La Lettre du Rhumatologue - n° 238 - janvier 1998
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POLYARTHRITE RHUMATOÏDE
DE LA PATHOGÉNIE AUX TRAITEMENTS BIOLOGIQUES
La meilleure connaissance des mécanismes impliqués dans la
physiopathogénie de la polyarthrite rhumatoïde (PR) permet, au-
delà d'une simple amélioration des connaissances fondamentales
sur la maladie, de concevoir de nouvelles cibles thérapeutiques.
C’est ainsi, il y a une petite dizaine d’années maintenant, que
les premières études ont été réalisées avec des agents biolo-
giques dirigés principalement contre
certaines sous-populations lymphocy-
taires (tels les anticorps anti-CD4). Ces
traitements dits biologiques découlent
de nos connaissances de la pathogénie
de la PR et les principales modalités
aujourd’hui proposées sont résumées
sur la figure 1.
IL1 et thérapies anti-IL1
L’interleukine 1 (IL1) a été l’une des premières cytokines impli-
quées dans la pathogénie de nombreuses maladies inflamma-
toires, et notamment la PR. Son rôle délétère est maintenant bien
connu, rappelé au cours du congrès par la présentation d’un
modèle animal d’arthropathies érosives chez des animaux trans-
géniques pour l’interleukine 1ß.
Lors du congrès de l’ACR 96 à Orlando, la possibilité de théra-
pie génique par IL1 récepteur antagoniste (IL1RA) chez l’animal
avait été évoquée. Cette année, les mêmes auteurs ont rapporté
la faisabilité et la sécurité de la thérapie génique IL1RA chez
l’homme (Ghivizzani, États-Unis). Il a été procédé à une pre-
mière tentative de thérapie génique chez l’homme destinée, en
fait, à vérifier tout d’abord la faisabilité de la méthode et la sécu-
rité, au moins à court terme. Huit femmes ont été pour le moment
incluses dans ce programme et les résultats complets pour trois
d’entre elles ont été présentés. Il s’agit de femmes ménopausées
ayant une PR sévère et justifiant d’une chirurgie prothétique pour
au moins deux articulations métacarpo-phalangiennes. Le proto-
cole est le suivant : au cours d’une chirurgie antérieure, la syno-
viale a été prélevée pour réalisation de cultures de cellules syno-
viales de type fibroblastique. Une transfection de ces cellules est
effectuée in vitro, grâce à un vecteur rétroviral exprimant le gène
de l’IL1RA. Une semaine avant la chirurgie des doigts, sont injec-
tées 106cellules transfectées dans une première MCP et, dans une
autre, 106cellules non transfectées, correspondant ainsi à une arti-
culation “témoin”. La chirurgie prothétique est réalisée 8 jours
après l’injection ; l’expression synoviale du gène est évaluée par
RT PCR et hybridation in situ, la présence de la protéine par
Polyarthrite rhumatoïde
La meilleure connaissance des mécanismes impliqués
dans la physiopathogénie de la PR permet de concevoir de
nouvelles cibles thérapeutiques (traitements biologiques).
L’excès de mortalité d’origine cardiovasculaire est
confirmé dans la PR.
Sur le plan génétique, HLA DRB1 confirme son intérêt
pronostique. D’autres facteurs (HLA DM, allèles du TNF)
apparaissent.
Confirmation clinique et radiologique de l’intérêt de trai-
tements dits de fond précoces et du concept d’association
thérapeutique.
POINTS FORTS
POINTS FORTS
CPA
TCR
HLA
LcT
LcT
Ac anti-molécules
d'adhésion (anti-ICAM1...) Veinule
post-capillai
LcB
LcBFR ICC
Ac anti-TCR
Peptides TCR
Ac anti-HLA II
Peptides HLA
Tolérance orale (collagène II)
Campath 1H
Anti-CD4
Anti-CD5
Anti-CD7
Anti-IL2R
DAB389 IL2R
Apoptose
Cellules synoviales
Prolifération synoviale Manifestations systémiqueDégradation articulaire
(Protéases)
IFNγ
IL4
IL10
CK
IL1RA
sIL1R
sTNFR
Ac anti-TNFα
Tace inhibiteurs
Ac anti-IL6
Figure 1.
Polyarthrite rhumatoïde :
de la pathogénie aux traitements
“biologiques” – Généralités.
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POLYARTHRITE RHUMATOÏDE
immunohistochimie, et son activité est testée par son pouvoir bio-
logique. Chez les trois premières malades, l’expression synoviale
du gène est confirmée avec présence d’une protéine active, attes-
tant ainsi de la faisabilité chez l’homme de la technique. La sécu-
rité à court terme est bonne puisque aucun effet indésirable par-
ticulier n’a été souligné. Alors, à quand les premiers résultats
réellement thérapeutiques ?
L’autre thérapie anti-IL1 repose sur l’injection d’IL1RA
recombinante humaine. Les résultats préliminaires à six mois
ont été présentés au cours du congrès 1996 à partir d’une étude
randomisée chez 472 sujets. Nuki (Royaume-Uni) a présenté les
résultats d’une extension de 6 mois chez 309 malades. Il s’agit
d’une étude réalisée en double aveugle : soit les malades pour-
suivent la même dose de traitement actif qu’au cours du premier
semestre, soit, s’ils ont été traités antérieurement par placebo, ils
sont randomisés pour les 6 mois à venir en trois bras, à 30, 75 ou
150 mg en sous-cutané par jour.
L’efficacité clinique se maintient entre le 6eet le 12emois. Pour
les malades sous placebo au cours du premier semestre, après
6 mois de traitement actif, les résultats sont significatifs pour tous
les paramètres étudiés (cliniques et biologiques) et en termes de
répondeurs selon les critères ACR 20 % (tableau I). En ce qui
concerne l’évolution radiologique, celle-ci fait apparaître une
moindre progression du score de Larsen et du score d’érosion
chez les malades traités par IL1RA.
La tolérance est dans l’ensemble bonne, sans aucun effet indési-
rable grave. La fréquence d’effets indésirables mineurs est de
l’ordre de 20 %, et ce quel que soit le groupe.
Cette extension de 6 mois confirme donc l’efficacité sur les para-
mètres cliniques et biologiques de l’IL1RA administrée par voie
sous-cutanée journalière. Il existerait par ailleurs un effet positif
concernant une moindre progression des signes radiologiques,
mais aucun élément statistique n’a été donné.
TNFαet thérapies anti-TNFα
Le TNFαest une autre cytokine particulièrement impliquée dans
les phénomènes de destruction ostéo-articulaire au cours de la
PR, cytokine considérée comme pivot, et dont le rôle pathogène
a été appuyé par l’étude d’animaux transgéniques pour le TNFα.
Une présentation générale a été faite par Mohler.
Thérapies anti-TNFαpar anticorps anti-TNFα
Evans et coll. (États-Unis) nous ont présenté leurs résultats de
l’utilisation d’un anticorps humanisé anti-TNF
α
(IgG i.v. “CDP-
571”). Le traitement est administré chez 29 malades, à raison de
deux injections espacées de 6 semaines (malades randomisés en
trois groupes à la posologie de 2,5 mg/kg, 10 mg/kg ou 20 mg/kg).
Il s’agit d’une étude ouverte, dite de “dose ranging”. La maladie
devait évoluer depuis au moins un an et avoir fait l’objet d’au
moins un traitement de fond avec une corticothérapie égale ou
inférieure à 10 mg/j. Les malades sont âgés en moyenne d’une
cinquantaine d’années, la maladie évoluant depuis 17 ans en
moyenne dans les groupes 2,5 et 10 mg/kg, et 8 ans dans le groupe
20 mg/kg. Le nombre moyen de traitements de fond préalable-
ment utilisés est de 4 pour les groupes 2,5 et 20 mg/kg et 6 pour
le groupe à 10 mg/kg.
Les résultats (en termes de répondeurs selon les critères ACR
20 %) sont illustrés par la figure 2.
Des effets indésirables mineurs sont fréquemment mentionnés, à
type notamment de malaise, de prurit, de pharyngite, de rash. Six
processus infectieux ont été notés (pneumonie, cellulite, dysen-
terie à Shigelles...) et ce dans les trois groupes. Trois effets indé-
sirables sévères ont été observés, dont une colite ischémique dans
le groupe 10 mg, un pneumothorax spontané dans le groupe 20 mg
et une dysenterie à Shigelles. Ces derniers événements n’ont pas
été imputés à la thérapeutique anti-TNF. Les réactions lors de
l’injection ont été plus nombreuses lors de la deuxième adminis-
tration, surtout dans les groupes 10 et 20 mg/kg.
L’utilisation d’anticorps anti-TNFαpar le groupe de Maini avait
déjà fait l’objet d’une importante publication dans le Lancet en
1994 (étude randomisée contre placebo d’un anticorps dénommé
cA2). Le traitement paraissait bien toléré, avec une réponse cli-
nique à 6 mois chez 79 % des patients traités par cA2 (10 mg/kg)
contre seulement 8 % dans le groupe placebo.
Maini et coll. ont présenté leurs résultats quant à l’utilisation de
l’anticorps cA2 en monothérapie ou en combinaison avec le
méthotrexate, en s’interrogeant par ailleurs sur la tolérance et la
sécurité à long terme, et notamment sur la fréquence et les consé-
quences de la production d’éventuels anticorps anti-cA2.
Il s’agit de 101 malades considérés comme répondeurs partiels
au méthotrexate à la dose fixée de 7,5 mg/semaine. Ils ont été
randomisés dans 7 groupes d’une quinzaine de malades :
3 groupes avec une monothérapie cA2 à la dose de 1, 3 ou
10 mg/kg, 3 groupes combinant le cA2 aux trois posologies pré-
citées mais en association au méthotrexate (7,5 mg/kg) et un
7egroupe correspondant à la combinaison placebo + méthotrexate.
Les injections sont réalisées à T0, à 2, 6, 10 et 14 semaines. L’éva-
luation finale est faite à la 28esemaine.
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
J14 J28 J28J42 J42J14
Injection 1 Injection 2
% de patients
répondant aux critères AC
2,5 mg/kg
10 mg/kg
20 mg/kg
Figure 2. Anticorps anti-TNF
α
. Résultats cliniques.
Tableau I. Traitement par rhu IL1RA.
ACR 20 n Placebo IL1RA
(0-6 mois) (6-12)
Placebo 30 mg 27 37 % 52 %
Placebo 75 mg 23 26 % 43 %
Placebo 150 mg 21 43 % 71 %
Total 71 35 % 55 %*
* p < 0,01.
.../...
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POLYARTHRITE RHUMATOÏDE
L’efficacité clinique est illustrée par la figure 3. La combinaison
cA2/méthotrexate est efficace chez près de 70 à 80 % des patients.
Cette combinaison conduit au maintien d’une bonne réponse chez
près de 50 % des malades à la 28esemaine. La tolérance est bonne
avec une réaction lors de l’injection dans 6 % des cas (prurit, urti-
caire...). Aucun effet indésirable sévère n’a été observé. Le
nombre d’infections nécessitant une antibiothérapie a été de 28/87
(32,2 %) chez les malades traités par cA2 contre 3/14 (21,4 %)
dans le groupe placebo + méthotrexate (p = 0,54). Au décours
immédiat des injections, aucun effet indésirable sévère n’a été
rapporté, mais une endophtalmie bactérienne qui a justifié l’énu-
cléation (complication septique dans les suites d’une chirurgie
pour cataracte) est survenue chez un malade 9 semaines après les
5 injections. Un autre malade, 15 semaines après 3 injections, a
dû arrêter le traitement et va décéder d’une septicémie. Les auteurs
soulignent cependant que l’utilisation de l’anticorps cA2 n’aug-
menterait pas la mortalité par sepsis.
Concernant le risque de développement d’hémopathies malignes,
l’utilisation de cet anticorps chez près de 400 patients traités pour
PR ou maladie de Crohn ne s’est compliquée de lymphome que
dans 4 cas avec 5 années de suivi (dont 3 PR ayant toutes reçu
par ailleurs préalablement du méthotrexate et 2 de l’azathioprine).
Concernant l’apparition d’anticorps antinucléaires, notamment
anti-DNA natif, leur fréquence d’apparition serait de l’ordre de
8 % (apparition en moyenne 4 à 8 semaines après l’injection mais
disparaissant après l’arrêt des injections). Un seul cas sur 221 PR
conduit à discuter la possibilité d’un lupus induit mais les symp-
tômes de pleuro-péricardite, fièvre, dyspnée... ont disparu en 8 à
10 semaines.
Thérapies anti-TNFαpar récepteurs solubles
Concernant l’utilisation des récepteurs solubles du TNF, notam-
ment le TNF récepteur p75, Weinblatt (États-Unis) a rapporté les
résultats d’une étude randomisée contre placebo de 6 mois chez
234 malades. Il s’agit d’une importante étude multicentrique avec
trois bras : un bras placebo et deux bras TNF récepteur FC, l’un
à la dose de 10 mg, l’autre à la dose de 25 mg en sous-cutané à
raison de deux fois/semaine. Il s’agit de malades ayant préala-
blement fait l’objet de 1 à 4 traitements de fond avec polyarthrite
active et une corticothérapie inférieure ou égale à 10 mg/j. Les
résultats cliniques sont illustrés par le tableau II.
L’efficacité clinique se vérifie pour chacun des paramètres étu-
diés, cliniques ou biologiques. Un peu plus de 40 % des malades
vont faire l’objet d’une réaction locale (à l’injection) et une infec-
tion des voies aériennes supérieures est constatée chez 40 % des
malades traités par TNF récepteur contre 25 % dans le groupe
placebo (différence significative). La fréquence des autres effets
indésirables n’est pas significative (céphalées, rhinite...). Aucun
effet indésirable grave imputable au traitement n’est apparu. La
recherche d’anticorps anti-TNF récepteur n’est positive par
ELISA que chez un seul malade du groupe 10 mg.
Le traitement par TNF récepteur p75 démontre donc une effica-
cité rapide et se maintenant tout au long de l’étude avec une supé-
riorité pour la dose de 25 mg. La tolérance à 6 mois est bonne,
conduisant à poursuive son évaluation à plus long terme.
L’utilisation de récepteurs du TNF p55 est une autre option, déjà
publiée par l’équipe allemande de Sander. Ce même auteur pré-
sentait cette année les résultats à long terme, soit 36 mois, de l’uti-
lisation de récepteurs solubles du TNF p55 chez 80 malades. Il
rapporte le maintien d’une efficacité clinique à 36 mois, avec
notamment poursuite de la régression du nombre d’articulations
tuméfiées. La tolérance toutefois est plus discutable, avec de fré-
quents effets indésirables mineurs mais des effets indésirables
plus graves, avec notamment trois vascularites, un syndrome de
relargages cytokiniques, une néphrite de type lupique...
TCR et vaccination par peptides du TCR
La recherche d’une oligoclonalité concernant le récepteur du lym-
phocyte T (TCR) au cours de la PR a fait l’objet de nombreux
travaux au cours de ces dernières années. Moreland et coll. (États-
Unis) ont retenu le rôle prépondérant des clones Vß3, Vß14 et
Vß17 et ont ainsi conçu la possibilité d’immuno-intervention par
vaccination peptidique grâce à une combinaison de ces trois pep-
tides administrés en double aveugle, contre placebo, dans le cadre
d’une étude randomisée d’une durée de 32 semaines. Un milli-
litre de ces trois peptides associé à l’adjuvant incomplet de Freund
était administré à T0, 4, 8 et 20 semaines avec une évaluation
finale à 24 et 32 semaines. Trente et un malades ont été inclus
dans le groupe 90 µg/ml, 35 dans le groupe à 300 µg/ml et 33
dans le groupe placebo (adjuvant incomplet de Freund). La mala-
die évoluait depuis environ une dizaine d’années, avec un nombre
moyen d’articulations douloureuses, au début, de l’ordre de 30,
100
80
60
40
20
0
100
80
60
40
20
0
80
60
40
20
0
80
60
40
20
0
% malades répondeurs
3 mg/kg cA2 10 mg/kg cA2
20 %50 %
Critères de Paulus
0 4 8 12 16 26 0 4 8 12 16 26
Semaines
Placebo/MTX+ cA2/MTX- cA2/MTX+
Figure 3. Anticorps anti-TNF
α
– Efficacité.
Tableau II. Récepteurs solubles du TNF : efficacité clinique.
Placebo 10 mg 25 mg
M3 23 45* 62*+
M6 11 51* 59*
M3 8 13 41*+
M6 5 24* 40*+
ACR 20
ACR 50
* p < 0,003 (vs placebo) ; + p < 0,05 (10 vs 25).
.../...
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et de 20 pour le nombre d’articulations tuméfiées (âge moyen =
50 ans). L’efficacité en termes de malades répondeurs selon les
critères ACR 20 % en intention de traitement est illustrée par la
figure 4. Seul un malade du groupe 90 µg et trois malades du
groupe 300 µg ont interrompu le traitement pour inefficacité. La
tolérance est bonne puisqu’il n’y a eu aucun arrêt pour effets indé-
sirables. Les principaux effets indésirables sont d’ordre digestif
ou respiratoire, sans différence significative entre les trois
groupes. Aucune manifestation témoignant d’une immunosup-
pression n’a été observée. Sur le plan biologique, on observe une
diminution importante des taux sériques de TNFαchez les
malades répondeurs versus les malades cliniquement non répon-
deurs (p < 0,05). On n’observe pas de réaction anticorps contre
les peptides du TCR.
Vaccination par peptides HLA
De l’autre côté de l’antigène se situe la molécule HLA, et notam-
ment de type DR. Le travail de Sinclair et coll. (États-Unis) men-
tionnait l’utilisation possible d’une vaccination par l’administra-
tion de peptides DR4-DR1. Cette étude a concerné 52 malades
hétérozygotes selon l’hypothèse de l’épitope partagé et recevant
des doses stables de méthotrexate. Trois posologies de vaccin
anti-DR ont été administrées avec 3 à 4 injections de rappel à
6-8 semaines d’intervalle. Il s’agit surtout d’une étude de tolé-
rance avec absence d’effet indésirable sévère observé, absence
de processus infectieux. Ce type de vaccination ne semble pas,
par ailleurs, perturber la réponse immunologique des individus,
notamment vis-à-vis de la toxine tétanique. Par contre, en termes
d’efficacité, celle-ci nécessitera confirmation puisque à 8 semaines
les auteurs n’observent pas d’amélioration significative de paramètres
comme le score douloureux articulaire ou le score d’articulations
tuméfiées.
IL10 et traitements par IL10
Parmi les mécanismes physiopathogéniques de la PR est évoqué
celui d’un déséquilibre TH1/TH2, les lymphocytes TH1 produi-
sant notamment l’IL2 et l’interféron γà l’origine d’une inhibi-
tion des lymphocytes TH2 qui, eux, synthétisent notamment l’IL4,
l’IL5, l’IL10. L’IL10 est considérée comme une cytokine anti-
inflammatoire et la figure 5 illustre les principaux modes d’ac-
tion bénéfique de cette cytokine dans une affection comme la PR.
De nombreuses études expérimentales, notamment chez l’animal,
ont été présentées au cours de ce congrès, toutes concordantes en
faveur de l’efficacité de l’interleukine 10 dans la prévention et le
traitement de différents modèles d’arthrites érosives comme l’ar-
thrite au collagène.
Il s’agit essentiellement de modèles d’administration d’IL10 par
thérapie génique comme l’étude présentée par Jorgensen et coll.
(Montpellier) ou celle de Miyata et coll. (Japon). L’effet anti-
inflammatoire est démontré par ailleurs in vitro sur des cellules
humaines de synovite rhumatoïde (Apparailly et coll., Montpel-
lier) ou in vivo dans le modèle de greffe de synovite rhumatoïde
humaine chez la souris immunodéficiente de type SCID (Jor-
gensen et coll.). La production d’IL10 par thérapie génique chez
l’animal (modèle de l’arthrite au collagène) permet de totalement
prévenir l’apparition des lésions destructrices.
Maini et coll. (Royaume-Uni) nous ont présenté les premiers
résultats de l’utilisation chez l’homme de l’IL10 recombinante
humaine dans la PR. Il s’agit d’une étude multicentrique, contrô-
lée, en double insu, contre placebo avec 5 posologies croissantes
de rhu IL10 (0,5, 1, 5, 10 ou 20 µg/kg/j en sous-cutané). Après
4 semaines de traitement, les malades sont suivis pendant 2 mois,
soit au total 53 malades traités par IL10 et 19 par placebo. L’âge
moyen des sujets est de 55 ans avec utilisation préalable en
moyenne de 2,5 traitements de fond. Le score articulaire dou-
loureux est en moyenne de 34 au début de l’étude.
La figure 6 fait état de la supériorité d’action du traitement par
IL10 par rapport au placebo, en particulier dans le groupe traité
à la dose de 5 µg/kg. La tolérance est bonne à l’exception de réac-
40
30
20
10
0
Nombre de répondeurs (ACR20) en
12 %
32 %
14 %
12 %
29 %
20 %
Semaine 20 Semaine 24
Contrôle AIF (n = 33)90 µg (n = 31)300 µg (n =
3
%
p = 0,05
p = 0,09
Figure 4. Vaccination par peptides du TCR – Efficacité.
TIMP
MMP
IL1 IL6
IL8 IL12
TNFα
PGE2, NO
Anergie
FR
APC
CK IL10
LcB
LcTL
cT
LcT
Pourquoi traiter la PR par IL10 ? Déséquilibre d
e
Figure 5. Place de l’IL10.
15
10
5
0
- 5
- 10
- 15
- 20
- 25
- 30
- 35
- 40
Amélioration Aggravation
0,5 µg/kg1 µg/kg 5 µg/kg10 µg/kg20 µg/kgPlacebo
Nombre
articulations
tuméfiées
Nombre
articulations
douloureuses
Opinion
globale
du médecin
Opinion
globale
du malad
e
Douleur
Figure 6. Traitement de la PR par IL10 – Efficacité.
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POLYARTHRITE RHUMATOÏDE
tions locales, d’effets indésirables mineurs de type nausées,
céphalées... À noter cependant la diminution du taux de pla-
quettes, notamment dans les groupes traités à la dose de 5, 10 et
20 µg/kg (chute en moyenne de 330 000 à 180 000 à la fin de la
première semaine pour les groupes traités à 10 ou 20 µg/kg). La
normalisation s’observe une semaine après la dernière injection.
Aucun effet indésirable grave n’est mentionné. Les malades ne
développent pas d’anticorps anti-IL10.
Apoptose et PR
Certaines anomalies de l’apoptose ou mort programmée peuvent
rendre compte de l’existence de clones cellulaires, notamment
lymphocytaires autoréactifs, et pourraient participer en particu-
lier à l’hyperplasie synoviale constatée dans la synovite rhuma-
toïde.
En 1996, l’équipe de Firenstein avait mentionné l’existence d’ano-
malies du gène de la protéine P53 impliquée dans les phénomènes
d’apoptose. Firenstein et coll. (États-Unis) démontrent cette année
l’existence de plusieurs mutations somatiques acquises du gène
de la P53 dans la synoviale rhumatoïde. Ils soulignent en effet
le caractère acquis de ces anomalies, conclusion étayée par un
autre travail ne retrouvant pas d’anomalie de la P53 au cours de
PR toutes débutantes (Mac Gonagle, Royaume-Uni). Les auteurs
suggèrent donc que ces mutations seraient secondaires à l’action
d’agents génotoxiques, comme l’acide nitrique ou certaines cyto-
kines. Les conséquences de ces anomalies sur les cellules syno-
viales sont l’augmentation de la prolifération cellulaire avec capa-
cité d’invasion et de croissance sans ancrage, une diminution de
l’apoptose des cellules synoviales, mais pas d’effet sur l’expres-
sion de métalloprotéases comme la collagénase (MMP1) (Aup-
perle, États-Unis).
Si le rôle de cytokines comme l’IL1 et le TNFαest évoqué depuis
plusieurs années maintenant dans la pathogénie de la PR, plu-
sieurs travaux ont fait état de liens possibles entre ces cytokines
et des anomalies de l’apoptose. En ce qui concerne l’interleu-
kine 1, le trait d’union avec l’apoptose est réalisé par une enzyme,
la pré-ICE ou “IL1 converting enzyme” ou Caspase I. Cette
enzyme est présente dans la cellule sous forme d’une molécule
précurseur contenant trois composants, P14, P20 et P10. La liai-
son Fas-Fas ligand va conduire au clivage de cette pré-ICE en
ICE activée sous forme d’un hétérodimère deux fois P10-P20, et
donc à la libération du composant P14. L’ICE activée va per-
mettre l’activation de la pré-IL1ß en IL1ß à l’origine des effets
connus de cette cytokine inflammatoire. Jusqu’à maintenant,
nombre d’inconnues persistaient quant au rôle du composant P14,
et l’objectif de ces auteurs a été de démontrer l’implication du
P14 dans l’induction du phénomène d’apoptose.
Au cours de ce congrès, c’est essentiellement le rôle du système
Fas-Fas ligand dans l’induction de l’apoptose des cellules syno-
viales qui a été retenu. La figure 7 illustre les principales connais-
sances de cette voie d’activation de l’apoptose. Kobayachi (Japon)
évoque le rôle possible du TNFαcomme cofacteur de l’activa-
tion Fas-Fas ligand via le système tradd fadd. La sentrine est une
molécule anti-apoptotique capable de bloquer le système Fas-Fas
ligand, et qui serait particulièrement exprimée dans la synoviale
de malades ayant une PR. Cette expression élevée de sentrine ren-
force la notion d’une réduction d’apoptose des cellules synoviales
selon la voie Fas-Fas ligand, et paraît donc compatible avec le
défaut d’apoptose des cellules synoviales et leur rôle pathogène
dans l’invasion et la destruction articulaire (Franz, Suisse).
Plusieurs travaux ont été présentés concernant la possibilité d’ac-
tion thérapeutique par induction d’apoptose, par exemple via le
système Fas-Fas ligand, et ce dans différents modèles expéri-
mentaux, notamment le travail japonais présenté par Fujisawa.
Ces auteurs ont injecté en intra-articulaire des anticorps anti-Fas
(5 µg/articulation) dans le modèle d’arthrite érosive des souris
transgéniques HTLV1-Tax. Ils démontrent une rapide et signifi-
cative diminution des paramètres cliniques de l’inflammation
comme l’étude du diamètre de la patte et, sur le plan histologique,
l’effet bénéfique anatomique de l’injection intra-articulaire d’an-
ticorps anti-Fas (étude après sacrifice de l’animal après 3 jours
de traitement par anti-Fas).
L’effet bénéfique des anticorps anti-Fas a été démontré par ailleurs
dans le modèle d’arthrite au collagène et sur le pannus rhuma-
toïde humain greffé sur la souris SCID (Matsuno et coll., Japon).
À côté de l’administration d’anticorps anti-Fas ont été présentés
quelques travaux sur l’induction de l’apoptose au sein de la syno-
viale rhumatoïde par thérapie génique Fas ligand (Okamoto,
Japon). À quand la réalisation de synoviorthèses biologiques de
type Fas ligand ?
Génétique et PR
La course au gène se poursuit
Au cours du congrès ACR 1996, trois importantes études, dont
une européenne, avaient fait état du développement de stratégies
de recherche de facteurs génétiques impliqués dans la PR par ana-
lyse systématique du génome humain, par étude du polymor-
phisme des microsatellites dans des familles ayant au moins
deux germains atteints. Cette année, l’étude japonaise présentée
par Shiozawa et l’étude européenne présentée par Cornélis ont
démontré, à côté des gènes HLA, la présence d’autres régions,
indépendantes donc du HLA avec une significativité comprise
entre 0,001 et 0,05. Il semble qu’un locus commun soit identifié
à partir de ces deux études, correspondant au locus IDDM9 situé
sur le chromosome 3. Cornélis propose d’appeler ce second gène
“RA2”, bien qu’il puisse s’agir d’un gène “d’auto-immunité” (les
gènes candidats pouvant être le CD80 ou le CD86). L’étude
anglaise de John et coll. tend à indiquer que cette susceptibilité
Nucleus
AP-1
Bcl-X
DAXX FADD
TRADD
Bax
Bcl-2
FAP-1
JNK
PARP
Caspase-8
Caspase-3
Cytoplasme
Membrane
cellulaire
Fas L
Fas Sentrine
?
TNF
Figure 7. Apoptose et PR – Système Fas-Fas ligand et apoptose des cel-
lules synoviales dans la polyarthrite rhumatoïde.
.../...
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