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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (X), n° 5, septembre-octobre 2006
thématique
Dossier
Vitamines C, B6, K et A : un rôle préventif
sur le métabolisme osseux et lostéoporose ?
Vitamins C, B6, K and A: a preventive role on bone metabolism and osteoporosis
J.L. Jougleux*, P.G. Massé*, C.C. Tranchant*
* Université de Moncton, Faculté des sciences
de la santé et des services communautaires,
département de nutrition, Moncton (Nouveau-
Brunswick), E1A 3E9 Canada.
Adresse de correspondance électronique :
La vitamine C agit sur la formation du collagène.
La vitamine B
6
intervient en amont sur la maturation du procollagène
et l’intégrité du tropocollagène.
La vitamine K intervient sur la synthèse de l’ostéocalcine.
La vitamine A en excès a un effet délétère sur la santé osseuse.
Les études cliniques effectuées avec la vitamine C, B
6
et K sont peu
nombreuses et réalisées à des doses supranutritionnelles.
Il est trop tôt pour recommander une supplémentation en vitami-
nes C, B
6
et K dans le cadre de la prévention de l'ostéoporose.
Mots-clés : Vitamine C Vitamine B6 Vitamine K Vitamine A
– Métabolisme osseux – Ostéoporose.
Keywords: Vitamin C Vitamin B6 Vitamin K Vitamin A Bone
metabolism – Osteoporosis.
points FORTS
L
ostéoporose est une patho-
logie caractérisée par une
faible masse osseuse et une
détérioration architecturale de l’os.
Il en résulte une augmentation du
risque de fractures dues à sa fragilité
accrue. Il s’agit donc d’une mala-
die dégénérative du tissu osseux,
étroitement liée au cycle de vie du
squelette. L’ostéopénie, apparais-
sant à un stade antérieur, est aussi
liée à une perte osseuse pouvant
être accentuée par certains facteurs,
parmi lesquels la déficience nutri-
tionnelle ou l’excès en certaines
vitamines.
Avec une espérance de vie qui
dépasse 80 ans dans les pays
industrialisés, les femmes passent
un tiers de leur vie au-delà de la
ménopause, période au cours de
laquelle leurs risques d’ostéopo-
rose augmentent substantielle-
ment. Il est estimé qu’à partir de
50 ans, une femme sur trois est
touchée par cette maladie. Après
60 ans, ce taux atteint une femme
sur deux. Sans dépistage précoce
et sans programme d’action effi-
cace de prévention nutritionnelle
à long terme, on ne peut envisager
qu’un accroissement de l’incidence
de l’ostéoporose. Au-delà du trau-
matisme psychologique, la pré-
sence d’une fracture de la hanche
implique, chez tout individu, une
altération importante de la qualité
de vie (perte d’autonomie) et une
hausse substantielle des taux de
morbidité et de mortalité. Approxi-
mativement, 2,5 millions de cas de
fracture de la hanche ont été prédits
à l’échelle mondiale pour l’année
2025 par rapport à un taux annuel
actuel de 800 000.
Implication des vitamines
dans le métabolisme
osseux
Un tiers environ de la composition
de l’os se présente sous forme orga-
nique. On y trouve des cellules,
notamment les cellules impliquées
dans la formation et la résorption
de l’os (ostéoblastes et ostéoclastes
respectivement), et le matériau
ostéoïde (matrice osseuse). Cette
matrice est une fraction protéique
qualitativement et quantitativement
importante pour l’os. Son élément
majoritaire est le collagène (30 %).
Dans le tissu ostéoïde, la molécule
de collagène constitue 90 % du
poids sec de la matrice qui est le
lieu de la minéralisation osseuse.
La particularité centrale de tous les
types de collagène est leur struc-
ture hélicoïdale qui permet à la
molécule d’être insoluble et élasti-
quement résistante, conférant ainsi
ces mêmes propriétés à l’os, ainsi
que la résistance à la pression, ten-
sion et torsion. Les différents types
moléculaires (il en existe plus d’une
quinzaine) de cette protéine fibreuse
se retrouvent en différentes localisa-
tions des tissus de l’organisme. Au
niveau osseux, c’est le collagène
de type I qui est la protéine struc-
turale majoritaire. Il se distingue
du collagène du cartilage (type II),
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Dossier
thématique
Syntse de la
chne pro-B
Hydroxylation
(proline et lysine)
Glycosylation
Sécrétion
Fibrillogenèse
Maturation
Clivage des propeptides
(formation du tropocollagène)
Propeptide C-terminal
Propeptide N-terminal
Formation de la
Triple lice
OH
OH
OH
OH OH
3 chaînes
NH2COOH
OH
OH
OH OH
OH OH
OH
OH
OHOH
OH
OH
ribosome
du RER
membrane
plasmique
molécule de
procollagène
résidus galactose ou glucose
OH OH
OH
OH
Figure. Étapes de la synthèse du collagène.
Figure adaptée de Gamble. The Musculoskeletal System, Physio-
logical Basics. New York : Éditions Raven Press, 1988.
de la peau (type III), des ligaments,
et des tendons par la présence d’un
nombre plus élede croisements
intermoléculaires, ainsi que, entre
autres, par différents degrés de gly-
cosylation.
En plus des minéraux essentiels
comme le calcium, plusieurs vita-
mines jouent un rôle prépondérant
dans la synthèse et l’intégrité du
collagène osseux. Il s’agit des vita-
mines C et B6 (hydrosolubles) et
des vitamines K et A (liposolubles).
Leur rôle et leur intérêt dans la pré-
vention de l’ostéoporose seront exa-
minés successivement à la lumière
des connaissances scientifiques dis-
ponibles. Le rôle de la vitamine D
(hormone de régulation du méta-
bolisme calcique) ne sera abordé
qu’en lien avec le rôle des autres
vitamines.
Vitamine C (acide ascorbique)
La synthèse intracellulaire de la
molécule de collagène par les
ostéoblastes suit une progression
spécifique via différentes étapes
(figure) et implique la vitamine C
(acide ascorbique). Cette protéine
est constituée de trois chaînes poly-
peptidiques. Elle contient initia-
lement, aux terminaisons aminées
(N) et carboxylées (C), des résidus
d’acides aminés (AA) supplémen-
taires sous la forme d’extensions
peptidiques appelées “propepti-
des. Ces résidus guident la for-
mation subséquente de la triple
hélice et empêchent la formation
des microfibrilles (fibrillogenèse)
à l’intérieur de la cellule. Avant
la sécrétion du collagène dans le
milieu extracellulaire, une série de
modifications post-translationnel-
les s’opèrent, au cours desquelles
plus de 100 résidus d’AA sont
modifiés chimiquement :
Deux enzymes (la prolyl-hydroxy-
lase et la lysyl-hydroxylase) réa-
lisent l’hydroxylation de certains
résidus proline et lysine, les conver-
tissant respectivement en 3- ou
4-hydroxyproline et hydroxylysine.
Cette action enzymatique ne s’opère
qu’en présence d’oxygène, de fer et
d’acide ascorbique (1) ;
Passé ce stade, trois enzymes dis-
tinctes (la glucosyl-, la galactosyl- et
la mannosyl-transférase) effectuent
la glycosylation des groupements
hydroxyles.
Finalement, les trois chaînes poly-
peptidiques vont s’associer et sta-
biliser la triple hélice, conduisant
à la formation de la molécule de
procollagène. Une fois que celle-ci
est sécrétée, commence une série
de modifications extracellulaires
de maturation (fibrillogenèse), dont
la première étape est le clivage des
propeptides N- et C-terminaux (for-
mation du tropocollagène).
La vitamine C catalyse donc les
réactions d’hydroxylation de la pro-
line et de la lysine
nécessaires à
l’élaboration de la
matrice organique
osseuse. L’effet de
cette vitamine sur
le métabolisme de
l’os et/ou la den-
sité osseuse est
cependant contro-
versé. L’étude que
Leveille et al. (2)
ont mee sur des
femmes entre 55 et
85 ans n’a démon-
tré aucun change-
ment de la densité
minérale osseuse
( D M O ) . Quil
s’agisse d’un gime
riche en vitami-
ne C (295 mg/j) ou
d’une supplémen-
tation (+ 113 mg/j),
la densitométrie
n’a révélé aucune
modification de la
densité fémorale
après une durée
de un an. Seule
une supplémen-
tation de 10 ans
permettait de
visualiser une évo-
lution positive des
DMO chez des sujets sans hor-
monothérapie. Les analyses bio-
chimiques de cobayes porcins
ayant reçu une supplémentation
en vitamine C (500 et 1 000 mg/j)
de 4 mois ont vélé que seule l’os-
téocalcine était majorée par rapport
à la norme. La phosphatase alcaline
osseuse (PALo), le propeptide C-ter-
minal (PICP), 1,25(OH)2D3 (calci-
triol, forme active de la vitamine D),
la désoxypyridinoline (Dpd) (méta-
bolite du collagène sécrété dans
l’urine) et l’hydroxyproline (Hyp)
étaient restés inchangés.
À l’inverse, Hall et al. (3) ont
constaté qu’un régime quotidien
contenant 140 mg de vitamine C
était suffisant pour augmenter la
DMO du fémur. Lorsque cette
vitamine était combinée à plus
116
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (X), n° 5, septembre-octobre 2006
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Dossier
de 500 mg de calcium par jour, la
DMO de ce même site était davan-
tage augmentée ; cependant, aucun
changement n’était apparent lorsque
la teneur en calcium du régime était
inférieure à 500 mg/j. Par ailleurs,
dans les trois cas, les valeurs de
DMO aux sites lombaires L2 et L3
de la colonne n’avaient subi aucun
changement. De même, une sup-
plémentation d’une moyenne de
735 mg/j de vitamine C, associée
à du calcium, a permis d’augmen-
ter la DMO fémorale de femmes
ménopausées (avec ou sans œstro-
génothérapie) après une durée de
12 ans (4).
Vitamine B6 (pyridoxine)
Tel que mentionné précédemment,
le clivage des propeptides C- et
N-terminaux précède les étapes
extracellulaires de maturation du
procollagène (fibrillogenèse) en
donnant naissance au tropocolla-
gène. Les étapes d’association de
ce dernier en microfibrilles, puis
en fibrilles, permettent l’obtention
finale des fibres de collagène. Afin
de maintenir l’intégrité des molé-
cules de tropocollagène entre elles,
des croisements intermoléculaires
covalents sont établis. Cette for-
mation n’est possible que grâce à
une enzyme : la lysyl-oxydase. Son
coenzyme (la vitamine B6, assistée
du cuivre comme cofacteur) permet
l’obtention des croisements molé-
culaires dont les plus connus sont la
pyridinoline (Pyr) et la désoxypy-
ridinoline (Dpd). La vitamine B6
est un dérivé de la pyridine, d’où
sa désignation, “pyridoxine”. Sa
forme active, qui a le rôle de coen-
zyme, est le phosphate de pyridoxal
(PLP) ; il est excrété dans l’urine
sous forme d’acide pyridoxique, qui
s’avère être un bon marqueur de la
prise alimentaire de vitamine B6.
Cette vitamine a été étudiée depuis
plusieurs années, mais peu de tra-
vaux ont été réalisés sur l’espèce
humaine en ce qui concerne son
implication dans le métabolisme
osseux. La plupart des études ont
porté sur des volatiles et des ron-
geurs (tableau). Les études micro-
radiographiques et microscopiques
réalisées sur des animaux déficients
en vitamine B6 ont montré des
lésions osseuses de type ostéoporo-
tique, ainsi que des anomalies histo-
logiques dans les zones hypertrophi-
ques du cartilage. D’autres auteurs
ont ensuite mis en évidence la solu-
bilisation du collagène lorsque les
croisements intermoléculaires sont
réduits, à la suite d’une baisse de
l’activité de la lysyl-oxydase. La
notion de débalancement osseux
(uncoupling), dans le contexte de
la déficience en vitamine B6, a é
suggérée dès 1986, puis confir-
mée en 1994. Chez l’humain, la
première étude publiée a porté sur
des sujets d’une moyenne d’âge
de 83 ans ayant eu des fractures
de la hanche. Chez ces derniers,
le taux plasmatique de PLP était
diminué (< 13 nmol/l ; p < 0,01) et
non corrélé à l’âge (p = 0,6). Selon
les auteurs, la déficience en cette
vitamine semble avoir été un fac-
teur étiologique de fracture chez
les patients étudiés. Les travaux de
Massé et al. sur le poulet déficient
en vitamine B6 ont mis en exergue
une perte de l’intégrité du tissu
conjonctif, associée à une diminu-
tion des croisements intermolécu-
laires, ainsi qu’une augmentation
de la solubilisation du collagène ;
la résistance mécanique de l’os s’en
est trouvée réduite. Par ailleurs, ces
auteurs ont démontré que la défi-
cience en vitamine B6 était accom-
pagnée d’une augmentation du cor-
tisol, associée à une diminution de
la 1,25(OH)2D3 et de l’OC.
L’étude de supplémentation de
Massé et al. (9), très bien contrôlée
et réalisée sur 60 femmes ostéo-
péniques âgées de 35 à 55 ans, a
permis d’illustrer le rôle préventif
des vitamines C et B6 à l’égard de
la perte osseuse. Dans cette étude,
les femmes ont été classées en trois
groupes, selon leur DMO : groupe
normal, ostéopénique contrôle et
ostéopénique expérimental. Ces
groupes ont reçu respectivement un
placebo, un supplément de calcium
seul ou combiné aux vitamines C et
B6, durant 1 an. L’enquête alimen-
taire n’a révélé aucune carence dans
les apports nutritionnels chez les
sujets. Au terme de l’étude, une perte
minérale osseuse de 2 % (p < 0,05)
a été observée chez les femmes du
groupe placebo à un niveau lom-
baire, bien qu’aucun changement
biochimique n’ait été détecté. La
baisse de la densité osseuse a per-
sisté dans le groupe ostéopénique
contrôle sur cinq sites lombaires.
Pour le groupe ostéopénique expé-
rimental, la supplémentation vitami-
nique (C : 500 mg/j ; B6 : 75 mg/j)
combinée au calcium (1 000 mg/j)
a permis d’inhiber la perte osseuse
sur l’ensemble des sites lombaires et
fémoraux. De plus, les données bio-
chimiques ont révélé une réduction
de la parathormone (PTH) (p < 0,05)
et de la 1,25(OH)2D3 (-17 %), indi-
quant une diminution de l’activité
ostéoclastique (diminution de la
résorption osseuse). Les marqueurs
de formation qui augmentent
dans l’ostéopénie, secondairement
à la résorption ont été signifi-
cativement réduits dans le groupe
expérimental : PALo (p < 0,001) et
OC (p < 0,01). D’après cette étude
destinée à améliorer la composition
organique de l’os, la supplémenta-
tion vitaminique (C et B6), associée
à la supplémentation calcique, a per-
mis de prévenir la perte osseuse des
sujets ostéopéniques.
Vitamine K
(K1 : phylloquinone,
K2 : ménaquinone)
Deux protéines dépendantes de la
vitamine K sont présentes dans le
tissu squelettique : la bone Gla-
protein (BGP), aussi appelée ostéo-
calcine (OC), et la matrix Gla-pro-
tein (MGP). Leur synthèse par les
ostéoblastes semble être stimulée
par la 1,25(OH)2D3 et par l’acide
rétinoïque (vitamine A active).
L’OC est une protéine de liaison du
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Dossier
thématique
Tableau. Étude des effets de la déficience en vitamine B
6
sur les marqueurs biochimiques du métabolisme de l’os.
Références Espèce Technique(s) Tissu(s) Principales observations
Benke et al.
(Biochem Med) 1972 Rat Microradiographie Os de la queue Lésions de type ostéoporotique
Gries et Scott
(J Nutr) 1972 Poulet Microscopie (x 40) Tarsométatarse Anomalies histologiques : zone hyper-
trophique (cartilage épiphysaire,
métaphyse)
Murray et al.
(Exp Mol Pathol) 1978 Poulet Fluorospectrophotométrie Aorte activité de lysyl-oxydase
Fujii, Kajiwara et Kurosu
(FEBS Letters) 1979 Rat Chromatographie Peau et os solubilité collagène
croisements intermoléculaires
Dodds et al.
(Bone) 1986 Rat Microscopie (x 15) Métatarse Anomalies cellulaires suggérant un
uncoupling
(ostéoblastes/ostéoclastes +)
Massé et al.
(Scan Elect
Microsc) 1990
Poulet Microscopie électronique
Cartilage
articulaire
Tarsométatarse
diamètre des fibres du collagène
Reynolds et al.
(Acta Orthop
Scand) 1992
Humain
Rayons-X
Analyse biochimique
de la B6
Fracture
de la hanche
PLP plasmatique
(PLP = phosphate de pyridoxal,
vitamine B6 active)
Massé et al.
(Br J Nutr) 1994 Poulet
Histomorphométrie
Microradiographie
Analyses chimiques
Tibia
Tarsométatarse
Uncoupling : résorption > formation
solubilité du collagène
Massé et al.
(J Nutr) 1995 Poulet Analyses chimiques
Microscopie
Liquide synovial
Cartilage
articulaire
Tendon
croisements intermoléculaires du
collagène
Perte de l’intégrité tissulaire
Massé et al.
(Bone) 1996 Poulet
Analyses chimiques
FTIR spectroscopie
Diffraction par rayons-X
Étude biomécanique
Tibia
(diaphyse)
solubilité du collagène
résistance os
Aucune différence dans la compo-
sante minérale et la taille des cris-
taux de fluoroapatite
Massé et al.
(Can J Physiol
Pharmacol) 2000
Poulet Analyses biochimiques Plasma cortisol
1,25(OH)2D3 OC
= diminution ; = majoration.
calcium, spécifique des os. C’est la
plus abondante des protéines non
collagéniques de la matrice osseuse.
Elle contient jusqu’à trois résidus
d’acide γ-carboxyglutamique (Gla)
qui facilitent la fixation des ions cal-
cium. La synthèse de l’OC (gamma-
carboxyglutamination) dépend
de la présence de la vitamine K
sous sa forme hydroquinone (KH2),
forme réduite de la vitamine K1.
L’OC apparaît dans l’os au début du
dépôt d’hydroxyapatite, et pourrait
être impliquée dans le remodelage
osseux et/ou la mobilisation du
calcium. Même si elle fait l’objet
de nombreuses études, la fonction
actuelle de cette protéine n’est pas
connue précisément. Il a été pro-
posé que l’OC jouerait un rôle dans
la régulation des fonctions des osté-
oblastes. L’OC augmente en com-
pensation de la perte osseuse, phé-
nomène du coupling cellulaire.
Il a été rapporté qu’une déficience à
long terme en vitamine K provoque
une cessation de la croissance lon-
gitudinale, ainsi que des défauts de
cristallisation de l’os. Chez l’adulte
sain, la déficience est peu proba-
ble. Une diète “normale” fournit
entre 300 et 500 µg/j. En France,
les experts en nutrition ont fixé à
45 µg/j le besoin en vitamine K
de l’adulte ; aux États-Unis, le
Recommended Dietary Allowance
(RDA) est de 60 à 80 µg/j. De tous
les groupes de la population, le
nourrisson est celui qui est le plus à
risque de déficience en vitamine K,
hormis les cas de médication ou de
pathologie associée. En effet, son
alimentation lactée (déficiente en
vitamine K), ses faibles réserves et
son tractus intestinal pauvre en bac-
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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (X), n° 5, septembre-octobre 2006
thématique
Dossier
téries synthétisant la ménaquinone
(vitamine K2) expliquent sa vulné-
rabilité. D’après la littérature, une
relation existe entre la vitamine K et
l’ostéoporose. Une déficience subcli-
nique en cette vitamine pourrait être
impliquée dans la pathogenèse de la
perte minérale osseuse. Selon une
étude américaine, plus de la moitié
des jeunes américains ne satisfont
pas leur besoin en cette vitamine.
D’après la littérature, la γ-carboxyla-
tion de l’OC peut être améliorée par
une supplémentation en vitamine K
à des doses comprises entre 100 et
420 µg/j. L’étude de Booth et al. (5),
impliquant des phases alternées de
déplétion (15 jours) et de réplétion
(10 jours), suggère que cette vita-
mine a un effet direct sur le renou-
vellement osseux de jeunes adultes.
En effet, en limitant son apport (K1)
à 11,0 μg/j, puis en le majorant à
206 μg/j, les auteurs ont montré
une élévation, puis une diminution
dans les marqueurs biochimiques
de formation (OC ; p = 0,002) et
de sorption osseuses (télopeptide
NTx ; p = 0,08), respectivement. La
Dpd demeura constante ; le mar-
queur NTx urinaire a semblé être le
plus sensible à la déplétion vitami-
nique. D’après une autre investiga-
tion fondée sur une supplémentation
de 1 000 μg/j, la concentration en ce
dernier n’a pas été affectée, pas plus
que celle de la PALo.
L’étude de Booth et al. (6) réali-
sée avec 888 sujets d’une moyenne
d’âge de 75 ans, d’une durée de
7 ans, a révélé qu’il n’y a pas d’as-
sociation entre les apports alimen-
taires en vitamine K et la DMO.
Toutefois, les individus ayant le
quartile le plus éled’apports en
cette vitamine (médiane de 254 μg/j)
ont présenté un risque relatif de frac-
ture de la hanche significativement
plus faible. Des DMO basses et des
risques importants de fracture de la
hanche ont été observés lorsque la
concentration de l’OC (marqueur
sensible du statut vitaminique K)
était élevée dans la circulation.
En bref, puisque le rôle métabolique
de la vitamine K n’est pas bien
défini et que les preuves biochimi-
ques sont encore insuffisantes, il
serait imprudent de faire une recom-
mandation spécifique quant à cette
vitamine en ce qui concerne la santé
osseuse. Des recherches approfon-
dies sont encore nécessaires dans ce
domaine.
Vitamine A (rétinol)
Différentes définitions sont rencon-
trées quant au terme “vitamine A” ;
il recouvre l’ensemble des compo-
sés naturels présentant une activité
biologique qualitativement compa-
rable à celle du rétinol, principal
représentant de la famille. L’acide
rétinoïque, métabolite actif de cette
vitamine, stimule la formation et
l’activité ostéoclastique, d’où résulte
une résorption osseuse. Des travaux
de recherche ont, par ailleurs, révélé
le rôle fondamental de ce composé
dans la régulation de l’expression
du génome. Des récepteurs rétinoï-
des ont été identifiés sur les ostéo-
blastes et sur les ostéoclastes. Les
études in vitro ont démontré que
l’acide rétinoïque supprime l’acti-
vité ostéoblastique et stimule la for-
mation ostéoclastique.
De nombreux chercheurs ont exa-
miné la possibilité que des apports
excessifs en vitamine A soient asso-
ciés à une diminution de la DMO
et à une augmentation du risque
de fracture. L’étude de Melhus et
al. (7), réalisée sur un échantillon
de 175 femmes suédoises de 28 à
74 ans, a ainsi révélé qu’avec des
apports supérieurs à 1,5 mg/j (en
comparaison avec des apports infé-
rieur à 0,5 mg/j), la DMO a été
réduite de 10 % au niveau du col
fémoral (p = 0,05) et 14 % au niveau
lombaire (p = 0,001) ; le risque de
fracture de la hanche a été doublé.
Lorsque le rétinol et les β-caro-
ténoïdes sériques ont été évalués
chez 2 322 hommes suédois, de 49
à 51 ans (8), les analyses multiva-
riées ont souligné que ce risque était
de 1,64 (tout type de fracture) avec
des dosages de rétinol supérieurs à
75,62 µg/dl (2,64 µmol/l) – en com-
paraison avec des valeurs comprises
entre 62,16 et 67,60 µg/dl –, et de
2,47 pour la fracture de la hanche.
Le niveau sérique du β-carotène
n’a pas été associé avec le risque
de fracture. En 2004, 22 années
de suivi (étude NHANES I) de
2 799 femmes, âgées de 50 à 74 ans,
ont révélé 172 cas de fracture de
la hanche. Alors qu’aucune rela-
tion linéaire entre la concentration
sérique en vitamine A (rétinol) et le
risque de fracture de la hanche n’a
été constatée, l’analyse par quin-
tile a indiqué une relation “en U”
entre ces deux variables. Le risque
de fracture était significativement
plus élevé parmi les sujets dans le
plus bas et le plus haut quintile, par
rapport aux quintiles moyens. Une
autre étude rapporte cet effet d’in-
tervalle la DMO est optimale
lorsque l’apport alimentaire en
vitamine A est compris entre 0,6 et
0,9 mg/j (2 000 à 2 800 UI/j).
De nombreuses études corroborent
donc l’effet délétère d’un excès de
rétinol sur la santé osseuse. Son
niveau sérique a été positivement
associé avec des apports alimen-
taires en vitamine A, au même titre
qu’avec la prise de suppléments. Des
précisions s’imposent toutefois quant
aux modes d’actions spécifiques de
cette vitamine et quant au niveau de
rétinol à maintenir afin d’optimiser
la santé osseuse. L’enrichissement
alimentaire soulève des questions en
raison de ses risques.
Conclusion
Il faut voir, dans cette brève revue
de littérature, des résultats encoura-
geants dans le domaine de la préven-
tion osseuse au moyen de vitamines
par voie orale. Leurs implications
taboliques pour le système osseux
sont complexes, mais dans certains
cas, elles sont clairement détaillées,
notamment pour les vitamines C et
B6 (9). Il est important de réaliser que
la détérioration osseuse demeure un
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