La Lettre du Rhumatologue - n° 238 - janvier 1998
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POLYARTHRITE RHUMATOÏDE
tions locales, d’effets indésirables mineurs de type nausées,
céphalées... À noter cependant la diminution du taux de pla-
quettes, notamment dans les groupes traités à la dose de 5, 10 et
20 µg/kg (chute en moyenne de 330 000 à 180 000 à la fin de la
première semaine pour les groupes traités à 10 ou 20 µg/kg). La
normalisation s’observe une semaine après la dernière injection.
Aucun effet indésirable grave n’est mentionné. Les malades ne
développent pas d’anticorps anti-IL10.
Apoptose et PR
Certaines anomalies de l’apoptose ou mort programmée peuvent
rendre compte de l’existence de clones cellulaires, notamment
lymphocytaires autoréactifs, et pourraient participer en particu-
lier à l’hyperplasie synoviale constatée dans la synovite rhuma-
toïde.
En 1996, l’équipe de Firenstein avait mentionné l’existence d’ano-
malies du gène de la protéine P53 impliquée dans les phénomènes
d’apoptose. Firenstein et coll. (États-Unis) démontrent cette année
l’existence de plusieurs mutations somatiques acquises du gène
de la P53 dans la synoviale rhumatoïde. Ils soulignent en effet
le caractère acquis de ces anomalies, conclusion étayée par un
autre travail ne retrouvant pas d’anomalie de la P53 au cours de
PR toutes débutantes (Mac Gonagle, Royaume-Uni). Les auteurs
suggèrent donc que ces mutations seraient secondaires à l’action
d’agents génotoxiques, comme l’acide nitrique ou certaines cyto-
kines. Les conséquences de ces anomalies sur les cellules syno-
viales sont l’augmentation de la prolifération cellulaire avec capa-
cité d’invasion et de croissance sans ancrage, une diminution de
l’apoptose des cellules synoviales, mais pas d’effet sur l’expres-
sion de métalloprotéases comme la collagénase (MMP1) (Aup-
perle, États-Unis).
Si le rôle de cytokines comme l’IL1 et le TNFαest évoqué depuis
plusieurs années maintenant dans la pathogénie de la PR, plu-
sieurs travaux ont fait état de liens possibles entre ces cytokines
et des anomalies de l’apoptose. En ce qui concerne l’interleu-
kine 1, le trait d’union avec l’apoptose est réalisé par une enzyme,
la pré-ICE ou “IL1 converting enzyme” ou Caspase I. Cette
enzyme est présente dans la cellule sous forme d’une molécule
précurseur contenant trois composants, P14, P20 et P10. La liai-
son Fas-Fas ligand va conduire au clivage de cette pré-ICE en
ICE activée sous forme d’un hétérodimère deux fois P10-P20, et
donc à la libération du composant P14. L’ICE activée va per-
mettre l’activation de la pré-IL1ß en IL1ß à l’origine des effets
connus de cette cytokine inflammatoire. Jusqu’à maintenant,
nombre d’inconnues persistaient quant au rôle du composant P14,
et l’objectif de ces auteurs a été de démontrer l’implication du
P14 dans l’induction du phénomène d’apoptose.
Au cours de ce congrès, c’est essentiellement le rôle du système
Fas-Fas ligand dans l’induction de l’apoptose des cellules syno-
viales qui a été retenu. La figure 7 illustre les principales connais-
sances de cette voie d’activation de l’apoptose. Kobayachi (Japon)
évoque le rôle possible du TNFαcomme cofacteur de l’activa-
tion Fas-Fas ligand via le système tradd fadd. La sentrine est une
molécule anti-apoptotique capable de bloquer le système Fas-Fas
ligand, et qui serait particulièrement exprimée dans la synoviale
de malades ayant une PR. Cette expression élevée de sentrine ren-
force la notion d’une réduction d’apoptose des cellules synoviales
selon la voie Fas-Fas ligand, et paraît donc compatible avec le
défaut d’apoptose des cellules synoviales et leur rôle pathogène
dans l’invasion et la destruction articulaire (Franz, Suisse).
Plusieurs travaux ont été présentés concernant la possibilité d’ac-
tion thérapeutique par induction d’apoptose, par exemple via le
système Fas-Fas ligand, et ce dans différents modèles expéri-
mentaux, notamment le travail japonais présenté par Fujisawa.
Ces auteurs ont injecté en intra-articulaire des anticorps anti-Fas
(5 µg/articulation) dans le modèle d’arthrite érosive des souris
transgéniques HTLV1-Tax. Ils démontrent une rapide et signifi-
cative diminution des paramètres cliniques de l’inflammation
comme l’étude du diamètre de la patte et, sur le plan histologique,
l’effet bénéfique anatomique de l’injection intra-articulaire d’an-
ticorps anti-Fas (étude après sacrifice de l’animal après 3 jours
de traitement par anti-Fas).
L’effet bénéfique des anticorps anti-Fas a été démontré par ailleurs
dans le modèle d’arthrite au collagène et sur le pannus rhuma-
toïde humain greffé sur la souris SCID (Matsuno et coll., Japon).
À côté de l’administration d’anticorps anti-Fas ont été présentés
quelques travaux sur l’induction de l’apoptose au sein de la syno-
viale rhumatoïde par thérapie génique Fas ligand (Okamoto,
Japon). À quand la réalisation de synoviorthèses biologiques de
type Fas ligand ?
Génétique et PR
La course au gène se poursuit
Au cours du congrès ACR 1996, trois importantes études, dont
une européenne, avaient fait état du développement de stratégies
de recherche de facteurs génétiques impliqués dans la PR par ana-
lyse systématique du génome humain, par étude du polymor-
phisme des microsatellites dans des familles ayant au moins
deux germains atteints. Cette année, l’étude japonaise présentée
par Shiozawa et l’étude européenne présentée par Cornélis ont
démontré, à côté des gènes HLA, la présence d’autres régions,
indépendantes donc du HLA avec une significativité comprise
entre 0,001 et 0,05. Il semble qu’un locus commun soit identifié
à partir de ces deux études, correspondant au locus IDDM9 situé
sur le chromosome 3. Cornélis propose d’appeler ce second gène
“RA2”, bien qu’il puisse s’agir d’un gène “d’auto-immunité” (les
gènes candidats pouvant être le CD80 ou le CD86). L’étude
anglaise de John et coll. tend à indiquer que cette susceptibilité
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