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Balard, Michel: Rezension über: Marcus Graham Bull / Damien
Kempf (Hg.), The Historia Iherosolimitana of Robert the Monk,
Rochester: Camden House, 2013, in: Francia-Recensio, 2014-1,
Mittelalter - Moyen Âge (500-1500), heruntergeladen über
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Francia-Recensio 2014/1
Mittelalter – Moyen Âge (500–1500)
Marcus Graham Bull, Damien Kempf (ed.), The Historia Iherosolimitana of
Robert the Monk, Rochester (Camden House) 2013, LXXIV–121 p.,
ISBN 978-1-84383-808-1, USD 50,00.
rezensiert von/compte rendu rédigé par
Michel Balard, Paris
Parmi les nombreuses chroniques de la première croisade, l’œuvre de Robert le Moine eut sans
aucun doute un grand succès: véritable »best-seller« du XIIe siècle, si l’on en juge par les 84
manuscrits répartis dans nombre de bibliothèques et d’archives d’Europe, qui en ont conservé le
texte.
Imprimée pour la première fois à Cologne en 1470, puis à Bâle en 1583, reprise par Jacques Bongars
dans ses »Gesta Dei per Francos« en 1611, enfin par les éditeurs du »Recueil des historiens des
croisades«, l’œuvre de Robert le Moine, très proche des événements dont elle se fait l’écho, n’a pas
manqué de susciter bien des interrogations auprès des savants qui l’ont étudiée.
Le problème le plus controversé est celui de l’identification incertaine de l’auteur. S’agit-il de l’abbé de
Saint-Rémi de Reims, élu en 1096, condamné l’année suivante, sur intervention de l’abbé de
Marmoutier et de l’archevêque de Reims Manassès, pour n’avoir pas su imposer la réforme
monastique à ses moines, réhabilité en 1100, mais contraint à un exil forcé dans un prieuré, Senuc,
non loin de la ville du sacre, et mort en 1122 après avoir été destitué par le pape Calixte II? Faut-il au
contraire ne voir en l’auteur qu’un moine nommé Robert, pressé par son abbé, mal identifié par la
seule lettre »B.« dans plusieurs manuscrits, ou par »Bernardus« ou »Benedictus« dans d’autres, de
bien vouloir réécrire en style châtié les événements de la croisade que les »Gesta Francorum«
avaient exposés gauchement et en omettant le concile de Clermont de 1095, dont l’auteur déclare
avoir été le témoin oculaire? Les auteurs de la présente édition suivent pas à pas les vicissitudes de
l’abbatiat de Saint-Rémi et ses relations avec l’archevêque de Reims, pour conclure qu’il est
impossible d’affirmer avec une totale certitude que l’auteur de l’»Historia« est bien l’abbé de
Saint-Rémi, conclusion à laquelle parvenait également Jean Flori dans son ouvrage sur les
»Chroniqueurs et propagandistes« de la première croisade.
La discussion est tout aussi intense en ce qui concerne la datation de l’œuvre et l’objectif qu’elle se
proposait. Les deux éditeurs réfutent la théorie d’August Krey (1928), selon laquelle la rédaction de
l’»Historia« en ferait un instrument de propagande pour le chef normand Bohémond venu en France
en 1106 avec une copie des »Gesta«, pour susciter l’ardeur des chevaliers contre Alexis Ier Comnène,
accusé d’entraver la croisade. Des rapprochements avec les œuvres de Gilon de Paris, de Baudri de
Bourgueil, seul défenseur de l’abbé de Saint-Rémi, et du »Magdeburger Aufruf«, lettre de
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l’archevêque de Magdebourg aux prélats et seigneurs saxons (1107) conduiraient à fixer la rédaction
de l’»Historia« aux alentours de l’année 1110, un peu plus tôt pour Jean Flori.
Moins de quarante ans séparent la rédaction de l’»Historia« des premiers manuscrits qui en
conservent le texte. La transmission fut en effet rapide grâce aux monastères bénédictins du nord de
la France et aux cisterciens de Bavière, de sorte que deux groupes de manuscrits, provenant des uns
et des autres peuvent être aisément identifiés. Dans le premier cas, il s’agit sans doute d’exalter
l’élection des Français, et pas seulement des Francs, dans la croisade, le plus grand événement
historique, selon l’auteur, depuis la résurrection du Christ, où se distinguent les chevaliers
d’Île-de-France, Hugues de Vermandois, frère du roi Philippe Ier, et le chef normand Bohémond
habilement rattaché à la lignée capétienne. Dans le second, le succès en Allemagne du Sud semble
être dû à la préparation de la seconde croisade, pour laquelle le rappel des événements glorieux de la
première constitue un stimulus. Ceux-ci représentent en effet l’accomplissement des prophéties
annonçant la prise de Jérusalem, qui ouvre à la chrétienté des temps nouveaux, la réalisation d’une
guerre juste, sainte et triomphante non pas du fait des hommes, mais de l’action de Dieu. Aussi le
récit est-il truffé de citations bibliques, mêlées à des références classiques (Ovide, Horace, Lucain,
Virgile), que les éditeurs relèvent lorsqu’elles sont explicites.
La présente édition de l’»Historia Iherosolomitan, comme d’ailleurs celle du »Recueil des historiens
des croisades«, repose sur un seul manuscrit, provenant de l’abbaye de Saint-Amand, et que les
éditeurs considèrent comme le plus proche du texte élaboré et écrit par Robert le Moine, et par
rapport auquel les manuscrits postérieurs n’apportent que des retouches minimes. Ajoutons enfin
qu’en 2005, Carol Sweetenham a donné de l’œuvre de Robert le Moine une traduction anglaise1, de
sorte qu’avec ces deux volumes, texte latin et traduction, l’»Historia« est désormais accessible à tous
ceux qu’intéresse un récit élégant, concret et vivant de la première croisade, disponible dans des
éditions impeccables.
1 Carol Sweetenham, Robert the Monk’s History of the First Crusade. Historia Iherosolimitana, Farnham, Surrey
2006 (Crusade Texts in Translation, 11).
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