DOSSIER THÉMATIQUE Recherche de concentrations cibles plutôt que recherche de dose : vers une meilleure ASMR ? Finding target concentrations rather than fixed doses: towards increased improvement of medical service provided? P. Marquet* L’ individualisation thérapeutique, autrement appelée optimisation thérapeutique ou thérapeutique ciblée, est régulièrement mise en avant comme étant la médecine innovante d’aujourd’hui ou de demain. On pense, la plupart du temps, à la prise en compte de critères génétiques pour mieux sélectionner les patients répondeurs, ou à l’ajustement des doses sur la base de critères pharmacogénétiques. On oublie parfois que la plus ancienne modalité d’individualisation thérapeutique est fondée sur la pharmacocinétique, visant à réduire les différences d’exposition systémique entre les patients. C’est l’objet du suivi thérapeutique pharmacologique (STP), qui est sous-utilisé dans de nombreux domaines thérapeutiques malgré les progrès considérables réalisés depuis plus de 50 ans que cette discipline existe (1). Le STP est pourtant indissociable des traitements immunosuppresseurs en transplantation, et largement utilisé dans les thérapies antirétrovirales ou anticancéreuses. Il existe en effet, dans les spécialités médicales correspondantes, contrairement à beaucoup d’autres, une véritable culture de l’optimisation thérapeutique, aussi bien chez les thérapeutes que dans les laboratoires pharmaceutiques. Malgré cette sensibilisation, et le fait que cette approche, dite d’adaptation pharmacocinétique en “concentration-contrôlée”, permette d’améliorer la balance bénéfice-risque de certains médicaments, et donc potentiellement leur amélioration du service médical rendu (ASMR), une grande part des essais cliniques nécessaires au STP est conduite après leur autorisation de mise sur le marché (AMM). Il serait donc dans l’intérêt des patients et des laboratoires qu’elle soit conduite avant la mise sur le marché des produits. Les leçons du post-AMM Une petite minorité de médicaments, de l’ordre d’une centaine dans la pharmacopée actuelle, bénéficient ou devraient bénéficier du STP. Les caractéristiques pharmacologiques communes à ces médicaments sont essentiellement : l’absence de mesure directe d’effet, des relations concentrationeffets bien établies, un index thérapeutique étroit, une grande variabilité pharmacocinétique entre individus (l’existence d’interactions médicamenteuses étant un élément favorisant), et une faible variabilité intra-individuelle à court terme (encadré I). * P. Marquet, UMR-S850 Inserm, service de pharmacologie, toxicologie et pharmacovigilance, CHU, Limoges. Encadré I Caractéristiques pharmacologiques devant conduire à envisager une approche “concentration-contrôlée” 1 – Mesure directe d’effet impossible 2 – Bonne relation concentration-effets 3 – Faible index thérapeutique (Cmineff/Cmintox) 4 – Grande variabilité interindividuelle des concentrations obtenues pour une même dose 5 – Existence d’interactions médicamenteuses pharmacocinétiques 6 – Faible variabilité intra-individuelle à court terme La Lettre du Pharmacologue • Vol. 24 - n° 2 - avril-mai-juin 2010 | 47 Résumé Mots-clés Suivi thérapeutique Pharmacologique Essais cliniques Concentrationcontrôlée ASMR Summary For a number of drugs, dose adjustment based on drug blood concentrations results in a clinical benefit. However, the clinical trials required to set up such procedures and demonstrate their interest have generally been conducted, often incompletely, after most of these drugs have been approved. The clinical trials run in order to obtain drug regulation agencies’ approval are compatible with the investigation of such an approach in parallel with dose finding, without much complication. However, there are very few examples of concentrationcontrolled trials in clinical development phases in the literature, despite the fact that dose individualisation is susceptible to increase the effect size in the target population, hence the improvement of medical service provided. Keywords Therapeutic drug monitoring Clinical trials Concentration-controlled Improvement of medical service provided »» Pour un certain nombre de médicaments, l’adaptation de la posologie sur la base de leurs concentrations sanguines apporte un bénéfice thérapeutique. Pourtant, les essais cliniques nécessaires à la mise en place d’une telle procédure et permettant d’en démontrer l’intérêt ont généralement été menés, souvent de façon incomplète, après leur mise sur le marché. Les études cliniques pré-AMM se prêteraient sans grande complication supplémentaire à l’investigation de cette approche, en parallèle de la recherche de dose. Or, la littérature fournit très peu d’exemples d’essais en concentration-contrôlée lors des phases de développement clinique, alors que l’individualisation thérapeutique est susceptible d’accroître la taille de l’effet dans la population cible, et améliorerait donc le service médical rendu. Essais cliniques à mener Dans l’idéal, trois grandes étapes doivent être conduites pour définir les modalités du STP d’un médicament (encadré II) : recherche du meilleur index d’exposition, recherche du niveau d’exposition cible et démonstration de l’apport de l’individualisation thérapeutique en termes de balance bénéfice/ risque. En pratique, bien peu de médicaments ont pu bénéficier de toutes ces études et, quand cela a été le cas, elles ont, la plupart du temps, été menées après leur AMM. Pourtant, cette approche permet dans certains cas des gains thérapeutiques importants pour un investissement bien moindre que celui de la mise au point d’un nouveau médicament, voire que celui d’une extension d’AMM à une nouvelle association thérapeutique. Une bonne partie des informations nécessaires à l’évaluation de l’intérêt potentiel du STP, ainsi que de ses modalités, est déjà recueillie lors des essais cliniques destinés à l’AMM, ou pourrait l’être sans grande complication. Situation actuelle des essais cliniques pour l’obtention de l’AMM et transposition envisageable pour les essais d’individualisation thérapeutique Examen des critères a priori en phase I Pour toute nouvelle substance active chez l’homme, les essais de phase I (ou, pour suivre la nomenclature proposée par l’EMEA, les “essais de pharmacologie humaine” [2]) se doivent d’établir, en plus de la dose maximale tolérée, un premier profil pharmacocinétique et pharmacodynamique, chez les sujets sains mais aussi dans des populations particulières qui peuvent être concernées par le candidat-médicament (insuffisants rénaux ou hépatiques, sujets âgés, enfants, etc.), ainsi que les effets de la prise alimentaire sur la pharmacocinétique (2). La recom- 48 | La Lettre du Pharmacologue • Vol. 24 - n° 2 - avril-mai-juin 2010 mandation européenne propose également, pour certains candidats-médicaments et certains effets étudiés, de conduire des études pharmacocinétiques/ pharmacodynamiques (PK/PD) chez des volontaires sains ou chez des patients atteints de la maladie cible, précisant qu’une mesure pharmacodynamique (c’est-à-dire d’un marqueur d’activité pharmacologique) appropriée, si elle existe, peut fournir des estimations précoces de l’activité et de l’efficacité potentielle du candidat-médicament, et guider la dose à administrer et la fréquence d’administration dans les études ultérieures. Un premier examen des critères a priori en faveur d’une approche d’individualisation thérapeutique peut donc être fait à ce stade, par l’évaluation : des relations dose-exposition, de la variabilité pharmacocinétique entre individus d’une même “population”, entre populations et en fonction des conditions d’expérimentation (par exemple food effect), de la relation entre toxicité et index d’exposition (Cmax, Cmin, ASC) et de sa pertinence par rapport à la relation dose/toxicité ; des relations dose-pharmacodynamie et expositionpharmacodynamie. Études “concentrations-contrôlées” en phase II Les essais de phase II (ou “essais thérapeutiques exploratoires”) étudient la relation dose-réponse, le plus souvent sur la base de marqueurs intermédiaires d’effets (surrogate markers), pour définir la dose qui sera étudiée en phase III. Les études de phase II précoce en escalade de doses sont généralement conduites en dose unique, ce qui est très limitant pour les études concentrations-effets, mais les essais de phase II ultérieurs peuvent être en dose répétée. Les études pharmacocinétiques sont généralement poursuivies à ce stade, en particulier dans le but de rechercher des interactions médicamenteuses pharmacocinétiques, mais aussi en cas d’associations thérapeutiques différentes, dans diverses populations ou avec des critères de jugement cliniques différents (2). À ce stade, les critères a priori en faveur de l’individualisation thérapeutique vont pouvoir être complétés, avec l’évaluation plus puissante des relations dose-concentrations et concentrations-effets, DOSSIER THÉMATIQUE de la variabilité pharmacocinétique interindividuelle et intra-individuelle (à court et moyen termes), de l’existence d’interactions médicamenteuses contribuant à cette variabilité, et surtout d’une première estimation de l’index thérapeutique (concentration minimale efficace/concentration minimale toxique). Il est à noter que la modélisation pharmacocinétique de population peut permettre, dès ce stade, d’identifier des causes de variabilité pharmacocinétique d’origine physiopathologique, génétique ou pharmacologique (3). C’est également lors des essais de phase II que la stratégie d’individualisation thérapeutique peut faire l’objet d’une première évaluation prospective par la réalisation d’essais en concentration-contrôlée (ce qui nécessite l’administration de doses répétées), comparativement à la recherche de dose efficace. La recherche sur PubMed des mots-clés “concentration-controlled” et “phase II” a permis d’identifier neuf articles, publiés entre 1994 et 2009, dont 7 concernaient des candidats-médicaments ou médicaments immunosuppresseurs et 2 des antirétroviraux. En réalité, dans la majorité de ces essais, c’est la dose de l’un des immunosuppresseurs associés, et non celle du produit à l’essai, qui était ajustée sur la concentration selon les recommandations en usage. D’autres articles traitaient des phases II post-AMM comparant une nouvelle association médicamenteuse avec celle ayant obtenu l’AMM (4, 5), ne permettant pas d’évaluer l’intérêt de l’individualisation thérapeutique, puisque le schéma d’administration et les concentrations cibles du médicament à l’essai étaient les mêmes dans les deux bras. Néanmoins, l’une des études en escalade de doses (à doses fixes), concernant le sirolimus associé à la ciclosporine en concentration-contrôlée, concluait que les modifications des tests biologiques (NFS et bilan lipidique) présentaient une meilleure association avec la concentration sanguine de sirolimus qu’avec la dose (6). Parmi les articles pertinents, un essai de schéma complexe comparait l’administration à dose fixe versus concentration-contrôlée du sirolimus, mais avec d’autres différences majeures entre les deux bras qui ne permettaient pas d’attribuer à la seule individualisation de posologie le bénéfice clinique observé dans le second bras (7). Pourtant, il est intéressant de noter que c’est cet essai qui a conduit au schéma thérapeutique ayant finalement obtenu l’AMM en Europe. Le seul vrai essai en concentration-contrôlée d’un candidat immunosuppresseur concernait le FK778, administré avec deux niveaux de concentration résiduelle cible. Il concluait à la nécessité de conserver cette Encadré II Essais cliniques nécessaires à l’établissement d’une stratégie d’individualisation pharmacocinétique 1 – Recherche du meilleur index d’exposition analyse rétrospective d’essais thérapeutiques : quel est l’index d’exposition (Cmin, Cmax, ASC, etc.) le mieux corrélé au succès ou à l’échec ? études prospectives randomisées : vérification par comparaison de 2 index 2 – Recherche de la valeur cible (zone thérapeutique) analyses rétrospectives d’essais thérapeutiques : quels sont les niveaux moyens de l’index d’exposition sélectionné (Cmin, Cmax, ASC, etc.) chez les patients en succès thérapeutique versus ceux en échec versus ceux présentant des effets indésirables ? essais cliniques “concentrations-controlées”, prospectifs et randomisés : comparaison de différents niveaux d’exposition visés par adaptation de posologie 3 – Preuves expérimentales de l’intérêt du STP essais thérapeutiques comparatifs randomisés, avec/sans adaptation de posologie analyse de morbidité et de mortalité aveugle ou double aveugle si possible incluant une étude coût/bénéfice approche pour les essais ultérieurs, du fait des relations concentrations-effets constatées (8). Toutefois, le développement de ce produit a été arrêté en 2006 pour cause d’efficacité insuffisante. Un article rapporte les résultats de deux essais de phase II concernant l’alovudine, un analogue nucléosidique à activité antirétrovirale, dont le développement a également été arrêté pour efficacité limitée en 2005 (9). Le premier de ces essais avait mis en évidence une relation ASC-toxicité chez 14 patients et le second, de type concentrationcontrôlée, randomisé et en double aveugle, avait comparé chez 46 patients trois niveaux d’ASC cibles lors d’une étude en dose répétée de 16 semaines, confirmant la relation entre l’ASC et des marqueurs d’effets intermédiaires et permettant même d’établir l’ASC-efficace 50 %. Le fait que les trop rares essais randomisés en concentration-contrôlée n’ont été menés que pour des médicaments qui ont finalement été abandonnés n’est peut-être pas totalement dû au hasard : on peut supposer que c’est principalement dans le but d’augmenter l’efficacité et d’améliorer la balance bénéfice/risque de ces molécules qu’une telle approche a été engagée. Validation de l’individualisation thérapeutique en phase III ? Les essais de phase III (ou “essais thérapeutiques de confirmation”, selon l’EMEA), généralement conduits sur de plus longues périodes de traitement, ont pour La Lettre du Pharmacologue • Vol. 24 - n° 2 - avril-mai-juin 2010 | 49 DOSSIER THÉMATIQUE Nouveaux développements du médicament Recherche de concentrations cibles plutôt que recherche de dose : vers une meilleure ASMR ? but de fournir une base adéquate à l’autorisation de mise sur le marché. Ils peuvent également explorer les relations dose-effets dans des populations plus larges, à différents stades de la maladie ou en association avec d’autres médicaments. À ce stade, les relations concentrations-effets peuvent être étudiées dans une population plus vaste et variée, avec plus une plus grande puissance statistique. Si le suivi d’une concentration unique, telle que la concentration résiduelle, n’est pas suffisant, les modèles pharmacocinétiques de population et l’estimation bayésienne associée à des stratégies de prélèvements en nombre limité permettent de généraliser une telle approche à moindre coût, tout en limitant les complications logistiques et l’inconfort pour les patients. Une telle approche a été menée, des études de phase I aux études de phase III, pour le docétaxel par exemple (3, 10, 11). Toutefois, la recherche sur PubMed de la combinaison de mots-clés “concentration-controlled” et “Phase III” n’a permis de retrouver aucun article pertinent. Même pour le docétaxel, cette stratégie n’a pas été retenue. L’expérience du sirolimus est intéressante à ce titre. Aux États-Unis, ce médicament a obtenu son AMM en transplantation rénale en 1999, à dose fixe, sur la base des résultats de deux essais de phase III, l’un conduit aux ÉtatsUnis, l’autre mondial. Dans le même temps, l’EMEA refusait de délivrer une AMM sur la base de ces deux études. Elle l’a finalement délivrée en 2001, avec un schéma d’administration imposant l’adaptation de posologie sur la concentration résiduelle et l’arrêt de la ciclosporine entre le deuxième et le quatrième mois post-transplantation, sur la base des résultats d’un troisième essai de phase III (12), lui-même dérivé de l’essai de phase II déjà cité. L’AMM a secondairement été modifiée aux États-Unis pour se rapprocher de l’AMM européenne, avec toutefois moins de contraintes concernant l’adaptation posologique pendant la première période (sous ciclosporine) chez les patients à faible risque immunologique. Rattrapage ou bricolage en phase IV Les essais de phase IV, post-AMM (ou “essais d’utilisation thérapeutique” selon l’EMEA), sont souvent importants pour optimiser l’utilisation du médicament. C’est dans ce cadre qu’ont été le plus souvent conduites les études d’associations concentrations-effets ou en concentration-contrôlée qui ont permis la mise au point de stratégies d’invidualisation thérapeutique par méthode pharmacocinétique. Malheureusement, elles ont été menées le 50 | La Lettre du Pharmacologue • Vol. 24 - n° 2 - avril-mai-juin 2010 plus souvent par des investigateurs académiques, avec des moyens limités et sans l’enchaînement de toutes les étapes nécessaires aux meilleurs niveaux de preuve. Les médicaments immunosuppresseurs font donc à nouveau exception, puisque bien avant le sirolimus, les recommandations de prescription de la ciclosporine avaient rapidement évolué de stratégies à dose fixe au début des années 1980 à une dose ajustée sur la concentration. Impact potentiel sur l’ASMR et accès au marché des stratégies d’individualisation thérapeutique L’amélioration du service médical rendu (ASMR) est d’autant plus importante que la taille de l’effet est grande dans la population cible. Deux stratégies sont donc possibles : soit réduire la population cible aux seuls répondeurs, soit diminuer la probabilité d’échec thérapeutique. Lorsque la relation concentration-effet, plus directe, est également plus forte que la relation dose-effet, alors les stratégies de recherche puis de ciblage de la meilleure concentration cible doivent conduire à une diminution du pourcentage de patients en échec thérapeutique par efficacité insuffisante et/ou à une réduction de l’incidence des événements indésirables. Elles sont donc susceptibles d’avoir un effet majeur sur la balance bénéfice/risque. La définition de seuils de concentration efficace ou toxique avec adaptation posologique peut être un moyen simple d’augmenter la taille de l’effet sur une population en réduisant la fréquence des effets indésirables. Ces stratégies d’individualisation thérapeutique permettent de gérer de manière pragmatique les interactions médicamenteuses pharmacocinétiques. Elles permettent de fournir des recommandations pour l’utilisation du médicament dans des populations particulières (insuffisants rénaux ou hépatiques), avec une adaptation pragmatique à chaque individu, plutôt que d’établir des algorithmes de dose complexes et simplificateurs, d’émettre des précautions d’emploi et de déconseiller ou de contreindiquer le médicament dans ces populations. Enfin, elles peuvent favoriser l’élargissement de l’AMM aux âges extrêmes (nourrissons, enfants, sujets âgés) en tenant compte des caractéristiques pharmacocinétiques propres à ces populations, à chaque individu au sein de ces population, et de leur évolution dans le temps chez un même individu. DOSSIER THÉMATIQUE Impact potentiel sur le prix Un des arguments fréquemment avancés à l’encontre de l’adaptation pharmacocinétique est son coût. Dans une étude comparative, randomisée récente évaluant l’adaptation pharmacocinétique du mycophénolate mofétil, et ayant démontré un gain d’efficacité significatif (13), l’étude pharmaco-économique conduite en parallèle a montré que le coût total de cette procédure représentait 1 % des coûts médicaux totaux de la première année post-greffe, tandis que le coût du suivi thérapeutique de routine de la ciclosporine, effectué selon l’habitude des centres, s’élevait à 3 % (14). Ensemble, ces coûts étaient environ 7 fois inférieurs au coût des médicaments. phases I et II (encadré I) et, pour les candidats-médicaments qui remplissent ces critères, en incitant les industriels à conduire des études de type “concentration-contrôlée” en phases II et III. Les essais cliniques d’utilisation thérapeutique conduits depuis de nombreuses années par des promoteurs académiques et industriels, de même que l’expérience clinique, ont permis d’améliorer considérablement le pronostic de conditions telles que la transplantation d’organes ou les leucémies aiguës lymphoblastiques chez les enfants, en affinant et individualisant les stratégies, malgré l’absence de nouvelles molécules. On peut, à l’évidence, faire mieux en anticipant cela dans le développement des nouveaux médicaments ! Limites et perspectives Conclusion Les limites actuelles de l’individualisation thérapeutique concernent les biomolécules, dont les mécanismes et les sources de variabilité pharmaco­ cinétiques sont moins connus que ceux des petites molécules, ainsi que les promédicaments, dont la forme active n’est produite que dans les cellules, la phosphorylation intracellulaire des analogues nucléosidiques, par exemple. Il s’agit de limites relatives, car des travaux préliminaires récents ont apporté des arguments en faveur de l’adaptation pharmacocinétique d’anticorps monoclonaux (15), tandis que des travaux anciens pré-AMM déjà cités avaient démontré l’intérêt de l’adaptation de dose d’un analogue nucléosidique sur la base de l’ASC plasmatique (9). Les agences ont un rôle à jouer dans l’utilisation plus large de l’approche d’individualisation thérapeutique, en relevant les critères a priori dans les études de L’adaptation de la posologie fondée sur la concentration sanguine, ou suivi thérapeutique pharmacologique, est encore trop souvent vécue par les industriels comme une complication freinant la diffusion de leurs produits et majorant le coût des traitements. Pourtant, outre que ce surcoût est le plus souvent minime par rapport au coût du produit lui-même, cette approche d’individualisation thérapeutique a démontré son intérêt clinique depuis des décennies pour les médicaments à marge thérapeutique étroite. Elle est surtout susceptible d’améliorer le positionnement de candidatsmédicaments, en termes de taille de l’effet dans la population cible et donc d’ASMR. C’est donc dès les phases de développement clinique qu’une approche “concentration-contrôlée” devrait être étudiée, parallèlement à l’approche classique, à dose fixe. ■ Références bibliographiques 1. Reidenberg MM. Trends in clinical pharmacokinetics. Clin Pharmacokinet. 1993;24(1):1-9. 2. Note for guidance on general considerations for clinical trials (CPMP/ICH/291/95), EMEA 2006. 3. Bruno R, Hille D, Riva A et al. Population pharmacokinetics/pharmacodynamics of docetaxel in phase II studies in patients with cancer. J Clin Oncol 1998;16(1):187-96. 4. 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