
SÉNAT
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SÉANCE DU 10 JUIN 1993
957
Mme Hélène Luc.
Le Gouvernement a reculé, une pre-
mière fois, en reportant l'examen du code de la nationalité
d'une semaine.
Restaient le collectif budgétaire, pour lequel cinq heures
de discussion générale étaient prévues et 220 amendements
déposés, et la loi de privatisation, la durée de la discussion
étant également fixée à cinq heures et 320 amendements
ayant été déposés. De toute évidence, les conditions
n'étaient pas et ne sont toujours pas remplies pour que l'on
puisse examiner sérieusement ces textes, c'est-à-dire pour
que le Sénat joue pleinement son rôle de législateur.
Le Gouvernement ne voulait pas reculer sur ces deux tex-
tes cruciaux pour sa politique économique, car reculer, c'est
s'exposer à la montée du mécontentement populaire, et je
tiens à saluer ici les salariés qui sont venus en délégation, cet
après-midi, protester contre le bradage de leurs entreprises,
publiques ou privées.
M. Roger Chinaud.
Cinéma !
Mme Hélène Luc. Ce matin, à quatre heures, le Gouver-
nement a utilisé la procédure, inacceptable, du vote bloqué,
équivalent de l'article 49-3 à l'Assemblée nationale, évitant
même un vote sur les articles et amendements concernant
la CSG.
Le Gouvernement a donc choisi l'autoritarisme.
A la conférence des présidents, il a opté pour la marche
forcée, sacrifiant toute possibilité de travail parlementaire
sérieux en demandant que nous siégions, samedi prochain,
le matin, l'après-midi et même le soir.
Faut-il que le Gouvernement sente que le temps lui est
compté pour faire passer à la sauvette de tels mauvais coups,
diminuant ainsi le rôle du Parlement, que, pourtant, M. le
Premier ministre disait vouloir réhabiliter lors de son entrée
en fonction !
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons au
Sénat de repousser l'ordre du jour imposé par le Gouverne-
ment, approuvé par la conférence des présidents et auquel,
pour notre part, nous nous opposons avec fermeté.
(Applau-
dissements sur les travées communistes et socialistes.)
M. Claude Estier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Monsieur le président, ainsi que vous
l'avez indiqué tout à l'heure, l'ordre du jour dont vous avez
donné lecture a été voté par la majorité des membres de la
conférence des présidents ce matin.
Je tiens cependant à faire remarquer, à mon tour, que cet
ordre du jour bouleverse complètement celui qui était prévu
précédemment, ce qui prouve, au passage, que les remarques
que nous avions formulées la semaine dernière
sur le
trop
peu de temps qui était accordé au Sénat pour discuter à la
fois du collectif budgétaire et du projet de loi de privatisa-
tion étaient fondées.
Aujourd'hui, la situation nous préoccupe énormément :
nous allons être obligés de discuter de ce projet de loi de pri-
vatisation lors de séances qui n'étaient pas prévues, en parti-
culier toute la journée de samedi. Or, c est un projet qui est
lourd de conséquences pour l'économie française et qui
mérite donc une discussion approfondie et studieuse. C'est
d'ailleurs ainsi que nous la concevons, et c'est dans cet esprit
que nous avons déposé un grand nombre d'amendements
sérieux et portant sur des sujets de fond.
Je constate, au surplus, que, au moment où nous allons
ouvrir le débat, la commission des finances ne s'est pas réu-
nie pour examiner les amendements. A quel moment
pourra-t-elle le faire sérieusement ? Si c'est demain matin,
cela retardera d'autant le déroulement de nos travaux.
D'où ma question : est-il vraiment nécessaire que ce texte
soit adopté par le Sénat au plus tard samedi soir, alors que -
si mes informations sont bonnes - l'Assemblée nationale n'a
pas envisagé de l'inscrire à son ordre du jour avant la fin de
ce mois ?
Mme Hélène Luc et M. Charles Lederman.
C'est exact !
M. Claude Estier.
S'il en est ainsi, pourquoi nous faire tra-
vailler sur un sujet si sérieux, sur un projet si lourd de consé-
quences dans des conditions de précipitation à ce point inac-
ceptables ?
Certains parlaient, voilà quelques jours, de l'honneur et
de la dignité du Parlement ; je ne crois pas qu'il soit
conforme à l'honneur et à la dignité du Parlement de travail-
ler dans ces conditions.
(Applaudissements sur les travées socia-
listes et communistes.)
Mme Hélène Luc et M. Charles Lederman.
Très bien !
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Madame Luc, si vous n'avez pas
envie de travailler samedi après-midi et samedi soir - sur ce
point, nous pourrions d'ailleurs nous rejoindre -...
Mme Hélène Luc.
C'est scandaleux de dire cela, car vous
savez bien que, nous, nous serons là !
M. Michel Caldaguès. ...
c'est très simple : il vous suffit
d'éviter de demander des scrutins publics à répétition,
comme vous l'avez fait tout au long du débat sur le collectif
budgétaire.
Ainsi, nous aurons une chance de terminer dans des délais
raisonnables l'examen du projet de loi de privatisation, et
nous pourrons nous en féliciter conjointement.
(Vives protes-
tations sur les travées communistes et socialistes.)
M. Claude Estier.
On peut aussi s'en aller, si vous voulez !
M. François Autain.
Si l'on vous gêne, dites-le !
M. Roger Chinaud.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Chinaud.
M. Roger Chinaud.
Monsieur Estier, que le sujet des pri-
vatisations soit un sujet sérieux, personne n'en doute ! Mais
c'est précisément parce que vous avez refusé d'aborder
sérieusement ce problème, comme nous l'avions fait
avant 1981 et entre 1986 et 1988,...
M. Claude Estier.
Avec quelle réussite !
M. Roger Chinaud. ...
que vos amis ont contribué à
mettre ce pays en situation de faillite économique.
(Protesta-
tions sur les travées socialistes.)
Voilà pourquoi c'est, pour nous aussi, un sujet tout à fait
essentiel et tout à fait urgent.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que vous avez eu le
temps, depuis douze ans, d'aiguiser votre réflexion. Si, après
tout ce temps, votre réflexion n'était pas faite, si vous aviez
encore besoin d'un week-end de plus,...
(Exclamations sur les
travées socialistes.)
M. Claude Estier.
Soyons sérieux !
M. Roger Chinaud. ...
vous me feriez douter de vos capa-
cités intellectuelles ; or, je sais qu'elles sont grandes.
Tout cela, c'est de la petite manoeuvre, et j'ose espérer que
le Sénat confirmera le vote qui a été acquis, ce matin, en
conférence des présidents.
(Applaudissements sur les travées
des Républicains et des Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste. - Exclamations sur les travées socialistes et commu-
nistes.)
Mme Hélène Luc.
Je demande la parole.
M. le président. Madame Luc, permettez que la pré-
sidence vous réponde, puisque c'est à elle que vous vous êtes
adressée.