TEXTES
Naissance
de
la
Reine morte
Le
10
avril,
Montherlant
arrivé
à Grasse a la surprise de
voir
la
mère
de Jean-Claude Barat, Marguerite Lauze, se jeter à ses
pieds, "à genoux (oui, UN
GENOU
EN
TERRE)
elle a
posé
son visage
contre ma main sous les yeux de son
fils.
Il faut venir
dans
le
Midi
pour
voir
ces
gestes
de
l'Iliade
qui
me rappellent le mot de
Vigny
:
«
Les anciens restaient toujours naturels ; Priam pleure,
Achille
s'ar-
rache les cheveux, etc. (5). »"
La
famille
Lauze,
c'est
une maison pour
passer
les
soirées,
pour
dîner
deux ou trois fois par semaine.
La
portion est congrue
mais Montherlant trouve Jean-Claude et sa
mère intéressants
au
possible.
Il le dira le 14
juin
à Roger Peyrefitte, et
c'est
l'une des
plus belles
lettres
qu'il
ait
écrites.
"Vous
dire la gentillesse de ces
gens
pendant
ce mois est
impossible.
Toutes les attentions. Toutes les
délicatesses.
D'ailleurs
une femme
généreuse
et
«
une belle
nature
». C'est
d'une
qualité
que je n'ai jamais
rencontrée
dans
des cas semblables. Le
côté
dra-
matique est qu'elle est tuberculeuse et probablement perdue :
38°5
à
39°
tous
les soirs ; les deux poumons pris ; elle vient d'avoir un
congé
de cinq mois.
La
tendresse
de la
mère
pour le
fils,
du
fils
pour la
mère,
et moi, qu'elle
mêle
à tout cela (je
pars
chargé
de
près
d'une
dizaine de photos de son gosse à
tous
les
âges)...
Je ne
sais comment exprimer tout cela sinon par ce mot que
j'ai
souvent
lu
de la plume de mon
vieil
ami Fabulet, et que je trouvais un peu
prétentieux
et qui me faisait sourire :
«
Ils ont un
véritable
culte
pour moi.
»
Et pourtant,
c'est
cela. La
scène
que j'attendais a eu
lieu
avant son
départ.
En larmes, elle m'a dit qu'elle ne serait
peut-
être
plus là en janvier (quand je reviendrais
dans
le
Midi)
et m'a
demandé
de ne pas abandonner son
fils,
ce que
j'ai
promis et tien-
drai,
inutile de vous le dire. (J'ai beaucoup fait
déjà
pour eux
dans
tous
les ordres.)
Elle
m'a
répété
un mot du petit qui, trois jours
avant, lui avait dit :
«
Je commence à comprendre ce que ça
peut
être
d'aimer son
père.
»
Divorcée après
quinze jours de mariage, le
petit n'a jamais connu son
père, même
en photo. Nous sommes
convenus que, s'il n'y a pas trop de danger à Paris, il viendra y
passer
quinze jours avec moi cet
été.
J'oubliais
le plus
étrange
de
tout cela : au moment de
cette
promesse que je lui ai faite (de
veiller
sur son
fils),
elle m'a
baisé
la main
!
Et comme le petit
était
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