P. FOULQUIÉ, M. BOUSSATON
4Revue de l'ACOMEN, 1999, vol.5, n°1
Pendant longtemps, les principales pathologies de la che-
ville dans le domaine de la traumatologie sportive se sont
limitées aux entorses graves avec fractures et arrachements
ligamentaires.
Ces pathologies sont parfaitement bien cernées par l’ex-
ploration radiologique standard associée aux tests dyna-
miques.
En ce qui concerne la thérapeutique, les traumatologues
avaient le choix entre les traitements orthopédiques clas-
siques et la chirurgie qui pouvait aller jusqu’à la mise en
place d’une prothèse de l’articulation tibio-astragalienne
(Figure 1).
- FIGURE 1 -
Prothèse tibio-astragalienne
SCINTIGRAPHIE OSSEUSE ET PATHOLOGIE
DE LA CHEVILLE DU SPORTIF
P. FOULQUIÉ1, M. BOUSSATON2
1Médecine nucléaire - 2Chirurgie orthopédique
- Clinique des Cèdres - 31700 Cornebarrieu
Depuis quelques années, l’évolution de la technicité des
pratiques sportives ainsi que des performances deman-
dées aux sportifs de haut niveau ont permis de dénombrer
un certain nombre de pathologies microtraumatiques qu’il
est parfois difficile de mettre en évidence sur les examens
radiologiques standards.
Ces pathologies microtraumatiques nécessitent de mettre
en œuvre des techniques d’exploration sophistiquées de
façon à aboutir très rapidement au diagnostic .
Ceci permet de mettre en œuvre une thérapeutique adap-
tée et efficace, le but étant d’obtenir la reprise de l’activité
sportive dans des délais les plus brefs afin de respecter les
impératifs sportifs , financiers et médiatiques.
Nous étudierons dans ce chapitre la place de la scintigra-
phie osseuse dans l’évaluation de ces pathologies micro-
traumatiques en essayant de replacer les indications de
cet examen par rapport aux autres techniques d’explora-
tion morphologique spécialisée que sont le scanner et
l’IRM.
Nous nous limiterons à l’exploration des carrefours anté-
rieur et postérieur de la cheville qui , nous le verrons, com-
portent des entités pathologiques bien différentes.
1. Pathologie du compartiment antérieur
de la cheville
1.1. Anatomie du compartiment antérieur de la
cheville :
1.Le plan le plus superficiel correspond aux tendons. Ces
tendons sont bien palpables cliniquement et correspon-
dent de dedans en dehors au jambier antérieur, à l’exten-
seur propre du gros orteil et à l’extenseur commun des
orteils.
2. Le plan ligamentaire et relativement complexe et associe
de nombreuses bandelettes fibreuses unissant les diffé-
rents éléments osseux de cette région.
3. Le plan capsulaire : La capsule articulaire se projette en
arrière du plan ligamentaire et tapisse la surface cartila-
gineuse articulaire tibio-astragalienne de façon étroite.
4. Plan osseux : Ce sont les éléments osseux qui vont nous
Scintigraphie osseuse et pathologie de la cheville du sportif
5
Revue de l'ACOMEN, 1999, vol.5, n°1
intéresser dans cet exposé.
La berge antérieure du tibia est relativement exposée au
traumatisme, elle est tapissée de cartilage.
Le dôme astragalien se situe juste en dessous. Sur sa
partie antérieure se trouve situé le col de l’astragale qui
est le siège fréquent de lésion microtraumatiques de type
ostéophytique. A noter que la surface cartilagineuse s’ar-
rête en avant, à la limite entre le dôme et le col de l’astra-
gale.
Ces éléments sont particulièrement importants à connaître
dans les pathologiques du compartiment antérieur de la
cheville.
Ces pathologies peuvent être séparées en 2 grands grou-
pes.
Nous étudierons tout d’abord les pathologies aiguës qui
s’accompagnent très souvent de lésions ostéocartila-
gineuses ou d’arrachements ostéo-ligamentaires notam-
ment sur la berge antérieure du tibia.
Dans un deuxième temps, nous étudierons les pathologies
chroniques et surtout le syndrome exostosant antérieur
qui peut se compliquer de lésions fissuraires de diagnos-
tic difficile.
1.2. Les pathologies traumatiques subaiguës
Cas clinique n° 1 :
Il s’agit d’un international de rugby de 28 ans qui a pré-
senté une entorse par blocage en rotation forcée.
Lors de l’examen clinique initial, on retrouve un oedème
malléolaire interne. L’interrogatoire ne retrouve pas de
notion d’hématome ni de craquement.
Cette entorse est étiquetée bénigne.
Ce patient bénéficie d’une physiothérapie de 15 jours.
La douleur persiste sur le compartiment antéro-interne, la
mobilité reste normale et la flexion dorsale est douloureuse.
Il est décidé une immobilisation plâtrée de 8 jours.
L’IRM pratiquée en première intention retrouve un épan-
chement intra-articulaire qui a nécessité la ponction de 6
ml de liquide citrin.
Par contre, cet examen ne retrouve pas de lésion osseuse
anatomique.
Devant la persistance des douleurs, une scintigraphie os-
seuse est programmée.
Cet examen retrouve une positivité aux 3 phases.
Sur la phase précoce on note une hyperfixation tissulaire
sur la partie antéro-interne de la cheville droite.
Sur la phase osseuse il existe un aspect d’hyperfixation
hétérogène tout à fait typique des séquelles d’entorse ré-
centes. Par contre, on note un spot d’hyperfixation plus
marqué sur la partie antéro-interne de la berge tibiale (Fi-
gure 2).
Afin de préciser les choses sur le plan morphologique, un
arthroscanner est pratiqué ; cet examen met en évidence
un arrachement de la berge antéro-interne du tibia associé
à un petit fragment osseux , en revanche , pas d’anomalie
capsulaire (Figure 3).
- FIGURE 2 -
Scintigraphie : Fracture récente de la berge antérieure du tibia
- FIGURE 3 -
Arthroscanner : Fragment antéro-interne de la berge du tibia.
Le traitement est arthroscopique, il consiste en l’ablation
du fragment ostéo-cartilagineux associée à une régularisa-
tion à la fraise. Ce patient a repris l’entraînement 3 semai-
nes plus tard et son premier match 5 semaines après l’arth-
roscopie.
Ceci permet donc de discuter de la position relative des
examens spécialisés.
La scintigraphie osseuse aurait due être programmée en
premier car sa positivité affirme la présence d’une lésion
osseuse ou ostéoligamentaire et guide au mieux la réalisa-
tion des coupes scannographiques ou d’IRM.
Le diagnostic posé oriente le geste thérapeutique sous
arthroscopie.
P. FOULQUIÉ, M. BOUSSATON
6Revue de l'ACOMEN, 1999, vol.5, n°1
Cas clinique n° 2 :
Il s’agit d’un patient de 27 ans qui a présenté une entorse
par mécanisme de varus équin (Figure 4).Ce mécanisme
est très souvent rencontré dans les entorses de la cheville
et correspond à l’association du mouvement d’hyperflexion
plantaire à celui de rotation interne de la cheville.
- FIGURE 4 - Mécanisme de varus-equin
L’examen clinique retrouve un oedème péri-malléolaire ex-
terne, une sensibilité pré et rétro-malléolaire externe. La
douleur est élective au niveau de la partie antéro-interne
de ce compartiment. La mobilité est un peu diminuée mais
le testing est stable.
L’examen radiologique est normal. Il est décidé une immo-
bilisation plâtrée de 3 semaines.
A la levée du plâtre, devant la persistance des phénomè-
nes douloureux, une exploration scannographique re-
trouve un petit arrachement sur la partie antérieure de la
malléole péronière (Figure 5). Par contre, pas d’anomalie
morphologique sur la partie antéro-interne de l’articula-
tion.
- FIGURE 5 -
Scanner : arrachement osseux de la malléole externe.
L’évolution clinique n’est pas satisfaisante puisqu’il per-
siste un léger oedème antéro-externe ainsi qu’une douleur
provoquée en flexion dorsale et à la palpation de la région
antéro-interne de cette cheville.
Une scintigraphie osseuse est donc demandée à la recher-
che de lésions actives. Cette scintigraphie met en évidence
la présence de 2 spots d’hypervascularisation précoces
sur les parties interne et externe de la cheville gauche.
Sur la phase osseuse, on note de façon très précise :
- une petite zone d’hyperfixation ponctuelle sur la pointe
de la malléole externe,
- sur la partie antéro-interne, 2 zones d’hyperfixation au
contact correspondant à la partie interne de la berge
antérieure du tibia et au col de l’astragale en regard (Fi-
gure 6).
- Figure 6 -
Scintigraphie : Fracture malléole externe et impaction
compartiment interne.
Ces 2 zones de fixation sont tout à fait typiques d’un mé-
canisme d’impaction.
La positivité des phases précoces prouve le caractère ré-
cent de ces lésions (Figure 7).
Sur le reste de la cheville, on note une fixation hétérogène
tout à fait habituelle dans ces séquelles d’entorse.
Un examen IRM demandé par la suite n’a rien apporté de
plus au diagnostic , il ne retrouve notamment pas d’ano-
malie morphologique sur la partie interne de la cheville.
Il est donc décidé en accord avec les cliniciens de poursui-
vre l’immobilisation de cette articulation et d’engager un
traitement à base de CALCIUM et CALCITONINE, compte
tenu des anomalies par impaction visualisées sur la scinti-
graphie osseuse.
On constate donc que les entorses étiquetées bénignes
sont souvent associées à des lésions ostéoligamentaires
ou ostéocartilagineuses qui prolongent de façon impor-
tante leur guérison et nécessitent un bilan topographique
Scintigraphie osseuse et pathologie de la cheville du sportif
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Revue de l'ACOMEN, 1999, vol.5, n°1
et fonctionnel complet afin d’envisager des gestes théra-
peutiques spécialisés et notamment l’arthroscopie.
- FIGURE 7 -
Phase tissulaire : affirme le caractère récent des lésions.
1.3. Pathologie chronique du compartiment
antérieur de la cheville
Le bilan radiologique standard de la cheville des sportifs
montre souvent des anomalies morphologiques à type de
prolifération ostéophytique très fréquente sur le compar-
timent antérieur de la cheville réalisant le syndrome exosto-
sant antérieur.
Il est difficile sur les seuls examens morphologiques d’af-
firmer le caractère évolutif de ce syndrome exostosant ou
la présence d’une lésion fissuraire surajoutée.
En effet, ces anomalies sont souvent extrêmement limitées
sur le plan topographique et seule la scintigraphie osseuse
permettra de faire le diagnostic.
Cas clinique n°3 :
Il s’agit d’un rugbyman présentant des douleurs chroni-
ques du compartiment antérieur de la cheville droite.
Ce patient décrit plus récemment la récidive de douleurs
sur cette cheville. Le bilan radiologique initial montre un
syndrome exostosant antérieur associant une prolifération
ostéophytique de la berge antérieure du tibia ainsi que du
col de l’astragale situé en regard (Figure 8).
A noter que chez ce même patient la radio standard de la
cheville controlatérale montrait le même type d’anomalie.
- FIGURE 8 -
Radio : ostéophyte antérieur.
La question posée est de savoir s’il existe une pathologie
fissuraire récente sur le volumineux ostéophyte antérieur.
La scintigraphie osseuse montre la présence d’un spot
d’hyperfixation focalisé sur la partie antéro-externe de la
berge tibiale droite. Cette image très focalisée prouve la
présence d’une lésion très certainement fissuraire de cet
ostéophyte (Figure 9).
- FIGURE 9 -
Scintigraphie : Fracture de l’ostéophyte antérieur.
Pour les commodités de l’exposé et afin de prouver la com-
plémentarité entre les images morphologiques et les ima-
ges fonctionnelles, nous avons effectué une image de su-
perposition du cliché radiologique standard effectué en
profil et de la scintigraphie osseuse effectuée dans les
mêmes conditions de positionnement (Figure 10).
P. FOULQUIÉ, M. BOUSSATON
8Revue de l'ACOMEN, 1999, vol.5, n°1
- FIGURE 10 -
Image de fusion Radio/Scintigraphie.
Cette image prouve, de façon évidente que la zone d’hyper-
fixation scintigraphique se situe au niveau de l’ostéophyte
radiologique.
Devant ces éléments, il est décidé de réaliser une arthros-
copie.
Cette arthroscopie retrouve bien sûr le volumineux
ostéophyte antérieur qui paraît mobile sur sa base lorsque
le chirurgien introduit sont palpateur.
Le testing antérieur per-arthroscopie montre bien que
l’ostéophyte vient buter en position de flexion dorsale for-
cée sur le col de l’astragale. C’est ce mécanisme d’hyper-
flexion forcée qui a entraîné sa rupture.
L’ablation de l’ostéophyte au ciseau confirme la fracture
de cet ostéophyte.
Enfin, il est réalisé une régularisation à la fraise.
Le cliché radiologique standard de contrôle effectué le len-
demain est satisfaisant.
Ce patient a repris quelques jours plus tard son activité
sportive habituelle.
Nous voyons donc que l’exploration des pathologies trau-
matiques du compartiment antérieur de la cheville impose
une bonne coordination entre les examens complémentai-
res morphologiques et fonctionnels. Il ne s’agit pas d’op-
poser la scintigraphie osseuse aux autres techniques mor-
phologiques mais au contraire de l’associer afin d’optimi-
ser le diagnostic et surtout d’envisager l’attitude théra-
peutique la plus efficace.
2. Pathologie du carrefour postérieur de
la cheville
2.1. Anatomie
-Les tendons : Il est important de bien connaître les diffé-
rents tendons présents dans cette région. Le tendon le
plus médian est celui du fléchisseur propre du gros or-
teil. Ce tendon passe dans la gouttière postérieure de
l’astragale constitué par ses tubercules internes et ex-
ternes, plus en dedans sont situés les tendons du flé-
chisseur commun des orteils ainsi que du jambier posté-
rieur qui passe derrière la malléole interne.
-Les ligaments : Le plan ligamentaire est relativement
complexe, il comporte de nombreux faisceaux postérieurs.
-La capsule articulaire postérieure : Cette capsule pré-
sente un intérêt physiopathologique majeur dans la me-
sure où elle constitue un élément susceptible d’être trau-
matisé lors des mouvements d’hyperflexion plantaire.
-Les structures osseuses : On décrit de haut en bas la
berge postérieure du tibia, la partie postérieure de l’as-
tragale, la partie postéro-supérieure du calcanéum. La
partie postérieure de l’astragale, appelée plus commu-
nément queue de l’astragale, est constituée de 2 tuber-
cules : le tubercule postéro-externe et le tubercule
postéro-interne. Le plus volumineux est le tubercule
postéro-externe qui présente 3 variations anatomiques.
Dans sa version courte, le tubercule postéro-externe
n’est pas hypertrophié. Le tubercule postéro-externe
peut être hypertrophié réalisant sa version longue com-
munément appelée queue de l’astragale. Il existe fré-
quemment chez les sportifs un os surnuméraire appelé
os trigone qui correspond à la non fusion du noyau
d’ossification postérieur de l’astragale, ce qui est
d’autant plus fréquent chez les sportifs ayant pratiqué
jeune.
2.2. Physiopathologie
Lors des mécanismes d’hyperflexion plantaire, les structu-
res postérieures de la cheville (le tubercule postéro-ex-
terne et la partie postérieure de la capsule articulaire) sont
prises en tenaille entre la berge postérieure du tibia et le
calcanéum (Figure 11).
- FIGURE 11 - Physiopathologie du carrefour postérieur :
Mécanisme de tenaille postérieure.
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