Mise au point
Mise au point
La Lettre du Rhumatologue - n° 340 - mars 2008
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DES CRITÈRES DE DIAGNOSTIC ?
À ce stade, ces nouveaux critères proposés, malgré leur très
grand intérêt, ne sont que des critères de classification de formes
établies de RIC et ne sont donc pas encore validés dans des
conditions de diagnostic, en particulier précoce. Cependant,
deux études complémentaires portant sur ces critères et menées
sur d’autres populations, ont été rapportées au dernier congrès
américain (10, 11). Elles suggèrent toutes les deux une très
bonne sensibilité de ces critères dans des conditions proches
de celles du diagnostic de rhumatismes inflammatoires récents,
l’une d’entre elles laissant en outre entrevoir une bonne spé-
cificité (11). Ces résultats préliminaires restent cependant en
attente de confirmation.
En pratique
Il apparaît que nous ne sommes pas encore à un stade auquel
nous pouvons faire reposer notre diagnostic en pratique quo-
tidienne sur les critères existants. Nous devons donc conserver
notre démarche qui repose sur l’identification d’un rhumatisme
inflammatoire débutant, associé à un psoriasis actuel ou passé,
ou au moins à un psoriasis familial, ayant éventuellement des
caractéristiques évocatrices de RP, sans argument pour un autre
rhumatisme inflammatoire. Énoncer les choses ainsi donne une
impression de facilité, et effectivement, dans un certain nombre
de situations, le diagnostic est facile (par exemple, survenue de
deux arthrites d’IPP des orteils chez un patient porteur d’un
psoriasis). Mais, dans nombre d’autres cas, elle est beaucoup
plus délicate, parfois pour chacune des quatre étapes décrites,
surtout si nous nous plaçons comme par la suite dans le contexte
de symptômes d’apparition récente. Tout d’abord, chacun sait
bien qu’affirmer cliniquement la nature inflammatoire d’un
rhumatisme débutant n’est pas toujours chose aisée : il est des
situations dans lesquelles l’horaire des douleurs articulaires
ou des rachialgies n’est pas typiquement “inflammatoire”, les
arthralgies ne s’accompagnent pas de synovites indiscutables,
pire encore, des situations dans lesquelles les sièges doulou-
reux ne sont pas articulaires ni rachidiens mais “probablement”
enthésiques. La clinique trouve là ses limites et la recherche
d’un syndrome inflammatoire biologique se révèle en général
négative. Des recommandations d’experts praticiens français
ont récemment été élaborées pour faciliter la démarche dans
certains cas (12). Les clichés radiographiques des mains, des
pieds et des régions symptomatiques, ou de l’axe suivant les
situations, seront toujours de mise, mais on devine leur faible
rentabilité diagnostique à un stade précoce ; de temps à autre,
ils révèleront cependant déjà une périostite, une condensa-
tion phalangienne ou une ostéolyse distale, un pseudo-élar-
gissement articulaire, une sacro-iliite ou un syndesmophyte
débutants, toutes images rendant alors le diagnostic de RP très
probable. Dans la majorité des autres cas, il peut être utile de
confirmer l’existence d’une synovite en échographie doppler
par un opérateur entraîné, ou par une IRM, de confirmer
grâce à ces techniques l’existence d’une enthésite, ou encore
de rechercher une périostite infraradiologique en IRM (13),
une sacro-iliite ou une atteinte inflammatoire du rachis, voire
de visualiser en échographie doppler des enthésites peu ou non
symptomatiques (14-16). Notons cependant qu’aucune étude
n’est actuellement disponible concernant les valeurs prédictives
positives et négatives du diagnostic de RP de ces examens à une
phase précoce. Le deuxième niveau de difficulté est celui du
diagnostic de psoriasis. Il existe des situations dans lesquelles,
face à des lésions cutanées, le diagnostic de psoriasis n’est pas
facile pour les dermatologues ; surtout, il peut être difficile
d’admettre a posteriori ou chez un membre de la famille le
diagnostic de cette dermatose. L’identification des caractéris-
tiques plus spécifiques du RP peut parfois venir conforter le
diagnostic : la présentation souvent oligoarticulaire et asymé-
trique des arthrites au début, l’association à des épisodes actuels
ou passés d’enthésites certaines (talalgies inflammatoires), à
des épisodes axiaux inflammatoires (douleur fessière nocturne,
de la paroi thoracique antérieure, etc.), l’aspect saucissoïde
d’un doigt ou d’un orteil, l’atteinte d’une IPD, un antécédent
d’uvéite antérieure. La recherche de l’antigène B27 est bien
moins utile que dans les spondylarthropathies en général,
puisque la prévalence de cet antigène y est bien plus faible,
de l’ordre de 50 % ou moins suivant les formes. Enfin, l’étape
d’élimination des principaux diagnostics différentiels repose
tout d’abord sur l’interrogatoire et l’examen : en cas de détec-
tion d’autres symptômes ou atteintes, le bilan est étoffé dans
le sens adéquat. En cas de symptômes articulaires isolés, on
recherchera devant des arthrites périphériques, la présence de
facteurs rhumatoïdes et d’anti-CCP ainsi que celle d’anticorps
anti-virus B et C (17). Notons cependant que la présence de
facteurs rhumatoïdes ou d’anti-CCP n’élimine pas le diagnostic
de RP, puisque ceux-ci ont été observés chez respectivement
12 % (18) et 11 % des patients atteints de RP (19). Mais il est
finalement de peu de conséquences d’hésiter à un stade initial
entre un RP et une PR avec du psoriasis personnel ou fami-
lial, à condition de suivre de façon rapprochée ce rhumatisme,
d’obtenir, par une intensification du traitement si nécessaire, un
contrôle de l’activité clinico-biologique, et de veiller à l’absence
de progression structurale.
Tableau VII. Critères CASPAR (3).
Chez un patient ayant une maladie articulaire inammatoire
(axiale ou périphérique), au moins trois points sont nécessaires,
chaque item valant un point, sauf le psoriasis qui vaut deux points
1. Psoriasis actuel, ou histoire personnelle de psoriasis,
ou histoire familiale de psoriasis
2. Dystrophie unguéale psoriasique typique (onicholyse, ponctuation
et hyperkératose, visibles le jour de l’examen)
3. Absence de facteur rhumatoïde
4. Présence de dactylite (gonement global d’un doigt) actuelle ou passée
(notée par un rhumatologue)
5. Signes radiologiques de productions osseuses périarticulaires
(ossication bien dénie, près des interlignes, n’étant pas des ostéophytes),
sur les radiographies des mains et des pieds