Les Centres d’investigation clinique : une révolution pour la recherche et une opportunité pour les pharmacologues Clinical investigation centers: a revolution for research and an opportunity for pharmacologists ● ● Mise au point M ise au point Christian Libersa*, Dominique Deplanque* RÉSUMÉ Les Centres d’investigation clinique (CIC), dont les plus anciens ont déjà près de quinze ans d’existence, sont d’extraordinaires outils pour la recherche clinique. Les CIC, qui ont généralement une double tutelle (INSERM et DHOS), parfois complétée par un soutien des universités, permettent en effet un maillage complet du territoire français. Forte de ce réseau, la France se place ainsi en très bonne position dans le paysage européen des infrastructures institutionnelles de recherche clinique. Cette dynamique de réseau a notamment été concrétisée par la constitution de groupes de travail ayant pour thèmes la mise en place de procédures opératoires standard, l’évaluation du coût des essais cliniques, les systèmes d’information, la recherche en soins infirmiers, dans une optique d’harmonisation nationale. Le réseau des CIC a permis par ailleurs la coordination au sein des CIC d’axes spécifiques de recherche clinique (neurologie et maladies mentales, pédiatrie, pathologies cardiovasculaires, diabètemétabolisme-nutrition, gastro-entérologie et hépatologie, thrombose). Cette approche nationale s’est complétée récemment par l’implication des CIC dans le projet ECRIN (European Clinical Research Infrastructures Network), dont l’objectif est de mettre en relation les réseaux nationaux de centres de recherche clinique en Europe. Outre les soutiens purement techniques et logistiques, les CIC apportent aux collectivités institutionnelles et aux partenaires industriels une réalisation dans les meilleures conditions d’assurance qualité, de sécurité et d’efficacité des projets de recherche clinique. Dans ce contexte, plus de la moitié des CIC français sont actuellement pilotés par des pharmacologues, professionnels sans doute les plus adaptés à la prise en charge de ces structures de recherche aux activités à la fois multidisciplinaires et translationnelles. En effet, de par leurs compétences et les liens qu’ils ont su tisser tant au sein des différentes institutions et autorités compétentes que vis-à-vis de l’industrie, les pharmacologues ont toute leur place dans ces structures de recherche clinique. L’implication toujours plus grande de chacun d’entre nous est nécessaire et représente aussi une réelle opportunité de participer au développement d’une recherche clinique de qualité. Mots-clés : Pharmacologie clinique – Pharmacologie fondamentale – Pharmacovigilance – Centres d’investigation clinique – Recherche clinique – Réseaux. S U M M A RY For more than 15 years, Clinical Investigation Centers (CIC) have taken a growing place in the field of clinical research in France. Usually placed under the auspices of both INSERM and DHOS, sometimes also supported by University, the CIC actually constitute a robust network that puts France at a leading position inside the European community in terms of structures dedicated to clinical research. The French CIC network has developed both working groups (operating procedures, cost of clinical research, information systems, nurse care research…) and specific networks of research (neurology and mental diseases, paediatrics, cardiovascular pathologies, diabetes-metabolism and nutrition, bowel and liver diseases, thrombosis). This national approach has been recently completed by the participation to the European Clinical Research Infrastuctures Network (ECRIN), whose aim is to interconnect all European clinical research centers and structures. Aside their implications in technical and logistical aspects of clinical research, CIC could help both public institutions and industries to develop secure, innovative and high quality projects. In this context, many CIC are directed by pharmacologists, people who seem particularly able to conduct such translational activities. Indeed, according to their various competences and to their relationship with both public institutions, competent authorities and industry, pharmacologists should have a prominent position in such structures. A greater participation of everyone is now necessary when such structures give us an interesting opportunity to participate in the development of high quality clinical research. Keywords: Clinical pharmacology – Fundamental pharmacology – Pharmacovigilance – Clinical investigation centers – Clinical research – Network. * Centre d’investigation clinique – Centre de ressources biologiques, CIC 9301 INSERM – CHU de Lille, 59037 Lille. La Lettre du Pharmacologue - vol. 21 - nos 1-2 - janvier-juin 2007 17 Mise au point M ise au point HISTORIQUE ET CONCEPT DES CENTRES D’INVESTIGATION CLINIQUE Le concept de Centre d’investigation clinique (CIC) inspiré des General Clinical Research Centers, soutenus par le NIH (National Institute of Health) aux États-Unis, a été introduit et défendu en France il y a plus de quinze ans par Pierre Corvol et Claude Griscelli et a abouti en 1992 à la création des deux premiers CIC “prototypes” plurithématiques, bientôt suivis, à la suite d’appels d’offres conjoints INSERM et Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS), par six autres en 1994 pour atteindre un nombre de dix-sept centres en 2001 et vingt-quatre en 2005. Ces structures ont ensuite été complétées par la création de sept CIC-EC, CIC spécifiquement orientés vers les essais en épidémiologie (figure 1). Le développement de ces structures place ainsi la France en très bonne position dans le paysage européen des infrastructures institutionnelles de recherche clinique, et ce d’autant que des structures plus spécifiquement consacrées aux biothérapies ont été récemment soutenues et rattachées aux CIC, comme le seront probablement bientôt d’autres structures dédiées aux innovations technologiques. IMPLANTATIONS ET TUTELLES Les Centres d’investigation clinique représentent un partenariat unique entre les hôpitaux et l’INSERM. Ce sont en effet des structures publiques, principalement implantées dans les Centres hospitalo-universitaires sous la double tutelle INSERM et DHOS. Quelques CIC ont été, dès leur création, placés également sous une troisième tutelle, celle de l’Université. L’implication de cet acteur universitaire reste cependant très dépendante de l’organisation hospitalo-universitaire locale et du type généraliste ou à plus forte connotation médicale de l’université impliquée. Il faut cependant souligner que l’évolution semble se faire progressivement vers ce triple partenariat INSERM-hôpital-université. MISSIONS À l’origine, les CIC étaient principalement envisagés comme de simples lieux de réalisation d’essais cliniques offerts à la communauté des promoteurs et investigateurs institutionnels dans le respect des bonnes pratiques cliniques et de laboratoire et des très nombreuses dispositions médico-réglementaires. Avec Figure 1. Répartition des CIC en 2005. (Source INSERM). 18 La Lettre du Pharmacologue - vol. 21 - nos 1-2 - janvier-juin 2007 plus de quinze ans de recul, il devient évident que cette simple mission de départ a évolué et s’est enrichie. Les CIC sont désormais des structures disposant de moyens matériels et humains spécifiquement dédiés à la recherche clinique, permettant la mise au point, la gestion, la coordination et la réalisation de protocoles de recherche clinique, tant chez le sujet volontaire sain que chez le patient. Ils sont par ailleurs le lieu idéal de transfert des résultats de la recherche fondamentale vers des évaluations et applications thérapeutiques et diagnostiques. Les CIC occupent ainsi une position centrale dans la structuration de la politique de recherche clinique des CHU et contribuent à valider la mission de recherche médicale de l’INSERM. Les CIC, en favorisant les transferts entre recherche fondamentale expérimentale et pratiques de soins, participent de façon évidente à la politique de valorisation universitaire de la recherche clinique du site. Lieu de contact privilégié entre chercheurs fondamentaux et cliniciens, les CIC constituent un élément fédérateur important en permettant aux cliniciens de s’intégrer aux programmes de recherche situés en amont de leurs problématiques cliniques et aux chercheurs fondamentalistes de trouver un débouché et une finalité clinique à leurs travaux fondamentaux. Les CIC, tout en étant naturellement intégrés dans les structures hospitalières, sont ouverts aux investigateurs de l’INSERM ou d’autres organismes publics (universités, EFS, FNCLCC, AFM…) ainsi qu’aux partenaires industriels soucieux de mener des recherches à haute valeur ajoutée sur l’homme sain et malade. Ces recherches couvrent des investigations cliniques de toute nature, qu’elles soient “avec ou sans bénéfice individuel direct”, selon l’ancienne terminologie malheureusement abandonnée dans les textes issus de la transposition des directives européennes. Sont ainsi ciblés, sans exclusive, les domaines de la physiologie, de la physiopathologie, de la pharmacologie, des essais thérapeutiques, de la génétique et de l’épidémiologie, en privilégiant les aspects les plus innovants. Bien entendu, les CIC ne concernent pas les études expérimentales animales et n’y sont pas adaptés, mais ils peuvent être le lieu de l’évaluation clinique des hypothèses émises par ces expérimentations chez l’animal, concrétisant ainsi le continuum entre recherche fondamentale et recherche clinique. Dans ce contexte, les CIC bénéficient des agréments ministériels pour effectuer des recherches biomédicales sans bénéfice individuel direct et sur le sujet volontaire sain, avec des spécificités plus ou moins étendues en fonction de leur environnement ou des axes thématiques éventuellement privilégiés. Compte tenu de l’investissement important en moyens techniques et des compétences des professionnels de la recherche clinique impliqués dans ces structures, les CIC, en fonction de la demande formulée par les investigateurs, peuvent apporter un soutien tout au long de la vie de l’essai clinique, de la conception à la réalisation et à la communication des résultats. Peuvent ainsi être proposés un conseil méthodologique pour la formalisation des projets, une assistance technique pour les démarches administratives (démarches auprès du promoteur institutionnel, du Comité de protection des personnes, des autorités compétentes, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés…), le recrutement de volontaires sains ou de patients, l’obtention d’agréments ministéLa Lettre du Pharmacologue - vol. 21 - nos 1-2 - janvier-juin 2007 riels pour la réalisation de recherches biomédicales sans bénéfice individuel direct, le soutien technique et/ou logistique pour la réalisation d’essais cliniques complexes ou nécessitant l’appui de réseaux de patients ou d’investigateurs, la mise en place éventuelle d’équipes soignantes mobiles en dehors des locaux mêmes du CIC (dans des services du CHU ou d’hôpitaux généraux, voire dans des réseaux de médecine de ville), une aide à la saisie des données et/ou à l’analyse des résultats, un accompagnement pour les réponses aux appels d’offres finançant la recherche clinique… Ces compétences multiples font des CIC des lieux privilégiés de formation aux métiers de la recherche clinique, aux bonnes pratiques cliniques et à l’assurance-qualité. Mise au point M ise au point LOCAUX ET MODES DE FONCTIONNEMENT Les CIC bénéficient de locaux spécifiques consacrés à la recherche, permettant une prise en charge sécurisée diurne et/ou nocturne des sujets volontaires sains ou des patients inclus dans des essais cliniques ainsi que la réalisation d’explorations paracliniques nécessaires à chaque projet. Même si le développement des CIC s’est fait de façon inégale, la plupart sont actuellement équipés de lits (3 à 10) et de matériels permettant les explorations paracliniques de base requises dans les essais de phase I. Certains CIC se sont par ailleurs équipés de matériels plus spécifiques, en fonction de leurs éventuelles thématiques de prédilection et de l’environnement de recherche de l’établissement où ils sont implantés. Certains CIC ont par ailleurs développé une infrastructure spécifique de conservation des produits biologiques et ont pu être reconnus par l’ANR comme ayant une activité de Centres de ressources biologiques, structures qui offrent toutes les garanties de sécurité et de qualité vis-à-vis des prélèvements conservés. Ces activités spécifiques sont actuellement en cours de labellisation par une démarche de certification selon le référentiel iso 9001:2000. En termes d’organisation, les CIC sont pilotés par un médecin coordonnateur assisté d’un médecin délégué. Ils s’appuient sur des professionnels de la recherche clinique (praticiens, infirmières[iers], techniciens, assistants de recherche clinique…) et, pour certains CIC, de gestionnaires d’essais cliniques, pharmaciens, ingénieurs de recherche, techniciens de laboratoire, biostatisticiens, etc. Le recrutement de ces professionnels tient généralement compte d’une formation spécifique telle que le DIU-FARC (diplôme interuniversitaire en recherche clinique) ou équivalents (master en méthodologie de recherche clinique, ingénierie de la santé…), le DIU-FIEC (diplôme interuniversitaire de formation des investigateurs en recherche clinique) ou équivalents (DIU de logistique des essais cliniques…). Les projets mis en place dans les CIC sont préalablement évalués par un comité technique qui a pour mission d’en examiner la qualité scientifique et de vérifier l’adéquation entre le projet, l’infrastructure et les démarches stratégiques de recherche des établissements tutélaires, puis d’en contrôler régulièrement l’état d’avancement. Le comité technique est généralement composé du 19 Mise au point M ise au point médecin coordonnateur et du médecin délégué, de représentants des services hospitaliers et des unités INSERM participant à l’activité du CIC, d’un représentant du comité médical d’établissement ou de la commission mixte hospitalo-universitaire, d’un méthodologiste et biostatisticien, d’un médecin extérieur à la structure hospitalo-universitaire, d’un représentant des cadres infirmiers et d’un représentant du directeur de l’établissement. Ce comité se réunit une fois par mois ou plus en cas de besoin. ÉVALUATIONS L’une des caractéristiques des CIC – et cela les distingue de certains centres de recherches cliniques non labellisés – est qu’après la difficile reconnaissance initiale contemporaine de leur création, ils sont soumis à des évaluations menées conjointement par l’INSERM et les hôpitaux sur une base quadriennale. Cette évaluation s’appuie sur une expertise de l’activité scientifique, sur une évaluation du respect des bonnes pratiques cliniques et de laboratoire et des procédures d’assurance-qualité, ainsi que sur les capacités de gestion structurelle. Pour chaque CIC sont donc désignés des rapporteurs proposés par l’INSERM et le CHU impliqué, rapporteurs qui auront pour mission de rendre un avis sur l’activité des CIC selon des critères définis et approuvés par un comité mixte d’évaluation. Ces critères portent, entre autres, sur la contribution du CIC au développement local de la recherche, son articulation entre la recherche menée dans les laboratoires et équipes d’accueil du site et les services cliniques, ainsi que sur l’interaction avec les plateaux techniques de recherche innovante disponibles sur le site. Sont également pris en compte l’aide méthodologique aux investigateurs en amont de la réalisation des protocoles, l’équilibre entre les thématiques développées en fonction des axes “forts” du site, la quantité et la qualité des publications, les retombées potentielles en thérapeutique et en santé publique. L’évaluation quadriennale se fait au vu d’un rapport d’activité dans lequel le médecin coordonnateur présente le bilan des quatre dernières années et expose ses projets de développement pour le quadriennat suivant, rapport complété par une visite sur site. À l’issue de ces visites, les rapporteurs cosignent un compte-rendu commun, qui sera présenté en séance plénière à la commission d’évaluation devant laquelle le médecin coordonnateur aura préalablement exposé par oral le bilan et les perspectives envisagées. D’autre part, outre les éventuels audits industriels et les inspections menés par l’AFSSAPS, tous les CIC ont fait l’objet d’un ou de deux audits mandatés conjointement par l’INSERM et la DHOS. Ces audits externes ont comporté un audit transversal des processus et un audit vertical de la structure. Le comité mixte d’évaluation prend en compte l’ensemble des rapports d’activité, présentations et audits pour proposer au conseil scientifique de l’INSERM et aux directeurs généraux de l’INSERM et du CHU concerné la reconduction, la fermeture ou la mise sous surveillance rapprochée (évaluation à deux ans) du CIC évalué. Le résultat de cette évaluation contribue également à la modulation du soutien budgétaire attribué. 20 RÉSEAU NATIONAL DES CIC ET GROUPES DE TRAVAIL Depuis 2002, les CIC se sont groupés en réseau sous l’égide de l’INSERM. Ils ont tenu leur première réunion nationale le lundi 14 avril 2003 à Lille, dans le cadre de la réunion annuelle de la Société française de pharmacologie. Ce réseau des CIC est animé par un coordinateur et un bureau composé de quatre membres coordonnateurs ou médecins délégués de CIC. Ses missions essentielles sont de définir les programmes des réunions bimestrielles des CIC et des séminaires réalisés annuellement (les représentants des CIC se réunissent tous les deux mois et organisent un séminaire annuel du réseau des CIC qui a lieu traditionnellement lors de la réunion de la Société française de pharmacologie et de thérapeutique), de mettre en place et de suivre les groupes de travail du réseau, de représenter le réseau des CIC lors des réunions externes et d’en être le point de contact. Ce bureau permet ainsi de définir les stratégies pour améliorer les collaborations interCIC et la visibilité auprès des institutions et des industriels. De cette manière, institutions et industriels bénéficient d’un réseau de compétences et d’expertises et d’un système d’assurance-qualité reconnu, permettant notamment de faciliter et d’accélérer le recrutement des sujets dans les études. La proximité des équipes de recherche fondamentales et leur implication dans les CIC sont un attrait supplémentaire pour les entreprises de biotechnologie. Ce réseau pourrait ainsi également contribuer à l’amélioration de la visibilité de la recherche clinique et de l’attractivité de la France vis-à-vis des industriels et des chercheurs cliniciens étrangers. Groupes de travail Sous l’impulsion du bureau du réseau national des CIC, ont été mis en place des groupes de travail visant à harmoniser les pratiques dans les CIC et à favoriser leur visibilité en tant qu’outil de qualité pour mener des recherches de la preuve de concept aux études post-AMM. Les quatre groupes “Harmonisation des procédures”, “Harmonisation des pratiques financières des CIC”, “Harmonisation des systèmes d’information”, “Recherche en soins infirmiers” se réunissent régulièrement et présentent leurs travaux lors des réunions bimestrielles ou annuelles. ✓ Ainsi le groupe “Harmonisation des procédures” (Catherine Cornu) a permis de sensibiliser les différents partenaires de la recherche à la démarche qualité, qui est essentielle pour assurer à la fois une prise en charge optimale des participants aux études et un niveau de certitude élevé quant aux conclusions tirées de l’analyse des données recueillies. Les procédures opératoires standard et processus sont ainsi progressivement harmonisés dans l’ensemble des CIC, conduisant à la mise en place d’un contrôle de la qualité avec des stratégies de corrections des anomalies ou écarts par rapport aux objectifs et au respect strict des textes réglementaires et des référentiels dans le domaine de la recherche clinique (Bonnes Pratiques Cliniques et de Laboratoire), garantissant ainsi un niveau d’excellence et d’expertise. La Lettre du Pharmacologue - vol. 21 - nos 1-2 - janvier-juin 2007 ✓ Le groupe “Harmonisation des pratiques financières des CIC” (Christian Funck-Brentano, Fabienne Lecomte), tout en prenant en compte certaines spécificités locorégionales, a permis d’individualiser les différents postes budgétaires et les coûts induits par les projets de recherche clinique et, ainsi, de s’approcher d’une harmonisation des coûts : les différences primitivement constatées se sont révélées être dues non pas tant à des différences de coûts par poste dans les différents CIC qu’à des non-prises en compte de certains de ces postes, le plus souvent par oubli ou mauvaise prise en compte du cahier des charges. Le travail de ce groupe a également permis de démarrer une réflexion au niveau de la Fédération hospitalière de France dans le cadre plus général de l’évaluation du coût des essais cliniques dans les structures hospitalières et au niveau des Centres de Ressources Biologiques. La mise en exergue du coût plus élevé des études réalisées dans les CIC, quelquefois faite par certains investigateurs ou industriels, s’avère dès lors être plutôt en rapport avec une médiocre évaluation financière par les services cliniques classiques et avec une transparence des flux financiers pas toujours très claire vis-à-vis des institutions. Cependant, même dans ces conditions, le surcoût apparent ou réel est largement compensé par la qualité du service rendu, tant au niveau scientifique qu’au niveau de la réalisation du cahier des charges, notamment en termes de données recueillies. Sachant que les coûts des essais cliniques en France sont environ quatre fois moindres qu’aux États-Unis, il reste une certaine marge de manœuvre quant à l’évaluation correcte des services rendus par ce type de structure. ✓ Le groupe de travail “Harmonisation des systèmes d’information” (François Gueyffier) s’est heurté au problème général de la grande disparité des outils informatiques, tant sur le plan qualitatif que sécuritaire, et à la difficulté d’obtenir un compromis acceptable coût/sécurité/fonctionnalité. Ce groupe a néanmoins permis de faire le point sur les différents systèmes existants, parfois innovants, et a entraîné une réflexion sur les avantages et les inconvénients des différents systèmes de saisie et de contrôle de données. Il a abouti à la réalisation d’un site Web dédié au réseau qui a été formaté pour faciliter les échanges entre les groupes de travail et le réseau des CIC et pourrait préfigurer un outil collaboratif commun d’échange ou de transfert de données. Il permet l’amélioration de la lisibilité et de l’attractivité des CIC avec peut-être, à terme, la mise en place d’un guichet unique de gestion des relations partenariales et l’affichage des compétences humaines et techniques du réseau. Il permettra également le développement d’outils de communication à visée extérieure (site Internet), centralisés et régulièrement mis à jour. ✓ Le groupe de travail “Recherche en soins infirmiers” (Marie-Laure Bourhis) répond à la volonté de développer des travaux effectués et/ou conduits par les infirmières des CIC pour développer leurs connaissances professionnelles et améliorer leurs pratiques. Ces travaux peuvent concerner des recherches cliniques en soins infirmiers, des recherches en éducation, en gestion de soins infirmiers et/ou des recherches sur la profession infirmière de recherche clinique. Le premier travail de ce groupe a été d’analyser au niveau national le travail des infirmières dans les CIC et de mettre en commun leurs connaissances sur La Lettre du Pharmacologue - vol. 21 - nos 1-2 - janvier-juin 2007 des thématiques différentes (douleur, éducation du patient, nutrition…). Ce groupe a également réfléchi sur le parcours professionnel, les formations et le rôle spécifique de l’infirmière de CIC, et a proposé des projets de recherche en soins. Ces réflexions et enquêtes ont permis de constater que près de 90 % du personnel infirmier a suivi une formation spécifique (dont plus de la moitié le DIU FARC [diplôme interuniversitaire de formation des assistants de recherche clinique] et qu’il était indispensable d’unir les compétences des différents acteurs de la recherche clinique, à savoir d’une part les personnels impliqués dans le fonctionnement des CIC, qui ont une bonne maîtrise des aspects de bonnes pratiques, de logistique et dans le domaine médico-réglementaire et, d’autre part, les infirmières des services cliniques, qui connaissent bien les problématiques “de terrain” et les aspects spécifiques des pathologies prises en charge. Mise au point M ise au point Axes thématiques de recherche En 2004, le bureau du réseau national a engagé une réflexion qui a abouti à la mise en place de six réseaux thématiques de recherche regroupant plusieurs CIC en fonction de leurs spécificités ou capacités de prise en charge. Ont ainsi été créés un réseau Neurologie et maladies mentales (Philippe Damier, Nantes) regroupant 14 CIC, un réseau Pédiatrie (Pr Évelyne Jacqz-Aigrain, Paris) regroupant 8 CIC, un réseau Cardiovasculaire (Faiez Zannad, Nancy) regroupant 16 CIC, un réseau Diabète-métabolismenutrition (Pierre Petit, Montpellier) regroupant 12 CIC, un réseau Gastro-entérologie et Hépatologie (Christian Libersa, Lille) regroupant 17 CIC et un réseau Thrombose (Hervé Decousus, Saint-Étienne). Une réflexion est en cours pour la constitution d’un réseau en Cancérologie (Fabien Calvo, Paris – Saint-Louis –) et en Biothérapie. Cette organisation en réseaux thématisés renforce la collaboration entre les CIC travaillant sur les mêmes thématiques, favorise la mise en place de projets de recherche communs et vient en appui aux réseaux de spécialités existants, qui peuvent ainsi bénéficier de l’expérience et du professionnalisme des CIC. Réseau européen La dynamique du réseau national des CIC a tout naturellement conduit vers une offre d’ouverture européenne. Cela s’est concrétisé par l’implication de l’INSERM et de certains coordonnateurs de CIC dans le projet ECRIN (European Clinical Research Infrastructures Network), qui s’inscrit naturellement dans le projet ambitieux de construction de l’espace européen de la recherche clinique. Ce projet ECRIN, soutenu par le 7e PCRDT, vise à connecter les réseaux nationaux de centres de recherche clinique en Europe. Coordonné par l’INSERM, le projet réunit actuellement six pays et leurs réseaux de recherche clinique (réseau des KKS allemands, réseau des centres d’essais cliniques danois, réseau italien du CIRM [Consortium pour la recherche médicale] et Institut Mario Negri italiens, réseau suédois, réseau espagnol et réseau français des CIC). L’objectif de ce réseau européen est de tendre vers une harmonisation de la formation, des pratiques et des supports de la recherche clinique, de l’éthique, de la réglementation, de la 21 Mise au point M ise au point gestion des données et des effets indésirables, du monitorage et de l’Assurance-qualité, et ainsi de faciliter l’accès transnational en proposant un certain nombre de services aux investigateurs publics ou industriels. Le domaine d’application privilégié sera plus particulièrement, mais sans exclusive, celui des maladies rares et des médicaments orphelins, la recherche physiopathologique, ou encore le développement de thérapies innovantes issues du domaine des biotechnologies. BILAN D’UNE DIZAINE D’ANNÉES DE FONCTIONNEMENT En un peu plus de dix ans de fonctionnement, les CIC ont pris en charge plus de 800 protocoles de recherche clinique de nature très variée confirmant le caractère plurithématique de leur activité. Ces protocoles se répartissent en études de stratégies thérapeutiques de médicaments commercialisés ou d’évaluations précoces de médicaments innovants (50 % des projets) et études physiologiques, physiopathologiques ou génotypiques (près de 40 % des projets), le reste se répartissant de façon à peu près égale en études épidémiologiques, évaluation de dispositifs médicaux ou de techniques chirurgicales. En outre, ces études se répartissent à parts à peu près égales en études monocentriques, études multicentriques nationales et études multicentriques internationales (la plupart du temps à support industriel pour ces dernières). Les trois quarts des sujets sont des patients, le quart restant étant des sujets volontaires sains ou des populations contrôles. Les promoteurs se partagent à parts à peu près égales entre promoteurs institutionnels (essentiellement structures hospitalières et INSERM) et promoteurs industriels. Des enquêtes de satisfaction auprès des personnes ayant participé à une étude de recherche biomédicale dans les CIC ont montré que près de 95 % des sujets seraient d’accord pour participer à une nouvelle étude, que plus de 70 % étaient satisfaits ou très satisfaits de leur séjour, confirmant que la prise en charge des sujets pour un protocole de recherche clinique par du personnel spécifique ayant une grande disponibilité et dans un lieu adapté est associée à une satisfaction élevée des volontaires participants, en tout cas plus élevée que dans des études menées en collaboration avec d’autres unités de soins. PLACE DES PHARMACOLOGUES DANS LES CIC Plus de la moitié des CIC sont actuellement pilotés par des pharmacologues, ce qui peut sembler logique compte tenu des spécificités des évaluations entreprises, mais ce pourcentage reste pour nous tout à fait insuffisant. L’intérêt de la prise en charge des CIC par nos collègues pharmacologues n’a pas immédiatement été perçu par eux, ce qui devrait être rapidement corrigé. En effet, les CIC représentent un outil extraordinaire d’évaluation et devraient permettre aux pharmacologues cliniciens (ou aux thérapeutes ayant de solides notions de pharmacologie) d’exprimer tout leur talent. 22 L’intérêt d’un positionnement fort des pharmacologues dans les CIC est encore renforcé par la restructuration du paysage de la recherche clinique en France, avec la création des Délégations Interrégionales à la Recherche Clinique (DIRC) regroupant les fédérations ou départements de recherche clinique de chaque CHU. Les CIC étant des éléments pivots de ces fédérations ou départements de recherche clinique, on comprend que les coordonnateurs des CIC puissent jouer un rôle prépondérant et même un rôle moteur dans ce nouveau paysage de la recherche clinique française, si toutefois ils s’en donnent la peine. La nouvelle réglementation encadrant les essais cliniques, qui impose de fait une gestion professionnelle des effets indésirables survenant au cours des essais cliniques, donne également une chance supplémentaire aux pharmacologues et plus précisément aux pharmacovigilants de se positionner dans les CIC, et plus globalement dans les structures hospitalières de la recherche clinique. Par ailleurs, des messages forts ont été adressés depuis quelques années par le directeur général de l’INSERM qui considère, tout en ne reniant pas la cotutelle hospitalière et éventuellement universitaire, que les CIC sont des unités INSERM à part entière. Les coordonnateurs et médecins délégués s’en étaient aperçus très tôt lors des évaluations quadriennales très sélectives comme sait si bien les faire l’INSERM, mais avaient un peu de mal à se rendre compte de cette intégration au regard des soutiens financiers assez discrets pratiqués jusqu’à présent. La situation a cependant évolué, même si des progrès peuvent encore être réalisés. Outre quelques ARC référent(e)s affectés aux réseaux thématiques spécialisés, chaque unité INSERM “classique” verse depuis cette année une quote-part qui permet aux CIC ayant bénéficié d’une bonne évaluation par les instances et commissions d’envisager un financement modulé en fonction de la qualité de ces évaluations. Ce statut “Unité INSERM” permet également aux CIC de postuler aux appels d’offres de postes d’interface, de jeunes chercheurs ou chercheurs étrangers, de doctorants ou post-doctorants. Par leur volonté de travailler ensemble, et par leur positionnement à l’interface entre les laboratoires de recherche fondamentale et les services cliniques, les CIC ont un potentiel et une offre de service exceptionnels mis à la disposition des cliniciensinvestigateurs, des promoteurs institutionnels et industriels, des grandes entreprises du médicament ou encore des sociétés de biotechnologie. Les pharmacologues, qui sont, par ailleurs, bien positionnés dans les agences d’enregistrement, se doivent donc de constituer au sein des CIC des équipes de pointe en recherche clinique. Dans un souci de pérennité, ils doivent aussi former les futurs pharmacologues cliniciens qui auront, comme leurs aînés, parfaitement intégré la notion d’équipe de recherche translationnelle dont la discipline pharmacologie a depuis longtemps perçu l’importance même si, pour diverses raisons, tous les services de pharmacologie n’ont pu encore à ce jour réaliser concrètement ce continuum entre recherche préclinique et clinique. Gageons cependant que cela ne saurait tarder… ■ La Lettre du Pharmacologue - vol. 21 - nos 1-2 - janvier-juin 2007