DOSSIER de présentation Théâtre Demain il fera jour Mercredi 27 novembre →20h30 Texte de Henry de Montherlant /// Mise en scène Michel Fau Avec Léa Drucker Durée : 1h15 (sans entracte) Tarifs: Balcon : 30,50 € / Parterre : 34,50 € Abonnement jeune 3 spectacles : 40,50 € Renseignements et réservations [email protected] 03 89 70 03 13 1 ©Marcel Hartmann 2 SOMMAIRE Résumé, distribution 4 Biographies 5 NOTE D’INTENTION 10 Autour de l’œuvre 11 La Presse en parle 14 Photos 15 Bibliographie / sources 17 → Résumé L'histoire se situe en juin 1944, sous l’Occupation. C’est dans un décor bourgeois d’époque que va se jouer ce drame familial. George et Marie s’entretiennent au sujet de leur fils désirant entrer dans la Résistance. La mère, possessive, en manque d’amour, s'inquiète; le père lâche s'y oppose d'abord, mais l’encourage finalement, non pas par conviction mais par intérêt personnel. Espérant éviter ainsi des ennuis à la Libération… Une tragédie dérangeante, digne des films noirs des années 40, qui nous donne l’occasion de (re)découvrir l'un des grands auteurs du vingtième siècle. Montherlant nous parle ici de l’ambiguïté et de l’inconscience humaine sous l’Occupation. On retrouve le génial Michel Fau à la mise en scène et dans le rôle du père, ainsi que Léa Drucker en partenaire prestigieuse. → DISTRIBUTION Texte : Henry de Montherlant Mise en scène : Michel Fau Assisté de : Damien Lefèvre Avec : Léa Drucker ; Michel Fau ; Loïc Mobihan et Roman Girelli Scénographie : Bernard Fau Costumes : David Belugou Lumières : Alban Rouge Maquillage : Pascale Fau 4 Biographies >>> Henry de Montherlant, auteur 1896 : Naissance le 21 avril à Paris. Enfant unique de Joseph-Marie-Charles Million de Montherlant et de Marguerite-Marie Camusat de Riancey 1905-1907 : Externe au lycée Janson de Sailly. Suit les cours de précepteurs ecclésiastiques 1907-1910 : Externe à l’Ecole Saint Pierre où il est le condisciple de Louis Aragon. Découvre les corridas à Bayonne à l’occasion d’un pèlerinage avec sa grand-mère 1911 : Ecole Sainte-Croix de Neuilly. Entre en classe de philosophie 1912 : Renvoi de Sainte-Croix. Reçu à la seconde partie du Baccalauréat Commence le droit à l’Institut Catholique de Paris. 1913 : pratique Echoue à l’examen de sa première année de droit. Période mondaine, le sport et s’adonne au dessin 1914 : Mort de son père 1915 : Mort de sa mère 1917-1918 : Intègre le 360ème régiment d’infanterie sur le front, est blessé de sept éclats d’obus. Il est affecté au bureau d’interprète de l’armée américaine 1919 : Il est démobilisé et reçoit la Croix de guerre. 1921-1924 : Publie La Relève du matin à compte d’auteur, reçoit le prix Montyon de l’Académie française. Le songe ; Les Olympiques 1925-1928 : Il liquide la maison familiale. Commence une longue période de voyages Séjourne en Espagne, est blessé par un taureau. Convalescence à Tanger, Les Bestiaires 1929 : Publication de l’Exil. S’installe à Alger. Commence La Rose de sable 1932 : Publication de Mors et Vita, textes inspirés par sa guerre de 1918 1934 : Rentre en France. Publication du roman Les Célibataires qui obtient le Grand Prix de Littérature de l’Académie française 1936-1939 : Publication de Les Jeunes Filles ; Pitié pour les femmes ; Les Lépreuses 1940 : Quand la guerre éclate, il devient correspondant de guerre de Marianne. Il est légèrement blessé 1941 : Publication de Solstice de juin. Le livre est interdit par les allemands. 5 1942 : Création de La Reine morte à la Comédie française 1943 : Création de Fils de personne au Théâtre Saint-Georges 1944 : Perquisition de la Gestapo à son domicile 1946-1948 :Edition de Malatesta, création du Maître de Santiago au théâtre Hébertot 1951 : Publication de La Ville dont le Prince est un enfant 1954 : Création de Port Royal à la Comédie française 1960 : Election à l’Académie Française. Création du Cardinal d’Espagne à la Comédie française. 1965 : Création de La Guerre civile au Théâtre de l’Œuvre 1972 : Montherlant se suicide à son domicile quai Voltaire le 21 septembre. Ses cendres sont dispersées à Rome. >>> Michel FAU, metteur en scène et comédien (dans le rôle de Georges Carrion) Après une formation avec Yves Pignot et Julie Ravix, il entre au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique de Paris dans les classes de Pierre Vial, Michel Bouquet et Gérard Desarthe. Sa rencontre avec le poète Olivier Py est décisive (La Servante, Le Visage d'Orphée, L'Apocalypse Joyeuse, Le Soulier de Satin de Claudel, Illusions comiques, L'Orestie d'Eschyle, Les enfants de Saturne...). Michel Fau a mis en scène et joué : Que faire de Mister Sloane ? de Joe Orton avec Charlotte de Turckheim et Gaspard Ulliel, Demain il fera jour de Montherlant avec Léa Drucker, Britannicus de Racine avec Geneviève Page et Agathe Bonitzer, Nono de Sacha Guitry avec Julie Depardieu et Brigitte Catillon, Maison de poupée d'Ibsen avec Audrey Tautou, American buffalo de David Mamet avec Michel Vuillermoz et Nicolas Duvauchelle, Créanciers de Strindberg, Thérèse Raquin d'après Zola... & à l'opéra : Bastien et Bastienne de Mozart, Madame Butterfly de Puccini, Eugène Onéguine de Tchaïkovski, Rigoletto de Verdi, Cosi fan tutte de Mozart, Tosca de Puccini, Le condamné à mort, monodrame de Capdenat d'après Genet... 6 Il joue sous la direction de Jérôme Deschamps (Courteline en dentelles), Philippe Calvario (Une visite inopportune de Copi), Eric Vigner (Othello de Shakespeare), Emmanuel Daumas (L'ignorant et le fou de Thomas Bernhard, L'impardonnable revue), Juliette Deschamps (Le Banquet de Platon), Sébastien Rajon (Le Balcon de Genet), Paul Desveaux (Les Brigands de Schiller), Olivier Desbordes (Le Lac d'Argent de Kurt Weill, Dédé de Christiné), Jean-Michel Rabeux (L'Homosexuel de Copi, On purge bébé de Feydeau), Jean Gillibert (Athalie de Racine), Stéphane Braunschweig (Le Marchand de Venise de Shakespeare), Jean Macqueron (Hyènes de Christian Siméon), Pierre Guillois (Pélléas et Mélisande de Maeterlinck), JeanClaude Penchenat (Peines d'Amour Perdues de Shakespeare), Jean-Luc Lagarce (La Cagnotte de Labiche), Laurent Gutmann (Le Nouveau Menoza de Lenz), Gilberte Tsaï (Tableaux Impossibles), Gabriel Garran (Fragments d'une Lettre d'Adieu... de Normand Chaurette)... On a pu le voir dans des films réalisés par Albert Dupontel, Dominik Moll, Olivier Py, Sophie Blondy, François Ozon, Benoit Jacquot, les"Quiches", Noémie Lvovsky, Michel Hassan, Nina Companeez, Jérôme Le Gris... Il a enseigné au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique de Paris ainsi qu'à l'Ecole Florent. En 1998 il a reçu le prix Gérard Philipe de la Ville de Paris et en 2006 le prix du meilleur comédien du syndicat professionnel de la critique. >>> Léa DRUCKER, comédienne (dans le rôle de Marie Sandoval) Théâtre - ... À la Française ! de et mise en scène Edouard Baer - Théâtre Marigny Demain il fera jour de Henry de Montherlant, Msc. Michel Fau - Festival de Figeac Lucide de Rafael Spregelburd, Msc. Marcial Di Fonzo Bo - Théâtre Marigny Mer de Tino Caspanello, Msc. Jean-Louis Benoit - Théâtre de l'Atelier Jeux de scène de Victor Haïm, Msc. Zabou Breitman - Cérémonie des Molières 2011 L'Amant d’Harold Pinter, Msc. Didier Long - Théâtre Marigny Miam-Miam de et mise en scène Edouard Baer - Théâtre de Nice, Théâtre Marigny Blackbird de David Harrower, Msc. Claudia Stavisky - Théâtre des Célestins (Lyon) Le système Ribadier de Georges Feydeau, Msc. Christian Bujeau -Théâtre Montparnasse Blanc d’Emmanuelle Marie, Msc. Zabou Breitman - Théâtre de la Madeleine 3 jours de pluie de Richard Greenberg, Msc. Jean-Marie Besset - Théâtre de l'Atelier 84, Charing Cross Road d’Hélène Hanff, Msc. Serge Hazanavicius - Théâtre de l’Atelier Nomination pour la révélation théâtrale féminine - Molière 2004 7 - - Dany et la grande Bleue d'après John Patrick Shanley, Msc. John Pepper Théâtre Déjazet Nomination pour la révélation théâtrale féminine - Molière 2001 Extrême nudité de Christiane Liou, Msc. Hans Peter Cloos - Théâtre Essaïon Mangeront-ils de Victor Hugo, Msc. Benno Besson-Les Célestins (Lyon), Th. de la Ville Les vilains de Ruzzante, Msc. Marjorie Nakache - Studio-Théâtre (Stains) Plaidoyer pour un boxeur de M Romano, Msc. Serge Brincat Le projet de Gilles Dyrek, F. Hulné, P. Vieux, A. Lemort, Msc. Gilles Dyrek Le Misanthrope de Molière, Msc. Roger Hanin Lysistratha d’Aristophane, Msc. S Serreau-Labib Le mot de Victor Hugo, Msc. Xavier Marcheschi El Burlador de Sevilla de Tirso de Molina, Msc. Jean-Louis Jacopin Cinéma - Le grand méchant loup de Nicolas Charlet et Bruno Lavaine Je suis supporter du standard de Riton Liebman Je me suis fait tout petit de Cécilia Rouaud La vérité si je mens 3 de Thomas Gilou Pauline et François de Renaud Fely Les meilleurs amis du monde de Julien Rambaldi Une pièce montée de Denys Granier-Deferre Cyprien de David Charhon Coluche d’Antoine de Caunes Le bruit des gens autour de Diastème Tel père, telle fille d’Olivier de Plas Les Brigades du Tigre de Jérôme Cornuau L’homme de sa vie de Zabou Breitman Virgil de Mabrouk El Mechri Akoibon d’Edouard Baer Narco de Tristan et Gilles Bienvenue au gîte de Claude Duty Dans ma peau de Marina de Van Filles perdues cheveux gras de Claude Duty Papillons de nuit de John Pepper Chaos de Coline Serreau Peut-être de Cédric Klapisch….. 8 >>> Loïc MOBIHAN, comédien, (dans le rôle de Gilles Sandoval) Théâtre - Demain il fera jour d’ Henry de Montherlant, Msc Michel Fau - Festival de Figeac - La Tragédie d’Hamlet d'après William Shakespeare, Msc David Géry - Théâtre de la Commune (Aubervilliers) Télévision - Joséphine, ange gardien de Pascal Heylbroeck (Suivez le guide) Famille d’accueil de Dominique Tabuteau (Esprit de corps) Insoupçonnable de Benoît d'Aubert >>> Roman GIRELLI, comédien (dans le rôle du messager) Après une formation de comédien dans la « Classe Libre » de l'École Européenne d'Art Dramatique Florent, Roman Girelli travaille sur de nombreux projets de théâtre avec les metteurs-en-scène suivants : Laurent Gutmann (Scène Nationale de Blois, Centre Dramatique de Thionville-Lorraine), Pierre Guillois (Théâtre du Peuple de Bussang), Jean-François Mariotti (Théâtre Marcelin Berthelot de Montreuil), Antonio Diaz-Florian (Théâtre de l’Épée de Bois, Cartoucherie, Paris), Jean-Pierre Garnier (Théâtre du Marais, Paris), Thomas Condemine, Georges Ghika, Frédéric Jessua et Thibaut Corrion. Au cinéma, il collabore notamment à plusieurs projets du réalisateur Alessandro Avellis, en tant que comédien dans ses films de fiction et voix off dans ses films documentaires. Actuellement, il cherche à créer une dynamique de projets pour la Scène et pour le Cinéma en tant qu’auteur, directeur d’acteur et interprète, avec de jeunes artistes de sa génération. Sa première pièce « Les Célèbres (02) – Hommage à Thomas Bernhard » a été donnée en 2012 à la MC 11 de Montreuil. 9 → NOTE D’INTENTION Mettre en scène en 2012 un texte de Montherlant peut paraître curieux, mais choisir sa pièce la plus secrète et la plus brûlante est carrément audacieux ! Henry de Montherlant auteur vénéré à une époque, un peu oublié aujourd'hui, souvent méprisé par ceux qui le connaissent mal, reste pour moi un des grands poètes dramatiques du vingtième siècle. Je me moque des modes, je choisis d'interpréter cet auteur parce que sa langue et son propos me bouleversent ; le fond dévastateur est lié à la forme raffinée de son style. Montherlant est un auteur à succès quand il écrit "Demain il fera jour" en 1949, mais ce drame dérange, le sujet est délicat et pesant, le public de l'époque n'a sans doute pas très envie d'entendre parler de collaboration et d'épuration ; on parle même d'interdire la pièce ! Au travers de l'histoire de cet avocat qui a plaidé pour un allemand pendant la guerre et qui ne veut pas que son "bâtard" entre dans la Résistance, Montherlant nous parle de l'ambigüité et de l'inconscience humaine sous l'occupation, mais ce qui nous heurte avant tout c'est le manque d'amour entre cet homme odieux, étriqué et sclérosé et sa femme délaissée, égarée et envoutée par son instinct maternel ; entre ce bourgeois misanthrope et cette femme de douleur leur fils non reconnu est sacrifié ; Montherlant rejoint la tragédie antique ! On a souvent reproché à cet auteur comme à Racine, de ne pas respecter les genres ; il y a un humour amer dans cette tragédie en veston, une férocité proche de Thomas Bernhard et un lyrisme précieux ; ce drame de la lâcheté se termine en vertige métaphysique! Pour porter cette parole terrifiée et terrifiante, j'ai la chance d'être le partenaire de Léa Drucker ; elle possède la dérision et la folie pour incarner cette tragédie de la peur et affirmer que Montherlant est un auteur vivant ! Michel Fau 10 → Autour de l’œuvre 1- Lettre ouverte à Montherlant à propos de “Demain il fera jour”, par Manuel de Diéguez (Extrait de Paroles françaises, juillet 1949) Demain il fera jour est, à mon sens, une pièce admirable qui entre au cœur de notre désespoir. Vous aurez l'écho compréhensif de toute une part de la jeunesse qui refuse de s'aveugler sur les hécatombes à venir. On vous cherche toujours à travers vos personnages ; je m'étonne que ce sort ne soit pas réservé à d'autres, qui mettent autant d'eux-mêmes dans leur œuvre et passent pour des saints. Ils ont moins de talent ou plus d'hypocrisie, si bien qu'ils sortent indemnes de l'aventure d'écrire, ce qui n'est pas à leur honneur. Mais le courage de livrer au public le meilleur de soi-même, celui de mettre au grand jour ses lumières et ses ombres, celui, enfin, de passer en jugement pour avoir regardé en soi-même et instruit le procès, cela est d'une hauteur qui rachète de tout. On ne se venge pas d'un écrivain. Ses voix sont celles de l'homme : on voit bien que ceux qui se vengent ne se vengent que d'eux-mêmes. Mais j'en viens à votre ouvrage. Ce qui est terrible dans Demain il fera jour, c'est qu'on n'y trouve aucun appel à ce qu'il y a de meilleur en l'homme, ni aucun appel, d'aucune sorte, à la pitié, ou à l'horreur, ou à l'espoir. C'est le drame du mépris. Et pourtant il fallait que cela fût dit. Il fallait que fût dite la part d'enfer qui s'étend sur nous lorsque étant détachés de notre haute exigence, nous cessons d'exiger de l'homme ce qu'il n'est pas. Les Philistins ne vous le pardonneront pas Car cette pièce n'est que l'envers effroyable et logique de Fils de personne. Certes, vous êtes impitoyable pour votre personnage : mais jusque dans son abjection, comme on comprend son regard inexorable, à ce “croyant” qui se glorifie de n'être pas un père, mais un “homme qui choisit” ! C'est bien votre plus grande audace, d'être entré dans l'univers du mépris; de n'avoir pas jeté le voile de la morale toute faite sur le “méchant” de votre drame. Les Philistins ne vous le pardonneront pas. Mais j'avoue que la souffrance de cette mère est une négation si absolue de l'esprit qu'elle ne m'a pas ému une seconde, tant je comprends un regard sans pardon sur ce pathétique, cet irréalisme, cet effondrement inguérissable dans l'amour. Matière amorphe, charriée au gré d'une pauvre passion, dérangement terrible qui gesticule dans le vide, et dégrade, irréparablement ! Et ce fils dont l'élan est taché de l'affreuse exigence de tuer tous les suspects et les “moins que suspects” pour se retrouver “entre Français”, ce fils est de “mauvaise qualité”! Et va pour une tête! Un homme qui envoie un autre homme se faire tuer en lui montant discrètement la tête est abominable; mais j'ai lu dans les journaux que l'armée comprenait maintenant des sections psychotechniques où l'on donne en peu de temps un goût invincible pour les armes aux sujets les plus rebelles : ce qui éclaire bien les catégories de l'hypocrisie que vous aurez contre vous. Je vous sais gré, pour ma part, d'avoir mis votre scalpel dans cette terrible vérité. D'autant plus que le père laisse sa chance à son fils obéissant, qui, s'il était fortement trempé, ne demanderait d'ailleurs pas de permission. Et le hasard aussi joue son jeu narquois : il s'en faut de peu que la mère 11 seule envoie son fils à la mort, par bêtise. Le père a du moins l'excuse de sauver ainsi sa tête. J'ai lu dans les journaux que le général von Manstein serait seul décapité à Nuremberg, parce que sa décapitation étant demandée par les Russes, fournirait un excellent instrument de propagande antirusse aux Occidentaux. Et va pour une tête ! Quand on voit à quoi servent aujourd'hui les “coupables”, on donne tous les droits aux “innocents” pour sauver leur tête ! La peur qui tue Drame de la peur : dans ce monde du meurtre dont vous avez su donner l'extraordinaire présence, on tue aussi dans le désarroi de la peur. Du moins Carrion a-t-il reconnu jusque dans ses fondements l'univers qui l'entoure ; du moins se reconnaît-il coupable, puisque nous le sommes tous, sans alibi ; s'il voit trop tard le poids de son amour, ne fait-il pas sentir toute la force de l'absurde qui le broie, quand, soudain, à l'instant de son déchirement, il se dégrade dans la peur comme une bête traquée ? N'est-il pas le personnage le plus humain de cette pièce, parce que le seul conscient, lui qui réclame son haut visage de l'homme et ne tue que par hasard, pour se défendre contre l'effroyable hasard de ceux qui l'ont d'avance condamné ? Cette panique d'animal aux abois l'accable : mais ceux qui brandissent le verdict ? La lâcheté des assassinés plaide-t-elle pour les bourreaux? Un terrible réquisitoire Un père fait tuer indirectement son fils pour n'être pas lui-même injustement tué ; système de meurtres fatals qui se neutralisent, nulle part définis, partout commis ; monde grotesque et tragique que la peur révèle à gros traits. Sur la pente de l'assassinat les marches sont glissantes: il est constant qu'on passe du mépris au mépris qui tue. C'est une façon de prendre les idées au sérieux. Il est dangereux de défier par trop l'intelligence, acculée à se défendre. Il y a une façon de ne rien comprendre à rien qui finit par se retourner contre vous ! Je sais qu'on criera au monstre, et on aura pleinement raison. Mais il faudrait aller bien peu au coeur de cette œuvre pour ne pas voir, sous l'atmosphère accablante d'un drame sans échappée, une descente profonde dans le monde moderne, une protestation désespérée, un terrible réquisitoire. Croyez, Maître à mon respectueux attachement. 2- La création « L’année 1946, je dînai chez des personnes qui avaient été, notoirement des « collaborateurs » (économiques), et qui, à la Libération, en avaient eu quelques soucis. A table se trouvaient le fils et la fille de la maison, d’une vingtaine d’années, à qui nul n’adressa la parole de tout le repas, et qui ne prononcèrent pas un mot. Quand on se leva, je vis que le jeune homme boitillait. Notre hôte parut alors se rappeler de son existence. « Je ne sais, dit-il, si je vous ai présenté mon fils. » Il désigna la jambe infirme. « Il a été parachuté trois fois par les Anglais. » De retour, je marquai dans mon carnet de notes : « J’ai la fin de Fils de personne », et j’imaginai ce qu’y deviendraient mes trois héros. » Henry de Montherlant 12 L’idée de Jacques Hébertot était de convaincre Montherlant d’écrire la suite de Fils de personne. C’était un défi très difficile. Car donner Demain il fera jour en spectacle séparé, sans que le spectateur connaisse l’épisode de Fils de personne risquait de rendre cette pièce incompréhensible. Et donner les deux pièces l’une à la suite de l’autre, cela voulait dire sept actes de suite pour le spectateur ! De plus, dans la première pièce, Gillou a 14 ans, et dans la seconde il est un jeune homme de dix-sept ans. Le rôle de Gillou ne pouvait donc être joué par le même acteur. Montherlant néanmoins accepta le défi. La pièce fut écrite en 1948 et créée en 1949 au Théâtre Hébertot. 3- Ce que dit Montherlant à propos de sa pièce : J’ai toujours arrêté mes pièces à temps. Je veux dire avant l’acte final, celui que je n’ai pas osé écrire. Une fois seulement, j’ai écrit cet acte final ; “Demain il fera jour“ est l’acte final de “Fils de Personne“… (Perruchot, Montherlant, NRF) Avec “Demain il fera jour“ j’ai fait un bond, plus haut encore dans la solitude, comme un ballon qui jette du lest. En publiant cette pièce, j’ai cédé à une dernière tentation : celle de faire ce que la plupart des auteurs ne feraient pas. Sortir de sa tranquillité pour appeler sur soi le taureau, du pied, du cri et de la cape, c’est une tentation qui revient périodiquement dans ma vie. Théâtre, Pléiade 4- Citations de Henry de Montherlant, Demain il fera jour « Ce qui dure, c'est l'indifférence. Rien ne tient mieux à l'arbre qu'une branche morte. » « La plupart des hommes recèlent en eux-mêmes leur propre caricature. Et cette caricature ressort un jour, à l'improviste, sous le coup de l'événement. » « Une vie peut être comblée et surmenée, mais le temps est extensible à l'infini pour y faire entrer quelqu'un qu'on aime. » « Après vingt ans d'intimité, on peut se trouver moins unis que si on ne s'était vus qu'une fois. La présence quotidienne, la confiance, les soucis partagés ne créent rien; mieux, il arrive qu'ils séparent. L'habitude sépare. » 13 >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>La presse en parle « Michel Fau exhume une pièce de Montherlant rarement jouée, que l'écrivain a écrite en 49 comme une suite à Fils de personne. C'est une époque où les Français n'ont guère envie d'entendre parler de collaboration et d'épuration. La pièce fait scandale. La mise en scène de Michel Fau dessine un univers bourgeois étriqué et rigidifié qui sue la haine. Loin de tout réalisme, les deux acteurs (Léa Drucker et Michel Fau) trouvent une sorte de lyrisme sophistiqué qui confine à la folie. Le spectacle est empreint d'une atmosphère venimeuse digne des films noirs des années 40 et produit une forte impression. » SortirTélérama.fr « Il y a toujours une belle élégance dans les mises en scène de Michel Fau. Pour la pièce de Montherlant, il nous plonge dans l'univers des années 1940, empruntant les codes du théâtre de l'époque. Côtés décors, sublime travail de Bernard Fau. (…) Romain Girelli, dans un tout petit emploi, est aussi dans le ton. Le duo Michel Fau et Léa Drucker fonctionne à merveille. Jouant des décalages, appuyant un effet, ils font ressortir les tourments de leurs personnages avec une maestria d'orfèvre. Un régal ! » Pariscope « L'écrivain décrit un couple désarçonné et horrifié par l'engagement de son fils dans la Résistance. Une pièce brillante et cruelle. [...] » Le Figaro 14 Photos © Marcel Hartmann © Marcel Hartmann 15 © Marcel Hartmann © Marcel Hartmann 16 → Bibliographie Le Songe de Montherlant Editeur : Gallimard Collection : Folio Service inutile de Montherlant Editeur : Folio Collection : Folio essais Carnets de Montherlant Editeur : Gallimard Collection : Blanche Histoire de la littérature libertaire en France de Thierry Maricourt Editeur : Editions Albin Michel Une Grande génération: Céline, Malraux, Guilloux, Giono, Montherlant, Malaquais, Sartre, Queneau, Simon de Henri Godard Editeur : Gallimard Collection : Blanche 17