretien et carburant). Les PPP ne représentent plus alors que 12 à 14% du coût total (figure 2) bien loin derrière les charges de main-d’œuvre qui constituent de toute évidence le poste le plus important en Rhône-Méditerranée (environ 45% en LR et 38% en PACA). Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2008 21 Présentés en valeur absolue (figure 3), les coûts par hectare en PPP vont de 394 € (fongicides, insecticides et herbicides) en LR à 427 € en secteur PACA, face à des coûts totaux de production de l’ordre d’un peu plus de 3 000 €/ha. Face à des rendements moyens de 62 hL/ha en LR et de 54 hL/ha en PACA, les coûts moyens de production ramenés à l’hectolitre produit (figure 4) sont de 51 €/hL en LR et de 57,5 €/hL en PACA. MO Matériel Foncier/Plantation Appros Divers PPP Engrais La part des PPP dans ce contexte est donc de 6,4 €/hL en LR et de 8,0 €/hL en PACA. Ramenés à une bouteille de 0,75L, les PPP (figure 5) apparaissent ainsi à hauteur d’environ 0,054 €, soit 9% du prix total des autres fournitures lors de la mise, avec 40 % pour la bouteille, 37 % le bouchon et 14% de la capsule, ces proportions ne comptabilisant pas le prix de l’étiquette, trop fluctuant selon le graphisme choisi, ni celui …du vin (Références : Coûts des Fournitures en Viticulture). 394 427 Figure 3 : Coûts par hectare. Les conclusions de cette approche économique sont donc globalement claires : une diminution - même importante - des intrants phytosanitaires ne peut avoir que très peu d’impact sur le coût de production et donc la compétitivité. A tître indicatif une réduction de 50% des intrants, telle que souhaitée par le Grenelle de l’environnement, se répercuterait par une baisse de 2 à 3 centimes d’Euros à la bouteille et ceci en supposant que les solutions alternatives espérées soient gratuites, ce qui ne sera évidemment probablement pas le cas. L’intérêt d’une diminution des PPP n’est donc pas d’ordre majoritairement économique mais bel et bien environnemental et sociétal. Les techniques de protection raisonnée, voire intégrée, permettent dès à présent au vigneron de n’appliquer que les seuls traitements indispensables en privilégiant les molécules les moins agressives tant pour l’applicateur que pour l’environnement et in fine le consommateur. La marge de progression est évidemment plus étroite que lors des dix dernières années et les quelques 45 % de réduction constatés seront beaucoup plus difficiles à reproduire. Parallèlement le vigneron flirtera inéluctablement avec “LE” traitement qu’il ne fallait pas supprimer, aux incidences économiques potentiellement très graves, notamment dans le cas du mildiou. Mildiou : jusqu’où ne pas aller ? L’exemple et les chiffres cités plus bas (figure 6) proviennent d’une expéri22 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2008 MO Matériel Foncier/Plantation Appros Divers PPP Engrais Figure 4 : Coûts €/hL. Capsule : 14 % Bouchon : 37 % Bouteille bord. : 40 % PPP : 9 % 0,054 € Figure 5 : Part relative des PPP à la mise en bouteille 0,75 cL. mentation conduite par l’IFV en 2007 dont le but était de comparer des stratégies préventives avec des stratégies intervenant sur mildiou en cours d’incubation ou déclaré. La stratégie préventive (P5) choisie est de type “haut de gamme” avec 5 fongicides systémiques positionnés à 14 jours. Coût tt Pertes € Ventes Mais la marge de manœuvre reste cependant étroite et le recours à des stratégies à cadence flottante et non plus fixe restera encore longtemps dépendant des autres interventions, notamment contre oïdium, ou de la superficie des exploitations et de leur équipement qui conditionnent la durée du chantier de traitement et donc la possibilité d’intervenir très rapidement. Conclusions Pgm préventif (5tt) préventif/curatif 5tt Pgm curatif (4tt) Pgm curatif (3tt) Témoin Figure 6. La stratégie préventive/ curative (PC5) associe 2 systémiques préventifs en début et fin, les 3 traitements intermédiaires utilisant un systémique préventif/stoppant positionné aux mêmes dates que précédemment. La stratégie curative (C4) démarre 15 jours plus tard, avec un fongicide stoppant positionné sur un mildiou en cours d’incubation, suivi par 2 autres (avec ce même produit) identiques à cadence 14 jours puis par un dernier de type uniquement préventif. Elle ne comporte que 4 traitements. La stratégie “éradicante” (C3) comporte 3 applications du même produit préventif/curatif, le premier intervenant sur mildiou déclaré. La comparaison P5/PC5 montre que le recours à des produits dotés d’effet stoppant n’est pas systématiquement gage d’une efficacité accrue. Les stratégies P5, PC5 et C4 ont en 2007 assuré une protection anti-mildiou équi- valente, démontrant ainsi qu’il était parfaitement possible d’économiser un traitement à condition que le premier traitement soit réalisé avec un fongicide doté d’effet de post-contamination et de le positionner dans les 48 heures suivant la pluie ayant déclenché le 3e cycle secondaire. L’économie est ainsi d’environ 50 €/ha pour des pertes de récolte très voisines et d’environ 300 €/ha. Cette même stratégie, appliquée en début du 4e cycle secondaire montre par contre clairement ses limites, puisque les pertes de récolte se chiffrent à environ 1 600 €/ha et font plonger les ventes à un niveau largement inférieur aux coûts globaux de production cités précédemment…. Il est donc clair que des économies sont possibles en raisonnant la date d’intervention et le choix du fongicide, y compris dans un contexte de pression parasitaire forte puisque le témoin non traité présentait 80 % de pertes de récolte… Avec un coût de la protection phytosanitaire qui représente moins de 15 % des coûts de production en LR ou PACA soit un peu plus de 5 centimes d’euro par bouteille, les PPP ne constituent donc pas un poste susceptible de générer des gains significatifs de compétitivité. La réduction des intrants PPP est par contre associée à une demande sociétale forte concrétisée, entre autres, par le récent Grenelle de l’environnement que la viticulture se doit de prendre impérativement en compte. Avec la réduction de près de 45% des tonnages de PPP utilisés au cours des dix dernières années, elle a déjà démontré sa volonté d’évoluer vers une production intégrée soucieuse de son environnement. Il lui sera de toute évidence beaucoup plus difficile de reconduire cette réduction dans les dix prochaines années. Le recours à des solutions “alternatives” reste entièrement à inventer et ces dernières auront un coût, laissant assez peu d’espoir pour une réduction des coûts de protection dont l’incidence serait de toute façon minime. Les gains de compétitivité sont donc à rechercher ailleurs et tout particulièrement sur le poste de la main-d’œuvre. Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2008 23 Itinéraire de vinification Nouvelles technologies et caractérisation du potentiel qualitatif de la vendange Jean-Michel DESSEIGNE, Institut Français de la Vigne et du Vin Introduction La qualité d’un vin dépend d’un ensemble de facteurs dont la qualité du raisin est l’élément de base. La caractérisation de son potentiel qualitatif est donc logiquement une des priorités du viticulteur et de l’œnologue désirant produire un vin de qualité, adapté au marché. On souhaite contrôler la maturation, récolter à la date optimale, rémunérer en fonction de la qualité, adapter et planifier les process de vinification en fonction d’un style de vin prédéterminé, voire garantir la traçabilité de la vigne au consommateur. Outre la détermination de la teneur en sucre par réfractométrie, les premiers instruments de détermination de la qualité sanitaire des raisins ont été proposés dès le début des années 1990. Ils sont basés sur des principes soit polarographiques, soit colorimétriques. Leurs performances respectives sont bien connues. On assiste actuellement au développement de nouveaux instruments de mesure qui permettent, ou devraient permettre, un contrôle direct et automatique sur la ligne de réception ou à la parcelle : spectroscopie infrarouge, spectroscopie de fluorescence, vision multispectrale… Les paramètres à mesurer Les critères de qualité de la vendange sont nombreux et variés. Certains sont liés à la plante elle-même (cépage, clone…), au terroir, aux conditions de production. La teneur en sucre reste le critère le plus utilisé. Marqueur de la maturité, de nombreux autres paramètres qualitatifs 24 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2008 peuvent être reliés à son évolution. Cependant il s’avère insuffisant pour une caractérisation fine du potentiel de la vendange. La structure acide est également couramment utilisée : acidité totale, teneurs en acide malique et tartrique. La connaissance de son évolution peut permettre de planifier les récoltes, puis la constitution de lots homogènes. Pour l’élaboration de vins rouges ou rosés, la détermination des teneurs en anthocyanes et en polyphénols totaux revêt une grande importance. La composition azotée des raisins permet d’évaluer la fermentescibilité et peut être reliée dans certains cas au potentiel aromatique. La caractérisation sur site de ce dernier serait très utile, mais elle reste actuellement accessible uniquement en laboratoires spécialisés. Des caractéristiques physiques peuvent également constituer des indicateurs de qualité, comme par exemple la taille des baies, leur couleur… Enfin, l’état sanitaire des raisins est un critère particulièrement important, en raison des risques d’altérations qualitatives. La caractérisation de la qualité est réalisée actuellement par échantillonnage. La représentativité des prélèvements conditionne étroitement la qualité des déterminations réalisées. Sur de la vendange, l’échantillonnage est une opération complexe, en raison de l’hétérogénéité au sein des grappes, des baies, entre les parties solides et les parties liquides, et de l’incidence importante de paramètres tels que les durées de macération, la température, le niveau de trituration de la vendange. Enfin, pour certaines caractérisations, comme les polyphénols, les constituants doivent être extraits de manière reproductible. Spectroscopie infra rouge La spectroscopie infrarouge est déjà très largement développée dans d’autres filières agricoles (viande, céréales, produits laitiers) pour la caractérisation des produits. En œnologie, les premières applications en France sont apparues au début des années 2000, avec des spectromètres à Transformée de Fourrier. La technologie est potentiellement capable de fournir rapidement les concentrations des principaux solutés intéressants pour l’œnologue. Elle peut renseigner sur des paramètres jusqu’à ce jour inaccessibles aux caves de production, tels que ceux nécessitant des analyses fines de laboratoires ou de nouveaux indicateurs qualitatifs. Le principe repose sur une mesure spectrale et un étalonnage préalable. En phase d’étalonnage, les informations contenues dans les spectres sont corrélées à des valeurs du paramètre à prédire. Un modèle prédictif est établi par des méthodes mathématiques et statistiques du type PLS et réseaux de neurones. Ce modèle prédictif permet alors de convertir un spectre en une valeur pour un paramètre donné. La spectroscopie Moyen Infrarouge, à Transformée de Fourrier, s’adresse aux longueurs d’onde comprises entre 2 et 25 µm. Cette large bande spectrale permet de caractériser un très grand nombre de constituants (sucres, acidité totale, pH, acides, potassium, anthocyanes,….). Elle pourrait également permettre de répartir la vendange en différentes classes selon l’état sanitaire, voire les risques de présence de contaminants. Le champ d’investigation de l’IRTF est donc très large. Des améliorations devraient être apportées dans les années à venir pour améliorer la justesse et la fiabilité des mesures réalisées, qui peuvent à ce jour être très variables selon les équipements et les bases de calibration utilisées. Une des limites actuelles est également la sensibilité des appareillages aux conditions de milieu, comme les vibrations, les poussières, les variations thermiques… La spectroscopie Proche Infrarouge reste encore peu utilisée en France malgré de fortes potentialités. En effet, dans cette plage spectrale, la lumière traverse les produits sur des longueurs pouvant atteindre plusieurs centimètres. Il est donc possible de réaliser des mesures directement sur des produits entiers (baies, grappes), en ligne, ou sur des moûts bruts, non filtrés. Le nombre de paramètres mesurables est cependant beaucoup plus faible que dans le cas de l’IRTF. La qualité de réponse des capteurs dépend étroitement de la base de calibration utilisée, de la robustesse des modèles prédictifs, ainsi que des conditions de réalisation des mesures. Vision numérique La vision numérique (images en couleur dans le visible) ou multispectrale (plusieurs bandes de longueurs d’ondes) présente également de fortes potentialités pour la caractérisation qualitative de la vendange. Un nouveau capteur est en cours de mise au point. Des “photographies” sont prises directement sur les bennes à vendange ou au niveau des conquêts. Le traitement informatique du cliché par des techniques d’analyse d’images permet d’identifier les corps étrangers et les fragments herbacés (rafles, feuilles, pétioles). L’intensité de la couleur des baies est évaluée par analyse colorimétrique de l’image. Ce procédé pourrait permettre de sélectionner les vendanges à leur arrivée à la cave en fonction de critères tels que la propreté, la couleur, les caractéristiques physiques (taille des baies, niveau d’hétérogénéité), et ceci sans aucun contact ni prise d’échantillon. Une des perspectives pourrait être également le développement d’algorithmes d’analyses d’image pour un diagnostic de l’état sanitaire de la vendange, par quantification des baies ou grappes pourries. La vision numérique peut également avoir des applications à la parcelle. Un capteur optique piéton est en cours d’expérimentation pour l’estimation précoce des rendements parcellaires. Le système expérimental portable permet d’estimer le volume des grappes à partir d’une simple photographie numérique. Un logiciel spécifiquement développé détecte la grappe sur l’image et estime son volume à partir d’une simple projection bidimensionnelle. Conclusions En conclusion, la caractérisation de la qualité ou du potentiel qualitatif de la vendange constitue un enjeu majeur, mais pose encore des problèmes encore non résolus totalement. De nouveaux outils d’évaluation de la qualité sont proposés, offrant des potentialités importantes. Si la faisabilité des mesures et l’intérêt de tels outils sont généralement acquis, des mises au point restent pour la plupart nécessaires pour leur application en conditions réelles de production, à la parcelle ou en réception de vendange. Bibliographie – Blouin J., 2001. Analyseurs de vendange, Vigne et Vin Publications Internationales, Bordeaux, pp 243-245. – Celotti E., De Prati G., Charpentier C., Feuillat M. , 2008. Mesure de la maturité phénolique directement à la vigne : expériences en Bourgogne. Revue des œnologues, n°127 – Chabas J., P.Grenier, C.Sinfort, J.M. Desseigne , 2003.Technologies de précision en cave vinicole. Editions Cemagref – Crachereau J.Ch. , 2003. Qualité sanitaire de la vendange. Actes du colloque Euroviti 2003, ITV France – Desseigne J.M., 2006. Nouvelles technologies de mesure et caractérisation de la vendange. Acte des conférences “Lien de la Vigne”, mars 2006. – Desseigne J.M., J.C.Payan, M. Crochon, J.F. Ballester, J. Mazolier, 2003. Spectrométrie proche infra rouge et appréciation de la qualité de la vendange. Actes du colloque Euroviti 2003, ITV France – Dubernet M ,2000. Analyse objective de la qualité des vendanges par spectrométrie infrarouge à transformée de Fourier (IRTF) et réseaux de neurones, Revue française d’œnologie, n°185 – Kennedy A.M., An Australian case study : introduction of new quality measures and technologies in the viticultural industry, Proceedings : Eleventh Australian wine industry technical conference, 2002, pp 199-205. – Rousseau J., 2003. Utilisation de l’IRTF et du proche infrarouge en réception de vendange. Actes du colloque Euroviti 2003, ITV France – Roussel S., Ch Guizard, JL Théraroz, M.Philippe, 2005. Estimation de la qualité de la vendange au chai. Système de la vision. Acte du colloque “L’innovation en viticulture/œnologie”. ITV France – Serrano E. , S. Roussel , 2005. Capteurs aux champs : estimation de rendement par le REV (Rendement Estimé par le Volume). Acte du colloque “L’innovation en viticulture/œnologie”. ITV France – Tisseyre B, 2005. Viticulture de précision : les systèmes de mesure embarqués. Actes du colloque Euroviti 2005, ITV France – Bertrand D., Dufour E., La spectroscopie infrarouge et ses applications analytiques, Collection Sciences et Techniques agroalimentaires, Ed. Tec et Doc, Paris, 2000. – Bouvier J.C., Réflexion sur l’analyse œnologique par spectrométrie infrarouge, Revue française d’œnologie, n°191, nov./déc. 2001, pp 16-17. – Carbonneau A., Champagnol F., Deloire A., Sevila F., Récolte et qualité du raisin, œnologie, Fondements scientifiques et technologiques, ouvrage coordonné par Flanzy C., Ed. Tec et Doc, 1998, pp 647-659. – Desseigne J.M., Payan J.C., Crochon M et al. Spectroscopie proche infra rouge et appréciation de la qualité de la vendange.Cahier Technique 14 e colloque viticole et œnologique EUROVITI, ITV France, 2003, pp 168- 172 – Dubernet M., Dubernet M., Dubernet V., Coulomb S., Lerch M., Traineau I., Analyse objective de la qualité des vendanges par spectrométrie infrarouge à transformée de Fourier (IRTF) et réseaux de neurones, Revue française d’œnologie, n°185, nov./déc. 2000, pp 18-21. – Rousseau J., Les méthodes d’évaluation objective de la qualité des apports, Compte rendu des septièmes rencontres rhodaniennes sur le management de la qualité dans les AOC de la vallée du Rhône, Caderousse, mars 2003, pp 36-43. – Rousseau J., Utilisation de l’IRTF et du proche Infra Rouge en réception de vendange. Cahier Technique 14e colloque viticole et œnologique EUROVITI, ITV France, 2003, pp 140-148. Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2008 25 Comparaison de différents itinéraires de vinification pour la production de vins fruités ou structurés Patrick VUCHOT, Inter-Rhône Mots-clés : vin, tanins, fruité, techniques 1. Introduction L’évolution des marchés et des attentes des consommateurs obligent les vinificateurs à élargir la gamme des produits (vins fruités et ronds, vins charpentés et corsés…). La qualité des vins rouges repose sur un équilibre alliant notamment des notes aromatiques variées à une perception en bouche complexe. Dans ce contexte, les composés aromatiques et polyphénoliques sont de première importance pour le vinificateur. La qualité de la vendange est déterminante au travers des potentiels aromatique et polyphénolique et les procédés de vinification doivent être raisonnés en vue d’une expression de ce potentiel adaptée au type de vin souhaité. Cependant, malgré toutes ces techniques et technologies, la matière première est primordiale et doit être adaptée à l’objectif de vinification. Le premier choix important du vinificateur est la détermination de la date de récolte. Ce choix va conditionner dans une large mesure les caractéristiques de la vendange (degré, acidité, richesse en composés phénoliques, qualité des tanins, qualité aromatique…). Cette orientation s’inscrit dans une politique de segmentation de l’offre des vins au niveau régional, basé sur le type de produit : vins fruités et ronds, vins charpentés et corsés. Le travail présenté compare au niveau technique et économique des techniques de vinification selon des objectifs de vins “souples et fruités”, ou “structurés de garde”. 2. Matériels et méthodes 1. Production de vins fruités Les raisins étudiés proviennent de la zone géographique des Appellations d'Origine Contrôlée de la Vallée du Rhône : Sérignan et Piolenc. Les résultats présentés concernent les millésimes 2006 et 2007. La parcelle de Piolenc est en situation relativement plus sèche que celle de Sérignan. Pour chaque parcelle, deux vendanges vont être pratiquées à des dates différentes, selon les résultats du suivi de maturité. Un seul “objectif produit” est visé : vin fruité. On cherche à obtenir un vin dont les caractéristiques seraient une couleur rouge vif, un nez aromatique à dominante fruitée, avec du volume et des tanins fondus et une teneur en alcool qui de préférence ne dépasserait pas 13° 5. Les différents procédés de vinification retenus sont les suivants : – Technique 1 : MC : macération courte avec température maîtrisée inférieure à 25° C pour préserver le fruit sans extraire trop de tanins. On considèrera que cette technique constitue un témoin pour notre étude. C’est en effet la méthode employée couramment pour l’élaboration d’un vin fruité. – Technique 2 : MC + CPX : méthode 1 avec ajout de copeaux. Ces copeaux ont pour objectif de stabiliser la couleur et d’améliorer l’équilibre du vin par un apport de sucrosité. La sucrosité est ici liée à l’action des lactones du bois frais (noix de coco) et à la vanilline du bois de chauffe. – Technique 3 : MPF : macération préfermentaire à froid enzymée suivi d’une macération courte avec maîtrise des températures. Elle permet d’extraire avant la fermentation les composés hydrosolubles du raisin (plutôt les anthocyanes) et donc une extraction limitée des tanins. nanofiltration 26 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2008 – Technique 4 : FD : flash-détente avec pressurage direct (12 h après l’encuvage). Ce pressurage direct permet là encore de limiter le temps de macération notamment pour une vendange très fragilisée par la flash-détente. – Technique 5 : IMT : macération courte avec immersion totale du chapeau. On cherche ici à extraire encore plus de matière colorante qu’en macération courte classique. – Technique 6 : MC + OI : uniquement avec vendange de date 2, macération courte (type technique 1) suivie d’une désalcoolisation par nanofiltration pour ramener le degré du vin à celui issu de la date 1. Les Méthodes 1 à 5 sont réalisées avec deux niveaux de maturité (date 1 et date 2). La méthode 6 est réalisée uniquement avec une maturité poussée (date 2). 2. Production de vins structurés Les expérimentations ont été menées sur les millésimes 2005 et 2006. Les raisins, vendangés à la main, proviennent de 2 sites de la Vallée du Rhône, Sérignan et Violès, toutes deux plantées des deux principaux cépages rhodaniens, le Grenache et la Syrah. Les vinifications ont été dupliquées. Quatre techniques de vinification permettant d’enrichir les vins en tanins ont ainsi été comparées à une vinification témoin, enzymage (50 mg/L de pectinases), saignée (20 % de jus 12 h après encuvage) et tanisage (500 mg/L de tanins de pellicule de raisins blancs). Les traitements ont été volontairement accentués par rapport aux pratiques œnologiques traditionnelles afin d’obtenir des vins particulièrement riches en tanins. Les analyses chimiques et sensorielles ont eu lieu après l’embouteillage. Les paramètres œnologiques classiques et de couleur ont alors été mesurés. Des analyses plus spécifiques ont permis de quantifier la quantité de polyphénols totaux (IPT), les anthocyanes (HPLC), les tanins (phloroglucinolyse après 1 h d’extraction méthanolique, adaptée de Kennedy et al. et Cheynier et al. (10,11)) et les polysaccharides (CPG après précipitation à l’éthanol des monomères constitutifs). Un panel de dégustateurs spécialement entraîné sur la discrimination de l’astringence et de l’amertume a évalué les vins selon 6 descripteurs (échelle en 7 points) : amertume, granuleux-sableux, taille des particules, collant, sec et astringence totale. Un second panel, constitué de professionnels, a déterminé le profil global des vins selon 14 descripteurs (échelle fermée sur 10) : intensité olfactive, complexité olfactive, évolution du fruit, épicé, animal, empyreumatique, végétal, acidité, rondeur, alcool, amertume, astringence, agressivité des tanins, équilibre. Les traitements statistiques ont été réalisés grâce au logiciel XLSTAT. 3. Résultats et discussion 1. Production de vins fruités 1. Résultats analytiques 1. Influence du facteur vinification Ce qui ressort très nettement de l’analyse de variance, c’est l’impact de la technique de flash-détente (Tableau 1). Sur ces deux années d’études, elle a tendance à donner plus des composés aromatiques fruités que les autres techniques. Elle produit aussi en moyenne, entre 20 et 40 % de méthanol en moins par rapport aux autres modalités. Le degré alcoolique des vins flashés est supérieur car le petit pilote utilisé (1,5 T/H) provoque une perte de vapeur et donc d’eau plus importante. Au niveau de l’intensité colorante corrigée du SO2, il n’y a pas de différences significatives, ce qui montre que la flashdétente permet d’obtenir, sans macération (>12 H) autant de couleur qu’une macération traditionnelle. L’absorbance 620 nm est plus importante sur les modalités de flash-détente. En croisant les résultats de dégustations (Tableau 2) sur les deux années consécutives, on observe que la flash-détente est la technique qui cadre le mieux avec notre objectif. En effet, elle produit en Tableau 1 : Comparaison des modalités par rapport au témoin, à partir de l’analyse de variance des paramètres analytiques, des modalités avec le test de Duncan à 10 %. Tableau 2 : Synthèse des anovas des analyses sensorielles sur les 2 années d'essai suivant le facteur vinification avec le test de Duncan à 10 %. Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2008 27 Tableau 3 : Analyse de variance des paramètres analytiques à partir du facteur date ayant un risque global inférieur à 10 %. moyenne des vins significativement plus complexes, fruités, avec un fruit plus frais, plus gras, plus équilibrés et correspondant le mieux à l’objectif (note globale). Au contraire, la macération préfermentaire telle qu’elle a été pratiquée (48 h à 15° C) présente peu d’intérêt. La modalité MC + copeaux ressort comme celle étant la plus tannique avec des arômes épicés et empyreumatiques (Tableau 2). Globalement, l’objectif n’a pas été atteint. Le vin obtenu est intéressant mais ne correspond plus à notre objectif produit. Il est en fait difficile d’obtenir directement avec des copeaux de chêne, le niveau de sucrosité souhaité. La réussite de cette technique passe par l’assemblage avec du vin non boisé. Tableau 4 : Synthèse des anovas des analyses sensorielles sur les 2 années d'essai suivant le facteur date avec le test de Duncan à 10 %. 2. Influence du facteur date Pour l’AT, le TAV, il est logique d’avoir des valeurs différentes, puisqu’on est sur deux maturités différentes, ce qui s’observait déjà avec l’essai de 2006 (Tableau 3). A partir des paramètres caractérisant la couleur, on peut remarquer que la date 1 a une couleur plus rouge et plus saturée, mais cependant la date 2 permet d’obtenir une couleur plus stable. 3. Résultats d’analyse sensorielle A partir du tableau 4, on peut observer d’une part, qu’une date de récolte précoce (date 1) donne des vins plus acides, se traduisant sur la perception des tanins qui est plus agressive. L’idée de vendanger précocement, pour privilégier une certaine fraîcheur aromatique, n’est donc pas fondée, lorsque l’on se positionne sur la dégustation. A partir des résultats sur les deux années consécutives, les attributs Fruité, Gras, Equilibre et Note Globale sont significativement favorables à la date 2. Bilan : Pour répondre à notre objectif de vin fruité, il est préférable de travailler à partir d’une vendange récoltée à la maturité plus tardive (maturité phénolique). Et ceci se retrouve sur toutes techniques confondues à travers ces deux années d’études. 28 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2008 2. Production de vins structurés Le millésime, le “terroir”, le cépage et le type de vinification ont tous des effets significatifs sur la composition phénolique et polysaccharidique des vins (Tab. 1). Les vins du millésime 2005 contiennent 23 % plus de tanins, qui sont également plus longs mais moins galloylés que ceux du millésime 2006. Les vins de Syrah sont deux fois plus riches en anthocyanes que les vins de Grenache (9). Même si les teneurs en tanins entre les vins de Syrah et de Grenache sont similaires, les vins de Grenache ont des tanins plus longs mais pas plus galloylés que ceux de Syrah. La flash-détente permet la meilleure extraction en composés phénoliques. Elle permet, plus particulièrement, de multiplier par plus de deux la quantité de tanins par rapport à la vinification témoin et les tanins extraits sont les plus galloylés (+ 71 % par rapport au vin témoin). L'extraction des polysaccharides a également été augmentée + 41 % par rapport au vin témoin). Le tanisage et la saignée ont également permis d’augmenter les quantités en composés phénoliques et plus particulièrement en tanins (respectivement + 45 % et + 22 % par rapport au vin témoin). Les tanins ajoutés lors du tani- sage étaient plus petits que ceux initialement présents (DPm = 3,2), ce qui explique le bas DPm des vins tanisés. La saignée a également permis d’enrichir les vins en anthocyanes (+ 20 % par rapport au vin témoin). Enfin, les vins enzymés ne sont pas significativement différents des vins témoin sauf pour le contenu polysaccharidique : la quantité de polysaccharides est diminuée sous l’effet des pectines (- 7 % par rapport au vin témoin). Sur les deux millésimes testés, les vins flashés et les vins saignés ont été perçus comme les plus astringents par le jury astringence, suivi par les vins tanisés et enfin les vins enzymés. Les vins témoins ont été jugés comme les moins astringents. De plus, ce jury astringence distingue l’amertume de l'astringence, sensations souvent associées (données non montrées). Le jury professionnel a également perçu les vins flashés tanisés comme les plus astringents suivis par les vins saignés. Ces résultats confirment ceux obtenus par le jury astringence, avec une corrélation 78 %. Cependant, aucune corrélation n’a pu être établie entre le contenu polysaccharidique et les paramètres sensoriels (astringence et gras particulièrement), comme la littérature pouvait l’envisager. Tableau 5 : Résultats statistiques, ANOVA et test de Duncan, sur les principaux paramètres phénoliques et polysaccharidiques des 80 vins. IPT = Indice de Polyphénols Totaux ; PT = Pigments Totaux ; Antho = Anthocyanes par HPLC ; Tanins = Tanins par phloroglucinolyse ; % Gall = Pourcentage de galloylation ; DPm = Degré de Polymérisation moyen; Polysac = Polysaccharides Totaux. Vio = Violès ; Ser = Sérignan ; Sy = Syrah ; Gr = Grenache ; FD = flash-détente ; Tan = Tanisage ; Sai = Saigné ; Enz = enzymage ; Tém = Témoin. A, B, C and D: Groupes statistiques homogènes déterminés par le test de DUNCAN (p<0.1). Conclusion Pour la production de vins fruités, la technique de flash-détente est celle qui répond le mieux aux critères que l’on s’était fixé lors de l’élaboration du protocole. Sur deux années consécutives, elle est la mieux notée, la plus équilibrée et la plus fruitée. Elle permet d’obtenir des vins ayant plus de gras et plus complexe au nez. Cette conclusion est encore plus robuste, car on travaille sur deux années d’expérimentation dans les mêmes conditions. Pour la production de vins structurés, ce travail a montré qu’à la fois le millésime, le “terroir”, le cépage et le type de vinification ont des effets significatifs sur la composition phénolique et polysaccharidique des vins. La flashdétente augmente considérablement les concentrations en tanins et en polysaccharides par rapport à une vinification standard. Le tanisage et la saignée permettent également d’augmenter, dans une moindre mesure, la quantité de tanins dans les vins. Bien corrélés avec ces résultats analytiques, les vins flashés et tanisés ont été perçus comme les plus astringents par les deux panels de dégustation. Remerciements Les auteurs souhaitent remercier le consortium FLAVO pour leur soutien scientifique et l’UE ainsi que VINIFLHOR pour leur soutien financier (FOOD-CT2004-513960). Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2008 29 L’équipe de la Station Rhône-Méditerranée de l’Institut Français de la Vigne et du Vin Domaine de Rodilhan - 30230 Rodilhan - Tél. 04 66 20 67 00 - Fax 04 66 20 67 09 - www.itvfrance.com Christian Prade - Président - [email protected] Jean-Pierre Van Ruyskensvelde - Directeur Général - [email protected] Christine Cazalet - Secrétariat - Communication - [email protected] Nathalie Imbern - Secrétariat - [email protected] BOUCKENOOGHE Virginie Technicienne - Analyses laboratoire [email protected] DELPUECH Xavier Ingénieur œnologue - Entretien des sols [email protected] MULLER Michel Technicien viticulture/œnologie [email protected] CABOULET Denis Ingénieur œnologue - Physiologie de la vigne [email protected] DESSEIGNE Jean-Michel Ingénieur œnologue - Equipements vinicoles [email protected] PAYAN Jean-Christophe Ingénieur agronomie - Physiologie de la vigne [email protected] GRINBAUM Magali Ingénieur - Analyses de résidus [email protected] RICHARD Nicolas Ingénieur œnologue - Technologie vinicole [email protected] GUERIN-SCHNEIDER Rémi Œnologue - Analyses arômes et polyphénols [email protected] SALANÇON Elian Technicien - Agronomie viticole [email protected] LARIGNON Philippe Ingénieur - Maladies du bois [email protected] SOLANET Dominique Œnologue - Technologie vinicole [email protected] CAYLA Laure Ingénieur œnologue Elaboration des vins rosés [email protected] CLAVERIE Marion Ingénieur - Protection du vignoble [email protected] COTTEREAU Philippe Ingénieur œnologue - Technologie vinicole Itinéraire technique d’élaboration des vins [email protected] MOLOT Bernard Ingénieur - Protection phytosanitaire [email protected] Siège : Institut Français de la Vigne et du Vin (ENTAV - ITV France) - Domaine de l’Espiguette - 30240 Le Grau du Roi AU CŒUR DU LANGUEDOC Vivez l’actualité en direct Paysan du Midi c’est chaque semaine Toute l’actualité européenne, nationale régionale, départementale L’HEBDOMADAIRE DU MONDE VITICOLE DES OUTILS INDISPENSABLES A LA CONDUITE DE VOTRE EXPLOITATION Avec votre abonnement au Paysan du Midi, vous bénéficiez d’une revue spécialisée de Réussir BP 249 - 34434 ST-JEAN DE VÉDAS CEDEX Tél. 04 67 07 03 66 - Fax 04 67 07 03 71 30 Courriel : [email protected] Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône-Méditerranée 2008