U - EXEMPLE DE FONCTION CONTINUE SUR R \ Q UNIQUEMENT

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U - EXEMPLE DE FONCTION CONTINUE
SUR R \ Q UNIQUEMENT
Cette fonction va être introduite comme limite de certaines suites.
On définit trois suites récurrentes par la donnée de a0 , b0 , c0 , dans R, et les relations

 an+1 = |bn − cn |
bn+1 = |cn − an |
(1)
(n ≥ 0) .

cn+1 = |an − bn |
1) Les suites (an )n≥1 , (bn )n≥1 et (cn )n≥1 sont décroissantes positives et convergent, l’une vers 0,
les deux autres vers une valeur commune positive notée f (a0 , b0 , c0 ).
On a, pour n ≥ 0, à cause des inégalités triangulaires
an+2 = |bn+1 − cn+1 | = ||cn − an | − |an − bn || ≤ |cn − bn | = an+1 ,
ce qui montre que (an )n≥1 est décroissante. La démonstration est analogue pour les autres suites.
Les suites étant décroissantes et minorées par 0 convergent vers des limites notées α, β, et γ respectivement. On peut supposer par exemple que
α≤β ≤γ.
Alors, par passage à la limite dans (1), on tire

 α=γ−β
β =γ−α ,

γ =β−α
d’où,
γ = β − α = β − (γ − β) = 2β − γ ,
ce qui implique
β=γ
2)
puis
α = 0.
Quel que soit n ≥ 1, un des nombres an , bn , cn est égal à la somme des deux autres.
Si l’on a par exemple, pour n ≥ 1,
an−1 ≤ bn−1 ≤ cn−1 ,
U 2
alors
et donc

 an = cn−1 − bn−1
b = cn−1 − an−1 ,
 n
cn = bn−1 − an−1
bn = an + cn .
Propriétés de la fonction f
a) Si (an ), (bn ), (cn ) sont les suites construites à partir de (a, b, c), on a, pour tout n ≥ 0
f (a, b, c) = f (an , bn , cn ) .
b) La fonction f est homogène de degré 1 : quels que soient (λ, a, b, c) dans R4 ,
f (λa, λb, λc) = |λ|f (a, b, c) .
c) Pour toute permutation σ de (a, b, c), on a
f ◦σ =f.
d) quels que soient (λ, a, b, c) dans R4 ,
f (a + λ, b + λ, c + λ) = f (a, b, c) .
e) f (1, 1, 0) = 1.
a) résulte du fait que les limites des suites ne dépendent pas des premiers termes.
b) Si l’on multiplie a, b, c par λ, tous les termes des suites sont multipliés par |λ| à partir du rang 1,
et donc les limites également.
c) résulte de la symétrie des définitions des suites.
d) Ajouter la même valeur λ à a0 , b0 , c0 ne modifie pas les suites à partir du rang 1.
e) Si l’on part de (1, 1, 0), on s’aperçoit que les trois suites sont constantes. La limite non nulle vaut
donc 1.
3) Si une des suites (an ), (bn ), (cn ) construites à partir de (a, b, c) est nulle à partir d’un certain
rang, les deux autres suites sont elles aussi stationnaires et sont égales à partir d’un certain rang à
leur limite commune f (a, b, c).
U 3
Supposons par exemple que cn soit nulle pour n > n0 . Alors, si n ≥ n0 ,
|an − bn | = cn+1 = 0 .
Donc, si n > n0 , on a
f (a, b, c) = f (an , bn , 0) = an f (1, 1, 0) = an = bn .
4) Si f (a, b, c) est non nul, les suites (an ), (bn ), (cn ) construites à partir de (a, b, c) sont stationnaires.
Supposons par exemple que (cn ) converge vers 0. Alors il existe n0 tel que n ≥ n0 implique
0 ≤ cn < f (a, b, c) ≤ inf(an , bn ) .
Donc, si n ≥ n0 , on a
an+1 = bn − cn
et bn+1 = an − cn .
Alors
cn+2 = |an+1 − bn+1 | = |bn − an | = cn+1 .
Alors (cn ) est stationnaire, et comme elle converge vers 0 elle est nulle à partir d’un certain rang, et
les deux autres suites sont stationnaires d’après 3).
5)
Si a, b, c sont entiers
f (a, b, c) = PGCD(|a − b|, |b − c|, |c − a|) .
Les suites (an ), (bn ) et (cn ) construites à partir de (a, b, c) sont des suites décroissantes d’entiers positifs.
Elles sont donc stationnaires. On a aussi
f (a, b, c) = f (|a − b|, |b − c|, |c − a|) .
Une récurrence immédiate, montre que si λ est le PGCD de a1 , b1 , c1 , il divise an , bn , cn pour tout
entier n ≥ 1, et donc divise également f (a, b, c) qui est égal à un des termes d’une de ces suites.
Supposons que l’on ait
an+1 = bn+1 = f (a, b, c) et cn+1 = 0 ,
et montrons par une récurrence décroissante, qu’alors f (a, b, c) divise ap , bp , cp pour tout p compris
entre 1 et n + 1.
Supposons par hypothèse de récurrence, que f (a, b, c) divise ap+1 , bp+1 et cp+1 . Un des nombres ap , bp ,
cp est la somme des deux autres. Par exemple
cp = ap + bp .
U 4
Alors
ap+1 = |bp − cp | = ap
et bp+1 = [cp − ap | = bp .
Donc f (a, b, c) divise ap et bp puis cp .
Finalement f (a, b, c) divise a1 , b1 et c1 .
On a donc bien
f (a, b, c) = PGCD(a1 , b1 , c1 ) .
6)
Quels que soient p et q entiers premiers entre eux
f (p, q, 0) = 1 .
Si p et q sont premiers entre eux, alors, les nombres
a1 = |q| ,
b1 = |p| ,
c1 = |p − q|
sont aussi premiers entre eux, et d’après 5), on en déduit que
f (a, b, c) = PGCD(a1 , b1 , c1 ) = 1 .
7)
Soit g la fonction définie sur R par
g(x) = f (x, 1, 0) .
La fonction f est entièrement déterminée par g.
En utilisant les propriétés de f , on a, si b est différent de c,
a−c
a−c
, 1, 0 = |b − c| g
f (a, b, c) = f (a − c, b − c, 0) = |b − c| f
,
b−c
b−c
et si b = c,
f (a, b, c) = f (a − c, 0, 0) = |a − c|f (1, 0, 0) = |a − c|f (0, 1, 0) = |a − c| g(0) .
8)
On a
g(x) =

 0
1
q

1
si x est irrationnel
si x = pq avec p et q premiers entre eux et q > 0 .
si x = 0
U 5
On a d’après 6)
g(0) = f (0, 1, 0) = 1
et
p
1
1
p
, 1, 0 = f (p, q, 0) = .
=f
g
q
q
q
q
Il reste à étudier le cas des valeurs irrationnelles.
Notons (an (x)), (bn (x)) et (cn (x)) les suites construites à partir de (x, 1, 0). Pour tout n ≥ 0, on définit
ainsi des applications an , bn , cn de R dans R+ .
Lemme Pour tout n ≥ 0, les fonctions an , bn , cn sont des fonctions affines par intervalles, dont
les angles se trouvent en des points rationnels.
Pour démontrer le lemme, montrons par récurrence le résultat suivant :
pour tout n ≥ 0, il existe des rationnels t1 < t2 < · · · < tr tels que an , bn , cn soient linéaires affines à
coefficients entiers sur chacun des intervalles de R limités par t1 , . . . , tr .
C’est vrai à l’ordre 0, puisque a0 , b0 et c0 sont affines à coefficients entiers. Supposons la propriété
vraie à l’ordre n. Il existe une subdivision de R formée de points rationnels telle que, sur chacun des
intervalles I de la subdivision, on ait
an (x) = λx + µ et bn (x) = λ′ x + µ′
avec λ, λ′ , µ, µ′ entiers. Alors
cn+1 (x) = |(λ − λ′ )x + (µ − µ′ )| .
Si le nombre
µ′ − µ
λ − λ′
est affine sur I et à coefficients entiers.
s=
n’est pas dans I, la fonction cn+1
Dans le cas contraire, on rajoute s à la subdivision. C’est un nombre rationnel et cn+1 est affine et à
coefficients entiers sur les deux nouveaux intervalles ainsi créés.
Le résultat est analogue pour an+1 et bn+1 .
Montrons maintenant que g est nulle aux points irrationnels. On raisonne par l’absurde en supposant
qu’il existe un irrationnel x0 tel que g(x0 ) ne soit pas nul. Alors d’après 4), les suites (an (x0 )), (bn (x0 ))
et (cn (x0 )) sont stationnaires. L’une de ces suites est nulle à partir d’un certain rang. Supposons que
ce soit (cn (x0 )). Alors, à partir d’un certain rang,
an (x0 ) = bn (x0 ) = g(x0 ) .
U 6
Comme les fonctions an , bn et cn n’ont pas d’angle en x0 , il existe un intervalle ouvert U contenant x0
tel que les fonctions soient affines et positives sur U . Mais, comme cn s’annule en x0 , ceci n’est possible
que si la fonction cn est nulle sur U . Donc, pour tout x de U , on a
g(x) = an (x) ,
et g est affine sur U .
Soit alors un rationnel p/q de U avec p et q premiers entre eux et q > 0. La suite (un ) définie par
un =
1
p
+
q nq + 1
converge vers p/q et ses termes sont dans U à partir d’un certain rang. Comme q et nq +1 sont premiers
entre eux, il en est de même de p(nq + 1) + q et de q(nq + 1). Alors
1
1
p
+
.
=
g
q nq + 1
q(nq + 1)
Mais, comme g est affine sur U , ceci n’est possible que si
p
1
x−
,
g(x) =
q
q
et dans ce cas
g(p/q) = 0 ,
d’où une contradiction.
Il en résulte que g(x) est nulle pour tout x irrationnel.
9)
On a


0
f (a, b, c) =
|λ|

|a − c|
si b 6= c et a−c
b−c est irrationnel
si (a, b, c) = (λp + c, λq + c, c), p et q premiers entre eux, q > 0 et λ réel .
si b = c
En appliquant 7) et 8) on trouve facilement la première et la troisième égalité.
On obtient aussi lorsque
a−c
b−c
est rationnel
f (a, b, c) =
si
|b − c|
q
a−c
p
=
b−c
q
U 7
avec p et q premiers entre eux et q positif. Il existe donc λ réel tel que
a − c = λp et b − c = λq .
La deuxième égalité s’en déduit alors puisque
|b − c|
= |λ| .
q
10)
La fonction g est continue aux points irrationnels et seulement en ces points.
Il est clair que g n’est pas continue aux points rationnels. En effet si (xn ) est une suite d’irrationnels
de limite rationnelle x, alors g(xn ) est nul pour tout entier n alors que g(x) n’est pas nulle.
On a en fait le résultat plus fort suivant :
pour tout réel x0 , on a
lim g(x) = 0 .
x→x0
A cause de la parité de g, on se limitera aux éléments de R+ . Par ailleurs, puisque g(x) est nulle sur
les irrationnels, il suffit de montrer que g(x) tend vers 0 lorsque x tend vers x0 en étant rationnel.
a) Si x0 est irrationnel.
Supposons qu’il existe une suite (xn ) de rationnels de limite x0 telle que la suite (g(xn )) ne converge
pas vers zéro.
Posons
xn =
pn
qn
avec pn et qn premiers entre eux et qn > 0. La suite (1/qn ) ne converge pas vers zéro, donc (qn ) ne tend
pas vers l’infini. Il existe une constante M et une sous-suite (qn′ ) de (qn ) telle que, pour tout entier n
0 < qn′ < M .
Cette suite est une suite bornée d’entiers, on peut en extraire une suite constante (qn′′ ). Notons q la
valeur commune des éléments de cette suite. Alors, soit
x′′n =
p′′n
p′′n
=
qn′′
q
la suite correspondante extraite de (xn ). On a donc
p′′n = qx′′n
et la suite (p′′n ) converge vers qx0 . Mais c’est une suite d’entiers. Elle est donc stationnaire, et pour au
moins un entier n, on a
p′′n = qx0 .
U 8
On en déduit que
x0 =
p′′n
,
q
x0 =
p0
q0
et x0 est rationnel, d’où une contradiction.
b) Si x0 est rationnel.
Soit
avec p0 et q0 premiers entre eux, si x0 est non nul, et p0 = 0, q0 = 1 si x0 est nul.
Soit ε > 0. Si l’on a
0 < |x − x0 | <
alors
0 < g(x) =
ε
q0
et x =
p
,
q
|pq0 − p0 q|
1
≤
,
q
q
car |pq0 − p0 q| est un entier non nul. Donc
p p0 0 < g(x) = q0 − ≤ q0 |x − x0 | < ε ,
q
q0
ce qui donne le résultat dans ce cas.
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