La Lettre du Gynécologue • n° 375 - octobre 2012 | 23
DOSSIER
L’
idée que le manque de vitamine D pourrait
participer au risque de survenue de cancers
est liée à la constatation que les cancers
sont généralement plus fréquents dans les pays du
Nord que dans les pays du Sud. L’exposition impor-
tante aux ultraviolets B (UVB) entraîne une plus
forte photosynthèse de vitamine D. Les taux des
métabolites de la vitamine D sont ainsi plus élevés et,
de ce fait, les risques de développer certains cancers
sont plus faibles (1).
Il existe des supports biologiques à ce rôle protecteur
éventuel, et aussi des récepteurs à la vitamine D dans
beaucoup de tissus de l’organisme. Des modèles
expérimentaux tendent à démontrer que le calci-
triol facilite la différenciation cellulaire et exerce des
activités anti-inflammatoires, anti-angiogéniques,
proapoptotiques et antiproliférantes (2). Sur cultures
cellulaires, le calcitriol participe à l’expression des
récepteurs des androgènes et de l’estradiol, module
l’action de facteurs de croissance (IGFBP-3) et
interfère avec l’action de kinases impliquées dans
la carcinogenèse.
Des taux bas de vitamine D peuvent être associés à
des facteurs de risque de cancers : comme l’obésité
(la vitamine D est stockée dans le tissu adipeux),
l’absence d’activité physique (corrélée souvent à
moins d’activité en plein air et donc à une expo-
sition solaire moindre), au fait d’être noir (facteur
de risque aux États-Unis, avec une synthèse moins
importante de vitamine D en réponse à l’exposition
au soleil). Ces dosages ne tiennent pas compte des
apports alimentaires, des supplémentations éven-
tuelles… la maladie en elle-même peut empêcher ou
réduire l’exposition au soleil, modifier l’alimentation
pouvant ainsi réduire les taux de vitamine D. Un
lien causal est donc difficile à mettre en évidence.
En clinique, les données
sont contradictoires
Trois essais d’intervention ont été publiés, 1 en
Grande-Bretagne, 2 aux États-Unis, ils ne retrouvent
pas, tous cancers confondus, de réduction d’inci-
dence dans les bras avec les supplémentations en
vitamine D. Cependant, en 2007, un essai randomisé
mené aux États-Unis a montré qu’une supplémen-
tation en vitamine D (1 100 UI/j) réduisait le nombre
total de cancers apparus chez des femmes méno-
pausées (p < 0,003) [3].
Vitamine D et cancer du sein
En France, l’étude E3N ne retrouve globalement pas
de lien entre vitamine D et cancer du sein. Cepen-
dant, dans les régions avec une plus forte exposition
aux UV et chez les femmes ménopausées avec un
apport alimentaire ou une supplémentation élevés,
le risque de cancer du sein est diminué (HR : 0,68 ;
IC95 : 0,54-0,85) [4].
L’étude randomisée WHI a comparé chez
1 067 patientes versus 1 067 témoins un placebo à
une supplémentation en calcium (1 000 mg) avec la
vitamine D (400 UI/j) pour une durée moyenne de
7 ans. Il n’a pas été observé de différence d’incidence
concernant le cancer du sein (HR : 0,96 ; IC95 : 0,85-
1,09). Le taux de base de vitamine D n’a également
pas été corrélé à la survenue d’un cancer du sein (5).
Cependant, dans une nouvelle analyse de cet essai
et en ne prenant en compte que les femmes qui
ne prenaient pas de calcium et de vitamine D au
moment de la randomisation, les auteurs retrouvent
une réduction de la survenue de cancer du sein de
l’ordre de 14 à 20 % chez les femmes supplémen-
tées (6).
Une méta-analyse a été publiée en 2010 (7) et a
repris 10 articles. Dans les études prospectives, elle
ne retrouve aucun lien entre les taux de vitamine D
et le risque de survenue de cancer. Les études cas-
témoins, dont les auteurs soulignent le caractère
hétérogène, retrouvent en revanche une réduction
significative.
Une nouvelle méta-analyse a été publiée en 2011 (8).
Vingt-huit études ont été reprises, 3 prospectives
et 25 rétrospectives cas-témoins. Parmi celles-ci
5 concernaient le cancer du sein, dont 1 a été jugée
Vitamine D et cancers
Vitamin D and cancers
M. Espié*, F. Ledoux*, F. Coussy*
* Oncologie médicale, centre des
maladies du sein, hôpital Saint-Louis,
Paris.
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