●les symptômes musculosquelettiques (tels que cervicalgies,
périarthrite…) étaient plus fréquents chez les patients avec
psoriasis. Ces symptômes généraient plus souvent des
consultations auprès des médecins généralistes chez les
patients avec psoriasis (35 %) que sans (21 %).
Concernant la prévalence du psoriasis au cours des affec-
tions rhumatismales, à notre connaissance, il n’y a pas eu
d’étude conduite sans a priori (cet a priori est que souvent
l’on considère que le psoriasis peut être associé à un rhuma-
tisme inflammatoire, mais pas à une pathologie rhumatismale
dégénérative). Une étude conduite sous l’égide de la Société
française de rhumatologie est intéressante à considérer dans
cette optique. Cette étude avait pour objectif d’évaluer les per-
formances des critères de spondylarthropathies en pratique rhu-
matologique hospitalière quotidienne [6]. Cette étude consistait
à demander à chaque investigateur d’inclure tout malade
venant consulter pendant une semaine. Il est intéressant de
noter que la fréquence d’un psoriasis cutané était de l’ordre de
21,2 % dans le groupe de patients considérés comme souffrant
de spondylarthropathie, mais également de 11,2 % dans le
groupe témoin. Ces chiffres suggèrent que le psoriasis cutané
soit plus fréquemment observé chez les patients souffrant de
spondylarthropathie (21,2 versus 1 à 2 % dans la population
générale), mais également chez tout patient rhumatisant justi-
fiant une consultation auprès d’un rhumatologue.
Les cohortes de patients souffrant d’arthrite récente sont
également intéressantes à considérer. Par exemple, la préva-
lence du psoriasis a été retrouvée à 9,5 % dans la cohorte
anglaise Norfolk [7,8] et à 6,15 % dans la cohorte française
Espoir [communication personnelle].
À notre connaissance, de telles études n’ont pas été condui-
tes chez des patients souffrant d’arthrose, d’ostéoporose, de
périarthrite.
Un autre point curieux au plan de l’épidémiologie clinique
est le fait que la présentation clinique des affections rhumatis-
males en fonction de l’association à un psoriasis cutané n’a été
que rarement évaluée. Concernant les arthrites périphériques, le
devenir à court (un an) et long (cinq ans) terme des patients
souffrant d’arthrite récente, selon la coexistence d’un psoriasis
cutané, a été évalué à partir des données de la cohorte Norfolk.
Ces résultats suggèrent qu’un patient souffrant d’arthrite
récente soit plus à même d’être un homme et d’avoir une séro-
logie rhumatoïde négative en cas de psoriasis concomitant. À
signaler qu’il n’y avait pas de différence en termes de nombre
et de localisation des arthrites, de présence d’enthésiopathie et/
ou d’atteinte axiale entre les deux groupes de patients (avec ou
sans psoriasis concomitant). Le devenir à un ou cinq ans en
terme d’impotence fonctionnelle était identique dans les deux
groupes.
Une autre étude conduite chez les patients souffrant
d’arthrite périphérique ET répondant aux critères de spondylar-
thropathie (ESSG) conclut que le devenir à deux ans était plus
sévère en cas de psoriasis concomitant [9].
Une analyse critique de ces études épidémiologiques per-
mettrait de conclure qu’à ce jour, il n’y a pas de démonstration
nette justifiant de considérer le rhumatisme psoriasique comme
une entité à part entière. Toutefois, il faut aussi reconnaître que
ce champ de recherche n’a été que (curieusement) très peu
investigué et que d’autres études, notamment, prospectives
menées en population générale sont nécessaires. Néanmoins,
dans le cadre des rhumatismes inflammatoires périphériques,
il est raisonnable de conclure que la prévalence du psoriasis
est plus importante que ne le suggèrerait le simple hasard.
In fine, on pourrait se demander si cette reconnaissance
(conférer au rhumatisme psoriasique la place d’une entité par-
ticulière) est importante ou non en pratique quotidienne.
Certains peuvent considérer que cela n’a pas d’importance,
car la prise en charge des patients (évaluation du pronostic,
critères d’évaluation, stratégie thérapeutique…) est basée sur
la présentation clinique (arthrite périphérique versus atteinte
axiale versus atteinte périarticulaire) plutôt que sur un diagnos-
tic précis de la maladie sous-jacente. Par exemple, nombre de
cliniciens considèrent que la prise en charge d’un patient souf-
frant d’atteinte inflammatoire axiale sera la même que le
malade souffre ou non de psoriasis cutané concomitant.
D’autres peuvent considérer que cela est important à consi-
dérer. À ce jour, on ne sait pas si la nature du traitement d’une
présentation clinique particulière (par exemple arthrite périphé-
rique) peut (doit) être influencé par la présence d’un psoriasis
cutané associé. Par ailleurs, certains patients peuvent souffrir
d’un rhumatisme inflammatoire sévère sans pour autant répon-
dre aux critères officiels tels que les critères du Collège améri-
cain de rhumatologie pour le diagnostic de polyarthrite rhuma-
toïde. Il serait dommage que ces patients ne puissent pas
bénéficier des traitements certes onéreux, mais très efficaces
que sont les anti-TNF à cause de cela.
Reconnaître le rhumatisme psoriasique comme une entité
particulière a également des conséquences en terme d’organi-
sation de la rhumatologie :
●création d’un groupe de travail proposant des critères de
classification–diagnostic pour le rhumatisme psoriasique
[10–18] ;
●proposition de critères d’évaluation spécifiques [19] ;
●indication spécifique des autorités sanitaires [2].
C’est l’opinion de l’auteur, qu’avant de considérer le rhu-
matisme psoriasique comme une entité particulière (et donc
de s’embarquer dans toutes ces initiatives), il serait bon de
conduire des études épidémiologiques de qualité pour répondre
aux questions soulevées dans cet éditorial, à savoir : est-ce que
le psoriasis est plus souvent observé au cours des affections
rhumatismales ? Si oui, lesquelles ? Si oui, est-ce que la pré-
sentation clinique et/ou le pronostic de l’affection rhumatis-
male est différent ? Si oui, est-ce que l’affection rhumatismale
observée représente une entité particulière ?
Références
[1] COFER : Collège français des enseignants de rhumatologie. Le précis de
rhumatologie, 800 pages. Masson; 2006.
[2] EMEA. http://www.emea.eu.int/pdfs/human/ewp/489103en.pdf.
Éditorial / Revue du Rhumatisme 74 (2007) 621–623622