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Il n’en demeure pas moins que la perspective qui conduit à ce triomphe
de la pensée rousseauiste rendait assuré un tel dénouement. Après tout,
l’impressionnant parcours argumentatif qui vise à valider l’hypothèse de
Rousseau empreinte des voies et passe par des jalons qui présupposaient
déjà une certaine forme d’adhésion. Comment justifier en effet le
choix des auteurs que cette étude a retenus ? On y trouve Bodin, mais
pas Machiavel ; on y trouve Grotius et Pufendorf, mais ni Hobbes ni
Locke ; Barbeyrac et Burlamaqui, mais pas Montesquieu. En somme,
on y trouve les protagonistes que Rousseau lui-même s’était donné
ou aurait pu se donner. En lecteur scrupuleux de Rousseau, Bernardi
s’est efforcé d’identifier précisément tous ceux à qui Rousseau faisait
implicitement référence. Ainsi a-t-il été conduit, dans la logique des
travaux entrepris par R. Dérathé, à identifier les sources de la pensée
rousseauiste, celles à partir desquelles cette pensée se déploie et se
justifie. Dans la lignée des auteurs dont se revendique Rousseau lui-
même cohabitent Sidney, Althusius, Locke, Montesquieu, l’abbé de
Saint-Pierre. Aucun de ceux-là ne figurent dans l’enquête. C’est que
Bernardi a préféré voir dans ce catalogue hétéroclite un repoussoir
commun : « aucun n’est à proprement parler un théoricien du droit
naturel ». C’est donc contre le droit naturel et en faveur du droit positif
que, à l’intérieur de la tradition contractualiste, Rousseau semble avoir
choisi ses alliés. Cette interprétation est tout à fait convaincante, et elle
conduit naturellement à faire une place importante à ceux que Rousseau
nomme les « jurisconsultes ».
Ce choix de respecter une classification « rousseauiste » des auteurs n’en
conduit pas moins à un certain parti pris. En respectant scrupuleusement
cette sélection, Bernardi n’a pas eu de peine à montrer que la modernité
politique se pliait effectivement au jugement de Rousseau. Mais c’est au
prix d’une minimisation excessive des différences qui séparent la pensée
de Rousseau de celle de Locke, ou de Montesquieu. Sur l’essentiel, écrit
Bernardi, ces penseurs se rejoignent : la convention, et la convention
seule, est le fondement de l’obligation. Or, justement, il n’est pas du tout
certain que cette thèse constitue une « prémisse » essentielle de la pensée
politique de Locke. Non que Locke n’ait effectivement soutenu cela...
mais on peut douter que la théorie de la convention (comme le problème
du fondement de l’obligation) constitue une aussi bonne voie d’accès
à la philosophie lockienne qu’à la philosophie de Rousseau. Bernardi
admet humblement que la différence entre les deux auteurs est sans
doute plus importante qu’il ne veut bien le dire ; mais, écrit-il, « notre