La Lettre du Cardiologue - n° 323 - janvier 2000
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GÉNÉTIQUE
Dans les formes multifactorielles d’insuffisance cardiaque, le
polymorphisme Thr164Ile présent dans le récepteur bêta 2-adré-
nergique a été analysé sur une population de 15 patients présen-
tant le génotype Thr164 et 15 patients appariés (classe fonction-
nelle NYHA, sexe, origine ethnique, âge et étiologie de la
maladie) présentant le génotype Ile164 (L.E. Wagoner, Cincin-
nati, 1281). Les auteurs ont analysé la capacité d’exercice des
patients en fonction de leur génotype. Le polymorphisme, sur ce
groupe de patients, est associé à une altération de la capacité
d’exercice (p = 0,0001). In vitro, le couplage du récepteur variant
Ile164 à la protéine Gs est défectueux. Ce polymorphisme avait
déjà été associé à un mauvais pronostic dans une population de
259 patients (cardiomyopathie ischémique ou dilatée) par la
même équipe (Liggett et coll. J Clin Invest 1998 ; 102 : 1534).
MODÈLES FONCTIONNELS DES ALTÉRATIONS GÉNÉTIQUES
ET ANALYSES DE NOUVELLES MUTATIONS DANS LA CAR-
DIOMYOPATHIE HYPERTROPHIQUE
La description des gènes et des mutations impliqués dans la car-
diomyopathie hypertrophique a été largement réalisée. Cepen-
dant, les relations génotype/phénotype restent ambiguës. Cela est
dû en grande partie au fait qu’il est décrit environ une mutation
différente par famille analysée (mutations privées). Il est géné-
ralement admis que les mutations dans le gène de la protéine C
cardiaque sont associées à un meilleur pronostic que les muta-
tions décrites dans les autres gènes impliqués dans la cardio-
myopathie hypertrophique. D’autre part, les mutations dans le
gène de la troponine T cardiaque conduisent à un taux élevé de
mort subite.
bon PRONOSTIC mauvais
(d’après L.A. Leiwand)
Il semble cependant qu’il soit faux de schématiser, et que le pro-
nostic dépende davantage de la mutation elle-même que du gène
impliqué. J.M. Langlard (Nantes, 4317) a fait état de la recherche
des mutations présentes dans 8 familles (204 individus). L’auteur
a trouvé quatre mutations dans le gène de la chaîne lourde de la
myosine bêta (Asn232Ser,Arg453Cys, Asn479Ser, Gly768Arg)
et deux dans le gène de la protéine C cardiaque (mutation dans
un site donneur d’épissage, exon 6 et DelC447, exon 15) [67 indi-
vidus porteurs de mutations]. Les mutations dans le gène de la
chaîne lourde de la myosine bêta sont associées à une sévérité
variable, alors que les mutations dans le gène de la protéine C
cardiaque ont une pénétrance élevée et un meilleur pronostic. Il
est à noter que le pourcentage de porteurs sains est très élevé, quel
que soit le gène considéré : 43 % (23/54) pour les mutations dans
le gène de la chaîne lourde de la myosine bêta et 46 % (6/13) pour
le gène de la protéine C cardiaque.
Les patients présentant une mutation dans le gène de la troponine
T cardiaque expriment généralement une hypertrophie modérée,
voire nulle, mais montrent une fréquence élevée de morts subites.
Pour tenter de comprendre les bases moléculaires de cette disso-
ciation apparente entre le degré d’hypertrophie et la sévérité de
la maladie, l’équipe de L.A. Leinwand et J.C. Tardiff (Boulder,
1006 et 2599) a créé une souris transgénique exprimant l’ana-
logue de la mutation humaine R92Q de la troponine T à l’état
hétérozygote (les souris homozygotes pour la mutation meurent
8 heures après la naissance). De la même manière que chez les
patients présentant une cardiomyopathie hypertrophique, les
cœurs de ces souris présentent une hypercontractilité et une dys-
fonction diastolique. De plus, ces souris ont une intolérance à
l’effort, avec mort subite au cours des exercices, qui les désigne
comme d’excellents modèles d’étude des cardiomyopathies dila-
tées résultant de mutations dans la troponine T. De nombreux
autres modèles animaux ont été créés (alpha Tropomyosine/rat,
M.K. Spindler, Wuerzburg, 1399 ; Troponine I/souris, J. James,
Cincinnati, 1439, par exemple).
En ce qui concerne le gène de la protéine C cardiaque, les muta-
tions associées conduisent potentiellement à une protéine tron-
quée du côté C terminal à laquelle il manque les domaines de liai-
son majeurs à la myosine et à la titine. J. Flavigny (Paris, 1007)
a analysé l’expression de différents mutants du gène de la pro-
téine C cardiaque conduisant soit à la formation de protéines tron-
quées (trois constructions différentes), soit à la formation d’une
protéine dans laquelle un acide aminé a été substitué (E542Q).
Quelques cellules exprimant la protéine tronquée présentent une
incorporation dans la bande A du sarcomère (10 %), alors que,
dans la plupart des cellules, les auteurs observent une incorpora-
tion diffuse avec ou sans altération de l’organisation myofibril-
laire. La protéine mutante (E542Q) s’incorpore dans la bande A
du sarcomère comme la protéine sauvage. Ces données suggè-
rent que le domaine C terminal de la protéine C cardiaque contient
un site de liaison à la myosine, qui serait responsable de l’incor-
poration des mutants dans la bande A. L’incorporation diffuse
serait due à l’instabilité de ces protéines, résultant de la faible
affinité du domaine C terminal pour la myosine. Cela suggère
que les mutants tronqués peuvent, au moins en partie, agir en tant
que polypeptides poisons sur l’architecture myofibrillaire.
En 1998, il avait été montré que des mutations faux sens dans le
gène de l’actine cardiaque étaient associées à la cardiomyopathie
dilatée (Olson et coll. Science 1998 ; 280 : 750). En 1999, Mogen-
sen et coll. ont demontré que le gène de l’actine cardiaque était
également impliqué dans l’étiologie de la cardiomyopathie hyper-
trophique (J Clin Invest 1999 ; 103 : R39). Jusqu’à présent,
aucune autre étude n’a pu confirmer l’implication de l’actine car-
diaque dans la cardiomyopathie dilatée. En revanche, quatre
autres mutations dans le gène de l’actine cardiaque ont été impli-
quées dans la cardiomyopathie hypertrophique (Pro164Ala et
Ala331Pro, T.M. Olson, Salt Lake City, 3256 ; Tyr168Cys et
Met305Leu, J. Mogensen, Aarhus, 3257). Ces mutations ont été
mises en évidence par criblage systématique (SSCP) de la
séquence codante du gène chez respectivement 372 et 220 patients.
Il est à noter que les mutations Pro164Ala et Ala331Pro n’ont pas
été retrouvées chez les parents des individus atteints, considérés
comme cas sporadiques, ce qui confirme que les cardiomyopa-
thies sporadiques peuvent avoir une étiologie génétique. En
revanche, il est actuellement prématuré de préjuger du mécanisme
moléculaire à l’origine du développement d’une cardiomyopa-
thie dilatée ou d’une cardiomyopathie hypertrophique sur la base
Protéine C cardiaque/Tropomyosine/Chaîne lourde de la myosine bêta/Troponine T